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Franz Ferdinand en interview : "On continue plutôt que de rester attaché au passé"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Franz Ferdinand est de retour avec le best of "Hits to the Head", faisant le point sur 20 ans de carrière en 20 titres, dont deux inédits. Joints par Zoom, le chanteur Alex Kapranos et le bassiste Bob Hardy se confient sur l'intérêt de sortir une compilation à l'ère du streaming, l'arrivée de la batteuse Audrey Tait, première membre féminine du groupe, et replongent dans leurs souvenirs musicaux.
Crédits photo : David Edwards
A quoi bon sortir un best of à l'heure où on peut créer une playlist en streaming en quelques minutes ? Très populaire à l'heure du CD et du vinyle, la compilation est depuis tombée en désuétude. Mais pas pour Franz Ferdinand. Le groupe de rock écossais fête ses (quasi) 20 ans de carrière avec "Hits to the Head", contenant 18 anciens titres et 2 inédits. 20 années de hauts et de bas, des débuts explosifs aux départs des membres, des petits bars aux plus grands festivals. Alex Kapranos et Bob Hardy, chanteur et bassiste de la formation et seuls membres originaux encore présents, auraient dû être à Paris pour faire le bilan de ces deux décennies. La pandémie en a décidé autrement et c'est donc via Zoom que les deux Ecossais ont répondu à nos questions.

Propos recueillis par Théau Berthelot.

C'est un nouveau Franz Ferdinand qui existe désormais... Vous êtes impatient de faire découvrir au public cette nouvelle formation du groupe ?
Alex Kapranos : Oui, j'ai vraiment hâte ! Le groupe sonne super bien, Audrey [Tait, la nouvelle batteuse] est une personne tellement sympathique. Je sais que les retours des fans ont été excellents quand on a annoncé l'arrivée d'Audrey... On peut sentir que c'est bon signe pour le groupe !
Bob Hardy : Quand on entend les parties de batterie sur nos disques ou qu'on les voit dans les clips, on voit que Franz Ferdinand existe en tant que groupe live. Ça a quasiment toujours été comme ça depuis que nous avons commencé. On se dit toujours qu'on veut partir en tournée pour que les gens nous entendent jouer véritablement en live.

Le groupe a été récemment marqué par le départ du batteur Paul Thomson. Comment ça s'est passé ?
Bob Hardy : La pandémie a certainement eu un impact là-dessus. Pour la première fois, les gens se sont arrêtés pendant un moment. Paul était à la maison avec ses enfants pendant tout ce temps. C'est la première fois où il a pu rester aussi longtemps avec sa famille. Je pense qu'il est entré dans une sorte de routine et il ne pouvait pas imaginer repartir sur les routes pendant de longs mois comme on le fait habituellement. Je pense que pour lui, c'était le bon moment pour arrêter.
Alex Kapranos : Bob a raison, la pandémie a véritablement eu un impact sur nous. Nous avons tous trouvé différentes activités pour nous occuper pendant tout ce temps. Moi, j'ai reconstruit mon studio, j'ai fait du cidre, j'ai écrit des chansons... Toi, qu'est-ce que tu as fait Bob ?
Bob Hardy : J'ai rejoué à "Breath of the Wild" !
Alex Kapranos : Et toi, qu'est-ce que tu as fait pendant la pandémie ?

Pour Paul, c'était le bon moment d'arrêter
J'ai lu et rattrapé pas mal de films ou de séries !
Alex Kapranos : Oui, exactement ! Des séries comme "Tiger King"... Pendant le confinement, Paul lui s'est mis au speed heavy metal drumming. Ça implique le fait de jouer avec deux grosses caisses très très vite... Il est devenu très vite obsédé par ça. Et quand on s'est retrouvé pour jouer à nouveau, et pour répéter nos nouvelles chansons qui ont fini par devenir "Billy Goodbye" et "Curious", il a amené cette double grosse caisse, et on s'est vraiment demandé ce qu'il allait faire avec ça. (Rires) Je pense que dans sa tête, il était devenu un batteur de heavy metal qui ne voulait plus partir en tournée. (Il prend une pause) Et c'est ce qu'il a finalement fait...

