Ycare en interview : "Je n'ai plus peur d'aller vers les gens"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Ycare revient apaisé avec un album qui s'intitule "Ycare". Tout un symbole pour l'artiste, qui a vécu une véritable renaissance artistique et personnelle. Ses nouvelles chansons humanistes, ses rencontres, Marine, l'Eurovision... Il partage un fragment de sa vie et des leçons qu'il a apprises au micro de Purecharts.
Wahib Chehata
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Après plusieurs projets sur lesquels tu t'es prêté à l'exercice du duo, tu reviens seul derrière le micro. C'était un besoin ?
Surtout la nécessité d'apprendre à être seul sans me sentir seul. C'est un but dans une vie. Je m'étais enfermé dans pas mal de solitude avant ces deux albums de duo. Tout au long de ces 15 années de chansons, je cherchais. Je cherchais par tous les moyens, mais je ne savais pas ce que je cherchais. Donc je m'isolais, je m'enfermais dans ma tête et naissaient des albums qui, avec le recul, étaient plutôt déséquilibrés. Il y avait quelques bonnes chansons et puis il y avait des chansons… Tu aurais dû plus réfléchir, prendre le temps. Mais c'est la jeunesse, on apprend ! Il n'y a pas d'école pour être artiste. Et c'est finalement ce confinement et ces deux albums de duos qui m'ont construit. Ça a été une expérience crevante, mais enrichissante comme jamais. D'avoir des artistes de cette envergure-là qui viennent - et ils n'avaient pas besoin d'être là, ils n'ont pas besoin de moi, je ne suis pas Johnny... Ils sont venus du fond de leur coeur et c'est ça qui m'a touché : il y avait cette bienveillance en dénominateur commun. J'en ai pas l'air mais je n'ai pas énormément confiance. Et ça m'a donné beaucoup de force. Ça m'a permis de rencontrer de nouveaux gens, d'élargir le spectre des personnes qui venaient s'intéresser à mon travail et ça m'a permis tout simplement d'apprendre à m'ouvrir plus. À être moins centré. Ill naît de ça l'album, de cette découverte de l'amour au sens large. D'aimer l'autre, de ne plus avoir peur d'aller vers les gens, de parler, d'être d'être vraiment ouvert ! Il arrive à point nommé.

C'est une boucle qui se boucle
J'ai l'impression qu'il y a une renaissance artistique mais surtout personnelle...
J'ai débloqué des choses en moi et c'est intimement lié à la musique. Il naît de nous les chansons qui sont notre reflet, que ce soit dans les notes, dans les mots. La musique, c'est la sève de l'humain. Et ces projets m'ont rempli d'autres choses qui font que je produis autre chose. Je suis beaucoup plus apaisé. C'est vraiment un album qui aurait pu s'appeler "Équilibre". C'est un album d'équilibre. Je l'ai scindé en deux parties, le ciel et la terre. Pour que la terre ait un sens, il faut qu'il y ait un ciel et pour que le ciel ait une nécessité, il fallait bien qu'il y ait une terre sur laquelle pleuvoir.

En prenant la parole pour annoncer ce disque, tu as parlé de dernier album...
Il y a plein de gens qui parlent d'un dernier album pour faire un effet "C'est mon dernier album" ou "C'est ma dernière tournée d'adieu". Au moment où je le dis, c'est très important parce que pourquoi dernier ? C'est une boucle qui se boucle. Sur Ycare en tout cas. C'est un nom que j'ai choisi, c'est un nom d'emprunt : je m'appelle Assane. Et Ycare a finalement été une prémonition. C'est hallucinant que j'ai pu à ce point me brûler si près du soleil... Je ne pensais pas être vivant et heureux, en bonne santé, faire du sport et rire. D'être revenu de tout ça, je me sens tellement chanceux. Maintenant, il y a des salles pleines, il y a deux Olympia, on a fait un Zénith. J'avais du mal à remplir le Café de la Danse il y a trois ans, quoi ! Et les gens viennent et s'y retrouvent. Donc la nécessité que j'ai aujourd'hui, c'est de chanter devant les gens. Faire un album, je ne sais pas. Refaire un album, je ne sais pas. Ce que j'ai à dire là, le message d'amour que j'ai donné, c'est tout ce qu'il y avait dans mon corps et dans mon coeur au moment où on parle. Donc oui, je pense que sous cette forme-là, ce sera le dernier. Cet album en plus, il s'appelle Ycare. Normalement, c'est ton premier album que tu nommes comme ça. (Sourire) La boucle est bouclée. Je viens couronné de fleurs et pas d'épines, parce que c'est un printemps dans ma vie. Je me sens bien. Et il y a du rose, parce que le monde ressemble à comment on le regarde.

