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Ce n'est pas le tube le plus connu des deux artistes. Pourtant, il marque une collaboration événementielle entre Michael Jackson et Janet Jackson. En 1995, le frère et la soeur décident pour la première fois de partager le micro sur "Scream", une chanson aussi attendue que personnelle. Pourtant, loin d'être uniquement un coup marketing, ce titre est une étape phare dans la carrière des deux stars américaines. D'un côté, Janet Jackson vient d'enchaîner trois albums à succès ("Control", "Rhythm Nation 1814" et "Janet"), des tubes à la pelle et une série de records. De l'autre, Michael Jackson sort d'une période compliquée après avoir été accusé d'attouchements sexuels sur Jordan Chandler, alors âgé de 13 ans, en 1993. Au cours d'une affaire retentissante dans laquelle il est obligé de prouver son innocence à la télé, le Roi de la pop signe un accord à l'amiable avec la famille du plaignant pour un montant estimé à 25 millions de dollars.

"Je suis toujours coupable par association"

Une épreuve très difficile à surmonter pour Michael Jackson, comme l'affirme sa soeur dans son documentaire "Janet" diffusé courant janvier aux Etats-Unis : « On [l'a soutenu avec ma famille] pour montrer qu'on était là pour lui. Nous sommes restés dans son ranch, pour être sûr que Mike sache qu'il avait le soutien de sa famille. Qu'il sache qu'on l'aimait, qu'on était de son côté et qu'on allait s'en sortir ». Alors que Michael était en pleine tourmente et commençait à multiplier les prises de Xanax, Valium ou antidouleurs, tous les regards se sont tournés vers Janet Jackson, en pleine tournée mondiale. En concert à New York, Janet Jackson a demandé au public de faire « une prière silencieuse » pour son frère. « Mon frère n'aurait jamais fait quelque chose comme ça, mais je suis toujours coupable par association. C'est comme ça qu'on dit non ? Je connais mon frère, il n'avait pas ça en lui » avoue-t-elle aujourd'hui dans le documentaire : « Mike a abandonné, donné de l'argent à la famille. Il voulait que ça s'arrête, mais ça fait croire qu'il est coupable ».

"Je savais qu'il avait quelque chose à dire"

Au sortir de cette épreuve, Michael Jackson a voulu exprimer sa colère et son incompréhension dans une chanson, qui deviendra donc "Scream". Le documentaire "Janet" nous permet d'ailleurs de voir des images d'archives dans l'appartement new-yorkais de Michael Jackson en 1993, lorsque frère et soeur ont commencé à écrire les premières bribes du morceau. Et Janet Jackson savait que celui-ci tenait beaucoup à son frère aîné : « Je lui ai dit "Tu écris tes couplets, j'écris les miens" parce que je savais qu'il avait quelque chose à dire. (...) C'était sa chanson, et j'étais là pour le soutenir. J'avais ce rôle de soutien, tout du moins j'espérais l'avoir. Je pense qu'il avait besoin de ce soutien que j'essayais de lui donner avec cette chanson. (...) Mike traversait beaucoup de choses, et je pense que ça lui pesait beaucoup ».

Michael Jackson veut ainsi faire de "Scream" sa réponse musicale à toutes les accusations ou les rumeurs des tabloïds qu'il entend sur son compte depuis des années. Le caisson à oxygène dans lequel il dormirait, les os de John "Elephant Man" Merrick qu'il aurait racheté... C'en est définitivement trop pour celui qui se dit « fatigué de l'injustice » et des « complots ». « You try to cope with every lie they scrutinize / Somebody please have mercy / 'Cause I just can't take it / Stop pressuring me, just stop pressuring me / Stop pressuring me, make me want to scream » chante-t-il à pleins poumons, des mots dans lesquels Michael Jackson met toute sa rage. D'ailleurs, le producteur du titre Jimmy Jam raconte comment Michael a enregistré son couplet en studio et est passée d'une petite voix « au diable de Tasmanie » : « Il danse dans la pièce, claque des doigts. (...) Il s'était totalement transformé en la superstar Michael Jackson. Il a chanté sa partie du début à la fin. Quand la chanson était finie, il est resté silencieux et puis il a dit "C'était comment ?". On lui a répondu : "Ouais, Mike, c'était bon !" ».

Un budget record pour le clip

"Scream" est donc le premier single chargé d'annoncer le prochain projet de Michael Jackson : "HIStory: Past, Present and Future, Book I", un double album avec un disque compilation et un autre composé de 15 titres inédits. Le succès est bien évidemment au rendez-vous puisque la chanson sera numéro un en Finlande, Italie, Espagne ou Hongrie, troisième au Royaume-Uni, quatrième en France et cinquième aux Etats-Unis. Sur le sol américain, "Scream" bat le record du meilleur démarrage pour un single, devant "Let It Be" des Beatles qui était entré sixième du classement Billboard en 1970. Quant à l'album, il s'en vend plus de 20 millions de copies dans le monde. Pour soutenir "Scream", un clip d'une envergure inédite est dévoilé. Et c'est Mark Romanek, à qui l'on doit des clips pour Madonna, David Bowie ou encore le controversé "Closer" de Nine Inch Nails, qui réalise cette vidéo stellaire en noir et blanc dans laquelle Michael et Janet s'envolent dans l'espace avec leur vaisseau. Au programme, jeux en tous genres, gravité, chorégraphies et oeuvres de Magritte, Warhol ou Basquiat.

Avec un record à la clé : celui du clip le plus cher jamais tourné, avec un budget estimé à 7 millions de dollars ! Notamment dû aux droits déboursés pour pouvoir utiliser lesdites oeuvres d'art, ce chiffre n'a jamais été dépassé depuis, bien que Mark Romanek ait avoué avoir tourné deux autres vidéos qui ont coûté bien plus cher. Mais le tournage de la vidéo de "Scream" n'a pas été de tout repos, comme le révèle Janet : « C'était dur. C'était un tournage qui devait durer 3 jours. J'oublié combien de temps ça a duré. Ça a coûté 7 millions à faire, c'était censé coûter bien moins que ça. Michael tournait la nuit, moi la journée ». La chanteuse de 55 ans précise d'ailleurs qu'elle et son frère tournaient leurs parties sur des plateaux différents et qu'elle avait interdiction de se rendre sur celui de Michael : « Je pense qu'ils voulaient qu'il y ait une sorte de compétition entre nous deux. Ça m'a vraiment blessé. Je sentais que j'étais là pour combattre avec lui, pas contre lui ». Si "Scream" n'aura pas l'aura tubesque d'un "Billie Jean" ou "Black or White", il deviendra néanmoins un joli succès dans la carrière de Michael Jackson, permettant au King of Pop de régler ses comptes avec ses détracteurs.