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Louis Albi en interview : "Je ne cherche pas à plaire, à correspondre à une case"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Candidat phare de la précédente saison de la "Star Academy", Louis Albi fait sauter barrières et verrous en publiant son premier album "Pleurer de joie". Un disque de pop française dans lequel son hypersensibilité s'exprime sans retenue. Rencontre avec un jeune artiste qui possède une vision claire de ce qu'il veut raconter à travers sa musique.
Crédits photo : Columbia
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Ton premier album "Pleurer de joie" est dispo depuis quelques semaines. Est-ce qu'il ressemble à ce que tu avais en tête ?
J'ai cette fierté de me dire que je n'ai pas eu à me censurer pour cet album. Tout ce que je voulais a été écouté, autant dans les sonorités que dans l'esthétique. Je savais déjà ce que je désirais avant : j'ai présenté mon projet lors de la signature, tout a été bien réfléchi. Et le résultat correspond exactement à ce que je voulais.

Je voulais absolument chanter en français
Tu te projetais déjà, avant même la "Star Academy", sur ce qu'était le métier d'artiste ?
J'ai toujours pris des notes. C'est tout bête mais quand je vais à des concerts, et je commence à en faire de plus en plus, je prends des notes pour repérer ce que j'aime, ce que je n'aime pas. J'ai toujours fait ça avec les artistes pour leurs albums. Par exemple, je sais que j'ai beaucoup de mal avec les gens qui mettent des chansons dans un disque pour combler au milieu des singles. J'avais cette volonté-là, pour mon projet, de ne faire que des titres dont je suis super fier, des chansons tous différentes qui apportent vraiment une plus-value à l'album.

Tu le chantes toi-même, tu es une « page blanche ». Comment avez-vous fait pour arriver à trouver et définir l'univers musical de ce premier album ?
Dès le départ, j'ai donné mes références. J'ai expliqué ce que j'aimais, que ce soit dans l'écriture, les mots ou les mélodies. Je voulais absolument chanter en français car les seules musiques que j'écoute au quotidien, ce sont soit des classiques de la chanson française comme Céline Dion, Jean-Jacques Goldman ou Francis Cabrel, soit des artistes qui en portent l'héritage comme Clara Luciani ou Juliette Armanet. Le point commun, ce sont des paroles assez métaphoriques. Souvent il y a ce truc de parler de vrais sujets mais de l'enrober dans une musique joyeuse. Après, j'écoute énormément de pop internationale à la Harry Styles, Shawn Mendes, Taylor Swift ou Dua Lipa, avec des petits côtés rock aérien. Je voulais de la guitare, des belles ballades avec du piano. On a donc regroupé ces inspirations, j'ai raconté ma vie et ça s'est fait assez naturellement. Je me suis tellement préparé à ça depuis toujours que j'avais déjà une vision.

Je n'étais pas prêt à faire des concessions
C'est risqué, quand on débute, d'imposer une direction à sa maison de disques !
Une erreur que font beaucoup de jeunes artistes, c'est de vouloir réussir avant même d'être chanteur. Moi je rêve de réussir évidemment mais avant tout, je veux faire de la musique. Je ne cherche pas à plaire, je cherche à développer un projet qui me plaise à moi ! Je suis arrivé en étant sûr de ce que je voulais, de qui j'étais. Je vois déjà sur le long terme, ce que je veux pour les prochains albums. Je sais quelle route je veux prendre. Je n'étais pas prêt à faire des concessions, à faire un autre style pour correspondre à telle ou telle case qui me manquerait ou prendre la place de quelqu'un qui va bientôt arrêter pour récupérer son public. Je me suis affirmé d'emblée en disant : "Si vous êtes ok avec mon projet, on y va. Si vous n'êtes pas ok, ben j'irais voir ailleurs ou j'essaierais tout seul". Les équipes de Columbia ont été hyper réceptives. Malgré l'aventure "Star Academy" et la pression qui nous est mise, le côté mainstream qui est demandé parce que je sors d'une émission de télé, j'ai réussi à bâtir l'univers que je souhaitais créer depuis toujours.