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On arrive donc à la fin d'un cycle artistique. Mais ça ne veut pas dire que tu vas arrêter la musique, rassure-moi !
Non, j'aime chanter. (Sourire) Moi quand je fais des chansons, c'est pour les chanter devant des gens. Tu vois, la case disque, c'est toujours un prétexte pour aller faire de la scène. Quand j'écris une chanson, ça a toujours été pour la chanter devant un public.

Je viens couronné de fleurs et pas d'épines
Pour entretenir le lien avec les gens...
Exactement. Ça fait quatre ans que je tourne sans discontinuer depuis le Covid. Ça m'a fait trop mal le Covid, qu'on nous enferme, qu'on ne puisse plus voir des gens. Du coup, j'ai dit : "Je vais faire des duos, je vais toucher tout le monde. On va venir, on va aller chanter". Et depuis, je n'ai pas fait de pause dans ma tournée. Là, je suis en tournée ! Je rechante ce week-end, je rechante le week-end d'après, alors qu'on est en promo pour un nouvel album. Il n'y a pas de cycle en fait, je fais les chansons et je les injecte dans le processus. Là, l'album, il est chanté depuis trois concerts ! J'ai chanté tout le nouvel album. Donc le public a déjà les chansons. Parce qu'en fait, elles sont faites pour ça. Les dix nouvelles chansons se sont imbriquées au spectacle. C'est comme une série Netflix. (Rires) C'est une continuité le live. Tant qu'on n'a pas fini de raconter ça aux gens, je le continuerai de le faire et quand je me dirai "Là, il manque une chanson", peut-être qu'on en fera une. Je ne sais pas si ce sera d'autres albums ou des appendices, je n'en sais rien. Les gens n'écoutent plus tellement d'albums. On est dans le règne des playlists.

C'est vrai. Mais je trouve que ça a quand même du sens de faire un album et de cadrer un projet artistique à l'intérieur de ce format-là. Parfois les chansons prennent leur sens parce qu'elles sont aussi à côté d'autres chansons, non ?
Et là, tu as raison. Et c'est pour ça que cet album, c'est le premier album où je prends la peine d'ordonner les chansons. Avant, je disais : "Voilà les 12 chansons, on les met là". Elles ont une communauté de son et de thématique, évidemment. Mais là tu vois, on commence avec "Tout à apprendre". « Jeter les vieux costumes »... Ça commence par une première phrase qui est utile. Et la partie ciel se clôture avec "Où que tu sois". Tout cet acheminement a un sens. Ça aurait pu être deux EP de cinq chansons par exemple, mais c'est un album, c'est face A et face B d'un vinyle. Et je l'aime cet album. Tout ce qui reste dans mon coeur, c'est de l'amour. À l'époque de la "Nouvelle Star" il y a 15 ans, je n'étais pas le même gars. J'étais un gamin de 25 ans, pas imbu mais qui cherchait une consistance dans une espèce de côté rock arrogant. Mec, tu es chanteur de variétés ! (Rires) Ça a fait son chemin et j'ai de la chance aujourd'hui. J'ai beaucoup de chance.

Dans la première chanson, tu parles de « Terminer le deuil de son ancien soi-même »...
C'est la phrase-clé, ça ! Tu l'as trouvée.

J'ai failli me foutre en l'air mille fois
Le refrain parle aussi de « tout reprendre à zéro ». C'est le sentiment que tu as vécu après ta descente aux enfers ?
Dans cet album, je dis "tu". Je dis "on". Il y a quasiment pas de "je". Ça, c'est la plus grande leçon d'humilité que j'ai apprise à travers les duos d'abord, et tout que j'ai pu vivre d'extrême dans ma vie qui m'a amené à me libérer derrière, à casser ces chaînes-là de l'ego. En fait, la seule guerre, c'est celle qu'on a à l'intérieur de nous-même. Moi, je me suis battu contre moi-même pendant 36 années. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de moi. Aujourd'hui, si je viens en costume alors que je sais que je ne suis pas filmé, si je cours 10 kilomètres, si je marche, si je prends soin de moi, ce n'est pas par amour de ma personne. C'est pour prendre soin des autres. Je veux rendre ce que j'ai compris en passant par mille morts. J'aurais dû mourir, j'ai fini dans des extrémités, je suis allé en after, j'ai vu des horreurs, j'ai vécu des horreurs ! J'ai failli me foutre en l'air mille fois. Et j'en ressors comme ça ? Alors partage-le. Partage qu'on peut être heureux en étant sensible. Que ça ne fait pas de nous des gens fragiles. Partage qu'il n'y a pas de honte à avoir des émotions. Ça fait de nous des gens forts d'assumer cette sensibilité.

