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jeudi 14 avril 2011 12:00

Yelle en interview

Et de deux ! Trois ans après ''Pop Up'', le trio Yelle est de retour avec ''Safari Disco Club'', en bacs chez tous les bons disquaires depuis le 14 mars. Savant mélange électro/pop aux accents disco/eigthies, ce nouvel opus nous fait voyager dans un univers coloré où les percussions tribales ponctuent des textes provocateurs. Quelques heures avant leur concert au Point Éphémère (7 avril), nous avons rencontré Julie et Jean-François. Débriefing avant le show !


Vous êtes sur scène ce soir pour un concert unique. Pourquoi une seule date en France alors que vous tournez dans plusieurs salles aux Etats-Unis pour ne citer que ce pays ? (Jonathan HAMARD et Bridget UGWE)
Jean-François : On a joué au mois de décembre à la Flèche d'Or et on joue ce soir au Point Éphémère. Les places sont parties très vite et nous n'avons même pas pu inviter nos copains !
C'est vrai qu'il n'y a pas de tournée française prévue pour le moment. D'ailleurs, on s'apprête à partir aux États Unis pour 6 semaines. Nous reviendrons cet été pour jouer à plusieurs festivals : Art rock à Saint-Brieuc, Les Vieilles Charrues, les Francofolies à la Rochelle... et d'autres projets qui sont en cours de discussion. Après tout ça, Nous poursuivrons par un petit détour par le Japon, l'Australie et l'Amérique latine. En fait, notre agenda est bouclé jusqu'à cet automne.

" Nous avons donné la priorité à ceux qui croient en nous. "
Yelle fait un tour du monde et pourtant pas de dates en France, pourquoi ? La demande n'est pas assez forte ?
J.F : C'est juste une question d'opportunités. On nous a fait une proposition de tournée aux États Unis : tu te doutes qu'on ne pouvait pas refuser. Il y a ce côté frileux en France : les gens attendent de voir comment ça va prendre, « est-ce que ça va marcher », avant de monter un projet. Aux États Unis, ils prennent le risque sans se poser tant de questions. Nous avons donné la priorité à ceux qui croient en nous.

Quel est la véritable ampleur du succès de Yelle aux États Unis ?
J.F : Nous avons déjà vécu quelque chose d'assez fort avec le premier album "Pop Up". Le succès est venu progressivement. Nous avons commencé par trois dates dans les environs de New York, pour ensuite nous produire pour 8 dates en 2008. Ce projet a débouché sur 25 nouvelles dates aux États Unis : une vraie tournée complète dans des salles de 800 à 1200 personnes. A notre échelle, on peut dire que Yelle rencontre un vrai succès là-bas. Nous ne sommes pas traités comme un groupe que seuls des expatriés français viennent applaudir. Nous avons rempli des salles à Denver, L.A.... Nous avons été classés premiers sur Itunes électro la semaine de sortie de l'album [NDRL : "Pop Up"]. Il y a une vrai attente, quelque chose qui s'est construit là-bas de manière très saine par le bouche à oreille et les concerts... Le public nous suit avec une certaine intensité. Les américains nous décrivent comme étant uniques dans notre genre : nous sommes le seul groupe à chanter en français à avoir acquis une popularité aux États-Unis. En quelque sorte, nous sommes devenus leurs chouchous : un lien hyper affectif s'est créé.



Tandis qu'en France, l'attente n'est pas la même. On a vu les premiers chiffres : vous êtes 77ème du Top Albums en France. Ce n'est pas vraiment un succès.
" Le public ne sait pas vraiment qui est Yelle. "
J.F : Oui, c'est très faible mais on s'y attendait. Nous sommes parfaitement conscients que "Safari Disco Club" aura besoin de temps pour séduire un large public. Quatre ans nous séparent de notre premier album et nous avons tourné pendant trois ans... A côté, c'est vrai que nous avons travaillé sur des projets qui ont un peu brouillé les pistes. Nous avons fait le duo avec Mickaël Youn, un clip avec des danseurs de tecktonik... Le public ne savait plus comment nous cataloguer. En France les gens ont besoin de te ranger dans une case : est ce que tu es plutôt mainstream ? indé ? populaire ? On ne peut pas se reconnaitre dans tous ces genres et je crois que c'est la raison qui explique notre succès aux États Unis : les Américains ne se posent pas toutes ces questions. Tous ces projets parallèles font que le public ne sait pas vraiment qui est Yelle : la masse ne nous connaît qu'à travers ''Parle à ma main''. Peu savent que nous avons d'autres morceaux, voire un premier album. Je pense que c'est pour cette raison que les ventes en France commencent timidement.

