Tom Daschier
Propos recueillis par Yohann Ruelle.
Il t'aura fallu un an et demi pour confectionner ce premier album. Pour les fans, ça a été très long... Et pour toi ?
Oui ! Et en même temps, je suis un peu parano. Tu sais, quand tu fais quelque chose et qu'il faut le sortir, tu veux toujours faire des dernières modifications, des trucs comme ça. J'ai passé des mois et des mois à faire des retouches, à refaire des morceaux, à me demander si on a vraiment tout ce qu'il faut, si je raconte l'histoire de la manière dont elle doit être racontée... Il y a aussi ce truc de : il faut le sortir parce qu'il faut que ça corresponde à la personne que je suis quand je le sors, à l'artiste que je suis. Bien sûr, on est voués à s'améliorer, à faire mieux et à raconter d'autres histoires. Mais pour moi, il y a un côté où il faut respecter le propos que tu as envie de raconter au moment où tu as envie de le raconter. Je recevais tellement de messages du type "ça sort quand ?". Et oui, là, je suis très content d'enfin pouvoir le sortir et je suis très content de ce que nous avons réussi à faire.
J'ai eu peur de ça, oui. J'ai eu peur de ça avant de signer avec Twin Music, qui est mon label. J'ai eu peur de signer dans une maison de disques qui verrait plus le côté émission que le côté artiste. Finalement, ça n'a pas été le cas. On m'a vraiment donné carte blanche. On m'a dit : "On a les gens pour créer, on sait avec qui on veut travailler". Moi je leur ai dit : "On va affiner au fur et à mesure, mais il faut qu'on vous me fassiez confiance sur le fait que je sais ce que je veux raconter". Ce qu'il y a dans ce projet, c'est moi et c'est comment je veux le raconter.
Quelle a été la plus grosse difficulté ? Trouver une unité dans le son ?
Exactement. C'était vraiment la vraie difficulté. Ça peut paraître bête ce que je vais dire mais j'adore la musique. (Sourire) J'en écoute énormément, de tous les genres différents, depuis que je suis tout petit. Il y a tellement de genres et d'artistes qui m'ont inspiré, qui m'ont donné envie de faire ce métier ! Caler tout ces genres de musique en gardant une homogénéité et une unité, c'est ça qui était le plus compliqué. Finalement, je suis content de là où nous sommes, de là où nous avons réussi à aller, parce que j'ai respecté le garçon que j'étais, qui est tombé amoureux de la musique et qui a voulu en faire son métier, et en même temps, j'ai respecté le métier dans le sens du médium et du format dans lequel on crée.
L'album s'ouvre par une introduction dans laquelle tu fais parler ton père disparu. Pourquoi ce choix ?
Je suis fan de cinéma. Je suis fan de narration en général et je voulais qu'il y ait une sorte de fil rouge avec plusieurs personnages dans cet album. Il y a les choeurs qui représentent les anges. Il y a cette voix, celle de monsieur Emmanuel Curtil, un comédien que j'aime énormément et dont je suis fan. C'est le comédien de doublage de Jim Carrey, de Simba dans "Le Roi Lion", de Matthew Perry et de plein de gens. Rien que pour Simba dans "Le Roi Lion", un personnage auquel je me suis tellement identifié – et à qui je pense énormément d'enfants des années 90-2000 se sont identifiés – je voulais cette voix ! C'est mon père, parce que la mort de mon père a énormément marqué ma vie. Ne serait-ce que l'homme qu'il était et surtout la trace qu'il a laissée derrière lui a vraiment fait de moi ce que je suis maintenant, en bonne partie, dans les valeurs et dans qui j'ai envie d'être. Pour moi, il me paraît donc assez normal que ce soit un peu la voix qui m'accompagne, qui donne l'impulsion et qui me mette sur les rails de la vie, étant donné que le projet parle de ma vie, de ma naissance à maintenant.
Il y a eu plusieurs déclics. Il y a eu le fait de tomber très bas, de me dire que j'allais peut-être ne jamais réussir à me relever de tout ça. Le vrai déclic positif, ça a été mes proches, l'amour au sens global. Pour moi, l'amour, c'est vouloir du bien à quelqu'un. J'ai eu des gens qui m'ont voulu du bien à un moment donné où moi-même je n'avais plus d'estime de moi. Ce n'était même plus dans ma tête, ce n'était plus dans mon quotidien de me vouloir du bien. Avoir des gens qui m'ont tendu la main en me disant "Mec, tu es quelqu'un, tu mérites de pouvoir faire les bonnes choses pour toi", ça a été vraiment un déclic pour me dire "OK, il faut que j'y aille". On m'a hébergé, on m'a aidé... La rencontre de l'Amour avec un grand A m'a aussi beaucoup chamboulé. S'il y a quelqu'un qui est capable de m'aimer quand je suis au plus bas dans ma vie, ça veut dire que peut-être il y a une partie de moi qui mérite quand même ce bonheur.
