Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Quel bilan faites-vous de 2015 ?
Jérémy : On a passé cette année en étant très heureux. Et c'était très important. On était quand même dans un tourbillon. Tu ne peux pas t'en échapper comme ça. Dans une tournée, tu fais vivre des gens clairement, tu donnes un emploi à des gens, et puis au-delà de ça, on est deux et il ne faut pas qu'il y en ait un qui fonde. On a vécu tous les deux quelque chose de très très sain et de très très heureux ! C'est un gros avantage. Je ne suis pas sûr que tous les artistes vivent ça de cette manière.
Jérémy : Tu es tout le temps dans la lumière. Les gens croient que c'est génial, que c'est trop bien, que tu es tout le temps heureux. Il y a des parties d'ombre qui ne sont pas connues.
Vous vous y attendiez ?
Jérémy : Oui oui... On s'y attendait. C'est aussi sans doute pour ça qu'on a réussi un peu à les éviter.
Florian : C'était riche en expériences.
Malheureusement, l'année a été marquée par des attentats contre "Charlie Hebdo" ou ceux du 13 novembre, notamment au Bataclan. Comment on réagit face à ça quand on est artiste ? Le public attend forcément une réaction des célébrités... Comment trouver les mots ?
Florian : C'est très compliqué de savoir comment réagir. Quand il se passe des choses aussi violentes et dramatiques, et que c'est finalement le sujet numéro un de la France, de l'Europe, du Monde, en tout cas dans les médias... Tout le monde dit ce qu'il pense, et des âneries un peu.
Jérémy : Tout le monde attend tout le monde aussi...
Est-ce que ce sont des sujets qui peuvent vous inspirer ou que vous évitez ?
Florian : Ah oui c'est très inspirant. Après on n'a pas une volonté d'écrire absolument dessus... Si on a une idée qui tourne autour, elle va mûrir et sortir tout seule.
Vous ne vous dîtes pas que c'est un sujet un peu délicat à aborder ?
Florian : Si bien sûr. Mais ce sont des thèmes qu'on aborde déjà, sauf qu'on ne va pas le dire clairement. On ne va pas mettre les mots qui font jouir tout le monde. On est plus dans des mots positifs. Mais quand tu parles de guerre, de violence, tu parles à l'opposé d'amour et de paix. Nous, on parle d'amour et de paix. Donc on parle de la même chose.
Florian : Il n'y a pas de raison d'avoir peur. On vit dans une époque qui est comme elle est. Ce n'est pas nouveau. Depuis toujours il y a de la violence, les gens se révoltent... A l'époque, on a coupé la tête des Rois. Si ça avait été médiatisé, avec les médias d'aujourd'hui, ça aurait été une crise incroyable. Ce sont les médias qui foutent le bazar. C'est pas l'époque. Il faut la vivre. Plus on aura peur, plus on va se cloisonner, plus on va se séparer, plus ça va être pire.
A LIRE : Fréro Delavega se confie sur le poids du succès : "Il y a eu des dysfonctionnements entre nous"
Donc le mort d'ordre, c'est "ne pas céder à la peur"...
Florian : Il n'y a pas de raisons d'avoir peur. Ils peuvent rester chez eux, il peut y avoir un hélicoptère ou un avion de terroristes qui atterrisse sur leur maison. Il faut vivre. On a la chance de vivre en Europe et en France. Il faut honorer la vie. Il y a des peuples ailleurs qui vivent ce genre de conflits, et eux malheureusement, ils n'ont pas de chez eux pour se cloitrer. Eux ils sont obligés de courir, dans l'espoir qu'on leur ouvre une frontière pour espérer échapper à la guerre que nous nous faisons chez eux. Donc il ne faut pas avoir peur de venir aux concerts. (Sourire)
Florian : C'est catastrophique. Ça nous tue. Quand tu remontes l'échelle, tu te rends compte que c'est juste le même problème. C'est le système. Tout le temps. C'étaient des mines, c'est ça ?
Jérémy : C'étaient des mines dans lesquelles on mettait des déchets dedans...
Florian : Encore une fois, ces mines c'étaient pour nourrir les 5% de la population mondiale, leur offrir leurs petits bijoux, leur offrir leur petite denrée rare que le peuple a travaillé pour. A un moment donné, il faut dire stop. Je suis un être humain, on est des milliards. Le pouvoir c'est nous qui l'avons. Ce ne sont pas les 5%. Si nous on arrête de consommer ces choses qui tuent la planète, on arrête de faire vivre ces gens.
Jérémy : On consomme au détriment des autres. J'ai lu ce matin que si chaque être humain vivait comme un Occidental, il faudrait trois planètes pour alimenter tout le monde. C'est fou !
Florian : On s'est éloigné de la question, peut-être ? (Rires)
Jérémy : Pas que de musiciens, d'êtres humains !
Florian : Nous, c'est notre entourage qui est comme ça. Il y a de plus en plus de musiciens qui ont un message fort, positif. Je pense que le message est en train de changer. Pendant longtemps, les artistes qui s'engageaient, ils s'engageaient contre. C'étaient des rebelles, des révolutionnaires, des anarchistes. Finalement, ils recréaient ce qui existait déjà. Ils recréaient une guerre, un conflit. La conscience a changé j'ai l'impression. Les gens ont compris qu'il fallait juste être en paix. C'est un message qui avait été beaucoup colporté dans les années 70, avec la guerre du Vietnam, le peace & love. Et ça a été sali car tout le monde a mis la drogue dessus... Finalement, c'est un message qui est tellement vrai et encore d'actualité. La seule solution, c'est de s'aimer. C'est hyper basique mais quand tu comprends réellement le sens et que tu le ressens, tu trouves plus ça débile. D'ailleurs, les gens qui trouvent ça débile, ils profitent du système et sont enfermés dedans, malheureusement.
