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Jain en interview pour l'album "The Fool" : "J'ai dû retrouver l'amour de la musique"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Après cinq d'absence, Jain revient dans les bacs avec "The Fool", un troisième album plus rêveur, acoustique et apaisé. La chanteuse se confie sur sa longue pause, son inquiétude face au monde, son disque plus intime et les défis écologiques de sa prochaine tournée mondiale. Interview !
Crédits photo : Manu Fauque
Propos recueillis par Théau Berthelot.

Comment abordes-tu ce retour après une si longue absence ?
C'est vraiment un retour, chaque jour après l'autre... J'ai arrêté pendant quatre ans, là, il faut que je me remette dans le bain mais je suis trop contente de présenter cet album. Je l'aime beaucoup et j'ai hâte de le défendre.

Toi qui chantes « Been away for too long » dans "Falling", est-ce risqué de s'absenter aussi longtemps ?
C'est super risqué, surtout que cinq ans c'est assez énorme. Mais en même temps, je ne me voyais pas revenir avec un projet que je n'aurais pas abouti, ou dont je n'aurais pas été fière à 100%. Donc j'ai pris le temps qu'il fallait et j'ai la chance d'avoir une équipe qui m'a vraiment soutenue. J'en suis fière, je le sors maintenant et c'est un risque, c'est sûr.

J'ai arrêté pendant 4 ans, faut que je me remette dans le bain
D'autant plus que sur les réseaux sociaux, tout le monde se demandait où tu étais passée !
C'était assez drôle car tout de suite, quand on n'est plus médiatisée, on a l'impression qu'on n'existe plus. Mais ça me va très bien. J'en ai bien profité pour prendre du recul sur ce que je faisais, pour me poser des questions, pour travailler ma musique... Quand je voyais ces messages, ça me faisait un peu rigoler parce que tout va bien, je vis ma meilleure vie. (Sourire)

Tu as annulé la fin de ta dernière tournée et ton concert à Bercy prévu en 2020. C'était une décision difficile à prendre ?
Ça l'était mais c'était nécessaire, surtout qu'il me restait quatre dates qui étaient assez éloignées. Elles étaient censées être en mars 2020, et ma tournée se terminait en août 2019. Et en plus de ça, tout aurait été finalement annulé à cause du Covid donc tu vois, c'était un signe. Bercy, c'est une date dans une carrière mais comme ça aurait été annulé de toute manière, finalement je n'ai pas eu trop de regrets. Et surtout, je ne voulais pas faire un Bercy à moitié. Si je fais un Bercy un jour, j'ai envie de le faire en étant en forme, en sachant que je peux tout donner.

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Quand on n'est plus médiatisée, on a l'impression qu'on n'existe plus
Tu penses que tout a été trop vite avec les deux premiers albums ?
Ça a été vite et pas tant que ça au final. "Come" est rentré en radio six mois après la sortie de l'album "Zanaka", le clip de "Makeba" est arrivé un an après le disque... Ça s'est fait vite, il y a eu un gros succès mais ce n'était pas non plus de jour au lendemain où je me suis retrouvée propulsée. J'ai quand même eu le temps de travailler mon spectacle.

Cette pause était donc nécessaire et inévitable ?
Nécessaire et inévitable, ça c'est sûr ! Quand on passe cinq ans sur scène, on donne beaucoup même si on reçoit beaucoup aussi. Et là je sentais que je n'arrivais plus à donner autant. C'est hyper frustrant pour un artiste de pas arriver à se donner entièrement ! J'ai réalisé que c'était le temps pour moi de prendre une pause, de prendre un petit peu justement, de ne pas donner mais de prendre. Et puis d'écouter de la musique, de retourner à des concerts, de recharger les batteries... Retrouver l'amour de la musique que j'avais à la base.

A l'époque où tu as annoncé cette pause, il y a eu aussi Bigflo & Oli et Lomepal qui ont fait de même, totalement surmenés. Tu les comprends ?
Oui, on est dans une industrie qui demande beaucoup d'efficacité, de sortir des titres souvent pour plein de raisons. Après, je pense qu'il n'y a aucune règle. Un artiste peut sortir une chanson tous les mois comme un artiste peut sortir une chanson tous les deux-trois ans, si la chanson est bien. Et c'est ça qui compte surtout. C'est que ça reste bien, peu importe la manière de faire. Tous les artistes sont différents, il faut aller à son propre rythme.

