Karim Sadli / Marie Rouge / Julian Klincewicz
Vanessa Paradis | "Le retour des beaux jours"
Paradis musical. Il y a 25 ans, Étienne Daho arrivait « au rendez-vous dans l'épaisse fumée ». Aujourd'hui, Vanessa Paradis « entre dans la lumière, le souffle court ». À un quart de siècle d'écart, "Ouverture" et "Coeur ardent" dialoguent comme des jumeaux musicaux. Et ce n'est pas un hasard. Deux ans après le duo "Tirer la nuit sur les étoiles", Daho a accepté de réaliser le nouvel album de Paradis. Un tandem qui sonnait comme une évidence mais qui ne s'était jamais concrétisé sur un disque entier. C'est chose faite avec "Le retour des beaux jours", huitième opus d'une Vanessa Paradis plus solaire et lumineuse que jamais. Oubliez le minimaliste "Les sources" : Vanessa Paradis a des envies d'ailleurs et ça s'entend. Riffs de guitares funky (le tube évident "Les épines du coeur"), choeurs soul ("Bouquet final"), basse rutilante ("Trésor"), envolées lyriques ("Coeur ardent", beau à en pleurer), ballade atmosphérique ("Éléments")... La star de 52 ans s'est amusée comme jamais à créer, à six mains (celles d'Étienne Daho et Jean-Louis Piérot), cet album qui sonne la « mélodie d'un automne acajou ». Du Daho pur jus, aussi bien dans les textes que dans les orchestrations, à tel point qu'on aimerait désormais écouter une version du disque interprétée par le principal intéressé. Seuls les deux titres anglophones ("Make You Mine" et "I Am Alive") semblent un peu en décalage dans ce "Retour des beaux jours" à la classe folle. TB
À zapper : "Make You Mine" et "I Am Alive", plus dispensables
Benjamin Biolay | "Le disque bleu"
Fleur bleue. On avait quitté Benjamin Biolay à toute allure sur le circuit de "Grand prix" puis sous le soleil de Sète pour "Saint-Clair". Des sonorités pop-rock lumineuses, des jolis tubes radio, et un univers parfait pour l'enfant terrible de la chanson française. Aujourd'hui, il revient avec "Le disque bleu", et c'est peu dire qu'il y fait une nouvelle mue. Sur ce double album, partagé en deux faces "Résidents" et "Visiteurs", les guitares reviennent ici et là mais surtout Biolay retrouve son spleen, ses mélodies délicates et ses inspirations latino américaines. Une certaine apesanteur aussi. Un mélange qui cohabite mal sur la première face. Bien sûr, la plume et la voix chaude de Benjamin Biolay font des merveilles ici et là comme sur le titre d'introduction "Le penseur", le chef d'oeuvre du projet, mais peut-être aurait-il dû resserrer ce "Disque bleu" sur un album simple. Car si les 24 chansons sont du pur Biolay (avec ses qualités et ses défauts comme le caricatural "Morpheus Tequila"), la recette finit par ronronner, surtout sur la deuxième face, plus contemplative. A l'heure actuelle, étirer le temps sur un double album épuré est un geste aussi beau que fou. Heureusement, quelques titres viennent pimenter l'ensemble comme le single "Juste avant de tomber", l'évident "Soleil profond" ou l'engagé "Pauline partout, Justine nulle part", porté par une malice communicative et une orchestration dingue qui fera fureur en live.
À zapper : "Morpheus Tequila", "Au ranch", "Les trois amis", "Kika"...
Tame Impala | "Deadbeat"
Arythmies. Après Pétula dans "Cindy", Kevin Parker part en rave party. Avant de rallier les foules sur le dancefloor lors d'un concert géant à Bercy, le chanteur, producteur et multi-instrumentiste derrière Tame Impala donne le tempo sur "Deadbeat", cinquième projet beaucoup plus radical dans son approche. Les inspirations ? La scène rave australienne et la subculture dite bush doof, avec des fêtes organisées dans des bois ou forêts jusqu'au bout de la nuit. Le premier single "End of Summer", avec ses 7 minutes de pure acid house, nous plonge instantanément dans cet imaginaire ! Là où les disques "Currents" (2015) et "The Slow Rush" (2020) offraient un sens fabuleux de la mélodie avec une harmonisation des palettes sonores qui touchait au sublime, "Deadbeat" est volontairement plus artisanal, moins polissé. On entend sur "My Old Ways" ou "No Reply" des bruits parasites, des fragments de démos. Est-ce un mal ? Non, mais cette esthétique plus directe, brute - et fatalement plus brouillonne - ne parlera pas à tous. Pour autant, ceux qui se laisseront happer par les pulsations rythmiques de "Not My World", "Ethereal Connection" ou "Oblivion" (à l'ossature presque reggaeton !) trouveront à coup sûr leur compte à la découverte de ce projet hybride qui aurait mérité d'explorer véritablement cette trajectoire. Plus disco qu'électro, "Dracula" et "Afterthought" ramènent cette épopée sur des territoires pop plus balisés nous éloignant du side project techno auquel Kevin Parker rêvait sûrement.
À zapper : Le délire "Piece of Heaven", hors sujet