C'est le deuxième départ du groupe après celui du guitariste Nick McCarthy en 2016. C'est toujours difficile de gérer ce genre de crise ?
Bob Hardy : Evidemment, c'est quelque chose de difficile, mais bon, c'est la vie ! Tout est temporaire... C'est ça aussi d'être dans un groupe. Peu importe ce que tu fais, si tu es créatif tu essaies de voir ça comme une opportunité.
Alex Kapranos : Exactement ! Ce n'est pas l'événement en lui-même qui dicte ton passé ou la réponse que tu vas avoir. Tu peux t'asseoir, te dire que tu es désolé pour toi-même et que ça va être un désastre, ou alors tu peux voir ça d'un bon côté en te disant : "On est heureux parce que maintenant on peut jouer avec Audrey et que c'est une belle opportunité". Tout dépend de la façon dont tu gères ça mais nous nous l'avons fait d'une manière très positive.

Regardez le clip "Billy Goodbye" :


Avec l'arrivée d'Audrey, c'est comme si c'était un nouveau projet
Comment est arrivée Audrey Tait, la nouvelle batteuse ?
Bob Hardy : Après que Paul a quitté le groupe, nous avons commencé à passer en revue les batteurs que nous connaissions à Glasgow. Julian [Corrie, guitariste et claviériste de Franz Ferdinand depuis 2017, ndlr] connaissait déjà Audrey, Dino [Bardot, guitariste du groupe, ndlr] l'avait déjà vu jouer et avait été impressionné... Quand Julian nous a dit qu'elle était géniale, on a checké son Instagram. Et elle faisait toujours de la batterie !
Alex Kapranos : On a tous regardé des vidéos d'elle.
Bob Hardy : Dino l'avait vu jouer avec son propre groupe lors d'un festival. Et quand il l'a vue, il s'est dit que s'il avait un nouveau groupe et qu'il cherchait une batteuse, ce serait forcément elle. Julian l'a appelé, et elle est venue tout de suite...
Alex Kapranos : Ce qui était étrange, c'est que c'était le matin où nous étions en répétition. Nous pensions que Paul allait venir et on nous a dit qu'il ne reviendrait pas. A ce moment-là, on s'est tous assis et on a conclu qu'on avait besoin d'un nouveau batteur. On a parlé d'Audrey et on l'a littéralement appelée dans la foulée. Elle est arrivée vers 18 heures ce soir-là et nous avons joué. Et on est passé de la matinée où on pensait que Paul était toujours dans le groupe au soir où Audrey était notre nouvelle batteuse. C'était fou !
Bob Hardy : Et puis, on était ouvert. On avait besoin d'un autre batteur. Donc on voulait voir ce que ça allait donner. C'est l'essence de notre projet, c'est comme quand on écrit. On ne sait pas où ça va mais on va voir ce que ça va donner. C'est comme ça que nous avons abordé cette approche, comme lorsque nous apportons de nouvelles idées pour nos chansons.
Alex Kapranos : On devait aussi faire confiance à notre instinct. Ça aurait pu être horrible si ça jouait mal, mais si ça joue bien, c'est génial.

C'est la première femme à intégrer le groupe, est-ce que ça change quelque chose ?
Bob Hardy : Pour moi, c'est comme si c'était un nouveau projet. On est en studio, et c'est quelque chose qui m'excite.
Alex Kapranos : C'est drôle parce que beaucoup de gens nous disent "Audrey est une femme, est-ce que ça a un impact sur le groupe ?". Je ne pense pas vraiment à Audrey dans le groupe en tant que femme, mais plutôt à Audrey comme une grande batteuse et une grande personne. C'est comme ça que je pense à elle. Cette histoire de genre n'est pas pertinente.

