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samedi 20 mars 2021 14:44

Raphaël en interview : "La musique est le moyen d'expression idéal de l'amour"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Raphaël revient sous le signe du rock avec son nouvel album "Haute fidélité", décalé de quelques mois en raison du confinement. Sa volonté de se réinventer, son travail d'écrivain, ses duos avec Pomme et Clara Luciani, son bel hommage à Christophe... Rencontre avec un artiste aussi doux que passionnant.
Crédits photo : Arno Lam
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

C'est comment de composer un nouvel album en confinement ?
Le processus n'était pas forcément différent de d'habitude. Le concept du disque était déjà présent avant le confinement. Je voulais faire un album enregistré à la maison, avec des machines, sans qu'il soit policé en studio. Qu'on soit directement dans l'énergie des guitares, des arrangements électroniques, sans passer par plusieurs stades. J'avais cette envie et il se trouve que j'ai pu continuer à le faire pendant le confinement. C'est tombé à pic. Mais je pense que je n'aurais pas fait un disque fondamentalement différent s'il n'y avait pas eu ces circonstances-là.

''Haute fidélité'' devait à l'origine sortir en novembre dernier. Vous l'avez retravaillé ?
Non, je ne l'ai pas retouché. Il a été masterisé cet été au mois d'août. Quand c'est bouclé, c'est bouclé ! On avait déjà sorti des titres. Je n'avais pas envie d'en altérer la substance, je voulais le laisser intact. Si j'avais voulais faire autre chose, j'aurais fait un autre disque.

" Je ne voulais pas d'un disque classique et formaté "
Cet album possède un univers sonore très distinctif, avec des sonorités foncièrement rock, des inspirations venues d'ailleurs, des arrangements électroniques comme sur le titre ''Maquillage bleu''. Quel était votre objectif, musicalement ?
Je ne sais pas si j'avais une idée en tête. Je voulais juste travailler sur une dynamique, quelque chose de rock, qui donne envie de danser, de bouger, qui ne soit ni classique ni formaté, qu'on sente qu'il y ait de la fièvre, qu'on transpire. Haute énergie, haute intensité, c'est tout. Je n'avais pas une référence de son. J'ai écrit tous les textes et j'ai composé beaucoup de ces chansons tout seul, à l'exception de quelques-unes avec Arthur de Feu! Chatterton. Mais c'est un disque de producteur : l'empreinte de chaque personne avec qui j'ai travaillé a transformé les chansons suffisamment pour que ce soit une oeuvre collective. Des maquettes en piano-voix au résultat final, ce ne sont pas les mêmes chansons. Ça a permis de m'emmener ailleurs, de ne pas me répéter. C'est vraiment intéressant de travailler avec d'autres gens, qui viennent d'endroits si différents : Arthur il a une culture rap, Benjamin Lebeau il est à fond dans la musique électronique... Mais on aime tous profondément le rock, The Clash, ce genre de groupes.

Le disque s'accompagne d'une très belle pochette où l'on discerne deux visages et un trou de serrure dessinés sur un portrait de vous. Que symbolise-t-elle à vos yeux ?
C'est Mathias Augustyniak du studio M/M qui a réalisé ce dessin. C'était son idée, il l'avait réalisé avant qu'on décide de l'utiliser pour la pochette. Il voulait que le dessin se plaque sur un visage. Jean-Baptiste Mondino a réalisé la photo. Je ne sais pas, peut-être que je suis multiple, c'est comme ça qu'il me voyait. Avec des univers différents dans la même tête. Je la trouve belle cette pochette, elle est mystérieuse, étonnante, c'est comme une oeuvre d'art. Je trouvais intéressant de ne pas montrer juste ma gueule. (Sourire) Elle reflète bien cet album libre.

