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Il y a quelques semaines, un mystérieux "Free" (libre) est apparu sur les réseaux sociaux du chanteur Prince. Une annonce étrange qui a été précisée dans la foulée : le documentaire polémique Netflix sur Prince est finalement annulé. Un « accord mutuel » a été trouvé entre le géant du streaming et les héritiers de la star américaine pour abandonner le film et en produire un nouveau. Arlésienne pour les fans depuis des années, le projet n'a cessé d'être reporté et la réalisatrice Ava DuVernay a claqué la porte pour différends artistiques. C'est Ezra Edelman, cinéaste de l'oscarisé "OJ: Made In America", qui a repris la main non sans mal. Des enquêtes menées par Variety et le New York Times ont fait état d'un documentaire visant davantage le côté sensationnaliste de l'artiste, en désaccord avec les vues de son Estate, les héritiers de sa musique. Selon les indiscrétions, le documentaire de neuf heures nommé "The Book of Prince" mettait en avant sa face sombre, notamment sa consommation d'opiacés qui a causé sa mort en 2016, son engagement chez les Témoins de Jéhovah et ses accès de violences physiques et verbales.
"Prince était violent"
D'autant plus que Netflix aurait sécurisé les droits exclusifs d'innombrables heures d'images inédites de Prince, bloquant ainsi la sortie de projets par l'Estate de l'interprète de "Little Red Corvette". Après un travail acharné de cinq ans, le documentaire d'Ezra Edelman, décrit par le New York Times comme un « chef d'oeuvre que personne ne verra », a donc été finalement mis à l'arrêt. « L'image que j'ai, c'est la scène finale des "Aventuriers de l'arche perdue". J'ai l'impression d'être dans un énorme entrepôt de Netflix, ma création étant mise de côté » blague le réalisateur dans une interview accordée à l'émission YouTube "Pablo Torre Finds Out". À travers cet entretien aux allures de déballage, le cinéaste explique avoir voulu révéler au grand jour qui était véritablement Prince : « Son histoire n'avait jamais été véritablement racontée. Il a cultivé le mystère de façon assez brillante. (...) Beaucoup de livres ont été écrits sur lui, mais aucun n'a lié les points sur sa vie pour se demander comment on est passé d'un jeune génie virtuose à un gars mort d'une overdose de drogue dans un ascenseur ».
"Il s'est piégé dans son propre mythe"
Selon lui, l'Estate l'a empêché d'évoquer pleinement les facettes sombres de Prince. Ses six héritiers lui ont notamment envoyé un document de 17 pages de modifications après la vision d'un premier montage. « Ce n'est pas comme R. Kelly, où tout le monde sait de quoi il est coupable et qu'on mette en lumière ce qu'il a fait. Mais la défense des gens, c'est comme s'il avait fait la même chose ! » note-t-il, parlant d'un « génie » musical mais d'un artiste qui était « physiquement et émotionnellement violent dans certains cas très précis ». Concernant l'annulation du projet de Netflix, Ezra Edelman parle d'une « blague »: « L'aveuglement d'un groupe de personnes dont le seul intérêt est leur seul intérêt. (...) Vous pensez que j'ai un intérêt à faire un documentaire qui est factuellement incorrect ? Tout ce que vous croyez de lui est dans ce film. Vous pouvez vous imprégner de son génie. Et pourtant, vous devez affronter son humanité. Il s'est piégé dans son propre mythe ».
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Pour illustrer son propos, Ezra Edelman évoque la comédie musicale "Purple Rain", actuellement en chantier à Broadway. Selon lui, celle-ci va « "nettoyer" le personnage de Prince pour en faire une figure moins trouble » et « plus agréable pour le public de 2025 ». « C'est là mon problème ! » peste-t-il : « [Dans le film], Morris Day jette une femme dans une poubelle, Prince gifle Apollonia. Qui Prince était dans ce film était assez révélateur. (...) Je pense pas que mon documentaire aurait pu tenir debout si [la comédie musicale] a lieu ».