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samedi 26 mars 2022 12:19

Corneille en interview : "La crise a fait partie de mon enfance, on s'en relève toujours"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Dans un contexte morose, Corneille publie son nouvel album "Encre rose", gorgé de titres funky, positifs et plein d'espoir. Le chanteur se confie à Pure Charts sur son optimisme, l'impact du Covid sur ses textes, sa vision du passé et de l'avenir, ses enfants ou encore son processus créatif avec sa femme. Interview !
Crédits photo : Capture Pure Charts
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Dans quel état d'esprit es-tu pour la sortie de cet album "Encre rose" ?
C'est marrant, plus j'en fais, moins je suis anxieux avant la sortie. Plus jeune, à chaque album, c'était une question de vie ou de mort, il fallait que ça marche. Et plus le temps passe, plus je me rends compte que le carton n'est pas forcément là où il va être. J'ai déjà fait des albums qui n'ont pas cartonné en termes de chiffres mais qui m'ont amené d'autres publics, d'autres marchés, des trucs que je n'anticipais pas. Aujourd'hui, je m'assure juste que le produit me plait, que le résultat final corresponde à mes envies du départ. Quand j'écoute l'album et que je me dis "C'est moi", c'est bon, c'est réussi. Après le reste ne m'appartient pas. Mais je touche du bois quand même ! (Rires)

« Le format album me convient toujours »
Le format album, c'est toujours important pour toi malgré les modes de consommation qui évoluent ?
Pour moi, oui, j'y tiens encore. Je conçois que c'est un truc old school mais quand je crée, je crée rarement, voire jamais, juste un titre ou même trois, c'est au moins six-sept-huit. Avant dix titres, franchement, j'ai encore faim, il y a encore un truc que je n'ai pas exploré musicalement, un thème qui m'intéressait et dont je veux parler sans avoir à attendre le prochain album... Le format album me convient toujours. J'aime bien aussi l'idée de sortir des titres avant de proposer l'album, et que l'album soit comme une sorte de best of. Mais quand je crée, je crée en volume. Je ne peux pas faire un titre, l'enregistrer et m'arrêter. Il manque un truc ! Et pour chaque album, j'ai souvent un concept, dans la réalisation, les arrangements, donc il faut une collection de plusieurs titres pour ça.

Ce nouvel album est plus lumineux, plein d'espoir. On ne t'a d'ailleurs jamais entendu aussi optimiste. C'était le concept dès le départ ou le Covid a impacté le contenu des chansons ?
Le désir de faire un album aux sonorités soul/R&B fin 70 début 80, c'est un truc que je traine depuis très longtemps. J'ai toujours voulu le faire. Les textes, par contre, ça a été un produit du Covid. Les premières chansons ont été écrites à la fin de l'été 2020. J'ai écrit tout l'album avec mon épouse, en réaction à notre propre pessimisme. On a des enfants en bas âge et je commençais à leur prédire des trucs apocalyptiques alors que je suis quelqu'un d'optimisme de nature... Comme quoi, on a tous été affectés, et même changés pour certains. Pour mes enfants mais surtout pour moi, j'ai eu envie d'écrire des mots à l'encre rose, qui font du bien, de me remettre en question, remettre en question mes certitudes, et écrire un album vraiment humble, au sens premier du terme. Souvent mon fils de 12 ans sait mieux que moi et c'est pas cool à accepter mais il le faut bien. (Sourire) Tout l'album est parti d'aller contre des élans négativistes que je découvrais chez moi.

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« C'est l'album qui a été le plus facile à faire »
Comment on fait pour écrire des chansons aussi optimistes dans une période aussi compliquée ?
En fait, ça a été hyper facile. C'est l'album qui a été le plus facile à faire, où j'ai pris le plus de plaisir. Probablement car au niveau du texte, ça a fait oeuvre de thérapie. Et être entouré d'enfants aussi, de leurs amis, ça nous a donné un coup de jeune, ça nous a ouvert l'esprit. On a pris un peu de leur enthousiasme, d'être dans l'émerveillement, de vivre sa vie et d'être bien. On n'est pas allé dans le positivisme gratuit et naïf, je chante de vraies choses, je touche à des thèmes d'actualité, comme les identités qui éclatent, les frontières qui changent de formes et de couleurs. La chanson "Pause" par exemple évoque l'humilité d'un adulte face aux plus jeunes. J'ai beaucoup d'empathie pour les plus âgés qui n'ont pas l'impression de reconnaître le monde dans lequel ils évoluent. Le monde va dans ce sens-là, c'est irréversible, on ne retournera plus à l'époque où être gay est un problème par exemple. C'est fini ! Pour mes enfants, c'est normal, c'est intégré et je trouve ça beau. Là, ils ont des trucs à nous apprendre.

