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Christophe Maé en interview : "Je suis un autodidacte de la vie"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Christophe Maé nous invite à la découverte et au voyage sur son nouvel album "C'est drôle la vie". En interview pour Purecharts, le chanteur relate comment un périple au Cap-Vert sur un coup de tête a donné l'impulsion de ce projet porté par des valeurs "essentielles" comme la fraternité et la famille.
Crédits photo : Parlophone
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

La dernière fois que l'on s'était rencontré, c'était pour la sortie de ton précédent album ''La vie d'artiste''. Une vie d'artiste quelque peu chahutée par le Covid-19 et les confinements successifs. Cette pause forcée a été le point de départ de ce nouveau disque ?
Christophe Maé : En quelque sorte. Je dirais que le point de départ du disque, c'est un mix autour de Cesária Évora que j'ai écouté dans le sud de la France. J'écoutais de la musique cap-verdienne et là j'entends une voix qui me hante : celle de Ceuzany Pires. Je suis allé à la rencontre de cette voix au Cap-Vert. La découverte du Cap-Vert, c'est le fil rouge de cet album. J'avais un numéro de téléphone en poche : celui de José Da Silva, qui était le producteur de Cesária Évora. Je suis arrivé à Praia [la capitale, ndlr] et je l'appelle. Il me dit : "Mais nous, on est à São Vicente, une autre île". C'est un archipel, il y a une dizaine d'îles là-bas. Donc je suis allé à São Vicente, l'endroit où vivait Cesária Évora.

Je n'avais qu'un numéro de téléphone en poche
Cette rencontre avec Ceuzany, qui chante en duo avec toi sur ''Pays des merveilles'', a été une évidence ?
Ça a été immédiat, très naturel. Elle a une forte personnalité ! Je suis allé l'écouter jouer, faire des concerts puis on s'est posé et on a commencé à faire de la musique ensemble. De là est né ''Pays des merveilles'', première chanson que j'ai composée là-bas. Elle raconte dans le refrain en créole capverdien qu'elle a grandi dans un univers où elle était très loin du luxe. Il lui manquait énormément de choses mais il y avait de l'amour à gogo. Ça a été vraiment ce qui m'a donné envie d'écrire, de me reprojeter sur un nouvel album. Je dis toujours que je suis un éternel gamin. C'est vrai ! J'ai toujours ce besoin d'être émerveillé, d'être étonné. C'est le moteur. Sortir de ma zone de confort, c'est ce qui réveille mon inspiration. Je pars tout seul avec un numéro de téléphone quoi ! On ne m'a pas organisé mon voyage. Et que tout se passe à merveille, c'est génial.

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Que connaissais-tu de la culture cap-verdienne ?
Sincèrement, pas grand-chose. Je connaissais Cesária Évora, ses chansons, ses duos avec Selif Keïta, parce que c'est une musique qui me parle. J'ai un père qui est mélomane, musicien de jazz amateur. Il m'a fait écouter des milliers de disques. Là-bas, ça a été une vraie découverte pour moi. Ce qui est magnifique, c'est que j'enregistre avec Ceuzany à Sao Vicente dans un sous-sol de 20m², dans le studio où Cesária Évora enregistrait. Incroyable ! Un endroit très roots, avec une petite console, une petite cabine. Rien que ça... C'est quelque chose qui nourrit l'inspiration, ça a réveillé plein de choses chez moi. De là j'écris "Trop vieux pour être jeune, mais trop jeune pour être vieux", avec une phrase écrite en créole capverdien qui dit "Manana dame saudade esperanza", sur le chemin entre l'espoir et la nostalgie. C'est vraiment là où j'ai les pieds en ce moment. Les gens de ma génération se retrouvent-là, on est un peu entre deux âges. (Sourire)

Là-bas au Cap-Vert, ils te donnent tout
Quelle sont les valeurs dans lesquelles tu t'es retrouvé ?
Ce qui m'a frappé au Cap-Vert, c'est que ce sont des gens qui vont à l'essentiel. La famille, une bonne bouffe, la musique, qui est omniprésente là-bas, le partage... C'est cette générosité, ce côté très instinctif de t'accueillir, tu t'assois à leur table. Ils te donnent tout ! C'est d'une sincérité... Il n'y a pas de filtre, tu n'essaies pas de lire entre les lignes. Il y a un truc qui est vrai. C'est ce qui m'a le plus touché ! Je suis resté là-bas trois semaines, j'ai fait pas mal de soirées. Ceuzany m'a embarqué avec elle, elle m'a traîné un peu partout. (Rires) Un soir je débarque dans un bidonville, elle m'emmène voir des copines : ce sont des batucadeiras du Cap-Vert, un groupe de mamas qui chantent et qui jouent des percus. Elles sont à six comme ça en rond, comme un groupe de gospel, et l'une d'entre elle chante, les autres lui répondent. Et ça m'a fasciné parce que tu tiens pas en place. Et je crois que c'est vraiment ce qui me parle dans cette musique-là aussi. Je sais pas, tu as les épaules, tu commences à bouger, tu danses et t'es en l'air quoi, t'es pas dans le sol. Il y a un truc très charnel. Ça m'a tellement fasciné que j'ai commencé à chanter avec elle et on a sympathisé. Je les embarque avec moi sur la tournée !

