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dimanche 19 février 2017 11:30

Zaho en interview : "A force de vouloir plaire à tout le monde, on devient personne"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
A l'occasion de la sortie de son troisième album "Le monde à l'envers", Zaho a répondu aux questions de Pure Charts. Ses chansons "faciles" en apparence, le bonheur, la politique, les ventes... Interview !
Crédits photo : Fifou
Il y a quelques jours, je rencontre Zaho pour la première fois. Dans les superbes locaux de Warner, la chanteuse accepte facilement de se livrer sur la naissance de son nouvel album "Le monde à l'envers", son besoin viscéral d'évoluer musicalement quitte à déstabiliser certains fans, mais aussi la pression de la presse people, sa chanson refusée à Kanye West ou encore son rêve de collaborer avec Chris Martin de Coldplay. Souriante, agréable mais sur ses gardes, Zaho rayonne autant que son album, lumineux mais plus profond qu'on pourrait le penser. Rencontre cool avec une artiste bien dans ses baskets.

Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Pourquoi avoir choisi "Le monde à l'envers" comme titre pour ce nouvel album ?
C'est une image que j'avais en tête depuis plus de cinq ans. Même avant que je finisse la tournée de l'album précédent. Je trouve cette expression à la fois tordue et cool. (Sourire) Elle peut symboliser des choses auxquelles on ne s'attend pas, ce qui prouve qu'on est un peu formaté. Alors qu'il n'y a pas de normes en vérité. Je trouve l'image renversante et c'est un concept cool que je peux utiliser en tournée. Et ça représente aussi le paradoxe, ce que je suis. Je peux autant faire un MHD qu'une Céline Dion !

C'est large !
Oui, c'est cool ! Mais pour certains, c'est le monde à l'envers. C'est aussi la symbolique du monde qui ne tourne pas rond. Il y a beaucoup de drames... Mais en même temps, nous-mêmes on n'est pas à l'endroit donc pourquoi on le trouverait à l'envers ? C'est une question de perspective. Donc voilà, c'est tout ça, un peu intellectualisé ! (Rires) Une fois que j'avais tous les morceaux, je trouvais que ça marchait bien avec la couleur de l'album. C'est aussi positif que piquant.

« Je suis sortie de ma souffrance »
Je m'attendais avec ce titre à un album peut-être plus engagé. Finalement, ce n'est pas le cas...
Cet album, d'où la pochette aussi, c'est mon rapport à l'autre, à ce qui m'entoure. Comment je regarde autour, les autres qui sont mon miroir... Parfois, le miroir est beau, parfois moins. Mais tant mieux car c'est ce qui nous fait grandir. J'aborde aussi la société, les réseaux sociaux, Facebook... Comme sur "Selfie". On est beaucoup plus en contact mais on ne s'appelle plus, on se voit moins... Même moi, j'appelle les gens comme si c'était exceptionnel...

Est-ce qu'on n'est pas tous hyper-connectés, mais en même temps hyper seuls ?
Exactement. C'est ce paradoxe là aussi... Et ce sera le malheur de ceux qui ont adoré les deux premiers albums, car je suis sortie de ma souffrance, mon moi. Faut l'assumer l'optimisme ! C'est pas facile d'être heureux. Est-ce que j'assume de juger ce qui m'entoure et de m'inclure dans le lot ? Je n'ai pas les réponses mais l'analyse est là...

« Ça me faisait chier d'écrire des morceaux joyeux »
Tu es heureuse du coup ?
Oui, complètement. Avant je faisais partie des mélancoliques anonymes. J'en fais toujours partie mais je suis moins anonyme ! (Rires) Mais je n'étais moi-même et je ne m'exprimais profondément que dans la souffrance. Ça me faisait chier d'écrire des morceaux joyeux. J'étais capable de le faire mais c'était moins mon truc. Aujourd'hui, j'aime tout faire. J'ai tellement prêté ma plume à d'autres. Quand je compose avec Soprano un titre comme "Cosmo", pourquoi je n'aurais pas pu le faire pour moi ? J'en ai parlé avec lui, et on a le même problème. Plus ça va, plus il s'ouvre. Ça fait partie de l'expérience. On digère les choses, on devient moins drama... (Sourire)

"Le monde à l'envers", c'est un album plus festif...
Il est plus solaire... C'était une envie aussi de faire des titres up tempos car je suis quelqu'un de dynamique, qui s'éclate, qui aime la vie...