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Faire un album, en équipe, c'est effectivement faire des choix. Ça a été facile de trouver les bonnes personnes ?
J'ai eu la chance de rencontrer des personnes formidables comme Marso, qui a fait tout l'album, et des artistes incroyables comme Foé, Pierre Paul du groupe 47Ter, des gens qui écrivent aussi dans l'ombre et font des choses magnifiques comme Mark Weld, qui a fait "Amour censure" de Hoshi et travaillé sur l'album de Jenifer, Vincha aussi. C'était une demande spécifique de ma part car j'étais tombé amoureux de l'album "On n'enferme pas les oiseaux" de Barbara Pravi. Ce sont tous des coups de coeur musicaux qui ont créé de vraies connexions avec des artistes. Je fais pas pour faire. On a fait des chansons avec des personnes où le résultat n'était pas ce qu'on désirait, et elles ne figurent pas sur l'album. Ce projet, c'est beaucoup de travail, beaucoup de choix parmi toutes les chansons qu'on a faites. Il n'y a pas de titres qui servent à meubler, chacun a sa place. J'étais là à toutes les séances studio, mêmes les mixes de voix ! (Rires) La recherche du son, ça se fait en groupe en fait. Marso, qui est hyper talentueux, il ne lui a fallu qu'une séance pour comprendre où je voulais aller.

Tout ça m'a un peu échappé
La télé, la médiatisation, ta signature en label... Tout a été soudain et très fort. Tu as eu parfois le sentiment que ça allait très vite, trop peut-être ?
Je vais être honnête, oui. Il y a plein de moments où je me disais que ça va très, très, très, très vite. Je trouve ça génial et à la fois surprenant qu'autant de personnes me fassent confiance en aussi peu de temps. Dû à mon passé, je n'ai pas forcément confiance en moi et je ne donne pas ma confiance aussi facilement. De voir que tout le monde m'ouvrait un peu les portes, qu'on se disputait mon projet... C'est toujours plaisant ! Tout ça m'a un peu échappé, on va dire. Je me suis parfois demandé : est-ce que c'est normal ? Non, ce n'est pas normal, donc c'est normal que je ne sache pas comment réagir. (Rires) C'est allé vite mais après c'est le rêve de tout artiste donc je ne vais pas commencer à me plaindre. J'ai la chance que les planètes se soient alignées. Après, c'est un début de carrière qui commence un petit peu à l'envers. Normalement, dans un projet, on propose des choses et on essaie d'agrandir son public. Moi, ma personnalité est connue. Le but, c'est de transformer l'essai et de faire comprendre au public qui m'a suivi à la ''Star Academy'' que je suis un artiste avant tout.

Quand tu t'es inscrit à la "Star Academy", tu te sentais déjà prêt à assumer tous les bouleversements qui allaient arriver ?
Je suis très observateur des signes de l'univers et pour moi, c'était le bon moment. Je savais que j'étais prêt mentalement à foncer dans cette aventure. Après, je vais être totalement honnête, nous quand on a signé le contrat, à tout moment on nous disait que l'émission pouvait s'arrêter si ça ne fonctionnait pas ! On ne savait pas si ça allait marcher donc je n'ai pas fait l'émission pour la lumière. La "Star Ac" c'était un rêve d'enfant ! C'est plus comme ça que je l'ai plus abordé, ce qui est différent des nouvelles promotions qui vont arriver, où là ils savent qu'il y a une vraie opportunité. Nous, on est arrivé avec une certaine naïveté dans cette aventure. Déjà, rester une semaine, ça me paraissait énorme ! Arriver en finale et signer dans un label, réaliser un album, j'avoue ça me dépasse un petit peu. Aujourd'hui encore je me dis : pourquoi ? Parfois, il faut juste accepter qu'il n'y a rien à comprendre et que c'est à force de travail et de volonté qu'on réussit à faire les choses. (Sourire) Et je pense que les gens ne se rendent pas compte, parce qu'il y a beaucoup de travail qui ne se voit pas. Un album, ça se fait en deux ans, trois ans pour la plupart des artistes. Moi, je l'ai fait en quelques mois...

Ce ne sont pas les strass, les paillettes et les beaux vêtements qui comptent
Comment on fait pour ne pas perdre pied ?
Déjà, je suis très conscient des choses. Je sais comment ça fonctionne, qu'il y a ce côté très ingrat dans la musique. Quand on est hype, tout le monde est là pour nous et quand on est considéré comme has-been, que la lumière est sur d'autres, on nous oublie très facilement ! Aussi vite qu'on nous a reconnus. Mais j'ai la volonté du travail, je ne suis pas quelqu'un de paresseux. Pour réussir, il faut énormément travailler. Sauf si on est né avec une cuillère d'argent dans la bouche mais moi, je ne l'ai pas eu ! Je me donne à fond. C'est pour ça que je me suis bien entouré aussi : j'ai une équipe qui me tient au courant de la vérité des choses, qui ne ment pas pour me faire plaisir. On parle de réalités concrètes, de la volonté de rencontrer un nouveau public, de grandir avec les gens. Et puis ma famille est hyper présente. J'appelle mes parents tous les jours ! Je ne vis pas ça non plus comme une revanche sur la vie, je pense que c'est très sain. Je le sens comme une opportunité, une chance. Je n'ai pas d'aigreur qui pourrait prendre le dessus. J'ai une vie extrêmement saine, je ne bois pas, je ne fume pas, je fais très attention. Tout mon environnement est extrêmement ancré aux vraies valeurs de la vie. Ce ne sont pas les strass, les paillettes et les beaux vêtements qui comptent : c'est aimer, aider les autres, se soutenir, faire preuve de respect. C'est ça qui m'aide à me dépasser chaque jour.

