Amir en interview : "Dans 10 ans, j'aimerais que ma parole soit encore pertinente"
Amir est de retour dans les bacs avec "C amir²", la réédition de son dernier album. Ayant retrouvé la lumière après une période compliquée, le chanteur se confie sur ses nouvelles chansons optimistes et sa tournée en cours.

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Propos recueillis par Théau Berthelot.

Dans quel état d'esprit es-tu pour la sortie de ta réédition "C amir²" ?
Assez impatient et heureux. C'est la première fois qu'une réédition me paraissait vitale, qu'elle n'était pas écrite parce qu'on avait envie d'étoffer l'album et de lui donner une seconde vie. Là, c'est concrètement le deuxième volet d'un album qui est né avec une certaine identité, une certaine couleur, qui racontait une période que j'ai traversée, une épreuve de vie. Et cet album m'a tellement guéri. Le fait de partager des parts moins lumineuses de moi m'a permis d'évacuer tant de choses. Dans la période où on a défendu l'album, j'allais déjà tellement mieux que ce que cet album racontait que j'avais besoin de combler cela. J'avais besoin de monter l'envol acquis grâce à ces chansons. C'est en fait la première fois pour moi qu'un album sort en deux temps. Il y a vraiment un premier et un deuxième chapitre. Et ce n'est que maintenant qu'il devient complet.

D'où l'idée de renommer l'album en deux parties : "Vertige" pour la première et "Envol" pour cette réédition !
C'est vrai, alors que quand c'est sorti, elle ne s'appelait pas "Vertige" parce que je ne savais pas qu'il y aurait cette continuité. Pour moi, c'était juste un album qui sortait. Mais le décalage entre ce qu'il racontait et le bien-être que j'ai retrouvé nécessitait quelque chose pour que je sois en phase avec ce que ça raconte et pour que l'album montre vraiment l'évolution.

C'est la première fois qu'une réédition me paraissait vitale

Il y a 10 nouvelles chansons : ça n'aurait pas pu être un nouvel album en tant que tel ?
Tout à fait ! D'abord parce que j'étais dans la même dynamique, qu'il s'est passé peu de temps entre l'écriture des deux, et que j'ai travaillé avec une équipe quasiment similaire. Il s'est vraiment créé un album en deux temps, en deux étapes. On aurait pu mettre plus des chansons, sauf que je préférais réduire le choix à ce qui me paraissait essentiel. Ça veut dire qu'aujourd'hui, dans ce double album, au total, on a 22 chansons. Alors que dans le temps, je sortais un premier volet d'album avec déjà 18 chansons. On est finalement sur un choix très resserré qui a, en soi, l'essentiel et le principal de ce que j'avais sur le coeur et de ce que je voulais raconter.

Tu as vécu un été compliqué, marqué par des appels au boycott autour de tes concerts. Comment te sens-tu aujourd'hui ?
Je t'avoue que ce que le public m'a donné a tellement tout comblé. Ça a remis le bien là où il devait être et ça a montré ce qu'était vraiment la réalité. Je me suis rendu compte qu'à en croire les réseaux sociaux, je devais traverser une catastrophe. Rien qu'à voir l'amour des gens, avec ces festivals remplis uniquement de personnes venues me soutenir et m'encourager à ces concerts joyeux, fédérateurs, des spectacles de paix et de cohésion, la réalité était là. J'en ai tiré une grande leçon qui m'a permis de traverser le reste de l'été et de faire de tout ce vacarme un tout petit bruit sans valeur, et de garder le cap. Le bruit s'est vite estompé et j'ai compris qu'il était en vase clos sur la sphère des réseaux sociaux, et qu'il ne reflétait pas du tout ce qu'il se passait globalement.

Je ne voulais pas inquiéter le public et et me dire que tout s'est arrêté là
On te présente désormais souvent comme "le chanteur franco-israélien", ce qui n'était pas le cas avant.
Je suis fier d'être binational et biculturel. Si les médias décident que c'est ce qu'il faut mettre en avant, il y a des choses à en déduire, mais ça ne change pas grand-chose pour moi. C'est ce que je suis et je ne m'en suis jamais caché. Peut-être que dans une période moins mouvementée, les gens auraient préféré parler musique en premier lieu. Mais si ça permet de faire des clics, c'est le reflet d'une époque.

"Nous", le single de cette réédition, commence sur cette phrase "Ce matin je vais mieux". Aller mieux, c'était le mot d'ordre de cette réédition ?
Absolument. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a choisi ce titre comme premier extrait. On est venus écrire cette chanson dans un regain de vie et d'envie de raconter ce qui se passe quand on va bien. Quand on va mieux même ! Quand on ressort d'une épreuve, le regain de vie est bien plus ressenti. On apprécie les petites choses de la vie. J'avais envie de le raconter, de montrer à quel point le bonheur est revenu, la lumière est revenue. Je ne voulais pas laisser une empreinte d'inquiétude et me dire que tout s'est arrêté là. C'était important, même par respect pour le public, de leur montrer ce qu'il m'a apporté, de leur montrer ce que ces chansons m'ont apporté et, au travers de cet album, de montrer une gratitude pour l'évolution positive des choses. Ça aurait été ingrat de me dire "Je vais mieux, mais c'est pas grave, on leur laisse ça". Il faut donner des nouvelles et la musique me permet de le faire.

Ton album était très personnel. À travers cette réédition, on sent que tu vises plus la lumière. Elle aurait presque pu s'appeler "Lumière" cette réédition !
C'est vrai, c'est tout à fait ça ! Entre "Envol" et "Lumière", ça faisait partie des quelques idées qu'on a eues initialement pour cette partie plus "positive".