C'est tout un chemin de vie pour parvenir à cette conclusion...
Parfois ça dure une adolescence, parfois ça dure une vie. Il y a des gens de 50, 60 ans, 75 ans qui viennent au concert, qui m'écrivent - et je réponds à tout le monde. Des gens qui me disent : "Ça fait 17 ans que je veux me suicider". Une dame qui a les yeux trop bleus pour mourir... Je lui ai dit quand je l'ai vue en vrai : "Vous ne pouvez pas avoir l'oeil aussi clair et voir si noir". Tu vois, il n'y a pas de mauvais temps. Dehors, les nuages sont gris : c'est juste assez pour que le soleil nous manque. Et j'ai mis tout ce temps à le comprendre. Toi, je le sens, tu as fait ton chemin. Mais il y en a qui attendent encore… Donc il sert à ça ce disque. Le rôle d'artiste est, certes, de divertir, mais pas de faire diversion de la réalité. Pour moi, l'évasion n'est pas la solution. L'évasion dans l'ivresse, je l'ai expérimentée. Et aujourd'hui, je suis dans la prise de conscience de voir la réalité telle qu'elle est, sans la fuir, mais avec ce qu'elle a. Ok, la vie est âpre par moments, mais c'est beau aussi. Et c'est ce qui fait qu'on est dans ce monde-là et qu'on est heureux d'y être.




Plusieurs chansons sont imprégnées de spiritualité. Croire, c'est ce qui t'a aidé à remonter la pente ? 
À force de lire et à force d'essayer de comprendre, ma religion, et je le dis sur scène tous les soirs, c'est l'amour. L'amour de l'autre. Toi, je ne te connais pas, mais avant même de te connaître, je pars d'un postulat, je t'aime. Tu es gentil. Je vais passer pour un fou et je m'en fous. Parce que j'ai compris ! J'ai tellement essayé de me battre contre moi-même, à défier l'autre. C'est le mal de notre société. L'amour, c'est le mot le plus détruit de notre civilisation. Quelqu'un qui ne nous ressemble pas, qu'on ne connaît pas, la première chose qu'on va faire, c'est se méfier. "D'où il vient ? Qu'est-ce qu'il me veut ?". Et ben moi, je t'aime. Dès que tu es rentré, j'ai voulu que tu sois bien. Je fais attention aux autres. Avant, je ne regardais que moi. Aujourd'hui, je regarde beaucoup les gens.

"À la Nouvelle Star, j'étais un chien fou"
Pourtant c'est compréhensible. Quand on est artiste, dans la lumière, on est dans un métier d'ego quelque part. On a les regards braqués sur soi. Ce ne doit pas être évident de le gérer...
Quand tu es jeune, tu ne le comprends pas au début. Et tu as raison. Quand je suis arrivé à la "Nouvelle Star", moi j'étais un chien fou ! On m'a mis dans une cage, un octogone sans adversaire, et je me débattais. Je ne savais pas ce qu'il fallait faire. C'est du bruit, de la lumière, des grands yeux, il faut se défendre, sinon il y a des rouges, des bleus... C'est Koh-Lanta le truc ! (Rires) J'ai joué le jeu comme si ma vie en dépendait. Alors que pas du tout ! Pas du tout. On apprend. Oui, il y a de l'ego, mais l'ego est utile pour avoir foi en soi, pas plus. Foi en soi, foi en l'autre, foi au ciel, foi en tout. Mais en soi aussi. Parce que tu as besoin d'exister pour pouvoir aider. Pour être un outil convenable, il faut prendre soin de cet outil. Et aujourd'hui, j'ai appris, voilà, à 40 ans, j'ai compris ça un peu sur le tard. On est dans une société de miroir. Tu vois, il y a beaucoup de réseaux, les gens se filment...