C'est vrai ?
Oui, elles me font ce plaisir-là. (Sourire) Il va y avoir une grosse formation. C'est le producteur qui tire la gueule. (Rires) De là-bas, j'ai ramené des souvenirs et ces souvenirs, j'ai envie de les partager avec les gens qui m'apprécient. Donc j'ai pas réfléchi. Là, elle sont dans une démarche de visa pour pouvoir venir au mois de septembre faire la tournée des Zénith. Ça va être incroyable. Je pourrais en parler des heures mais en fait il faut les voir, il faut les écouter.



Quand je parle de moi, je parle de toi, de nous
Au regard des thèmes que tu abordes, j'ai l'impression que c'est un album sur le temps qui passe, sur l'urgence de vivre.
L'urgence de vivre, c'est vrai que c'est un sentiment qui peut ressortir dans cet album à travers les différents thèmes. Cet album s'appelle "C'est drôle la vie". C'est vrai qu'il y a une touche d'humour, elle est drôle la vie, mais en même temps il y a un côté mélancolique, un peu de tristesse. Parce que le temps il trace, le temps il passe. Les chansons ont commencé à naître en sortie de confinement, après cette sorte de punition que le monde entier a vécu, et je crois qu'on a pris une claque. On s'est rendu compte à quel point tout pouvait s'arrêter du jour au lendemain. Je parle de moi dans cet album, des valeurs et des questions existentielles, mais quand je parle de moi je parle de toi, de nous, de l'autre. Je suis dans le vrai. Là, je suis entre deux âges. Dans une chanson je chante « Trop vieux pour être jeune, mais trop jeune pour être vieux ». Je le dis ! « Dans une main mes parents, dans l'autre mes gamins / Entre ce temps qui fout le camp et puis celui qui vient ». Ça peut paraître banal, hein ? Je mesure que j'ai cette chance inouïe. Et ça m'émeut rien que de le dire, parce que je sais que ce n'est pas éternel. Ça, on le vit tous. Je voulais l'écrire. C'est prendre le temps d'aller au fond des choses et amener de la profondeur dans quelque chose qui paraît toujours léger. Comme c'est précieux, j'ai envie de mettre le doigt dessus et d'en parler. Avec le temps qui passe, je donne moins d'importance à des conneries. J'ai envie d'aller à l'essentiel. Tous les ans, je vais en vacances en Corse et je vais brûler un cierge en me disant dans ma tête : "Pourvu que ça dure". J'en ai fait une chanson qui s'appelle "Les bougies". C'est avoir un peu de gratitude, de remercier la vie d'être là. On n'est rien ici, mais on est tellement bien ici...

On ne sauve pas des vies : ça ne reste que des chansons
C'est compliqué de vieillir ? Quand on exerce un métier de l'image ?
Sincèrement, j'ai pas ce rapport-là à la vie. Je me dis pas que c'est compliqué de vieillir ou quoi. Et puis ça dépend, si tu vieillis bien ? (Sourire) Je traverse une période de ma vie où j'ai jamais été autant épanoui qu'en ce moment. Pour plein de raisons, dont celles que je viens de citer. Et puis parce que je relativise. Je prends rien au sérieux. Je suis un gamin ! Là, je prends les choses un peu au sérieux parce que je suis en train de parler d'un album sur lequel j'ai travaillé pendant deux ans ! Mais c'est aussi pour ça que j'ai souvent du mal à parler de mes chansons parce qu'il y a un côté très sérieux. Ça ne reste que des chansons ! On ne sauve pas des vies. Mais à travers mes chansons par contre, j'ai envie de parler de choses qui me tiennent à coeur et de partager ces valeurs-là. J'ai pas envie de diviser : il y en a qui le font suffisamment bien ! Mon rôle c'est de créer du lien avec les gens qui m'entourent, les gens qui viennent me voir sur scène. Je trouve que c'est magnifique de rassembler à travers la musique. L'année dernière, on a fait 120 concerts. J'ai dû jouer devant 400 ou 500.000 personnes, des gens qui ne se parlent pas, qui arrivent d'horizons très différents. Mais pendant 2 heures, on partage les mêmes émotions. Il n'y a rien de plus fabuleux. C'est là où j'ai l'impression de me sentir utile.