On voit tout de même peu de femmes dans les groupes de rock, surtout dans ceux qui ont le plus de succès...
Bob Hardy : Je pense que c'est en train de changer... L'année dernière, j'ai l'impression que les meilleurs disques qui sont sortis ont été faits par des femmes. Je pense que ça a tendance à évoluer.
Alex Kapranos : Il y a toujours eu des femmes batteuses que l'on adore. Je pense à Sarah qui était avec Hot Chip et qui joue pour Harry Styles, Anna Prior pour Metronomy... Mais c'est une question qui peut paraître hors de propos aujourd'hui : soit tu es un bon batteur, soit tu ne l'es pas.

Ça fait des années qu'on veut faire un best of, il faut savoir quand le sortir dans ta carrière
Vous êtes donc de retour avec un best of "Hits to the Head". Pourquoi en sortir un aujourd'hui, à ce moment de votre carrière ?
Alex Kapranos : On en a beaucoup parlé entre nous... Et on voulait vraiment sortir ça en vinyle, c'est très important pour nous. Ça fait des années qu'on pense à faire un best of et c'est important de savoir à quel moment de ta carrière tu veux le sortir. D'un côté, ça aurait été drôle d'en sortir un au bout de deux albums mais d'un autre côté, quel est l'intérêt ? C'est ce qu'on a toujours eu envie de faire. Le truc, c'est qu'avec un double vinyle, tu ne peux mettre qu'un nombre assez limité de chansons dessus. Et on s'est dit que si on ne le faisait pas maintenant, tout n'aurait pas pu tenir sur un seul CD ou double vinyle. Donc on n'avait pas trop le choix, on devait le sortir maintenant.

Après, ce serait devenu un triple ou un quadruple vinyle...
Alex Kapranos : Oui, ce serait devenu trop énorme.
Bob Hardy : Et les frais d'envoi auraient été trop chers ! (Rires)

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Une compilation, est-ce toujours utile à l'heure du streaming et des playlists ?
Alex Kapranos : Bien sûr ! Un best of, c'est toujours important car, basiquement, c'est le meilleur album d'un groupe. Quand tu fais ce genre d'album, tu choisis les meilleures chansons de ton répertoire. Ça ne veut pas dire que ce sont les chansons préférées de tout le monde. Et ce n'est pas véritablement différent de faire une playlist sur les plateformes de streaming aujourd'hui, que quand je faisais des cassettes / compilations quand j'avais 14 ans. C'est exactement la même chose ! Tout le monde peut faire sa propre playlist, et c'est quelque chose de différent d'un greatest hits. C'est quelque chose qui a une certaine définition.
Bob Hardy : Nous avons mis beaucoup d'efforts là-dedans, davantage que si on créait une playlist sur Spotify. C'est probablement parce qu'on est un groupe qui a toujours travaillé dur, qui a toujours été préoccupé par les visuels, les images. On met beaucoup d'efforts pour que ce soit un bel objet. Et ça a été très amusant à faire.
Alex Kapranos : Et quand on commence à se dire ça, on peut se demander à quoi bon sortir des disques, des vinyles... Je pense qu'il y a toujours un certain intérêt à avoir une collection de titres d'une certaine période. Et là c'est la première section de la carrière artistique d'un groupe. On a un arc et on essaie de rassembler tout ça. C'est une rétrospective.