Dans les concerts, c'est terrible. On ne filme plus l'artiste mais soi en train de se filmer devant l'artiste.
Attention, on a vite fait de devenir réac hein ! (Rires) C'est un truc de génération. Faut pas dire : "Ah mais tu as tort de faire comme ça, tu es un blaireau, toi tu n'as rien compris, tu es un jeune". J'ai été ce jeune avant et les anciens me regardaient comme un blaireau. Et donc, qu'est-ce que tu apprends ? Tu vas perpétuer ça et tu vas faire la même chose ? Est-ce qu'un enfant battu est obligé d'être un père qui bat ? Non. Donc il faut apprendre de ça. Et il est là le pardon qu'on trouve dans les beaux livres des religions. Le but ultime de l'humain, c'est d'arriver à se pardonner. C'est ce que je chante dans "Les cités de l'amour". Il ne faut pas stigmatiser ceux qui ne nous ressemblent pas. On peut ne pas être d'accord sans s'entretuer.

Ma religion, c'est l'amour
Les salles de spectacles, c'est justement là où les barrières tombent non ? On se réunit tous, aussi différents qu'on est, parce qu'on aime la musique...
Parce que tout le monde vient attraper la même sensibilité et tout le monde est à la même fréquence vibratoire. Comme dans un stade, tu as l'effet de foule. Tu sais ce que j'aime faire dans les concerts ? Allumer la salle. Les gens au premier rang, ils sont aveuglés. (Rires) Pourquoi ? Parce que je veux voir les gens. Tu vois les Zénith... C'était magnifique mais on m'a allumé la salle et je voyais des points. La pauvre personne qui a pris sept heures de bus pour venir de je ne sais pas où, qui a payé son billet qui est au fond, tu ne peux pas la voir. On ne peut pas faire ça ! Ça m'a fait trop de peine. Donc j'ai besoin que ce soit allumé et de les voir. C'est pour ça qu'on fait deux Olympia. Il n'y a pas de distance ou d'obstacles avec les gens, je parle et j'échange. Quelqu'un tousse ? Je demande s'il veut de l'eau. C'est très simple.




"Le fou et le roi" est une chanson spéciale, puisque c'est une adaptation d'un tube de Coldplay. À qui tu as écrit !
J'étais très loin à la plage et j'ai écrit une fable qui s'appelle "Le Fou et le Roi", comme La Fontaine. C'est une vraie fable, il y a une morale à la fin et tout. J'entends cette chanson, "Viva la vida", et j'ai l'idée de coller le texte sur une instru au violon. Et là... C'est la plus grande mélodie de ce début de siècle. Pour moi, cette chanson est tellement fédératrice, je les ai vus plein de fois dans des stades, Coldplay ! Et donc j'envoie un mail. J'écris une lettre, "Dear Chris, dear band". Je retraduis mon texte en anglais. Je leur dis : "Je veux zéro, je veux rien du tout. Je sais que vous avez refusé à la terre entière. Mais ma démarche est sincère, c'est l'histoire de ma vie, j'ai failli ne pas revenir, c'est une histoire de rédemption de celui qui avait tout mais qui ne savait pas qu'il avait tout. Jusqu'à ce qu'il perde la tête et qu'il comprenne. Et que Dieu lui pardonne". Trois mois après, ils me répondent oui. Et ils m'invitent à venir les voir au stade à Lyon. Bon c'était noir de monde de partout, je ne les ai pas vus. Mais ce n'est pas grave, je ne suis pas là pour faire un selfie. J'ai mon mail ! C'était mon fond d'écran pendant quatre jours le mail. De Phil Harvey, le manager, avec le logo de Coldplay en bas. Mon fond d'écran, je ne mens pas ! C'est incroyable. Puis de la chanter, quelques jours après les avoir vus, aux Arènes de Nîmes, fermer les yeux, les rouvrir et voir les gens qui font "Oh oh oh"… Ah mais ton coeur, il lâche. C'est trop beau, je suis béni.

Si la musique s'arrête, c'est que mon message sera transmis
Et donc, tu te vois continuer encore longtemps ?
Mon label va pas être content du tout que je dise ça mais aujourd'hui, je n'ai plus aucune espèce d'importance. Moi, je vais bien. Si la musique s'arrête, c'est que les gens n'auront plus à m'écouter, que mon message sera transmis. J'ai guéri, je peux vivre, je peux aller courir, aller voyager avec peu d'argent, me balader quelque part et rencontrer les gens, leur poser mille questions... Je ne sais pas ce que je vais devenir dans un an. Je vais terminer la tournée et je ne sais pas ce que je vais faire. C'est pour ça que je dis dernier. Je ne sais pas si je vais voyager, changer de pays. Mon message, peut-être que je dois le dire en portugais ? Si Dieu nous prête longue vie, on peut aller le dire à d'autres, dans d'autres langues.