C'est un peu comme si vous sortiez un premier album...
Julie : Exactement ! Il y vraiment un travail de fond, un travail de découverte avec ce nouvel album. On s'y attendait. Nous avons pris un an pour travailler sur ce disque. Nous nous sommes accordés le temps et la liberté de le faire comme on le voulait. On ne savait pas du tout quel accueil il recevrait en France. Dans notre esprit, on repartait à zéro : on refait tout le chemin qu'on a parcouru pour ''Pop up''.
J.F : Et finalement c'est hyper agréable ! La sensation de « tout est acquis » dans la musique, c'est ce qu'il y a de pire. Quand tu sens que les gens n'attendent même plus d'écouter ce que tu sors avant de l'apprécier, qu'ils ne se posent même plus la question, c'est assez flippant. Le fait d'arriver comme si on était une nouveauté, c'est quelque chose d'assez excitant et motivant. Même si être premier du Top est très agréable, ce n'est pas notre but. On est sur la route, on joue, on croise des personnes différentes chaque jour et nos concerts affichent complets. Ceux qui écoutent notre musique sont des habitués d'Internet et savent se procurer un album sans avoir à l'acheter. Quand on voit les liens "mediafire", les alertes google, on sait que notre album tourne. Le public se partagent déjà "Safari Disco Club" : on ne tient pas compte des chiffres de vente pour mesurer notre succès. On a d'excellents retours dessus, autant du public que de la presse. En 2011, à moins de s'appeler Katy Perry ou Britney Spears...

...Vous n'êtes pas du tout sur le même créneau non plus !
J.F : Non, mais je parle des artistes qui vendent. J'ai l'impression qu'en France, aujourd'hui, soit tu fais partie du trio de tête américain qui passe sans cesse en radio, et tu vends énormément, soit tu fais partie du reste, des autres groupes qui réalisent des petites ventes. Le système de classement en France est ridicule : tu es premier sur Itunes avec 800 ventes. Ce ne sont pas des quantités révélatrices.

Vous dites tous les deux avoir fourni un travail de fond. Vous êtes repartis de zéro. Vous avez repris des choses qui étaient présentes sur ''Pop up'' en trame de fond, le style d'écriture notamment. En même temps, il y a une grosse évolution qui repose beaucoup sur l'image. Comme un concept...
J.F : Je t'arrête tout de suite, on déteste ce mot là ! Il sous-entend que nous aurions envisagez un projet dès le début avec toute cette imagerie. Rien ne s'est fait de cette manière. A l'origine, on ne voulait même pas sortir un album mais publier des singles en digital au fur et à mesure, un peu à la manière des 45tours dans les années 70. Le format album ne correspondait pas forcément à notre manière de composer. Chaque chanson est pensée et travaillée à la manière d'un single potentiel, poussée au maximum. Cependant, en tenant compte des réalités du marché qui est habitué à un certain format, on a dû se plier à cette règle et entrer dans la norme. Pour te donner un exemple, le titre de l'album, ''Safari disco club'' a été choisi au dernier moment.
J : Ce titre est celui qui nous donnait le plus d'idée en terme d'images. C'est le plus riche en matière visuelle, celui qui nous permettait de le décliner en clips aussi.
J.F : Mais ce n'est pas un concept ! C'est quelque chose qui nous est venu à la fin, quand les chansons, les musiques, étaient déjà enregistrées et mixées. C'est venu en complément.

Visionnez "Safari Disco Club", le clip surréaliste de Yelle :


Il y a quand même une certaine cohérence. On a ce style eigthies dans la musique, certes, mais aussi des sonorités qui font penser à de la musique africaine et qu'on retrouve beaucoup dans l'imagerie. Notamment dans les deux premiers clips, qui donnent l'impression d'une présentation, comme si vous dévoiliez : ''Voilà, c'est ça notre album''.
J.F : Oui, c'est ça ! ''Safari disco club'' et ''Que veux tu ?'' représentent bien les deux influences principales du disque. Le côté "années 80" représente la fantaisie. C'était l'arrivée des premiers synthés. Les artistes comme Daho, Elli et Jacno se sont amusés avec. Ils ont commencé à créer des sons totalement inédits. C'est cette liberté, associée à l’interprétation un peu naïve de Julie, que l'on a voulu exploiter. Nous ne sommes pas spécialement fans des années 80. Nous avons simplement des points communs dans la manière d'appréhender la musique.

