Claudio Capéo en interview : "Je fais de la chanson populaire et je l'assume"
Un "Nouveau souffle" porte Claudio Capéo pour son grand retour en musique. Au micro de Purecharts, le chanteur se livre sur le "coup de fatigue" qui a précédé l'enregistrement de son cinquième album et partage son regard de père sur le temps qui passe, thème central d'un disque qui se veut "populaire".

Yann Orhan
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

J'ai l'impression que ce nouvel album est comme une bouffée d'air frais pour toi. Quelle a été l'étincelle de ce "Nouveau souffle" ?
Je ne sais pas vraiment. En tout cas, c'est vrai que c'est une nouvelle histoire, c'est une nouvelle poésie. On a envie de dessiner un nouveau tableau. C'est quelque chose de frais. C'est un album qui arrive avec beaucoup de repos, avec une façon différente d'être moi, avec mon accordéon, avec lequel j'ai pu me retrouver. J'ai aussi une écriture différente, avec Gilles Dorn aux manettes en tant que réalisateur de l'album. Et puis surtout, j'ai une envie folle : faire des belles chansons, comme d'habitude, mais surtout des chansons qui nous collent réellement à la peau.

J'ai eu un gros coup de fatigue
Avant d'entrer en phase de création, vous êtes-vous accordés du temps pour recharger les batteries ?
Oui, c'est ça. Au bout de huit ans, enfin quasiment dix ans de tournée, on était un petit peu à bout de souffle. C'était épuisant. On a toujours passé de très bons moments, partagé des scènes merveilleuses avec un public merveilleux, toujours avec énormément d'énergie. Mis à part sur la fin, qui a été un petit peu plus compliquée parce qu'on avait tout simplement oublié de se reposer... On était dans une folie douce, une folie furieuse, toujours à 100.000 à l'heure. Cette fois-ci, on s'est accordé un petit repos : un repos d'un an. On est partis sans le dire à personne, et aujourd'hui, on est de retour, avec des idées fraîches, la tête bien sur les épaules et les pieds bien ancrés au sol. (Sourire)

À un moment, tu as été lassé de tout ça, du star system ?
Je pense que c'est réellement un gros coup de fatigue, parce que j'étais toujours à fond, toujours avec un grand sourire, tout le temps à vouloir faire du bien. C'est toujours le cas, mais je n'étais plus à 100%, et cela me dérangeait. J'avais peur de mentir un peu à mon public, de mentir aux gens qui m'entouraient. Je donnais beaucoup trop par rapport à ce que j'avais encore en moi, tout simplement. Il a donc fallu reprendre son souffle pour revenir avec un nouveau souffle.

C'est difficile d'être loin de mes proches, loin de mes enfants surtout
Quel est le plus difficile quand on vit cette vie de saltimbanque ?
Pour ma part, le plus difficile a toujours été d'être loin de mes proches, loin de mes enfants surtout, parce qu'ils me manquent énormément. Là, je suis parti il y a environ six heures de la maison, ils me manquent déjà ! Alors que quand je les retrouve, ils m'énervent assez rapidement aussi. (Rires) Ce sont des gosses, j'en suis un, je sais de quoi je parle ! Il y a aussi ce rythme effréné, qui va très vite, c'est toujours à 10.000 %. Mais on en a bien conscience, et on est super contents de tout ça. On ne se plaint pas du tout. On est chanceux de pouvoir vivre ce genre de moments...

Ce nouveau souffle est aussi un retour aux sources, puisque tu reviens pleinement à ton premier amour : l'accordéon !
On lui a laissé une part un petit peu plus généreuse cette fois-ci. (Sourire) La part du gâteau est beaucoup plus imposante. On s'est retrouvé avec cet accordéon que j'ai voulu appeler mon alter ego. Il n'a pas toujours été facile à porter parce qu'il est lourd, il fait beaucoup de bruit, il prend beaucoup de place. Cette fois-ci, il est là avec un design sonore un petit peu différent. On a travaillé tout ça en studio. On a fait un peu de physique, d'alchimie, des calculs mentaux. (Rires) On est parti des mathématiques, on est allé un petit peu dans tous les sens pour essayer de lui trouver une place adéquate, une place qui peut plaire à tout le monde. Car si ça ne me plaît pas à moi, ça ne peut pas plaire aux autres, et c'était devenu presque le cas... Il commençait à être très pesant. Je le mettais un peu de côté. Le problème, c'est que notre public me reprochait souvent de l'avoir mis un petit peu trop de côté. Cette fois-ci, il est plus présent sur l'album, mais de façon plus élégante. C'est retravaillé.

Le public m'a reproché de délaisser mon accordéon
Tu penses que cet instrument t'a enfermé dans une certaine image ?
Non, je ne sais pas comment te dire ça je n'avais juste pas envie qu'on se dise : "Claudio, accordéon, Capéo, musette, festoche". Pourtant, je suis totalement populaire, et je l'assume à 1.000% ! Je serais le premier à dire que je fais de la chanson populaire, parce que je suis proche du peuple, proche de mon public, parce que j'aime les gens. C'est parfait, mais c'est juste que peut-être trop d'accordéon tue l'accordéon. Le projet Claudio Capéo, ce n'est pas que ça. Avec les copains, on ne fait pas que ça. Mais après, ça reste quand même ma marque de fabrique. Sans lui, je ne sais pas si j'en serais là aujourd'hui, donc je n'ai pas le droit de lui faire à l'envers !