Sur scène, on donne beaucoup. Et je n'arrivais plus à donner autant
Tes nouvelles chansons ont été écrites à la guitare. C'est ce qui t'a inspirée à prendre un virage pop-folk dans le son ?
Je pense que la guitare a évidemment beaucoup joué sur le côté folk, et c'est surtout ce que j'ai écouté pendant le confinement. On ne sortait plus et j'écoutais plein de vinyles des années 70 qui sont à mes parents : Kate Bush, Fleetwood Mac, David Bowie, les Beatles... Forcément, ça m'a marquée car c'est de la pop anglaise classique. Et j'avais envie de faire un album pop dans ce style-là.

Tu avais peur de déstabiliser avec ces nouvelles sonorités moins électroniques et plus acoustiques ?
Oui forcément, ça crée une crainte. Mais j'ai décidé de ne pas trop me poser la question. J'ai la chance de pouvoir sortir un album encore aujourd'hui et je vais prendre cette chance, pour faire quelque chose qui me plaît, et non pas ce qui pourrait plaire aux gens. Là, j'ai plus envie de faire un album qui me parle, de raconter mon histoire. Quand on se dit qu'il faut que ça marche, ça ne marche jamais. (Sourire) Et surtout, ce n'est pas ce que j'ai envie de faire dans la musique.

Malgré tout, ça a l'air de plaire. Les premiers retours sont très bons !
Je touche du bois ! On a encore un gros travail pour faire connaître "The Fool". Comme j'étais absente depuis longtemps, il faut vraiment que je reprenne la parole. Mais je suis hyper contente, j'ai des retours en message sur Instagram de gens qui disent qu'ils l'écoutent en boucle, que c'est solaire, que ça leur fait du bien. C'est exactement ce que j'avais envie de faire et je suis trop contente.

Justement, le refrain de "The Fool" m'a fait un peu penser à l'univers d'Aurora, avec cette voix un peu aérienne et rêveuse...
C'est sûr qu'il y a un côté Aurora car chez Aurora, il y a un côté Kate Bush. Je l'ai vraiment écoutée en boucle, c'est pendant le confinement que je l'ai redécouverte et je pense que mes voisins n'en pouvaient plus. (Rires) Elle m'a beaucoup inspirée, surtout son premier album "The Kick Inside" [sorti en 1978, ndlr].



On est dans une industrie qui demande beaucoup d'efficacité
Peux-tu nous décrire ce monde cosmique qui est au coeur de l'album "The Fool" ?
Ce monde représente les cartes de tarot. Chaque chanson est une carte de tarot. Dans le tarot de Marseille, il y a plein de symboliques qui sont les étoiles, la lune, les amoureux, le fou... Dans chaque carte, il y a un rapport, un symbole assez cosmique. J'ai beaucoup écouté de musiques des années 70. Il y a un truc complètement psychédélique quand tu écoutes David Bowie ou les Pink Floyd, un peu "out of space" et j'avais envie de retrouver ça dans cet album. Comme j'ai commencé à l'écrire pendant le confinement, j'avais envie d'explorer, de sortir de chez moi, d'aller carrément dans l'espace.

Tu signes toute la direction artistique de l'album, que ce soit au niveau de la musique, de l'univers, des clips, des graphismes... Le faire toute seule, c'est une façon de garder le contrôle de ton art ?
De garder le contrôle, ce n'était pas vraiment l'idée car j'ai toujours eu envie de dessiner une pochette. C'est ce que je voulais faire avant même de faire de la musique. Mais le fait que ce soit un album plus "artisanal" que les autres, le fait que c'est fait maison, j'ai envie que les gens ressentent cette proximité-là. Et j'ai l'impression que dessiner rapproche mon univers des gens.

Et surtout, c'est un concept qui se tient de bout en bout, ce qui est de plus en plus rare !
Je pense que c'est dû au fait que j'ai dessiné toutes les cartes, l'univers graphique reste assez compact. Je ne me suis pas détachée du tout du tarot. Quand j'ai commencé à écrire l'album, je voulais aussi que ce soit un jeu, que les gens puissent collectionner les cartes, puissent avoir des posters, un peu comme dans les années 70 où les groupes vendaient leurs propres sérigraphies dans les salles de concerts. Là encore, j'avais envie de retrouver une sorte de proximité.