Si les gens viennent me voir, c'est qu'ils ont compris mon message
Dans "Je te dis tout", tu te livres en disant notamment : "Dès fois je pleure avant la tournée, peur de décevoir, d'être seul tous les soirs". C'est ce que tu as vécu ?
Oui. Quand on s'engage corps et âme dans un projet, quand on embarque des dizaines de personnes et qu'on les fait travailler sur quelque chose... Le public qui investit, il ne se compte pas par dizaines ou centaines mais par dizaines de milliers. Ce sont eux qui se déplacent pour venir voir un spectacle. La moindre des choses, c'est d'être soucieux de ce que ça va représenter. Je pense que quand on est artiste, le doute est une partie intégrante du fonctionnement de l'âme d'un artiste. Et dans ce doute, on peut avoir peur, on peut craindre de décevoir les gens qui ont travaillé avec nous, ou ceux qui se sont déplacés pour venir voir le spectacle. Et ce pacte-là nous accompagne jusqu'au moment où le spectacle naît et où les gens le découvrent. C'est seulement là qu'on sait si on ne s'est pas trompé. Et encore, parfois, il s'avère qu'on a fait quelques mauvais choix et on les corrige en cours de route le long d'une tournée. Mais oui, ce questionnement et cette idée d'avoir tout ce poids sur les épaules, je pense que personne n'est jamais vraiment habilité à supporter ça. Et tant mieux ! Heureusement qu'on ne prend pas ça à la légère. J'accorde énormément d'importance et de respect envers ceux à qui je vais proposer ce spectacle. J'ai tellement pas envie de me foutre de la gueule des gens, j'ai tellement pas envie de faire un spectacle qui ne leur rend pas ce qu'ils m'apportent au quotidien, parce que c'est inestimable.

Tu parles des craintes pour les spectacles, est-ce pareil pour les ventes d'albums ? Car le marché est de plus en plus compliqué, les albums se vendent de moins en moins...
Depuis toujours, et ça tu peux le retrouver dans des dizaines d'interviews que j'ai faites, j'ai toujours considéré que l'album était un faire-part pour venir voir mon spectacle. Ce que je veux, c'est retrouver les gens dans un concert. L'album est un élément intermédiaire, accessoire. Evidemment qu'on se réjouit quand l'album est un carton. Mais tant que les gens viennent et veulent découvrir les chansons en live, c'est qu'ils ont compris mon message, qu'ils ont compris mon signal et c'est là où, moi, j'arrive à garder une grande satisfaction et l'envie de continuer.

Tu viens de démarrer ta tournée des Zénith et tu t'apprêtes à faire ton premier Bercy en décembre. C'est une date symbolique dans la carrière d'un artiste.
Je suis d'accord avec toi. Ça me ramène à mon premier Olympia : il y a une sorte d'enthousiasme qui est plus important que la pression, plus puissant que la crainte. Déjà, ce Bercy, ce n'est pas la première date. On aura rodé le spectacle. Les premières craintes et les premières peurs ont toutes été estompées quand on a vu les gens se lever et nous donner une vague d'amour qu'on n'oubliera jamais dès la première date de cette tournée. Aujourd'hui, pour moi, c'est un peu facile d'être rassuré pour la suite. Mais même quand il s'agit d'une date qui est un enjeu ou qui restera un grand souvenir, je me dis d'abord que j'ai énormément de chance. On est tous très chanceux de pouvoir monter sur cette scène, d'avoir des gens qui viennent voir notre spectacle. De par la gratitude qu'on éprouve, ça me met en grand enthousiasme. Je n'ai presque pas envie que cette attente se finisse car, une fois que ce sera derrière moi, je sens que j'aurai perdu un peu d'excitation. (Sourire) Pourvu que le temps passe tout doucement !

L'Eurovision, ça ne se vit qu'une seule fois
2026 marquera les 10 ans de ta participation à l'Eurovision. Si on te le proposait à nouveau, tu aimerais revenir ?
Non. Pour moi, c'est quelque chose qui ne se vit qu'une seule fois. Et c'est là que ça prend sa valeur. Il y a bien sûr le phénomène Loreen qui a gagné deux fois, ce sont des choses qui peuvent arriver. J'ai vu aussi que Patrick Fiori parlait de refaire l'Eurovision pour l'Arménie... Évidemment que c'est excitant de pouvoir remonter sur cette scène, mais je pense que de le vivre deux fois, ça n'aura plus la même saveur. Je n'ai pas envie de m'habituer à cette idée. Je trouve ça tellement extraordinaire, tellement phénoménal, qu'il faut que ça reste sacré et précieux. Et ce n'est qu'au travers de cette édition 2016, qui a parsemé des étoiles sur tout le reste de ma vie depuis, et sur toute ma carrière. Je trouve ça tellement grand et j'ai une telle fierté que ce serait dommage de le refaire. Moi j'ai fait tout ce que j'ai pu pour cet Eurovision. J'ai essayé d'amener un maximum de fierté et d'honneur à mon drapeau. Depuis, il y a beaucoup de mes pairs qui y ont été, chacun essaie de faire de son mieux. Et chacun a eu la chance de briller à plusieurs reprises !

Une chanson se nomme "Dix ans". Dans 10 ans, toi, tu te vois où ?
(Rires) J'adore la question ! Ça ne me déplairait pas de te revoir dans 10 ans pour faire une interview. Sur la prochaine grande salle, le nouvel album, pour raconter l'élan de l'industrie de la musique et du disque, toutes ces choses qui nous ont inquiétées, que les boycotts artistiques n'existent plus, qu'on se concentre sur la musique et pas sur tous les à côtés... J'aimerais être là et j'aimerais que ma parole soit encore pertinente, qu'elle vous intéresse et qu'elle mérite sa place.

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
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