Un best of, ce sont tes meilleures chansons, pas les préférées de tout le monde
Ça peut aussi être une porte d'entrée pour vous faire connaître à un plus large public. Par exemple, dans mon cas, j'ai découvert Radiohead avec le best of, avant d'écouter les classiques "Kid A" ou "OK Computer"...
Bob Hardy : Ça peut être une porte d'entrée...
Alex Kapranos : Et ça marche aussi de deux façons. Pour certaines personnes, un best of c'est suffisant. Je pense souvent à l'exemple de David Bowie. Ma mère avait la compilation "Changes". Et c'est tout ce qu'elle avait de Bowie parce que ça lui suffisait, que les hits : "Suffragette City", "John, I'm Only Dancing"... C'est tout ce dont elle avait besoin. Mais pour moi, ça a été une porte d'entrée. "Changes" reste un bon disque, mais mon album préféré de Bowie est "Low". Et je ne serais pas arrivé à "Low" si, comme toi, je n'étais pas passé par le best of avant cela. Donc j'aime bien l'idée que la mère de quelqu'un puisse acheter "Hits to the Head" et que cela fasse découvrir à quelqu'un "Bullet" ou nos faces B les plus obscures.

Quatre années ont passé depuis votre dernier disque "Always Ascending". Pourquoi ne pas avoir sorti un album inédit à la place ?
Alex Kapranos : Ça a beaucoup à voir avec la pandémie. Les choses seraient arrivées plus vite et plus tôt s'il n'y avait pas eu la pandémie. Mais, qu'est-ce qu'on y peut ? Mais on est en train d'écrire et il y a des choses qui vont bientôt sortir, ne t'inquiète pas ! (Sourire)

Est-ce que la sortie de ce best of reste une pression par rapport à celle d'un album normal ?
Bob Hardy : C'est une bonne question... Quand tu as un nouveau disque qui sort et que tu as hâte que les gens l'entendent, tu es assez excité... Il y a un peu de ça avec le best of, parce qu'il y a deux nouvelles chansons et qu'elles ont un peu la même fonction. Il y a les inédits, les clips, donc il y a un petit peu de cela... Mais je pense que quand tu as ça en tête, tu penses surtout aux concerts, au fait que ça va être une grande fête. Les gens vont venir à nos concerts et entendre tous nos tubes les uns à la suite des autres. La pandémie a eu une influence là-dessus car évidemment, tout devait sortir plus tôt mais ça a été repoussé. Du coup, j'ai surtout vraiment hâte de remonter sur scène, c'est ce qui m'excite le plus. Et j'ai été vraiment frustré de pas pouvoir le faire durant le pandémie.
Alex Kapranos : C'est intéressant d'avoir mis "Billy Goodbye" et "Curious" sur l'album parce que, pour moi, un album comme ça est un arc, il représente la progression artistique d'un groupe. Ça va de nos débuts jusqu'à aujourd'hui. Littéralement, dès que nous avons fini d'enregistrer ces chansons, on les a envoyées pour être masterisées. C'était vraiment du travail jusqu'à la dernière minute. C'est la seule raison pour laquelle j'aime faire ça, parce que c'est dans une continuité. On continue, plutôt que de rester attaché au passé.

On a mis beaucoup d'efforts dans ce greatest hits
Comment avez-vous opéré le choix des chansons du best of ? J'ai lu que vous avez choisi des chansons que les fans adorent comme "Outsiders" et, au contraire, certains singles comme "Feel The Love Go" ou "Can't Stop Feeling" manquent à l'appel...
Alex Kapranos : Oui tu as raison, il en manque certains comme "Bullet" ou "Eleanor Put Your Boots On" aussi, mais "Outsiders" y est... On a fait ce qui nous semblait juste. Quand on a réfléchi à la liste, on s'est dit "peut-être que celle-là, bof". Je ne sais pas si "Eleanor Put Your Boots On" aurait eu sa place sur un best of, là ça ne nous semblait pas approprié. Par contre, "Outsiders" est une chanson tellement énorme, elle a une réelle connexion avec le public et elle a vraiment sa place sur "Hits to the Head", peut-être plus que "Bullet" ou "Can't Stop Feeling". Encore une fois, comme quand on parlait d'Audrey, quand ton instinct te dit que c'est bien, il faut l'écouter !