Quand on se dit qu'il faut que ça marche, ça ne marche jamais
L'album est donc construit autour du tarot de Marseille. Qu'est-ce qui te fascines là-dedans ?
Déjà, ma mère nous tire le tarot de Marseille à moi et mes grandes soeurs depuis que je suis toute petite. C'est toujours un moment familial assez cool où on se retrouve, on crée un lien intime avec la famille. Ça m'a toujours marquée. Quand j'ai commencé à écrire l'album, j'étais à Marseille donc avec ça et le tarot de Marseille il y avait un truc. (Sourire) Je suis hyper inspirée des artistes surréalistes depuis mon tout premier album et j'ai découvert que Salvador Dali ou André Breton avaient aussi fait leurs tarots. Et j'avais envie de faire un jeu, une sorte d'album-concept. Et en plus de ça, il y avait ce côté cosmique donc tout était réuni pour que je fasse un truc autour de cette thématique.

Parmi les 11 cartes, tu te reconnais plus dans laquelle ?
Ça dépend des périodes, mais là c'est clairement le fou, "The Fool". C'est recommencer une histoire qui est différente des autres, c'est une vraie prise de risque aussi. J'ai l'impression de me reconnaître là-dedans. Et dans les autres cartes, il y a un peu de tout. Il y en a qui sont un peu plus rapprochées du vrai symbole de la carte, d'autres un peu plus interprétées. Il y a la roue de la fortune pour "Take a Chance", la carte du diable, la carte de la force, que j'aime beaucoup, qui est reliée à la chanson "To All The People" pour donner de la force aux gens face à ce monde un peu violent.

Outre Yodelice, tu as fait appel à Gesaffelstein et Joseph Mount de Metronomy sur deux chansons...
J'adore ces deux artistes et leur musique. Avec Gesaffelstein, ça s'est fait un peu comme ça, il passait au studio, il adorait un titre qu'on était en train de faire et il s'est mis à poser des synthés dessus. Donc quand il fait ça, tu dis pas non ! (Rires) Gesaffelstein il a un vraiment un univers à part entière, il fait du Gesaffelstein et il est très cultivé car il écoute plein de musique. J'ai l'impression qu'il fait un peu ce qui lui parle. Et cette chanson lui a parlé. Et Joseph Mount, j'avais envie de travailler un peu à Londres et j'ai reçu un message pour dire qu'il avait bien envie de travailler avec moi. On s'est rencontrés au studio et on a fait ce titre "The Balance" en une après-midi.

J'avais envie de faire un jeu, une sorte d'album-concept
C'est un album plus personnel, dans lequel tu te livres plus. C'est cette longue pause qui a permis cette ouverture ?
Oui c'est ça, et c'est mon troisième album donc je pense que j'ai moins peur. C'est tout ce qui s'est passé grâce ou à cause du confinement, ça m'a permis d'être davantage dans l'introspection et de plus me poser de question, donc ça donne forcément des chansons plus intimes.



Sur ce disque on te sent aussi plus apaisée, moins dans une course effrénée comme sur "Souldier" !
C'est vrai que "Souldier", et je le dis souvent, c'est un album de tourbus. Je ne m'étais pas tellement posé de question, il fallait que je sorte un deuxième album et à l'époque je pensais assez rapidement. Au final, je n'ai pas vraiment fait de pause entre le premier et le deuxième, et là pour le troisième, j'avais envie de prendre vraiment le temps. Du coup oui, j'ai l'impression d'être beaucoup plus calme et surtout de beaucoup mieux me connaître qu'avant. C'est vrai qu'écrire un deuxième album, je trouve ça très compliqué. Surtout quand ton premier album marche, à la limite c'est mieux quand il ne marche pas trop. (Sourire) Mais quand un premier album marche beaucoup et que tu dois en sortir un deuxième, c'est beaucoup de pression et souvent on se fait avoir parce qu'on se dit qu'on n'a pas le temps, alors qu'en fait il faut prendre le temps tout le temps. Le deuxième album, c'est connu pour être le plus dur donc je suis contente de l'avoir et d'en être au troisième. (Sourire)

J'ai voulu laisser plus de place pour ma voix
Dans la chanson "To All The People", tu chantes « Living in a world, where we don't stand a chance. Kids are warning, but only few can hear ». Tu as peur du monde qu'on laisse à nos générations futures ?
Bien sûr ! C'est pour ça que j'ai écrit un album qui m'apaise. Je ne pouvais pas écrire un album de peur ou de violence. Ça fait très peur ce qu'on vit en ce moment et je n'ai pas l'impression que tout le monde réalise ce qui se passe. On ne va pas pouvoir continuer comme ça très longtemps et, comme je le dis dans la chanson, c'est plutôt les jeunes qui nous préviennent et il faut toujours écouter la jeunesse.