Découvrez le clip "Ton visage" :
Jérémy : Mais ça nous ne nous arrivera jamais mec ! (Rires)
Florian : En tout cas, si jamais ça arrive, on aura fait des choix qui prendront en compte qui on est. Donc finalement on sera bien. Mais vu les choix qu'on a, ça n'arrive pas ! (Rires) On est contre ce monopole médiatique et artistique. Adele, franchement...
Jérémy : Elle a tout donné dans son album !
Florian : Non mais c'est super ce qu'elle fait. Encore une fois, c'est un choix. C'est le monde qui choisit que c'est Adele la Reine de la chanson pop. Mais c'est tellement subjectif. Il faut arrêter. Il faut mettre un peu tout le monde sur le même piédestal et faire vivre l'art, la musique. Évidemment, on est content d'avoir un succès, mais je suis contre le monopole des radios avec trois titres qui passent par jour. Même si j'y participe. Pour le moment !
Pourquoi tu penses déjà au moment où le succès va s'arrêter ?
Florian : Non mais le "pour le moment" est important.
Jérémy : Ah mais avant "The Voice" déjà. On l'avait vu sur Internet déjà !
Florian : On a fait partie des millions qui l'ont vu sur le net.
Jérémy : Pour nous, ce n'est pas une compétition ce truc-là. C'est juste le partage de plusieurs univers musicaux.
Florian : Enfin si, l'émission c'est une compétition, mais nous on n'y allait pas comme ça. Kendji, c'est un des rares avec qui on s'est bien entendu. Pas parce que les gens sont cons, mais parce que lui il était cool...
Jérémy : Oui et il s'en foutait de la compét'. Il est tout le temps heureux. Il est content d'être là. C'est un des rares artistes qui te dit "Bonjour", qui te parle vraiment. Il y a une certaine gène durant ces réunions d'artistes. Les gars te regardent, ils savent qui tu es, mais personne ne se dit vraiment "Bonjour". Je trouve ça vraiment chelou. Dans le milieu sportif, c'est pas du tout comme ça par exemple. En tout cas, Kendji, on l'aime beaucoup.
Découvrez "Le coeur éléphant" :
Jérémy : J'ai pas l'impression qu'il y a de la place pour tout le monde justement. Il y en a combien en France qui vendent beaucoup ? Il y a de la place pour deux, trois ou quatre.
Florian : Dans "The Voice", beaucoup participent et il y en a deux qui marchent. C'est peu finalement. C'est pas souvent le plus objectif artistiquement qui a ce succès. On a côtoyé Igit dans notre saison, c'est un artiste très complet, il avait juste besoin de "The Voice" pour se montrer. Et ce n'est pas quelqu'un qui a été choisi. Alors que sa musique est aboutie, elle lui correspond, il y a une vraie identité. Je pense qu'il a le mérite d'en vendre des millions lui aussi. Ça se fait pas. Il y a autre chose derrière...
Et quand vous voyez que les coachs, eux, comme Mika et Zazie ont plus de mal à séduire avec leur disque. On se dit quoi "l'élève dépasse le maître" ? Comment vous analysez ça ?
Jérémy : Mais en fait, il n'y a pas du tout cette relation maître-élève. Ça n'a jamais été instauré.
Florian : C'est vrai, ça n'existe pas. Ça existe que dans l'illusion de l'émission. C'est pour ça que les gens pensent qu'on doit se revoir après, mais tout le monde vient participer et quand c'est fini, chacun fait sa vie. On fait tellement un truc qui n'a rien à voir. C'est personnel ce qu'on fait. On est en compétition avec nous-mêmes.
Jérémy : Quand tu es à l'école, quand tu croises ton prof dans la rue, c'est un mec comme toi. Ce n'est pas la même relation. Et là c'est pareil.
A LIRE : Que vaut l'album "Des ombres et des lumières" de Fréro Delavega ?
Et quels sont vos coups de cœurs musicaux de 2015 ?
Jérémy : Moi ils ne sont pas de 2015 mais je les ai écoutés en 2015. Là j'écoute beaucoup Philippe Katerine. Son album "Mes mauvaises fréquentations" (paru en 1996, ndlr). Je suis en train de me cultiver. J'ai toujours eu de la musique qui venait à moi, sans faire quelque chose. Là j'ai envie d'aller vers elle.
Florian : Cette année j'ai écouté les albums de Kings of Convenience. J'ai découvert cette année. Et aussi Blick Bassy, un chanteur camerounais. C'est de la musique africaine, remise au goût du jour, avec des influences électroniques. Il y a beaucoup de violoncelles. C'est hyper beau.
Jérémy : C'est un peu le Lana Del Rey 2016 ! (Rires)
Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour 2016 ?
Jérémy : Du travail, du bonheur.
Florian : Que ça se passe bien, qu'on soit content. Qu'elle soit heureuse.
Jérémy : Oui, que 2016 soit heureuse. Même si je finis par vendre des frites ! (Rires)
Florian : Que ce soient les meilleures frites du monde !