" Nous allions légèreté et profondeur : c'est notre manière de vivre. "
Et pourquoi l'Afrique ?
J : Ce n'est pas l'Afrique !
J.F : Un Safari, c'est une ballade-découverte. L'esthétique qui en découle, ce sont des codes vestimentaires déjà établis. Mais ce n'est pas géolocalisé. Nous le concevons comme une aventure. Cet album en est une parfaite illustration car chaque morceau est différent. Quand tu passes des sonorités froides, presque nordiques de ''Que veux tu ?'' à la rythmique caribéenne de ''Mon pays'', c'est représentatif de ce parti pris, de cette ambiance qui caractérise notre disque. Même au niveau des textes, le double sens est présent. Nous allions légèreté et profondeur : c'est notre manière de vivre.

Je suis d'accord, sauf que notre société accorde beaucoup de place à l'image.
J : Chacun se forge sa propre idée ! Par exemple, pour la pochette de l'album, beaucoup nous disent qu'elle leur rappelle Daft Punk. Chaque ressenti est personnel...



Pour ma part, le clip "Safari disco club" m'a rappelé une vidéo de M.I.A parue l'année dernière. Celle-ci mettait en scène le génocide des roux. On retrouve dans votre œuvre cette impression de surréalisme.
J.F : Je n'ai pas du tout aimé ce clip ! Mais sinon, c'est bien ça. Jérémie Saindon, le réalisateur du clip, a proposé cette idée. Ça représente un peu la technique de l'autruche : se cacher la tête dans le sol pour ne pas voir ce qui se passe, se voiler la face. Ce côté imaginaire a vraiment été poussé par Jérémie. Pour le coup, c'est vraiment conceptuel en terme d'idée globale.
J : Le produit fini est cohérent car tout s'est mis en place de manière évidente et simple. Tout est homogène.

" Nous sommes plutôt fiers de notre style imagé et direct. "
Et sur scène ça se traduira comment ?
J.F : Sur scène, nous sommes trois : Julie au chant, avec une grosse timbale, Tanguy aux machines avec une grosse caisse, et moi à la batterie avec une grosse caisse également. Avec ces fûts, on fait pas mal de transitions entre les morceaux qui sont très rythmiques. On le joue comme un DJ set : on propose des remixes, on mélange des choses, on enchaîne les morceaux pour maintenir une certaine intensité pendant toute la longueur du show. En fait, nous avons cette culture du deejaying. On monte en pression.

En ce qui concerne les textes, on pourrait vous opposer la critique des paroles simplettes. Quand on a travaillé un an sur un album, ce n'est pas vexant d'entendre ce genre de remarques ?
J.F : Non. En France, il y a une culture un peu bizarre. Je ne me reconnais pas du tout dans tout ce qu'on aime ici : Bénabar par exemple… Je suis plus touché par une bonne punchline de Booba par exemple. Des choses simples et fortes, plutôt que des textes compliqués.
J : Le fait est qu'on écrit comme on parle, comme on discute au quotidien. Certes, ce n'est pas de la poésie, ce n'est pas pompeux on ne cherche pas à enrober. Notre but est davantage de trouver des mots percutants.
J.F : Nous sommes plutôt fiers de notre style imagé et direct. Nous sommes assez contents de voir les gens reprendre nos phrases sur Facebook, de voir des mots qui leur parlent : « C'est pas une vie la vie qu'on vit quand on vit pas la vie qu'on veut ». Nos phrases deviennent de vrais slogans.
J : Il y aune double lecture de nos textes qui peuvent, à priori, paraître super naïfs, limite cul-cul. Quand tu y prêtes attention, ça remue, ça dit des choses. Sans dire que ce sont des thèmes très profonds, il n'y a pas que de la surface.

Un peu comme le ''Banana Split'' de Lio...
J :C'est ça ! Les textes sont truffés de doubles sens.
" La musique procure des sensations personnelles qui se rapprochent de la masturbation. "
Ceux qui fouillent un peu s'en rendent compte.