Regardez le clip "Personne n'a rien vu" de Raphaël :



" C'est assez personnel de parler d'amour "
Il est essentiellement question d'amour dans vos nouvelles chansons. Vous teniez à faire passer un message, vu le contexte actuel ?
J'aime les chansons d'amour, vraiment. C'est ce qui m'intéresse le plus. Je trouve que dans la chanson, il y a un mystère du sentiment amoureux qu'on peut cerner, plus que dans d'autres arts. La musique est le moyen d'expression idéal de l'amour. Je raconte juste ma vie. Je ne voulais parler que de ça, je ne voulais penser qu'à ça, vivre que de ça. Je ne sais pas si l'amour est la solution à tout mais c'est ce que tout le monde recherche. Peut-être que ça va faire du bien aux gens d'écouter des chansons d'amour. On est dans une époque tellement réaliste. Le fait d'avoir un disque de rock, romantique, d'amour, peut-être que c'est une évasion.

Vous l'avez pensé pour la scène ?
Il n'a pas besoin de la scène pour vivre, ce disque. Il a un monde qui marche bien sous cette forme. Les concerts, c'est une manière de le faire vivre différemment. J'ai fait quelques sessions live et le rendu est vraiment super. Mais ces chansons peuvent s'épanouir sur disque aussi.

Dans la chanson-titre ''Haute fidélité'', vous chantez « Ne baisse jamais ton masque ». C'est un double sens de lecture volontaire ?
Bien sûr. On porte tous des masques toute la journée, ceux qui sont devenus notre quotidien avec la pandémie, mais il y a aussi les masques de la vie, qu'on porte en société. Cette chanson, c'était l'idée de laisser l'amour venir mais de garder quelque chose de secret, qui n'appartient qu'à soi. C'est assez personnel de parler d'amour, finalement. C'est compliqué de chercher l'universel. L'universel il vient parce que les gens se ressemblent beaucoup, je pense. Moi quand j'écris, je ne me dis pas que je vais parler du plus grand dénominateur commun. Non, je veux parler de ce que je vis, ce que je ressens, de manière intime et puis peut-être que quelqu'un va écouter et se dire que ça fait écho à sa propre vie. Ça doit venir de l'intime, sinon ce sont des généralités et des banalités. Quand j'écoute la musique de Dolly Parton des années 60, j'ai réellement l'impression qu'elle parle de ma vie. Pourtant je suis loin d'être une chanteuse country américaine. (Rires) C'est la force de l'écriture.

" Pomme est une interprète merveilleuse "
L'album renferme un très beau duo avec la chanteuse Pomme qui s'intitule ''Le train du soir''. Comment est née cette collaboration ?
Elle avait écrit un message sur les réseaux sociaux pour dire qu'elle aimait beaucoup l'une de mes chansons qui s'appelle ''Retourner à la mer''. Elle m'avait proposé de venir à un de ses concerts et on s'était rencontré comme ça. En octobre 2019, au moment où j'enregistrais l'album, juste avant la sortie du sien, ''Les failles'', on a pris un café et je lui ai dit : ''J'ai fait cette petite chanson, viens on va l'enregistrer''. On y est parti directement, il était cinq heures de l'après-midi. C'était tellement gracieux, tellement simple, tellement libre. Au début, elle ne devait faire que les choeurs et puis c'était tellement beau quand elle chantait que je lui ai dit : ''Vas-y, chante un couplet''. Quand tu chantes avec une interprète pareille, quelqu'un qui a une aussi belle voix, c'est merveilleux.




Le fait d'inviter Pomme et Clara Luciani, c'est aussi une façon de transmettre le flambeau à la nouvelle génération ?
Ce sont les personnes avec qui j'avais envie de travailler, je ne me suis pas vraiment posé la question. Il se trouve que les deux ont remporté une Victoire de la Musique l'an dernier, mais on avait enregistré nos duos avant. Clara je la connais bien, elle faisait partie de mon groupe en 2015-2016, on est monté sur scène 70 fois ensemble, c'est une amie. Arthur Teboul, c'est Christophe qui nous a présentés. Pour moi, c'étaient les plus doués. Il se trouve qu'ils ont tous eu beaucoup de succès ! (Sourire) J'en suis heureux pour eux, je suis fier d'eux. C'est magnifique quand leur musique peut résonner comme ça.