C'est le sens de ton nouveau single "Mon pays c'est la vie" ?
« Je me lève de bonheur avec la joie au coeur quand je vois le soleil ». On l'a refaite trois fois cette chanson. Au début, elle devait être avec Amadou et Mariam, paix à son âme Amadou. Il devait faire les guitares, c'était validé, ils devaient l'enregistrer et ils sont malheureusement tombés tous les deux très malades. Lui n'a pas survécu. Donc voilà, je la sors comme ça, mais j'ai envie de l'ouvrir cette chanson. De ramener Youssou N'Dour, Sting ou Khaled, on ne s'interdit plus de rêver ! De chanter un couplet en arabe, que sais-je. Parce que je viens de partout : je suis d'origine libanaise, j'ai grandi au Sénégal, je vis en France. Mon pays c'est les gens. C'est la fête, cette chanson ! Et on a fait le clip à Lille. On a tourné dans des troquets du fond de Lille. Je suis allé dans un marché, j'ai bouffé des huîtres à 8h30 du mat avec les poissonniers. J'ai offert des fleurs à une dame après les avoir achetées. J'ai invité des dames qui faisaient la queue au concert, elles sont venues le soir. Je suis allé dans un mariage, je suis rentré, j'ai commencé à chanter avec eux, on était contents. J'ai parlé à un mec qui sortait d'after à midi, il était cuit, il est dans le clip ! Il n'est pas au courant. (Rires) Cette chanson c'est ça, c'est aimer tout le monde là où on est.




Dans ta carrière tu as écrit et compose pour beaucoup d'autres artistes, comme Zaz, Patrick Bruel, Slimane, Amel Bent, Nolwenn Leroy et même Mireille Mathieu...
C'est fou ça. 120 millions d'albums, la dame !

Est-ce qu'il y a une rencontre en particulier qui t'a marqué ?
Comme toutes les histoires d'amour qu'on a dans la vie, elles altèrent notre monde à tout jamais. On ne détombe pas amoureux de quelqu'un. On l'aime pour toujours. Et il fait partie de nous, il change profondément notre ADN. Tu vois, c'est un tatouage. Je pense que tous m'ont apporté quelque chose. Il y a des gens qui sont arrivés à des moments cruciaux, qui ont eu suffisamment de force d'attraction comme les planètes pour changer la trajectoire de ma course, de ma comète. Je pense Axelle Red, Zaz, Patrick Fiori, Patrick Bruel... C'est une ossature très solide ces quatre-là, ils font partie de mon intimité. Moi, Patrick Bruel m'a emmené voir Ed Sheeran à Bercy. Je faisais encore des petites salles. Je lui dis : "Moi après un Olympia, j'arrête ma carrière". Il me tape derrière la tête : "Quand ça commence, tu t'arrêtes ? Tu vois, Ed Sheeran est seul avec une guitare et Bercy n'est pas trop grand". Patrick Fiori est venu à la maison dans mon salon, on a écrit la moitié de son album. Il a été le témoin de mon mariage. Axelle Red est venue à mon mariage, elle a assisté à la dernière fois où j'ai été ivre de ma vie. Avec Zaz, on se ressemble beaucoup dans notre rédemption, dans notre chemin d'existence. Je les aime profondément.

Marine ? Elle va toucher les gens
Tu as récemment collaboré avec Marine sur son premier album mais tu n'es pas aux crédits. Que s'est-il passé ?
La chanson, elle n'y est pas. Un jour on m'a appelé, mon éditeur m'a dit : "Marine est en studio", et comme j'aime beaucoup cette fille, je suis passé une journée et demi. On est resté une après-midi et le lendemain matin à travailler. J'ai essayé de regarder ce qu'ils faisaient, j'ai aidé. C'est tout ! Si c'était concluant, ce serait dans le disque. Ça ne l'est pas... Parfois, ça ne marche pas. Mais j'aime beaucoup cette fille, je lui souhaite mille bonheurs et mille succès qu'elle mérite. C'est une très bonne personne et elle est très douée. J'y suis allé parce que vraiment, j'ai senti quand je l'ai vue à la télé qu'elle avait une fragilité magnifique. Et je n'avais pas soupçonné la force qui allait derrière. C'est quelqu'un qui sait ce qu'elle veut. Parce qu'elle a du caractère ! Elle savait vraiment ce qu'elle voulait. Et alors que ça fait longtemps que je suis là moi, j'étais presque impressionné. Elle va toucher les gens, elle est formidable. Et je lui souhaite vraiment beaucoup de réussite. On n'est pas à une chanson près.

