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« Je cherche une version féminine de Take That, mais j'aimerais qu'elle soit plus populaire ». Cette phrase prononcée un après-midi de 1994 par Chris Herbert, un agent artistique anglais, a révolutionné l'industrie de la musique. Avec l'envie de lancer un girls band qui saurait séduire les jeunes filles, le manager et son père lancent des auditions auxquelles cinq inconnues nommées Melanie Brown, Melanie Chisholm, Emma Bunton, Geri Halliwell et Victoria Adams se présentent. And the rest, as they say, is history. Propulsées au rang de superstars de la pop en une chanson, le tube "Wannabe", les Spice Girls déferlent sur le monde durant quatre ans et créent une véritable "Spicemania", que le documentaire "Girl Power : ces filles qui ont changé le monde", diffusé ce soir sur Arte, s'évertue à retracer, avec un éclairage passionnant sur l'envers du décor de ce tourbillon étourdissant. « Déchainement sexiste des tabloïds et commentateurs anglais, déboires privés, carrières minées par les problèmes de santé ou de dépression… Toutes ne connurent pas une fortune égale, mais chacune aura souffert du violent revers de la médaille » indiquent les réalisatrices du film, Vari Innes et Alice McMahon-Major.

"Dire non demande du courage"

Cet écrasant poids du succès explique sans doute pourquoi Victoria Beckham a tiré un trait définitif sur les Spice Girls, après leur ultime réunion au complet lors des JO de Londres en 2012. En 2019, celle qu'on surnommait Posh Spice était la seule à manquer à l'appel de la tournée de reformation du girls band, qui a saupoudré une bonne dose de nostalgie dans les stades britanniques. « Dire non demande du courage. Ne pas remonter sur scène avec les Spice Girls m'en a demandé beaucoup. Être celle qui dit je ne le ferai pas parce que les choses me semblent trop différentes de ce qu'elles étaient avant. Je préfère me concentrer sur ma famille et mon entreprise » se justifiait Victoria Beckham dans les pages de Vogue, expliquant avoir « appris à [s'écouter] ». De quoi contrarier sa camarade Mel B : « Je m'attendais à ce qu'elle vienne faire un coucou au moins. Pas sur scène, mais simplement comme spectatrice pour montrer son soutien ».

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Une reformation encore possible ?

Quid de la tournée anniversaire des 25 ans du groupe, qui pourrait lieu en 2023 avec Victoria comme l'espèrent de tous leurs coeur les fans ? Si les tensions et rivalités au sein des Spice Girls n'ont jamais été un secret, de l'eau a coulé sous les ponts et les cinq chanteuses au complet prenaient la pose ensemble en février 2018. Une apparition au célèbre festival Glastonbury a même été évoquée et pourrait bien avoir lieu l'an prochain selon les rumeurs. « C'est mon souhait numéro un. J'aimerais pouvoir dire qu'il y a des spectacles à venir mais je ne peux pas, malheureusement. Nous voulons faire des spectacles, ils ne sont tout simplement pas encore arrangés. Nous parlons constamment d'essayer de résoudre le problème et de le faire fonctionner pour tout le monde » a tempéré Melanie C, pas plus tard qu'hier sur la BBC.

La nostalgie fonctionne, quoi qu'il arrive

Au fond, la question mérite d'être posée : est-ce vraiment si important d'assister aux retrouvailles au grand complet des Spice Girls ? Lors du concert que nous avions vu en juin 2019 à Londres, la ferveur et l'esprit de fête étaient au rendez-vous sous les feux d'artifice, malgré l'absence de Victoria Beckham. « Les Spice Girls ont réussi leur pari : celui de recréer la magie et d'être en communion avec leur public, après plus de 20 ans » écrivions-nous des étoiles plein les yeux, en soulignant les nombreuses blagues et fous rires qui ont rythmé le show : « Les quatre Spice Girls ont visiblement pris autant de plaisir que nous ». Ce n'est plus le groupe qui domine le monde mais bien quatre copines heureuses de raviver la flamme, le temps d'un concert bubble-gum, que les spectateurs nostalgiques sont venus applaudir.

Car si la nostalgie marche à plein régime quand on évoque les Spice Girls aujourd'hui, groupe fierce et libre à la bonne humeur communicative, la spécificité qui a fait la stratégie et la popularité du girls band dans les années 90 - cinq chanteuses, cinq personnalités bien définies, cinq codes couleurs - n'existe plus vraiment. A leur âge, mais aussi au nôtre, l'intérêt n'est pas d'applaudir Baby, Scary, Sporty, Ginger ou Posh, mais de communier tous ensemble avec le même état d'esprit, comme à la belle époque, tout en ayant conscience de cette époque révolue. D'autant que si Victoria Beckham, la fashionista à la moue boudeuse, était un pilier du groupe, elle était aussi plus présente pour son aura que pour ses qualités de chanteuse, avouons-le. Aujourd'hui, ce sont les chansons mythiques des Spice Girls, et les souvenirs auxquelles elles sont associées dans l'esprit et le coeur des nostalgiques, qui sont les véritables stars du projet Spice Girls. "Wannabe", "Say You'll Be There", "Spice Up Your Life", "2 Become 1" ou "Stop" sont devenus de véritables madeleines de Proust pour plusieurs générations de fans. Et si c'était là le seul tour de force qui compte ?