Pour ceux qui ne la connaissent par encore (oui, c'est possible), Lana Del Rey, de son vrai nom Lizzy Grant, est une jeune new-yorkaise de 24 ans à la voix envoutante, qui a basculé brusquement de l’anonymat au star system, grâce à des musiques qui respirent la nostalgie, des clips lynchiens et des (fausses) lèvres pulpeuses.

Tout a démarré fin 2011, après des années de vidéos devant sa webcam, de montages faits maison et une première tentative de produire un album pop raté. Elle remporte un prix en octobre (le "Next Big Thing Award"), elle poste une vidéo sur Youtube (la fameuse "Video Games" aux 18 millions de vues), puis on s’intéresse alors de plus près à ce jeune talent. Et tout le monde ou presque tombe amoureux. Avec son retard habituel, la France commence à sérieusement s’y intéresser ces derniers jours puisque "Les Inrocks" et "Le Figaro", entre autres, viennent de lui consacrer un article, à quelques semaines de la sortie de son album "Born To Die". Si le personnage fascine autant, ce n’est sûrement pas par hasard. Quelles sont les clés du succès ? A-t-elle finalement savamment orchestré son buzz ?


Une "Gangster Nancy Sinatra" qui s’habille chez Urban Outfitters
Au premier abord, elle peut paraître un peu cliché quand on la voit dans ses clips avec sa dégaine de hipster, ses longs cheveux bien coiffés, ses pauses surjouées et ses battements de longs cils. Elle nous regarde de haut en bas (ou est-ce de l’auto-contemplation devant la caméra ?), avec un sourire glaçant, minaude, et donne l’impression d’être irréelle. Elle, si majestueuse dans son clip "Born To Die", n’a plus rien à voir avec les mashups façon DIY qu’elle produisait jusqu’ici. Elle a même déjà trouvé ses surnoms : elle dit qu’elle fait du "Hollywood Sad Core" pour le style et se compare à une "Gangster Nancy Sinatra" pour l’attitude. Le storytelling est rôdé, elle est parée au décollage médiatique. Et ça fonctionne ! Le personnage a de la consistance et de l’originalité. Un peu plus et c’était ridicule, un peu moins et c’était fade. Elle a réussi à toucher dans le mille.

Visionnez le clip "Born To Die" de Lana Del Rey :



Ses lèvres
La beauté glacée a jadis été une blonde, plutôt fade, qui faisait de la musique sirupeuse sans grand intérêt. C'est l'époque Lizzie, juste avant de se faire regonfler les lèvres, remaquiller les yeux, remodeler sa garde-robe et se transformer en Lana. Le relooking a fonctionné : aujourd’hui, elle est sur… toutes les lèvres ! Elle ferait presque peur parfois avec ses grands yeux, son visage pâle, son air de fausse timide / vraie méchante, et ses lèvres charnues avec lesquelles elle détache les mots et qui lui confèrent cette singularité nécessaire pour attirer l’attention. Son étrangeté plaît et elle exerce un magnétisme dont elle est consciente, n’hésitant pas à multiplier les pauses artificielles et semblant parfaitement avoir intégré à son image de marque les fantasmes douteux qu’elle peut susciter. Les lèvres de Lana Del Rey, tout un symbole.


Une esthétique rétro et un univers cinématographique qui fascinent
Il y a ces arrangements de cordes magnifiques qui feraient passer certains morceaux pour de véritables musiques de films. Et d’ailleurs, elle semble elle-même sortie tout droit d’un film des années 50, avec ses robes colorées, ses montages d’images rétros, sa rêverie hollywoodienne et son savant dosage du mélodramatique. Il suffit de regarder le clip de "Video Games" : des cloches en entrée, un rayon de soleil, un couple sur un scooter, un drapeau américain qui flotte au vent…et toute une succession d’images fortes, en noir et blanc ou en film vieilli, avec en fond sonore la voix basse de la chanteuse qui murmure son désespoir et chante sa jeunesse désabusée alors que défilent des images de gens de son âge qui s’amusent, cheveux au vent et l’air insouciants. On dirait qu’elle sait que quelque chose les guette, qu’elle décrit le moment avant le drame. Elle fait peur, comme une poupée sortie d’un film d’horreur.

Visionnez le clip "Video Games" de Lana Del Rey :



Violente douceur et cafard contagieux
Difficile de ranger cette jeune fille dans une case : elle nous balade dans son monde entre spleen, soul, pop, et grandes envolées lyriques. Quelque part entre Kate Bush, Cat Power et Lady Gaga (dans le clip de "Born to die", mi-grandiloquent mi-road-movie de rebelles), il s’en dégage un aspect sombre et mystérieux reflété dans ses grands yeux noirs un peu tristes, et enveloppé dans une voix sensuelle et touchante. En apparence très mélancoliques, ses compositions révèlent en réalité une certaine violence, une pointe de provocation et un besoin de retranchement dans le passé ou dans cet univers parallèle qu’elle semble s’être créé.
Lana Del Rey où le bonbon pop acidulé en apparence, mais qui pique la bouche et donne les larmes aux yeux en réalité. Ses morceaux communiquent les états d’âme d’une jeune fille torturée qui nous embarque dans sa dépression à chaque écoute, mais que pourtant on ne se lasse pas de remettre en boucle. On sourit en souffrant, on se laisse emporter dans le tourbillon qu’elle nous souffle à l’oreille et on voyage avec elle dans le temps.


Une histoire de haters et de réseaux sociaux
La force de Lana Del Rey, c’est sa façon de susciter chez les gens des sentiments mitigés, des émotions contradictoires. A la fois agaçante avec ses pauses et son excentricité, à la fois troublante par sa musique de rêveuse et la beauté des émotions dont sont chargées ses chansons. Résultat, comme toutes les fortes personnalités, elle déchaîne les passions entre ceux qui l’idolâtrent et ceux qui la détestent. Et c’est précisément à partir du moment où il y a débat, et notamment sur les réseaux sociaux, que le buzz est lancé. Tous les fervents défenseurs n’hésitent pas à prendre la parole face aux adversaires qui critiquent sur Youtube, et pendant ce temps-là, le compteur des vues tourne... La chanteuse reste volontairement mystérieuse face à toutes les rumeurs propagées sur elle, redoublant ainsi son pouvoir de fascination. Consciente ou pas de ce qu’elle dégage, Lana Del Rey divise et elle a tout compris, c’est probablement la première étape essentielle de la célébrité qui l’attend.

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LE BLOGEUR DE LA SEMAINE : Mylène
Passionnée de musique et de web, Mylène est Community Manager en freelance. Elle a réussi à allier les deux en travaillant récemment dans un label de musique pour aider les artistes à faire leur promo sur les médias sociaux. Mylène a une forte préférence pour le rock anglais et a d'ailleurs passé un an à Londres à applaudir des types à mèches dans des concerts undergrounds tous les soirs.
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