Dans le premier single "Madame", tu décris de manière hyper honnête et sans filtre ta relation avec ta femme. Ça te tenait à coeur de lui dire ces mots-là ?
En fait, je raconte la relation d'un couple normal, d'un couple lambda. Ce n'est pas forcément la relation que j'ai avec ma femme, car ma femme ne me demande rien du tout. Elle se moque des strass, des paillettes et des châteaux. Tout ce qu'elle veut, c'est son mari tel qu'il est. Elle veut juste le voir heureux, c'est ce que mes enfants veulent. Mais j'aime bien imaginer l'histoire avec ses grandes folies. On a des envies de grandeur, on a envie d'aller plus loin, de vivre cet amour fou. On peut s'évader dans l'inutile, tout simplement. Cela reste de la poésie. C'est juste essayer de mettre des mots un peu plus forts, un peu plus, je ne sais pas, perturbateurs, dans un thème qui est tout simple : l'amour. Vous avez des hauts, vous avez des bas.

L'amour imparfait existe à tous les coins de rue
C'est aussi une façon de présenter l'amour imparfait ? Car dans l'univers de la chanson, on a souvent tendance à l'idéaliser...
L'amour imparfait existe à tous les coins de rue, dans tous les domiciles. Tout le monde se froisse de temps en temps. On est juste humain, sinon ce serait ennuyeux. Heureusement de temps en temps, on s'engueule un peu, car ça redonne la flamme tout simplement.

Dans "L'ombre de moi-même", tu chantes être « jamais le premier, toujours le deuxième ». Tu te vois comme un outsider ?
Ouais, peut-être. C'est juste que je ne me bats pas, on ne fait que de la musique. Moi qui adore les sports automobiles, là je peux me battre pour essayer d'être premier, mais je ne le suis pas forcément tout le temps - ça m'est arrivé une fois ou deux. Le plus important pour moi, c'est de faire mon art sans état d'âme, en se disant qu'on passe des bons moments : on fait de la musique, on crée des chansons, on se retrouve sur scène. On n'est pas dans un combat, ce n'est pas un combat de coqs. On distille et on essaie de donner un maximum d'amour. Ça s'arrête là.

J'étais un ado perturbateur
Tu regardes en arrière dans plusieurs titres comme "Le temps" ou "Ta quinzaine". Quel adolescent étais-tu ?
Un adolescent perturbateur. (Rires) J'étais totalement fou, toujours en train de faire des conneries à droite, à gauche. Une mama qui se tirait les cheveux, un père aussi. La phrase que ma mère me disait le plus quand j'étais petit, c'était « CLAAAAUDIO ! » tout le temps. Que ça tout le temps ! Mais j'étais toujours très sympathique, très charmant avec les profs. Je n'ai jamais manqué de respect à qui que ce soit. C'est vrai que j'étais un peu foufou. Là je viens de passer mes 40 ans - oui je sais, ça ne se voit pas, mis à part dans les genoux, dans le dos et dans la tronche. J'ai mes enfants, qui ont 6 et 12 ans, et qui arrivent sur leur quinzaine, ils commencent l'adolescence. Je leur dis de profiter. Profitez, amusez-vous, faites ce que vous avez à faire. N'essayez pas de vieillir trop vite, car ce n'est pas si beau. On dit que plus on vieillit, plus on se sent bien dans son corps, dans sa peau, et dans sa tête. C'est réellement le cas. Mais profitez de tous ces instants de jeunesse, parce que ça ne reviendra pas. Le temps passe si vite...

Dans cet album, tu t'autorises tout. Il y a notamment un feat électro-pop avec Mosimann, "Rêve". Sur le papier, c'est improbable !
Totalement improbable. C'est une grosse folie ! J'ai voulu cette folie parce que j'ai toujours eu ce rêve de faire un morceau avec un DJ. C'est un rêve que j'ai depuis bien longtemps. C'est amusant de faire un "dream track" : j'étais en plein dedans, il me sort le morceau, ça fonctionne. Je suis super content, je trouve ça super beau, super festif. On a envie de faire la fête. Cela me sort de mes gonds, ça me sort de ma zone de confort. Je trouve ça excellent ! Du coup, on s'est retrouvés en studio avec Joseph Kamel assez rapidement, quelques jours après la sortie. On a enregistré le morceau complet en deux ou trois heures, et le soir d'après, il était sur toutes les plateformes. C'était plus un gros délire qu'un défi. On a eu ce besoin de folie, cette petite étincelle.