La pochette est inspirée de l’art russe comme sur vos premiers albums. Est-ce là un clin d'oeil à vos débuts ?
Alex Kapranos : Pas seulement à nos premiers albums, mais j'y pense en tant que cette esthétique autour de laquelle le groupe s'est formé. Cette esthétique ne forme pas seulement une identité visuelle mais aussi une identité sonore. Le fait de prendre une approche minimaliste, d'utiliser une palette limitée pour faire quelque chose de très direct, très simple et très brut à la fois. J'ai l'impression que ça résume l'attitude du groupe. Tu ne peux jamais faire quelque chose qui capture absolument tout l'arc du groupe, mais ça, je trouve que ça le résume bien. Quand tu prends la pochette de "Right Thoughts, Right Words, Right Action", ça a la même saveur et la même consistance créative.

Ce côté artistique se ressentait aussi dans vos clips...
Alex Kapranos : Oui, et ce qui est cool aussi c'est que c'est Dino et moi qui avons travaillé sur la pochette de l'album. Il a vraiment compris cela...


Regardez le clip de "Curious" :



On le disait, le best-of contient deux inédits "Curious" et "Billy Goodbye". Comment sont-ils nés ?
Alex Kapranos : Les deux chansons sont assez différentes... "Billy Goodbye", je l'ai écrite à la guitare acoustique et quand on l'a répété, on a modifié pas mal de choses. Quand on a commencé à la jouer, c'est tout de suite devenu évident qu'elle allait sonner comme ça. Il y a un riff au début, et c'est vraiment un riff à la Dino qu'on n'aurait pas entendu sur nos précédents albums. Pour "Curious", c'était différent. J'étais dans le Sud de la France. Je commençais à tester des choses au piano, et puis on a commencé à s'envoyer des choses avec Julian par ordinateur et ça a commencé à prendre forme doucement. Mais il y a la chanson et LA chanson. Quand tu joues cette dernière, c'est là que tu te rends compte qu'elle commence à prendre forme.

"Billy Goodbye" et "Curious", ce sont les 2 facettes du groupe
Ce sont des titres plus rock, moins synthétiques comme dans "Always Ascending". Vous aviez envie de revenir dans cette direction ?
Alex Kapranos : Je pense que "Billy Goodbye" est vraiment une chanson rock. "Curious" c'est plus une chanson pour le dancefloor, avec sa guitare acoustique. En quelque sorte, ça représente les deux facettes du groupe : le côté punk-rock plutôt représenté par "Billy Goodbye", et le côté plus dansant que l'on retrouve dans "Curious". Pour le côté électronique, ça a plutôt à voir avec les histoires de production. Quand on a enregistré avec Philippe [Zdar, membre de Cassius décédé en 2019, ndlr], il voulait que la batterie sonne comme quelque chose de synthétique. Ça a donné à "Always Ascending" une sonorité différente des autres albums, mais c'est ce qui nous semblait bon de faire à l'époque.

Le clip de "Billy Goodbye" rappelle celui de "Do You Want To" d'ailleurs. C'était un clin d'oeil voulu ?
Alex Kapranos : C'est nous et Diane [Martel, la réalisatrice du clip] qui avons voulu cela.
Bob Hardy : Par contre, c'est peut-être un peu plus sombre que nos anciennes vidéos parce qu'il y a des choses bizarres qui se produisent dans le clip...

Dans les premières années de votre carrière, vous avez fait pas mal de faces B. Pourquoi ne pas les avoir rassemblées sur un deuxième disque, un peu à la manière d'Oasis avec "The Masterplan" ?
Bob Hardy : Je vais le noter, tiens !
Alex Kapranos : C'est une idée géniale, on devrait faire ça...