" Christophe était électrique et nocturne "
Vous venez de l'évoquer : la chanson ''Norma Jean'' est un bel hommage au regretté Christophe, qui était votre ami. Quels souvenirs vous laisse-t-il ?
Sa musique. Elle lui ressemble vraiment. Quand on l'écoute, on a l'impression qu'il vous parle. Sa musique c'était lui : elle est délicate, étrange, électrique, nocturne.

La chanson est venue d'elle-même après sa disparition ?
Oui, quelques jours après. Je relisais les e-mails qu'on s'envoyait. Elle est partie d'une phrase qu'il m'a écrites, c'est comme si je lui répondais. C'était un moment comme ça où j'entendais les sirènes, je l'imaginais revenir vers chez lui dans une limousine traversant la ville de Brest, là où il est mort.

On ressent d'ailleurs une vraie inspiration du travail de Christophe sur l'album, comme si son fantôme planait : c'était conscient ou inconscient ?
Oui, c'était conscient. Il y avait cette chanson et je me suis dit que j'allais faire une intro/outro qui l'évoque. C'est un petit hommage, comme s'il planait au dessus de nous et qu'on était sous ses ailes. Sans ce décor, je ne sais pas si on aurait songé à Christophe sur le disque. Ceci dit, depuis la sortie de mon tout premier album, on me parle de Christophe. Peut-être quelque chose dans la voix, dans la sensibilité...

" Chanter me rend heureux "
A quel moment avez-vous eu le déclic dans votre vie pour devenir chanteur, finalement ?
Petit garçon déjà, je voulais être chanteur. Je voulais être musicien. Le déclic c'est fait... comme ça, j'ai tenté ma chance avec un premier album, il y en a eu un deuxième, ça a marché et puis je fais ce métier depuis 22 ans. Je suis heureux, surtout. C'est ça qui me rend heureux. C'est étonnant de faire adulte ce qu'on rêvait de faire petit. Je mesure ma chance.

Vous êtes chanteur, musicien mais aussi écrivain. Vous avez remporté le prix Goncourt de la nouvelle en 2017 avec ''Retourner à la mer''. En quoi cet exercice-là, écrire une histoire, diffère d'écrire des chansons ?
Ce n'est pas pareil. Et en même temps, ça l'est peut-être un peu. (Sourire) Ce sont deux espaces où je suis heureux, dans lesquels c'est un plaisir de travailler. Dans une nouvelle, on a 20 pages, 30 pages pour raconter quelque chose de plus complexe, avec plusieurs voix, en ajoutant du paradoxe. Dans une chanson, on a 10 lignes. Il faut aller à l'essentiel, rester simple, raconter son époque en saisissant l'air du temps.

" Je prépare un spectacle étonnant "
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre prochain ouvrage attendu à la rentrée ?
Ce sera un recueil de nouvelles qui sortira en septembre. Il y aura 12 nouvelles tournées vers le ciel, il y a un truc astral, céleste, de l'ordre de l'observation. Ce sont 12 histoires différentes mais elles sont très autobiographiques. Peut-être que j'en ferai un disque. Je n'en suis pas encore à ce stade de réflexion.

J'imagine que vous espérez partir en tournée. Comment vous appréhendez la suite ?
On a une tournée prévue, on a des festivals programmés cet été si jamais festivals il y a. On se produira en concert aux Bouffes du Nord à Paris pour dix soirs en mars 2022. C'est un grand rendez-vous pour moi, j'ai toujours rêvé de jouer dans cette salle. Je trouve que c'est la plus belle salle au monde. En plus, c'est assez rare car on y joue beaucoup de pièces de théâtre, la salle est très prise. C'est une chance d'avoir autant de temps. Je vais essayer de préparer un spectacle étonnant, comme les disques peuvent l'être. Qui ne ressemble pas à un autre, quelque chose de plus immersif, pourquoi pas faire un lien entre les nouvelles et les chansons. Mais il faudra quand même que ce soit un concert de musique, avec une énergie rock, un truc un peu érotique, avec des musiciens. Ça va être chouette.

Crédits photo : Arno Lam .
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