Dans la musique, on n'est pas guidé par des lois
Tu n'as pas eu peur de dérouter les fans ?
C'est juste pour se faire plaisir. On fait de la musique, on n'est pas guidé par des lois. On est libre de dire ce que l'on veut, de jouer ce que l'on veut ! Alors, allons-y, pour une fois qu'on ne nous coupe pas les ailes, faisons-le. Mosimann n'était pas pour à la base, pas du tout, parce qu'il a aussi aidé à réaliser quelques morceaux de l'album. C'est lui qui me disait : "Mais attends, tu es un chanteur populaire. Tu ne peux pas commencer à faire de l'électro, mec". Ce n'est pas qu'il avait peur que je pique la place de quelqu'un d'autre. C'est juste que, effectivement, imagine un album rempli de ça : je perdrais mon public ! Peut-être que j'en gagnerais un autre, mais serait-il aussi fidèle que le mien ? Car j'ai le meilleur des publics. (Sourire)

En février 2026, on fêtera tes 10 ans de carrière. Ça t'inspire quoi ?
Je n'y pense pas trop encore pour l'instant, pour moi c'est très loin. En tout cas, c'est sûr que ça m'inspire beaucoup de travail, beaucoup de chance, beaucoup de concerts, beaucoup de sourires, beaucoup de partage et beaucoup de kilomètres. Le chiffre le plus gros, ce sont les kilomètres ! C'est beaucoup d'amour au sein de ce groupe, au sein de cette grosse équipe qui est la team des Capéo, avec bien sûr tous les techniciens, le public, les musiciens... Toutes les personnes qui travaillent autour : les attachés de presse, toutes les personnes du label, toutes les personnes qui font en sorte que tout cela puisse exister, car il y a beaucoup de monde derrière. Tout a toujours été fait avec bienveillance. Ce ne sont que des moments de bonheur. Bien sûr qu'il y a eu des coups durs, des moments compliqués, mais comme pour tout le monde. On a hâte de fêter tout ça.

On va fêter nos 10 ans en beauté !
Des célébrations en vue ?
On va essayer de préparer de belles surprises, et on verra bien où ça mènera ! Des petites surprises sont en train de se monter. (Sourire) On a envie de faire de belles choses, peut-être pas complètement folles, ou peut-être que si, mais ça se fait, et on va essayer de le faire en beauté, avec un maximum de personnes.

Dans "Un homme debout", tu dénonçais le sort des sans-abri et tes chansons continuent de parler de l'humain. Qu'est-ce qui te révolte aujourd'hui ?
Qu'est-ce qui me révolte ? C'est une grande question. Je ne vais pas rentrer dans le côté politique, mais ce qui me révolte, c'est peut-être la méchanceté des gens. Ce côté où c'est chacun pour soi ces derniers temps. On ne tient plus la porte, il n'y a plus de galanterie... On passe devant tout le monde, les gens sont pressés, ils ne vous regardent plus, il n'y a plus de bonjour. J'en veux à personne ! Mais quand c'est maladroit et quand c'est méchant, ça m'ennuie vraiment. C'est plus le rapport entre les humains qui m'ennuie que de rentrer dans des sujets plus compliqués. Soyons sympathiques entre nous. C'est déjà assez compliqué dehors... Si on ne s'entraide pas entre nous, qu'est-ce qu'on va devenir ? Sérieusement, qui le fait encore ? Ce sont les enfants. Les enfants sont les seuls qui sont encore cools avec leurs camarades. Quand je vois les enfants qui s'amusent, ils se disent bonjour et ils jouent ensemble, c'est merveilleux. Alors que nous, nous sommes tous un peu planqués dans notre coin. On a peur l'un de l'autre, on n'a pas envie de donner de l'amour parce que c'est naïf. Ce serait beau, un petit sourire de chaque personne, juste un sourire. On ne demandera rien de plus.

La musique rassemblera toujours
La musique peut encore changer le monde ?
La musique rassemble et rassemblera toujours. C'est dans les moeurs, ce sera comme ça pour toujours. Quand on est dans les salles, personne ne fait la tête. C'est très rare ! On est tous ensemble, unis, on forme une fratrie. Après, on ne changera pas le monde, ça c'est sûr. Mais la musique ça permet d'ouvrir les yeux, de se rendre compte de certaines choses. Ce n'est pas nous, les artistes, qui sommes les acteurs de cette gentillesse, si elle peut exister un jour. C'est à chaque personne de faire le premier pas pour que tout se passe bien.

À quoi va ressembler ta prochaine tournée, qui démarrera à l'automne 2026 ?
La tournée se veut chaleureuse, très sympathique, avec beaucoup d'amour, comme d'habitude. On est les Capéo, on a toujours envie de distiller quelque chose de simple, mais de beau ! On a envie de quelque chose d'un peu plus grandiose, peut-être de plus élégant et sophistiqué, et à la fois, on a envie de revenir à la base. Pour l'instant, ce n'est pas encore clair dans nos têtes, ça n'a même pas encore réellement commencé. Mais il va arriver ce jour-là, il y aura le déclic, et on saura exactement où on devra aller. On est plus concentrés sur cet album pour l'instant, mais le meilleur reste à venir.

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
A propos de Claudio Capéo
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