Tu as du mal à dire "Je t'aime" à tes proches ?
Plus maintenant. Pendant longtemps, oui, j'ai eu beaucoup de mal à tout dire, que ce soit le positif ou le négatif. Maintenant, je suis quelqu'un qui dit beaucoup "Je t'aime" à ma mère, à mes amis, un peu à tout le monde. Quand j'aime, je le dis.
Ce titre d'album, "Naufragé", il symbolise quoi ?
"Naufragé" est apparu comme une évidence au moment où on a créé le titre. Pour moi, le naufrage en lui-même peut être quelque chose de négatif, mais naufragé, c'est devenu la personne que je suis. La vie te balade entre des événements soit très graves, soit magnifiques. Finalement, je suis plutôt content d'être un naufragé parce que le chemin compte beaucoup plus que la destination. Ces épreuves ont fait de moi qui je suis maintenant. J'ai connu les choses les plus belles qui puissent exister dans la vie, comme les choses parmi les plus dures. L'image du naufrage, et surtout du naufragé, c'est cela. La personne qui subit le naufrage et qui finalement arrête de le subir, et finit par en trouver une certaine satisfaction. J'ai vraiment l'impression d'être passé de la survie à la vie, de maintenant profiter même des choses compliquées. Je sais qu'il y aura un moment où ça ira mieux après. Je profite des moments où ça va pas pour me dire : "Là, c'est le moment où tu es dans le dur, où t'apprends, où c'est un peu galère, et après tu remontes".
Ah, c'est une très bonne question. Quand tu n'es pas prêt à la vivre, quand tu n'as pas déjà vécu les expériences constructives de la vie, cela peut te mettre mal, parce que les gens te renvoient une image qui leur est propre. Et si toi tu ne sais pas déjà qui tu es et ce qui te compose, je pense que cela peut vraiment te déstabiliser. Maintenant, quand tu as réussi à trouver une sorte d'équilibre dans ta vie, ce poids sur tes épaules signifie plus "on va se porter ensemble." Aujourd'hui, je suis content de cette célébrité parce que je la vis plutôt bien. Je vois juste des gens dans la rue qui sont contents de me voir et qui me disent : "Mec, continue de faire tes chansons, j'aime ce que tu fais". Et quand je vois que ça a pu faire du bien à quelqu'un, je me dis : "C'est ça qui est censé être le poids d'un artiste sur ses épaules." Et non pas se dire : "Ah, je n'ai plus de vie privée ou on me regarde comme ce que je ne suis pas." Tant que tu sais qui tu es, laisse les gens penser ce qu'ils veulent de toi. Toi, tu fais ton boulot et c'est déjà bien.
Tu es donc proche de tes fans ?
On se pousse les uns les autres. En fait, la rencontre avec le public a été bouleversante. Vous ne me connaissez pas, et pourtant, vous êtes presque plus à fond dans ma vie que moi ou mes proches. (Rires) C'est fou ! Il y a un côté où ça peut faire peur et en même temps, c'est tellement de positif que ça va, y'a pire.
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Tu partages ton nouveau single "Ça va (quand même)" avec Soprano. Que représente-t-il pour toi ?
C'est un des gars qui m'a donné envie d'écrire pour la musique, d'affûter ma plume. Que ce soit en solo ou avec les Psy 4 de la Rime, l'album "Les Cités d'Or", "Hiro"... Je l'écoutais avec mes frères quand j'étais plus jeune. C'est un gars qui a négocié son virage dans la pop comme un boss, il est respecté partout. C'était dur de ne pas être un peu fan, tu sais. Des fois tu prends du recul, tu dis : "Waouh, il y a Soprano dans mon studio !".
C'est un peu fou. Pour un peu de contexte, mon ingé son s'appelle Philippe Amir, et c'était l'ingénieur d'IAM pendant 15 ans, des Psy 4 de la Rime, de Soprano, d'Alonzo. Il a donc fait les deux premiers projets de Soprano aussi ! On s'est croisé pendant un prime de la "Star Academy" avec plusieurs anciens. Et Soprano était là pour faire un tableau avec Ulysse et Maïa. C'est la publicité, il y a peut-être 30 personnes sur le plateau entre les anciens, les nouveaux, les maquilleuses, les coiffeurs. Tout le monde se lève et nos regards se croisent avec Soprano. Il me dit : "Ça va frérot ?". Je ne l'avais jamais vu de ma vie entière ! On se check et on parle deux minutes. Je lui dis que mon ingé c'est Philippe, qu'on surnomme Mèche, et là, il pète les plombs. Donc je lui dis : "Philippe te voit vraiment sur un son que nous avons commencé à faire". Et il me répond : "Tu es fou, envoie." Je vais dans les coulisses voir mon manager et je lui demande : "Tu as entendu comme moi ce qu'il vient de dire le monsieur ?" (Rires) Donc on lui a envoyé le son et il est venu trois fois en studio pour qu'on puisse le construire ensemble. Tu te sens extrêmement honoré aussi parce que le gars le fait avec le coeur, il est hyper investi, il veut que le morceau soit bien, et en plus, il rappe dessus ! Le gosse en moi était ravi. Je leur ai dit : "Les gars, y'a personne qui va m'empêcher de backer Soprano". Ce sont mes backs dessus en plus. J'étais tout fier.