Vous n'y aviez jamais pensé ? Comme par exemple les mettre en CD bonus du best of ?
Alex Kapranos : Je n'aime pas vraiment les CDs bonus. Si tu dois le faire, tu dois bien le faire. Quand tu sors un album au Japon, tu dois toujours mettre quelques chansons bonus dessus. Et tu sais ce que je déteste sur Spotify ? Quand tu recherches un album et que tu veux l'écouter, on te propose toujours la version avec les merdes en bonus que tu ne veux pas écouter. C'est de la connerie ! Ces chansons sont merdiques, c'est pour ça qu'elles sont pas sur l'album !
Bob Hardy : Surtout si c'est une production qui n'a rien à voir !
Alex Kapranos : Exactement ! Je veux écouter "Forever Changes" du groupe Love, et d'un coup je me dis "C'est quoi cette chanson ???".
Bob Hardy : Quand tu écoutes un album que tu adores depuis 20 ans, t'arrives à la fin et tu tombes sur les démos...
Alex Kapranos : J'adore les démos, les faces B et tout ça... Mais ça n'a rien à faire là avec l'album principal. Ça devrait être sur un truc séparé. Et ce que j'aime avec ces démos ou faces B, c'est qu'elles étaient très dures à trouver avant. C'était quelque chose d'exclusif. J'avais des bootlegs des Beatles en vinyles avec des versions bizarres chantées par Paul McCartney... Maintenant, tu peux les trouver juste en allant sur YouTube, c'est ce qui m'énerve.



C'était assez particulier de réécouter nos chansons
En parcourant les 20 titres de la compilation, quel bilan faites-vous de votre carrière ?
Alex Kapranos : 20 chansons pour pratiquement 20 ans... Pour moi, ça a été un peu bizarre parce que j'ai dû réécouter les chansons qu'on devrait "remasteriser"... Parfois, les albums sont masterisés à des niveaux différents les uns des autres. Donc tu dois les remasteriser pour que tout soit au même niveau. Et c'est une expérience assez inhabituelle parce que quand je finis quelque chose, je ne le réécoute jamais. Je ne réécoute jamais nos albums. Donc c'était une expérience assez particulière de réécouter toutes les chansons, tout cet arc, et de se rappeler de beaucoup de choses que j'avais oubliées. Des détails dans les sonorités qui te rappellent des situations... C'était une bonne expérience à vivre et à ne plus revivre. C'était comme avoir un album de photos de famille, tu peux regarder ça avec nostalgie mais tu te concentres quand même sur le présent.

Quel est le meilleur et le pire souvenir de votre carrière ?
Bob Hardy : Je ne sais pas si je peux parler de "pire souvenir"... Il y a eu beaucoup de temps forts, ça c'est sûr, plus que je ne peux compter. Le truc c'est que tous les mauvais jours qu'on a eu ont tendance à disparaître de mes souvenirs, je me souviens davantage des temps forts. Quand tu tournes comme nous, il y a des jours avec et des jours sans. Il y a des jours où tu dois prendre 3 avions et c'est assez ennuyeux. Mais en fin de compte tu ne te rappelles pas de ça, tu te rappelles plutôt des concerts. Je me souviens des concerts qu'on a fait, pas de la logistique et de tout ce qu'il y a autour. Le jour où ton avion est annulé et que tu dois y aller en voiture... Ça n'a pas de sens. Je me souviens juste des moments où nous sommes sur scène et où je me dis qu'on y est arrivé !
Alex Kapranos : Moi je me souviens du pire moment dans l'histoire du groupe ! On a joué en Colombie en 2014. Nous sommes arrivés à Medellin assez tôt dans la matinée. Les gens qui contrôlent les passeports sont arrivés, ils étaient un peu endormis. J'étais le premier dans la queue et ils m'ont fait signe d'avancer mais ils n'ont pas tamponné mon passeport. Et donc quand j'ai quitté Bogota, ils ne voulaient pas me laisser repartir parce que je n'avais pas de tampon disant que j'étais arrivé à Bogota. Ils m'ont fait payer une amande de 5.000 dollars. Et ce n'est même pas le pire : ils m'ont fait écrire une lettre d'excuses que je devais signer : "Je m'excuse envers l'Etat, le pays et les bonnes personnes de Colombie"... Je me disais : "Pourquoi dois-je m'excuser pour quelque chose qui n'est pas de ma faute ?". Ce n'était pas moi le coupable, c'est celui qui n'a pas tamponné mon passeport... (Rires)
Bob Hardy : Mais tu as aimé le concert quand même ?
Alex Kapranos : Oui, c'était génial ! C'était ce que Paul disait, c'étaient les meilleurs concerts. Je me souviens que pendant ce concert à Bogota, nous avons joué dans un magnifique théâtre et les gens étaient debout absolument partout dans les gradins et c'était tellement bien. Il y a des hauts et il y a des bas !