C'est toi qui figure enfant sur la pochette de l'album ?
Ça pourrait l'être parce que c'est mon portrait craché ! C'est mon fiston, c'est le plus petit. J'avais pris cette photo il y a quelques années et elle s'est imposée à moi. Je crois qu'il ressemble encore plus à ma mère... J'appelle cette chanson "C'est drôle la vie", je parle de transmission. Et je sais pas, sur cette photo, mon fils Marcel est posé là, on est de bon matin, il a le regard au loin... Il doit avoir trois ou quatre ans. Lui, il a rien demandé pour être là. Il va falloir qu'il se débrouille, dans quelques années ! Moi je vais lui filer des clés, des ficelles, mais c'est lui qui va se construire. Comme moi je l'ai fait. Je suis un autodidacte de la vie. J'ai appris la musique tout seul, je me nourris à travers des rencontres, des gens brillants qui m'ont éclairé. Et lui, qu'est-ce qu'il va pouvoir devenir ? Que va-t-il choisir ? Sera-t-il braqueur, banquier, avocat, chanteur ou footballeur ? Ça lui appartient.



La famille, c'est le secret pour garder les pieds sur Terre ?
Oui. Forcément, c'est ce qui te fait du bien. Avec ma femme, ça fait quasi 20 ans ! Elle était avec moi dans les moments les plus galères. Elle m'a connu dans les piano-bars où elle m'aidait à porter les enceintes pour les ranger dans le coffre arrière d'une bagnole... Je roulais en 4L à l'époque ! Un jour je lui dis : "J'ai trouvé un truc à Paris, viens avec moi". On vivait dans une chambre de bonne de 11m² au septième étage sans ascenseur ! On était les plus heureux. Quand je suis parti de chez mes parents à 17 ans et que je suis allé faire la manche, moi j'ai commencé à exister dans le regard de l'autre. J'ai eu de la considération. J'ai commencé à prendre vachement d'assurance et à me dire "C'est ce que je vais faire". Pour moi, j'avais déjà réussi. C'était magnifique. Alors oui, la famille, c'est le socle, c'est la base, c'est mon moteur de vie. Ce sont les gens qui me portent, me supportent. Quand je pars sur la route chanter mes chansons, loin de la maison, c'est pour mieux les retrouver. Mais c'est aussi comme ça qu'on s'est construit tous ensemble. Pour moi, c'est le secret de la longévité : se manquer pour mieux se retrouver. L'un sur l'autre avec ma femme, au bout du deuxième jour elle me donnerait un coup de pied, elle me supporterait plus. (Rires)

Se manquer pour mieux se retrouver, c'est le secret de la longévité
"Ma femme me saoule", c'est ce que tu dis dans l'une de tes nouvelles chansons !
C'est une déclaration d'amour ! Elle a très bien compris l'intention. C'est ma manière à moi de lui dédier encore une fois une chanson. Elle se casse la tête à mettre un cadre de vie et moi j'arrive, je défonce tout. (Rires) Les gens que je vois le plus, forcément ils m'inspirent : mes fistons, mes parents... La famille, quoi. Il n'y a rien de plus intense, plus fort que ça.

A quoi va ressembler ta future tournée ?
J'ai énormément de chance. Sur ma tournée précédente, j'étais déjà entouré de ces musiciens. Là, je veux parler deux secondes de ces gens qui m'entourent. C'est eux qui me poussent à être là à parler, parce que c'est mon nom d'artiste, c'est moi qui suis devant, mais je suis pas seul. Il y a énormément de personnes autour de moi, des musiciens de talent, des jazzmen qui viennent des quatre coins du monde. L'Afrique est beaucoup présente parce que dans cet album, il y a Angélique Kidjo qui vient du Bénin, Amadou et Mariam qui viennent du Mali, un guitariste togolais du nom d'Amen Viana, Renaud Gensane qui vient de Madagascar, un Danois, un Cubain qui te téléporte là-bas quand il ouvre sa voix... Pour moi, c'est un bonheur. J'ai mis 20 ans je crois à trouver ma couleur musicale. Et depuis la tournée précédente, je l'ai vraiment trouvée, à travers des instruments très organiques et des musiciens de jazz qui viennent insuffler une touche solaire comme ça. Cette musicalité, elle se danse. Il y a un côté très charnel, viscéral. En studio, tant que je ne danse pas, je ne suis pas content ! (Sourire) Cette famille-là sera à mes cotés sur scène. La diversité, c'est une richesse. Elle est loin d'être un obstacle, c'est juste magnifique.

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