Regardez le clip "Laissez-les kouma" de Zaho et MHD :



Tu as eu envie de casser un peu ton image ? J'ai l'impression que tu étais coincée entre des titres "faciles" comme "Boloss"...
(Rires) Sache que ce sont les morceaux les plus difficiles à écrire. L'impression de facilité n'est pas simple ! C'est plus simple pour moi d'écrire un "Tourner la page", que j'ai fait en une après-midi car j'étais triste et que ça coulait... Je n'avais pas de format en tête, j'ai dit tout ce que j'avais sur le coeur. C'est beaucoup plus difficile d'écrire "Laissez-les kouma" ou "C'est chelou", qui sont moins autobiographiques au sens premier. En général quand tu écris ça, tu n'es pas entourée de plein de gens qui font la fête ! Il faut que ce soit léger mais pas trop, faut que ce soit malin... Il faut que ça sonne bien, que les mots soient bien choisis, pour que des adultes comme des gamins puissent le chanter.

C'est un autre processus...
Dans ces cas-là, tu es un peu comme un scénariste... On met en scène une histoire qui nous donne envie d'exorciser la tristesse. Ça fait du bien des morceaux comme ça, qui donnent la pêche et qui m'ont aidé dans ma vie. J'ai envie de faire partie de ces artistes-là. Si ça sonne facile, tant mieux, ça en fait des hits. (Rires)

Est-ce que avec cet album-là, il y a une démarche de cibler particulièrement le public jeune ?
Non, pas forcément...

« J'ai fait un feat avec Booba mais ce n'est pas sorti »
Pourtant, tu fais un titre avec MHD, il y a des sonorités afro, un style qui marche bien en ce moment...
La réponse est très simple. Je vis dans l'air du temps. J'écoute du Drake, du Rihanna. Je suis nord-africaine, j'écoute beaucoup de musiques nigériennes. Je tourne beaucoup en Afrique, je remplis des stades, seule, avec mon nom. J'ai un vrai attachement à cette culture que j'aime. MHD quand je l'ai invité, il n'avait pas encore percé, il n'avait pas sorti son album. Il m'a chanté des titres de mes albums que peu connaissent comme "Allô" ou "Aller". Le fait qu'un jeune comme lui me dise : "Merci tu m'as influencé dans ma musique", je me suis dit : "Toi aussi, tu vas m'influencer dans la mienne !".

Au tout début, comment est né ce titre ?
J'avais déjà le morceau, il y avait un peu d'afro, mais je l'avais plutôt pensé Shakira, un peu cubain. J'ai toujours voulu faire un titre solaire, en mode Coupe du monde, avec des trompettes. Je pensais que ça pouvait lui correspondre. Sachant que j'ai fait tout le rap français en featuring...

« J'ai eu besoin de nouveautés »
Tout ? Tu as fait Booba ?
Oui, j'ai fait un feat avec Booba mais ce n'est pas sorti ! Vraiment, j'ai fait tout le monde. (Rires) A un moment donné, j'ai eu besoin de nouveautés. Au début, je ne voulais pas de featuring sur l'album mais il y a eu cette amitié avec MHD. Je n'ai pas pris le mec du moment, j'ai pris celui qui m'a touché sur le moment. J'ai eu du flair...

En tout cas, c'est un album qui est plus axé pour les radios. Le fait que tu travailles avec Dany Synthé, qui bosse avec Maître Gims, ce n'est pas anodin...
Pareil, Dany, je le connais depuis que j'ai 19 ans... Je pense qu'à force de faire des choses, pour d'autres aussi, je ne pense pas forcément aux radios mais je suis quelque part formatée dans mes structures. J'aime ces structures-là, efficaces. C'est aussi ma culture nord-américaine, le côté "droit au but". J'aime ce truc-là. Je n'ai rien à prouver. Tu aimes, tu aimes, tu n'aimes pas, tu n'aimes pas. "Tourner la page", il faisait 5-6 minutes à la base. Je suis allée trouver autre chose, beaucoup d'émotions. Ce qui n'empêche pas le hit ! (Sourire) Franchement, je ne me pose pas de question. Tant que je kiffe et que je saute de joie en studio, je m'en fous.