L'album "Pleurer de joie" met en lumière ton hypersensibilité. Tu as toujours été à fleur de peau, dans ton enfance aussi ?
Mon hypersensibilité a toujours fait partie de moi. Ça a été très compliqué tout au long de ma vie de ressentir les choses d'une manière décuplée, puissance mille, de se sentir débordé par soi-même. Dès qu'il y une réaction en face de moi, je ressens les choses de manière très violente. Être hypersensible, c'est souffrir. Mais j'ai réussi à en faire une grande force, et une qualité au quotidien. Je m'en sers différemment. Au lieu de la subir, je l'utilise. J'ai transformé cette souffrance en petites perles de beauté, pour voir l'espoir et la lumière au bout du tunnel. C'était normal que j'en parle dans l'album.




J'ai toujours été fier de qui j'étais
''Être moi'' ou ''Que tu te mentes'' parlent d'acceptation de soi. Tu as mis du temps à faire ce chemin, toi ?
C'est quelque chose qui est très paradoxal. J'ai toujours été très fier de qui j'étais, je n'ai jamais cherché à me renier. Par contre, comme je savais que je n'étais pas accepté dans la société, je me taisais. Je restais très silencieux. Pendant des années, le seul moyen que j'avais de m'exprimer, c'était chanter. La scène, c'était le seul endroit où on m'autorisait à avoir une place. Pour le reste, je cherchais juste à m'effacer, à disparaître. C'était un peu "Sois beau et tais-toi". Que la façade soit jolie mais que je dissimule tout ce que je suis à l'intérieur. Encore aujourd'hui, je suis très compliqué avec moi-même... Mais j'ai grandi. J'ai appris à apprivoiser cette part de moi et le reste qui m'entoure. J'ai compris que je suis parfait tel que je suis. Tant que je fais de mal à personne, j'ai le droit d'exister, de vivre ma vie tel que je l'entends. C'est ça que j'ai envie de faire passer comme message : je suis moi, je n'invite pas les gens à être comme moi. J'invite tout le monde à découvrir qui ils sont. Je sais que pour beaucoup de gens, c'est difficile avec la famille... On peut se la créer, sa famille. On peut décider de s'entourer de gens qui nous comprennent et qui nous aiment.

Dans une chanson tu dis « attendre le prince charmant », tu parles des « amants », de « l'homme au beau minois »... À de rares exceptions près comme Eddy de Pretto ou Sébastien Delage, il y a finalement peu d'artistes francophones masculins qui parle d'amour homosexuel dans leurs chansons...
C'est vrai, il y a souvent des pronoms neutres ou tellement de garçons qui chantent au féminin alors qu'ils sont ouvertement homosexuels ! Après, je pense qu'on est dans une société qui ne veut pas l'accepter, une grosse partie en tout cas. Même dans la communauté homosexuelle, il y a de l'homophobie. Il y a toujours ceux qui essaient de se justifier comme étant plus légitimes que d'autres, qui écrasent l'autre pour se sentir valorisés et plus acceptés. Si ça se "voit" entre guillemets, c'est mal. Moi ce n'est pas ma sexualité qui se voit, c'est ma personnalité. Je suis tellement en phase avec qui je suis que ouais, je parle de ma sexualité librement et je parle aussi de mes émotions. Je décide de ne rien cacher. Quelqu'un de libre, c'est quelqu'un qui a moins de barrières avec sa féminité, sa masculinité. Moi je déplore un grand manque d'ouverture et peut-être d'honnêteté de la part de, malheureusement je pense, une majorité d'artistes. On sait qu'il y en a beaucoup qui ne parlent pas de leur sexualité, parce qu'une partie du public ne va plus les écouter... Après, c'est libre à eux ! C'est extrêmement compliqué dans cette société. Ça prouve une extrême souffrance sociale. On a beau être en 2023, les choses n'avancent pas : il y a toujours des crimes homosexuels. C'est très compliqué aujourd'hui de se dire qu'une sexualité peut encore tuer. Y compris présumée. Pour moi, c'était important d'avoir cette honnêteté-là, je sais que tout le monde ne peut pas se permettre de l'avoir, tout le monde n'a pas les épaules pour recevoir la haine et la violence, du monde. Moi j'assume qui je suis à 100%, c'est une prise de position et j'espère que ça pourra aider certains à se sentir mieux dans leur peau. Je préfère être de ce côté de l'histoire.