Tu pensais à l'impact des chansons sur les gens qui allaient écouter ? A quel point ça allait leur faire du bien ?
Ah non, j'essaie le plus possible de ne pas penser au public quand j'écris. Je respecte tellement le public et je me sens tellement redevable. En tant qu'artiste, on existe car ils sont là ! Le comble pour un artiste, c'est de penser savoir ce que le public veut, car ce n'est pas forcément vrai. Depuis mon premier album, j'ai parlé de moi en espérant toucher l'universel. Je ne peux pas inviter des gens dans ma bulle créative pour essayer de plaire, ce n'est pas ça l'art. Il faut parler de soi et on espère que ça rencontre des gens à qui ça va parler. Mais je ne peux pas faire un album en ayant ça en tête, c'est du suicide artistique ! (Rires)

« La crise fait partie de la vie, de mon enfance »
Tu chantes notamment « On ne dirait pas mais l'horizon scintille, le meilleur est devant ». Tu es vraiment optimiste sur l'avenir ou c'est une méthode Coué ?
Non, c'est un vrai truc ! Je n'ai pas les gènes naturellement optimistes mais j'ai un parcours de vie où, à chaque fois que j'étais au plus bas, j'ai toujours été élevé par quelque chose. J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Mes histoires ont souvent mal commencé mais très bien fini. C'est peut-être différent pour d'autres mais dans ma vie, c'est ça. Quand tu as compris l'aspect cyclique de toute chose dans la vie, tu te dis que si aujourd'hui ça va mal, ça va forcément aller mieux après. Je préfère le prendre comme ça. Oui on vient de passer deux ans terribles, et là on parle de guerre, mais la crise fait partie de la vie. La crise a fait partie de mon enfance. Et on s'en sort toujours plus grand, plus fort, ça c'est mon expérience personnelle.

Dans "Pause", tu chantes "Arrête-moi quand je radote avec mes c'était mieux avant". Donc, pour toi, c'était mieux avant ?
Ah bah ouais ! Parfois, je suis fatigué de moi-même quand je dis "La musique, c'était mieux avant" ou "Le ciné, c'était mieux avant". Et après je me dis que je parle comme un vieux. Et en fait, ce n'est pas vrai, chaque époque est bien par rapport à sa génération. On est toujours nostalgique par rapport à notre enfance ou adolescence. Il n'y a aucun son qui sera aussi bon que ce qu'on écoutait quand on avait 15/16 ans. Il n'y a pas de compétition possible. Pour moi, le R&B des années 90, début 2000, c'est la meilleure musique qui soit. Nos parents ils nous parleront toujours de leur époque...



« La musique était quand même meilleure avant »
Et ce sera pareil pour tes enfants, non ?
C'est là que je me dis que la musique était quand même meilleure avant. (Rires) Mon fils par exemple, qui écoute beaucoup de musique, je me suis rendu compte qu'il est beaucoup plus attaché aux chansons qu'il écoute qu'aux artistes. Il peut écouter un titre en boucle, il connaît tout le texte mais l'interprète, bon, s'il est remplacé par un autre qui fait le même style de son, ça ne le dérange pas. Ma génération était aussi attachée aux artistes. Oui on allait aux concerts pour les chansons mais c'était aussi parce que c'était lui ou elle, ce qu'il ou elle portait. Je ne dis pas que l'un est meilleur que l'autre, mais l'image de "la star", ce n'est plus ce que c'était. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose d'ailleurs, parce que la lumière est accessible à plus de gens qu'avant, le web a participé à ça aussi...

Tu rends donc hommage sur ton nouvel album à la soul/R&B américaine de la fin des années 70, début 80. Tu t'es replongé dans tes disques fétiches pour t'inspirer ?
C'est en partie comme ça que je me suis rendu compte que c'était la musique qui m'a le plus marqué, car je n'ai pas eu à me replonger dedans. C'est la musique que j'écoute le plus. Régulièrement, il faut que je mette un disque de Chaka Khan, de Prince... Quand je suis dans ma voiture et que je suis seul, que j'ai envie de chanter haut et fort, j'écoute ça.