J'ai lu plein de fois que vous avez failli vous séparer après la tournée de l'album "Tonight"...
Bob Hardy : Je dirais plutôt qu'on n'avait pas de plans pour se revoir. C'est une bonne description ! (Sourire) On était pendant de longs mois sur les routes, puis on a tous pris un break. Mais on ne s'est jamais dit que c'était vraiment la fin. C'est ce dont je me souviens...
Alex Kapranos : Et on devait discuter aussi de beaucoup de choses, on devait mettre les choses au clair et on y est arrivé. C'est aussi simple que ça.

On travaille tout le temps sur de nouvelles chansons
Vous allez repartir en tournée. Vos concerts étant déjà des sortes de best of en soi, comment cela va se dérouler pour cette nouvelle tournée ?
Alex Kapranos : Pour nous, c'est assez différent... Une tournée comme ça, et Bob en parlait, c'est quelque chose d'assez excitant. Si un groupe que j'aimais faisait une tournée comme ça, je serais tellement excité. Quand on fait un concert dans le cadre d'un festival, c'est un set qui est similaire mais moins long, alors que quand on fait nos propres concerts, on se concentre principalement sur le nouvel album. Un bon nombre de chansons du nouveau disque plus quelques tubes des anciens albums. Là, ça va être vraiment tous nos tubes. On ne va pas faire ça très souvent. Ce sera votre chance de venir nous voir pour entendre tous ces tubes.

Pas mal de fans ont vu en "Billy Goodbye" et le fait de sortir un best-of une sorte d'adieu, de chant du cygne...
Alex Kapranos : Non non, absolument pas ! Même si c'est intéressant parce que c'est le début d'une nouvelle ère pour le groupe. J'ai l'impression qu'à chaque album, on se dit à chaque fois que ce qu'on a fait auparavant, c'est du passé, et on se concentre davantage sur le présent.
Bob Hardy : On fait un album, on fait une tournée et puis c'est le début d'un nouveau cycle. Quand on recommence à écrire un album, c'est comme si c'était un nouvel engagement. On est à ce moment de notre carrière où on se dit qu'on va toujours continuer à écrire.
Alex Kapranos : D'un côté, c'est comme si on rejetait en quelque sorte notre passé. On a conscience de notre passé, on se dit : "On a fait ça"...
Bob Hardy : C'est déjà sur la table, quoi.
Alex Kapranos : Tu sais, c'est comme quand une fusée va dans l'espace et que le premier niveau se détache... J'ai l'impression que pour aller toujours plus loin, il faut toujours laisser ce que tu as fait derrière toi et continuer d'avancer.

Un nouvel album est-il en préparation ? Que peut-on en attendre ?
Alex Kapranos : On travaille sur des chansons, tout le temps. On est train d'enregistrer des choses. Je ne veux pas trop dire ce à quoi ça va ressembler... Parce qu'on a déjà fait ça avant, et ça t'arrive de changer d'idées en cours de route. Je ne veux pas faire grimper les attentes des gens. A un moment, je crois que c'était pour notre troisième album, j'ai dit à trop de gens ce qu'on allait faire et on a fini par changer de direction et beaucoup de gens étaient déçus parce que ça ne correspondait à ce que je leur avais dit. Maintenant, je me suis fait la règle de ne pas en dire trop avant que ça sortie... Et comme ça je pourrais dire après coup que je savais exactement quoi faire pendant tout ce temps !
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