Tu sens que tu arrives à un stade de ta carrière où transmettre et partager à la jeune génération d'artistes, ça prend tout son sens ?
Cette transmission-là, j'en ai envie. Je ne serai pas demain prof à la "Star Academy" mais j'ai envie de dire aux gens, aux jeunes, qu'ils ne soupçonnent pas leur force. En musique ou ailleurs. Aujourd'hui, les jeunes se posent plein de questions parce qu'ils pensent qu'il y a des raccourcis à leurs étoiles. Mais ils apprendront aussi, il faut que chacun fasse son cheminement. Et des fois, il suffit juste d'avoir quelqu'un qui écoute. Un jour pendant un showcase, un jeune musicien est venu me demander conseil et je lui ai dit de regarder les gens. Ça va te faire économiser beaucoup de tourments et de temps.

Tu donneras deux concerts à l'Olympia en mars 2026. Tu l'avais déjà remplie une première fois en 2023...
Je me suis fait tatouer la date sur la peau. (Sourire)

Jacques Brel m'a tout appris
Elle représente quoi cette salle, derrière les lettres rouges ?
Pour moi, c'est Jacques Brel. Ce gars je ne le connais pas évidemment, il est parti, j'étais bébé. Mais j'étais au Sénégal et il m'a appris à jouer de la guitare. Jacques Brel m'a appris à écrire. Il y avait YouTube et je regardais ses chansons, j'écoutais ses disques et après je tapais sur l'ordinateur tous ses textes. Et il me faisait pleurer. Je me suis retrouvé dans lui, dans sa musique, dans tout. Je parle avec mes mains, je suis très expressif. Quand il fait "Ces gens-là", quand il s'arrache les vêtements sur "Mathilde", mais je le vivais jusque dans mon ventre ! Il n'y a pas d'académie pour ça mais c'est Jacques Brel qui m'a tout appris. L'Olympia, il y a fait ses adieux en peignoir ! Et quand j'étais au Sénégal et que j'apprenais à jouer, je disais : "Un jour, je ferai l'Olympia". Tu sais que c'est de l'autre côté de la Méditerranée ! Et pourtant... Serge Lama a dit "Le jour où je fais mon premier Olympia, j'ai fait huit fois le tour du pâté pour voir si mon nom était encore là". Et ben moi, le matin de mon premier Olympia, je suis allé avec ma chérie, on s'est mis en face et j'ai attendu qu'ils viennent installer les lettres. Pour regarder. Et le soir quand j'ai chanté, j'étais déshydraté tellement j'ai pleuré. Tu vois, si c'est une ligne d'arrivée pour beaucoup, sachez qu'on n'est pas tous partis de la même ligne de départ. Il y avait 5000 kilomètres et j'y suis arrivé. (Sourire)

Slimane, Louane... De plus en plus d'artistes confirmés participent à l'Eurovision. Tu as déjà été approché ?
On ne m'a pas approché, mais c'est moi qui approche l'Eurovision, que je le veuille ou pas.

L'Eurovision, j'irai du fond de mon coeur
Dans quel sens ?
Ce pays m'a tout donné, en commençant par cette langue qui est le fil d'or qui rejoint toutes mes cultures : libanaise, sénégalaise et donc française. À un moment donné, il va falloir que je remercie ! Je ne sais pas si on voudra de moi mais avant-hier, j'ai écrit une chanson. C'est drôle que tu me poses la question ! C'est une chanson qui est à moitié en anglais, à moitié en français. C'est la première fois que je fais une entorse à ma francophonie. Pourquoi ? Parce qu'on va être compris par nos concitoyens en français, mais il faut être compris par le reste de l'Europe aussi. Donc je redis exactement ce que je dis en français mais en anglais dedans. J'ai essayé de le faire habilement. Et je n'irai pas seul. J'ai appelé une amie et je lui ai dit : "On y va tous les deux pour représenter la France et dire merci à la France." Elle m'a dit oui. Maintenant, je ne sais pas si on ira parce que je ne force personne. Mais voilà, le message est passé ! Un jour, si on a besoin, j'irai du fond de mon coeur porter du bleu blanc rouge. Du fond de mon coeur. Je ne suis pas le plus populaire mais j'ai toujours cru dans ma vie aux chansons. Et si j'arrive et que je me permets de le dire, c'est que j'ai fait une chanson convenable pour cet événement. Quand j'ai un truc en tête en plus, je suis chiant. (Rires) Demande à Coldplay !

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