« On a tous besoin de renouveau »
Il y a des titres sur l'album comme "Nouveau monde" ou "Nouveau pouvoir", on dirait presque un programme politique !
(Il éclate de rire) Oui oui, mais je ne m'en rendais pas du tout compte ! Mais c'est ça qui est bien avec la musique, c'est que le même album avec les mêmes chansons n'aurait pas résonné de la même façon il y a trois ans, les références n'auraient pas été les mêmes. Je pense que ce sont des chansons et des thèmes qui sont en phase avec une époque. Et un besoin de renouveau pour tout le monde. On n'a pas le choix ! Le monde ne sera plus exactement le même à partir de maintenant.

C'est comment de travailler avec sa femme après tout ce temps ? C'est toujours aussi simple ?
En fait, c'est de plus en plus simple. Ça fait plus de dix ans qu'on travaille ensemble. Au début, c'était compliqué de séparer la création et le couple. Là, on a trouvé nos automatismes, on n'est plus dans l'ego : "Ouais mais ton idée par rapport à la mienne". On est au service de ce qu'on fait. Et puis on se connait tellement que même quand on sent qu'on est à ça de partir en vrille, on se connait, on fait une pause et on y retourne une heure plus tard, ça se passe très très bien. (Rires) C'est comme en couple ! Mais cet album a été très facile à faire.



Mais, justement, est-ce qu'au bout de dix ans de collaboration, comme dans un couple, on ne ronronne pas un peu ? Est-ce qu'on arrive encore à se surprendre ? Car tu me parles d'automatismes...
A la fin de chaque album, on se dit : "Bon bah ça y est c'est le dernier, on a plus rien à dire". C'est mon neuvième album de chansons originales donc à un moment tu te dis : "Vraiment j'ai tout dit". Ça fait 20 ans que je fais des chansons, que je me révèle, mais en fait il y a toujours quelque chose à dire. Je suis toujours changeant, je ne pense pas exactement les mêmes choses qu'il y a 5 ou 10 ans, il y a toujours lieu à exprimer de nouvelles choses. Heureusement qu'on a l'art pour s'exprimer ainsi et profiter de ça pour dire des choses qu'on ne dirait pas dans une conversation dans la vie de tous les jours. En chanson, on se lâche un peu plus. Donc oui il y a encore de l'inspiration !

« Il faut attendre d'être mort pour être une légende »
Dans "Le prix des étoiles", tu dis "Un jour une star, un jour poudre d'étoile". Est-ce que c'est aussi en écho à ton expérience, à ton bilan de la célébrité ? Qu'on peut être adulé un jour et ensuite moins désiré ?
Un peu oui, mais "Le prix des étoiles" c'est surtout un texte qui est plus sur l'amour qu'on voue aux artistes une fois qu'ils ne sont plus là. Je parle précisément de Whitney Houston ou de Chadwick Boseman. Mais je pense aussi à quelqu'un comme DMX qui, avant sa mort, était la risée des réseaux sociaux, avec ses déboires avec la justice, ses problèmes de drogues. Et le jour de sa disparition, le message a changé, c'est devenu tout à coup un homme généreux, d'une spiritualité très grande. Vous auriez pas pu lui dire ça avant ? Quand il avait ses problèmes de drogues, ça l'aurait aidé. Et ça m'a fait réfléchir. Il faut attendre d'être mort pour être une légende. C'est une boutade dans la chanson un peu, mais pas vraiment... Je trouvais ça curieux notre relation avec les gens qu'on aime, mais pas seulement les stars, nos proches aussi.

Oui c'est ce que j'allais dire, c'est un sujet plus large...
Oui je me suis dit que de temps en temps, c'est bien de rappeler aux gens qui comptent pour nous qu'on les aime. Ils peuvent en avoir besoin. Il y a beaucoup de gens qui vivent dans une grande précarité psychologique. On n'en parle pas trop parce qu'il y a des choses qui ont l'air plus importantes, mais il n'y a rien de plus important que ça. Passer un coup de fil à quelqu'un pour lui dire "je t'aime" ou "bravo", c'est accessible. Il ne faut pas attendre que ça aille très très mal pour se rappeler qu'on a besoin les uns des autres.
Toute l'actualité de Corneille sur son site internet officiel et sa page Facebook.
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