Justement, pouvez vous m'éclairer sur le morceau ''La musique'', j'ai quelques doutes...
J.F : Explication de texte ! La musique procure des sensations très personnelles, très intimes qui se rapprochent de la masturbation. C'est la comparaison implicite entre la jouissance que t'apporte l'écoute de certains morceaux au point de te faire relever les poils des avant-bras et le plaisir individuel que t'apporte la masturbation.

Découvrez le clip ''La musique'' (2010) :


C'est bien de pouvoir en parler librement comme ça. Peu d'artistes le feraient de manière aussi ouverte en interview.
J : C'est aussi générationnel. En même temps, quand tu réécoutes du Gainsbourg aujourd'hui, tu réalises qu'il parlait de sexe régulièrement. ''Love On The Beat'' : c'est limite trash quand même.
J.F : On en revient au fait qu'on s'exprime dans nos chansons comme on s'exprime dans la vie. On parle de cul tout le temps, donc pourquoi ne pas en parler dans nos textes ? Je veux dire si tu fais le Top 3 des choses que tu préfères dans la vie, il y a quand même "baiser" en bonne position dans ta liste ! [rires]

J : Il ne faut pas se voiler la face. Dans les soirées, tu parles cinq minutes du boulot, de l'actualité et tu embrayes très vite sur l'amour, les relations, le sexe... C'est ce qui guide ta vie et qui finalement est le sujet de ta "life". C'est ça, c'est l'amour et le sexe !
J.F : On va pas parler des pizzas comme Bénabar... [rires]
J : Pour l'instant, on ne se voit pas aborder des thèmes comme la guerre en Libye ou le tremblement de terre au Japon. Ce sont des sujets durs et graves !
J.F : Et pourtant, ''C'est un soleil'' parle de la fin du monde. C'est une question existentielle. C'est la fin du monde mais racontée avec le sourire. ''Unillusion'', c'est l'illusion d'être unis : « Main dans la main, unis quand ça va bien », un morceau qui paraît assez léger, dansant, mais qui au fond parle de choses tristes. Il y a plein de morceaux qui permettent cette double lecture,
" Si tu fais le top 3 des choses que tu préfères dans la vie, il y a quand même "baiser" en bonne position. "
en fonction de l'humeur du moment.

Je ne pense pas que les fans de Yelle attendent que vous abordiez des thèmes lourds, non ?
J.F : Non, je ne pense pas. Et puis, on ne va pas faire des textes engagés politiquement : nous ne nous inscrivons pas dans cette démarche-là. On peut dire des choses fortes sans être leader d'opinion, ou prendre position, s'exprimer comme des gens ouverts et éveillés. Curieux. C'est ce message que nous cherchons à véhiculer plutôt que de nous exprimer sur des dossiers dont on ne sait rien : nous ne sommes pas des reporters ! Notre côté éveillé et curieux, c'est là que se trouve notre engagement.



Yelle embrase le studio SFR


Lundi 12 avril, Yelle nous avait conviés à venir les voir présenter leur nouvel album "Safari Disco Club" en direct du studio SFR, à Paris, près de La Madeleine. Pendant près d'une heure, le trio enchaîne ses morceaux au rythme des percussions tribales. C'est sans grande surprise que nous avons été séduits par les orchestrations originales et puissantes, et l'énergie de Julie qui donnait à voir une excellente prestation. Avec justesse, l'artiste chante et danse quelques unes de ses nouvelles chansons : "Comme un enfant", "Que veux-tu ?" et "Unillusion". Les titres les plus anciens déchainent toujours autant les passions : "Je veux te voir" chauffe l'auditoire, tandis que le final "A cause des garçons" transforme le studio en véritable club. Créatif, Yelle démontrait ce soir sa quête de découverte de nouveaux sons : une véritable exploration.
Toute l'actualité de Yelle sur http://www.yelle.fr/ ou sur le myspace officiel du groupe iloveyelle.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Safari Disco Club" de Yelle.
Souvenez-vous du premier album de Yelle et regardez le clip "A cause des garçons" (2007) :


Yelle en interview
12/09/2020 - De retour avec l'album "L'ère du Verseau", Yelle se confie à Pure Charts sur le côté sombre de ce projet, la liberté du duo, le deuil qui les a frappé, leurs concerts, leur relation compliquée avec la France, les textes à double sens ou encore l'importance du sexe. Interview sans filtre avec Julie !
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