Quelqu'un de libre, c'est quelqu'un qui a moins de barrières
Ta maison de disques ne t'a pas mis de pression vis-à-vis de ça ?
Pour être totalement transparent, lors de mon premier rendez-vous après la signature avec Sony, on m'a demandé si je voulais en parler ou si je ne voulais pas. C'est une discussion qu'il faut avoir avec tout le monde, tous les artistes. Moi j'ai juste dit : je n'ai pas envie de ne pas en parler, je veux juste que ce soit un non sujet. Je l'évoque parce que ça fait partie de moi mais je ne suis pas ici pour le crier sur tous les toits. Oui quand je chante une chanson d'amour, je vais la chanter pour un garçon. Tout simplement. Je pense qu'il y a un grand fantasme de la maison de disques qui conditionne les artistes. Il y a surtout beaucoup de jeunes qui ont tellement peur de décevoir qu'ils cherchent à cocher toutes les cases, et ne s'écoutent pas eux-mêmes.

Les ventes d'albums sont difficiles pour tous en ce moment. Comment tu relativises ?
C'est peut-être très naïf mais je ne considère pas ce côté-là. Je me dis que je fais mon travail, je le fais du mieux que je peux. Je sais que le marché est extrêmement compliqué. Mais je me dis que si toutes ces équipes se sont mises derrière moi, c'est qu'elles croient en moi. On essaie collectivement de porter le projet le plus haut possible, et les projets à venir aussi. Je ne me mets pas la pression sur les chiffres parce que ça enlève tout le côté artistique. Vouloir absolument faire des stats, je comprends parce qu'au bout d'un moment il faut gagner de l'argent, mais j'avoue qu'en tant que jeune artiste, j'ai encore la fougue de me dire "Je fais le projet que j'ai envie avant de faire un produit". Toute la sincérité et l'amour que j'ai mis dans cet album "Pleurer de joie", j'espère que les gens le ressentent et j'espère que cette honnêteté paiera. Dans tous les sens du terme ! (Rires)

Après la Star Ac', tout le monde est allé dans des directions très différentes
La "Star Academy" est de retour depuis quelques semaines sur TF1. Comment juges-tu l'évolution de tes camarades, alors que chacun d'entre vous lance sa carrière ?
Ben... (Il marque un temps d'arrêt) Je pense que tout le monde a fait ce qu'ils souhaitaient. Tout le monde est allé dans des directions très différentes. Tout le monde a vraiment gardé son univers musical, est resté soi-même plus ou moins. Après, il y a des gens qui voulaient vraiment faire de la musique et d'autres qui voulaient faire moins de la musique, qui voulaient peut-être plus être dans le milieu de l'influence ou le milieu artistique. Je pense que tout le monde a fait son petit bout de chemin. Je suis très admiratif du travail d'Enola avec son EP "Mémoires d'un été", elle prépare encore plein plein de belles choses. Musicalement et visuellement, c'est incroyable. Je sais pas si je suis très objectif. (Rires) En vrai si, je le suis totalement. Paola aussi nous a fait une superbe chanson.




Quel est le conseil que tu donnerais aux nouveaux élèves ?
D'abord, vraiment insister sur le fait que vous êtes déjà des artistes. Ils vont vous présenter comme des élèves mais vous savez déjà chanter, vous savez déjà ce que vous voulez, vous avez déjà des goûts musicaux affirmés. Vous devez garder au fond de vous cette flamme qui vous anime et fait de vous l'artiste que vous êtes. Ne pas se perdre dans ce milieu et vouloir plaire à tout prix. Vu qu'on touche à un grand public, certains pensent qu'on doit absolument plaire à CE public-là. Peut-être que c'était pas ton public. Soyez sincères avec vous-mêmes ! Et spécifiquement sur cette saison, je leur souhaite d'être le plus honnête avec le public. Ils savent où sont positionnés les caméras, ils savent comment se passent les cours, les primes... Ils savent tout, du moins ils pensent savoir. Et j'ai peur que certains cherchent à tout contrôler et que ça perde de son naturel, avec la petite phrase qui fait le buzz sur Twitter ou TikTok par exemple. Quoi qu'il en soit, je serai là pour eux à leur sortie. Je veux pouvoir les accompagner, répondre à leurs peurs, pour ne pas les laisser dans ce tourbillon.

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