Regardez le clip "Tant de choses" :


Tu ne penses jamais aux ventes du coup ?
Jamais. Ce n'est pas évident... Sur "Laissez-les kouma", je ne me suis pas dit que ça allait cartonner. Pour moi, c'était un risque. Revenir avec un feat, sur de l'afro ?! Mon public aurait pu être perdu mais c'est ce qui me parlait sur le moment. Finalement, ça a dépassé tout ce que je m'étais fait dans ma tête. J'allais vite enchaîner avec un autre titre derrière... Je ne m'attendais pas à ce que ce soit un tube de l'été ! (Sourire)

« La presse people ? Il faut être solide »
Il y a un titre qui s'appelle "Brouiller les ondes". Tu as eu l'impression de brouiller les ondes à un moment donné ?
Oui mais c'est une volonté. A force de chanter toujours les mêmes chansons, on finit par réciter, par se laisser vivre et on ne s'écoute plus. On écoute les ondes qui nous entourent et on devient esclave de l'airplay, du "Est-ce que ça va plaire ?". La réponse est qu'on ne peut pas plaire à tout le monde, mais ce n'est pas grave. Je ne peux pas changer qui je suis. A force de vouloir plaire à tout le monde, on devient personne, et on finit par ne plaire à personne.

Tu as été la cible de la presse people ces derniers mois avec des rumeurs sur ton couple. C'est quelque chose que tu vis comment ?
(Rires) Il y a deux choses : tu lis et il y a des choses cool, et d'autres moins cool. Il y a des choses méchantes, déformées, vraies, pas vraies... Quand c'est pas vrai, on s'en fout mais quand c'est pas vrai et que ça vous nuit, là non, on s'en fout pas. Est-ce qu'il faut démentir ou pas ? Il faut voir le degré de gravité de la chose. Mais l'avantage des réseaux sociaux, c'est que ça s'enflamme très vite mais ça s'éteint très vite. La durée de vie d'une info, c'est 24 heures. Un truc positif ne va pas faire autant de buzz mais va durer plus longtemps. L'onde positive l'emporte à long terme. Après, il faut être solide, c'est le jeu, c'est comme ça. Vis-à-vis de moi-même, je me dis que si ça parle, c'est que j'intéresse les médias et que ça intéresse quelqu'un de savoir avec qui je sors ou ce que j'ai fait hier. Ça veut dire que tu es un peu d'actualité... On ne peut pas leur en vouloir, nous aussi les artistes on dévoile des photos sur Insta ou Snapchat, on dit "bonne nuit". On joue avec le feu. Il faut que ton couple soit solide, il faut parler, il faut en rire et zapper.

« Je ne parle jamais de politique »
Et avec un titre comme "Le monde à l'envers", et tout ce qui passe depuis plusieurs années, tu n'as pas eu envie de parler de politique ?
Sur cet album, il y a des sujets de société, comme dans "Fais semblant". Je ne parle jamais de politique, je parle de l'humain. Je ne soutiendrai jamais un candidat. Mais je suis assez fière de notre premier ministre canadien (Justin Trudeau, ndlr), c'est un bel exemple d'ouverture. Pour l'instant, il est en mode Barack Obama, il est remarquable. Je ne soutiens pas forcément sa politique car je ne me suis pas penchée là-dessus, je soutiens son côté humain, sa proximité aux gens.