Que raconte cette chanson ?
Mon projet en général parle beaucoup d'espoir, d'amour et de résilience. Quand Soprano te parle de sa vie, tu vois que c'est un gars qui n'a jamais rien lâché, qui a voulu rendre fiers ses pairs, qui s'est dit : "J'ai une chance de m'en sortir dans mon quartier. Je sais qu'il y en a plein qui ne s'en sortiront pas. Il faut que j'y arrive. Il faut que je devienne aussi un exemple." C'est fou parce qu'il a été un exemple pour toute la France, pour les gens des quartiers, et pour à peu près tout le monde. Cela me paraissait donc logique de s'unir sur un morceau que lui peut autant raconter que moi. Ce morceau, c'est ça : même quand tout a l'air de ne pas aller, t'inquiète, ça va aller.
Sur l'album, tu as aussi collaboré avec Cenzo qui, comme toi, est passé par la "Star Academy". C'est une belle coïncidence !
C'était un peu un hasard parce que lui bosse avec les équipes de Romain Botti, qui a fait toute la réalisation du projet d'Helena et qui est vraiment un super professionnel. Toutes ses équipes bossent hyper bien. On avait programmé une session avec Romain pour faire des sons en plus, et il me dit : "Il y aura tel gars, tel gars, et Cenzo". J'ai trouvé ça trop marrant. J'adore son titre "Changer", je trouve que c'est un super titre. Ce gars est très bon, et ça s'est très bien passé. J'ai même eu un coup de coeur humain pour lui, parce que c'est une crème ! C'est vraiment un super gars. Donc ça s'est fait un peu comme ça. Et nous avons écrit ensemble "Sans moi" et "Naufragé". C'est lui qui a fait la topline sur "Sans moi".
Ce livret, je l'ai écrit un peu avec les larmes aux yeux tout du long, parce c'est l'aboutissement de cette année de travail. Ce sont mes histoires que je raconte, donc il y a tous les souvenirs qui vont avec, et c'était émotionnellement super intense. Ces mots-là lui sont vraiment destinés à elle, comme la chanson "13ème heure". Elle ne sait pas encore ce que j'ai écrit. (Sourire) Quand j'avais 10 ans, j'ai fait un rêve. C'est hyper chelou, mais j'ai rêvé que je voyais un enfant avec des bouclettes brunes, presque noires, des yeux verts et mon sourire. Ce gosse s'appelait Liam. Donc, depuis que j'ai 10 ans, je sais que je veux que mon premier fils s'appelle Liam. Et quand je l'ai rencontrée, je me suis dit : "Si on fait un gosse, il aura cette tête-là", parce qu'elle a les cheveux très bouclés. Pour moi, ça a été un signe de dingue ! Le projet parle de résilience, d'espoir, d'amour et c'était important pour moi de lui faire une déclaration parce qu'elle a représenté ce nouveau souffle. Si elle n'avait pas été là, je ne serais probablement pas là maintenant en train de te parler.
La paternité, tu y songes déjà ?
Oh oui. Je sais depuis que je suis tout petit. Je ne me disais pas seulement "plus tard, j'aurai des enfants", mais plutôt "Je veux être papa, je veux savoir ce que c'est d'être papa." Je pense que le fait d'avoir perdu mon père jeune joue aussi là-dedans, parce qu'il a été littéralement un dieu vivant pour moi quand il était en vie, et une légende même dans ma famille. On en parle, on dirait un symbole. Ce n'était pas quelqu'un de parfait, mais en tout cas, c'était quelqu'un qui nous a montré la voie sur un paquet de choses. La paternité, être père, est pour moi un rêve au même titre que laisser une trace dans la musique. Ces deux rêves sont pour moi au même niveau.
Un mot sur ta tournée, qui a démarré par un concert à Paris et sillonnera bientôt la France entière ?
On sort de cinq jours de résidence. Nous nous sommes acharnés pour faire le meilleur show possible à l'heure actuelle. Je suis très fier des arrangements notamment, et il y a pas mal de surprises sur la scénographie, les lumières, les tenues. Donc, si les gens veulent voir une jolie histoire racontée et surtout faire la fête sur scène avec moi, avec nous, venez, vous êtes les bienvenus !