En ce sens, c'est pour ça que l'album et le clip de "The Fool" fonctionnent un peu comme une bulle, un cocon pour toi ?
Oui ! On voulait un peu créer un truc à la "Alice au pays des merveilles". On commence comme dans les vieux films des années 80 dans un grenier, puis tu tombes et tu te retrouves dans un désert. C'est un voyage qu'on voulait faire et surtout une introduction pour que les gens comprennent aussi ce qu'il va se passer.

C'est finalement assez rare de t'entendre t'engager en chanson ? Même s'il y avait "Souldier" sur les attentats d'Orlando...
"Makeba" c'était quand même une prise de parole aussi, c'était peut-être moins frontal, plus subliminal. Peut-être que là, comme je laisse plus de place à ma voix sur cet album, ça s'entend plus.

C'est vrai, ta voix est plus mise en avant sur cet album !
C'est un peu le but recherché. Quand j'ai écrit guitare-voix, j'ai voulu me laisser plus de place pour ma voix, surtout par rapport à avant où c'était très rythmé, du coup je n'avais pas le temps de chanter comme je voulais.

Toi qui fais des tournées mondiales, l'impact écologique, c'est une question que tu te poses pour ta prochaine tournée ?
Bien sûr, c'est une question qu'on s'est posée avec mon équipe. C'est très compliqué en vrai. Il y a plein de gestes à faire et j'essaie de voir ce qui se fait autour de moi. Je regarde ce que font les autres artistes pour prendre exemple, parce que je pense que c'est nécessaire de donner l'exemple. De toute façon, une tournée ce n'est pas écologique, mais l'idée c'est de savoir comment atténuer ça. C'est génial que certains gros artistes montrent l'exemple à moi ou à d'autres, c'est nécessaire. Le but, c'est vraiment de minimiser cette pollution au maximum.

Recommencer une histoire différente, c'est une prise de risque
Comment va se dérouler ta tournée ?
J'ai hâte ! On est en train de retravailler dessus. Ça fait peur et c'est à la fois très excitant. C'est un endroit où je me suis toujours sentie bien, où il s'est toujours passé des trucs incroyables. C'est là que j'ai trouvé mon public et j'ai hâte d'y présenter mon album. Déjà, j'aurai un groupe. Il y a toujours les chansons des premiers albums comme "Makeba", "Come", "Alright" ou "Oh Man", on va les faire en version hyper dansantes, mais le défi c'est de savoir comment les rapprocher des nouvelles chansons, comment faire fusionner les deux univers pour que ce soit cohérent. C'est ça le vrai challenge de la tournée. On s'amuse beaucoup et ça va être très dansant !

Ce sera donc une première avec des musiciens.
J'avais déjà joué avec des musiciens pour des promos mais je n'avais jamais vraiment eu de groupe. J'étais toujours toute seule avec mes machines. J'avoue que ça me fait du bien au niveau de l'énergie de pouvoir m'appuyer un peu plus, de pouvoir être en groupe, de ne plus être toute seule sur scène, de rigoler...

Qu'est-ce que ça faisait d'être toute seule sur scène ?
Quand t'es toute seule, t'as plus de musiciens. J'avais des musiciens pour toutes mes machines, sauf qu'on ne les voyait pas, c'était plus un groupe de geeks derrière. Là, ça va être plus chaleureux, plus organique, même si on va garder le côté électro car il faut que les gens dansent ! Mais je suis hyper contente.

Du coup, est-ce que tu vas enfin faire ton Bercy avec cette tournée ?
On verra ! J'aurais très envie d'y arriver. Comme c'est un album qui est différent et qui appelle autre chose, j'aimerais bien soit ça soit faire plein de dates dans une salle plus petite pour que ce soit une ambiance un peu plus cocon. J'hésite entre les deux, si jamais un Bercy se propose. C'est plus agréable pour le public, généralement les gens préfèrent. Après tout ce qu'on a vécu avec les confinements, les gens aiment bien quand il y a plus de proximité, quand c'est intime. Il faut que la musique corresponde à la salle, donc je ne sais pas si Bercy correspondra. Enfin peut-être, on verra !
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