Dans un autre sujet, je m'étonnais de ne pas te voir aux Enfoirés !
(Rires) Je lance un appel ! Votez ! (Rires)

« Les Enfoirés, je m'y verrai bien »
On ne t'a jamais demandé ?
Non. J'y serai avec grand plaisir sinon. Je pense que ça va finir par arriver... Tu es juste la centième personne des médias qui me pose la question, donc ça veut dire que ça commence à devenir évident. Il y a quelque chose de logique. Moi je m'y verrai bien, je soutiens la cause. Le jour où on me demande, je dirai oui ! Il faut que l'idée leur effleure l'esprit... (Sourire)

Tu as récemment écrit pour Céline Dion sur l'album "Encore un soir". Pour qui tu aimerais travailler ?
Je fais partie des optimistes de la vie. J'ai quitté l'Algérie, j'ai immigré au Canada, je suis ingénieure en informatique... Aujourd'hui, je suis en France avec une carrière de dix ans. Je me dis que rien n'est impossible. J'ai croisé beaucoup d'artistes, je ne suis pas quelqu'un de timide ni de groupie, je me mets toujours au même niveau. Les gens le ressentent et voient que je ne suis pas là pour gratter une photo...

Ecoutez "Bonne nouvelle" de Zaho :



« J'adorerais bosser avec Chris Martin »
Tu as un rêve en tête?
J'ai beaucoup parlé avec Chris Martin de Coldplay, qui est dans le même label que moi. On s'est croisé plusieurs fois. Il est super simple et très accessible, et j'adore son travail. Et il est canonissime au passage ! (Rires) Les rockeurs purs peuvent dire que c'est commercial mais je les défie de faire ce qu'il fait ! Tu peux le mettre en featuring avec Rihanna, Beyoncé, Tove Lo... Il fait partie de ceux avec qui j'aimerais travailler. Après, il y a des artistes avec qui j'aurais aimé bosser mais une fois que tu leur parles, tu sens un truc faux. Je sens ta prochaine question, je ne dirai pas qui ! (Rires) Donc ça ne me dit pas du tout et j'écourte la conversation et je passe à autre chose.

Il ne faut pas forcer les choses...
Exactement. Et je vais même te dire un truc, il y a quelqu'un qui a fait écouter "Je rentre à la maison" à des managers de gens connus, et en dernière minute, on m'a appelée pour me dire qu'ils le voulaient absolument. Kanye West était intéressé par le morceau et la personne qui s'occupe de placer des sons pour Rihanna et Justin Bieber aussi. Ils trouvaient qu'il avait un potentiel. J'ai dit : "Je peux vous en faire d'autres mais je garde celui-là, je ne peux pas vous le donner".

« Rejoindre Céline Dion sur scène à Bercy ? Oui ! »
On refuse une proposition comme ça ?
Oui car j'ai beaucoup d'attachement à ce morceau-là. Il avait exactement sa place dans l'album. Et c'est mon quota d'émotion et de mélancolie. Ils voulaient garder le même refrain. Du coup, on va leur proposer d'autres trucs. Donc oui c'est possible de faire des connexions. Ça aurait pu se faire, ils auraient pu garder ma voix pour le refrain... Rien n'est impossible.

Tu pourrais rejoindre Céline Dion sur scène lors de ses concerts parisiens ?
Ce serait possible, oui !

On t'entend beaucoup d'ailleurs sur les chansons de son album !
C'est elle qui le voulait. C'est pas que je ne voulais pas, j'avais fait les voix pour les maquettes pour qu'elle valide en amont. Elle a tellement kiffé ma voix, elle trouvait que ça apportait une couleur à part, elle adore le timbre. Sur place à Vegas, j'ai chanté, elle me disait (elle l'imite avec l'accent canadien) : "Tu ne veux pas me faire des choeurs ? C'est tellement beau". C'est un plaisir ! Mais je voulais les sous-mixer, j'avais le contrôle car je réalisais, mais elle a insisté pour qu'on les entende. Ce n'est pas moi qui voulais me mettre en avant ! (Rires)

« Faire l'Eurovision ? Pourquoi pas ! »
Et tu accepterais de participer à l'Eurovision ?
Pourquoi pas, si j'ai la bonne chanson qui peut détrôner ou faire bousculer l'Europe. Amir il a rendu l'événement cool... Il y avait aussi le live de Justin Timberlake ! Avant, c'était un peu lourd, il fallait rendre les Français fiers de cet événement. Il fallait donner un petit coup de jeune, le colorer, et c'est réussi !

Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour cette année ?
A part la santé et le bonheur, les phrases conventionnelles, on peut me souhaiter que cet album fasse son bout de chemin et qu'il puisse laisser sa trace plus que les autres.

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