Crédits photo : Pochette de l'album
De la photographie en noir et blanc ne ressort que son rouge à lèvres carmin. Dix ans avant que le sujet du transhumanisme électrise la Croisette avec le film "Titane" de Julia Ducournau, Palme d'or du festival de Cannes 2021, Lady Gaga s'érigeait en mi-femme mi-moto sur la pochette spectaculaire de "Born This Way", son deuxième album, pour symboliser sa « transformation perpétuelle ». L'écho retentissant du diptyque "The Fame / The Fame Monster" (2008-2009), qui constitue à ce jour le plus gros succès de sa carrière en France, a placé la star new-yorkaise en orbite. Enfin, l'électron-libre, qui a fait ses armes dans les piano-bars de la Grosse Pomme, a réussi à toucher du doigt ce rêve qui a demandé tant de sacrifices. Son sens de la provocation, couplé à ses tubes matraqués en radio et son aura insaisissable, l'érige au rang d'icône dans la pop. Le lien qu'elle développe avec ses "petits monstres" devient affectif, et la raison d'être d'une carrière qui lui demande beaucoup d'énergie - trop pour sa santé mentale, puisqu'elle dira des années plus tard que Lady Gaga est « sa pire ennemie ».

"C'est une libération totale"

"Born This Way", la chanson puis l'album, devient une ode à cette communauté queer qui l'a adoptée et aidée à s'épanouir. Lady Gaga embrasse pleinement son rôle de "Mother" sur ce qu'elle a pensé comme « l'hymne d'une génération », en prenant pour source d'inspiration l'histoire de Carl Bean, un activiste noir et homosexuel, fondateur de l'Unity Fellowship Church Movement pour l'accueil des lesbiennes, gays et bisexuels afro-américains, qui promouvait ses valeurs d'inclusions à travers sa musique et notamment le titre disco... "I Was Born This Way", sorti en 1977. « Le message, les mélodies, la direction, le sens, ce que cela signifiera pour mes fans et ce que cela signifiera dans ma propre vie... C'est une libération totale » décrypte la chanteuse à i-D magazine en septembre 2010, expliquant avoir compris qu'elle avait « la capacité de changer le monde » lorsqu'elle a commencé à recevoir des lettres de fans la remerciant de leur avoir sauvé la vie. Son disque, elle en est sûre, « va foutre en rogne un paquet de monde ». Car Lady Gaga a une vision : la musique doit servir à exorciser des blessures profondes, à transformer le laid en beau, à valoriser toutes les bizarreries qui font de nous des êtres spéciaux, pour aider chacun à s'accomplir.

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Lorsque la chanson, co-produite avec Fernando Garibay et DJ White Shadow, voit le jour en février 2011, sa prophétie se réalise. La très conservatrice Westboro Baptist Church s'étrangle en découvrant la phrase « I'm beautiful in my way 'cause God makes no mistakes ». Jugée « offensante », "Born This Way" est censurée sur les radios malaisiennes. Madonna, elle, ironise sur les étranges similitudes mélodiques avec son tube "Express Yourself"... Un parfum de scandale qui décuple l'ampleur du morceau et son clip dantesque de 7 minutes où la star, grimée en déesse extra-terrestre, met en scène son propre accouchement des rebuts de la société. "Born This Way" est propulsée numéro un du Billboard Hot 100 durant six semaines et se loge deuxième du Top Singles en France, où le morceau se hisse au 10ème rang des titres les plus diffusés en radio. Certifié single de diamant, il pointe à la 9ème place des plus gros succès de Lady Gaga en France côté ventes ! Le coup de génie de l'artiste est total, et il n'y qu'à regarder la triste actualité autour du droit des personnes trans aux Etats-Unis en 2023 pour comprendre que la popstar était, encore une fois, en avance sur son temps. Pour parachever son initiative, "Born This Way" devient aussi le nom d'une fondation qu'elle crée pour aider chaque individu sur le chemin de l'affirmation de soi, encore active aujourd'hui.

La marche des fiertés

Quitte à irriter les instances religieuses archaïques, Lady Gaga enfonce le clou deux mois plus tard avec le deuxième single officiel de son deuxième album : "Judas". La chanteuse, qui devient Marie Madeleine et tombe follement amoureuse de la figure biblique qui trahira Jésus, flirte avec l'irrévérence avec ce titre explosif signé RedOne qui synthétise peut-être le mieux toute la démesure sonique de l'album. Sur "Born This Way", Lady Gaga fait voler en éclats les frontières entre rock'n'roll libidineux ("Electric Chapel"), techno berlinoise ("Government Hooker", "Scheibe", qui ne fut cruellement jamais exploité) et synth-pop incandescente pour une unité de son unique qui en fait tout simplement, on l'écrit noir sur blanc, l'album le plus innovant et abouti de sa discographie. Dans l'Hexagone, "Judas" se classera 7ème du Top Singles, 12ème de l'airplay général et décrochera aussi une certification diamant. Il est le 10ème single le plus vendu du répertoire de Lady Gaga ! Avec ses deux locomotives, l'album "Born This Way", paru le 23 mai 2011, sera le premier de sa carrière à entrer numéro un des ventes en France.

@ladygaga BLOODY WEDNESDAY #fyp ♬ original sound - heyy

Sa belle longévité, la popstar la doit aussi aux autres singles exploités. Lui aussi classé 7ème du Top Singles à l'époque, l'intense "The Edge of Glory" arbore des couleurs platine tandis que "Marry The Night", 50ème au meilleur de sa forme, est certifié single d'or. Le cas de "Bloody Mary" est un plus particulier. C'est en décembre 2022, soit 11 ans après sa sortie initiale, que le morceau connaît un fulgurant regain de popularité grâce à la série "Mercredi" et à la faveur d'une tendance sur TikTok. Des centaines de millions de vidéos utilisant le titre en synchronisation font irruption sur le réseau social, poussant sa maison de disques à en faire un single officiel. Remonté en 43ème position du Top français, il vaut aujourd'hui à Lady Gaga une nouvelle certification de diamant dans sa collection ! Avec 237.000 exemplaires écoulés à ce jour, l'album "Born This Way" pointe sur la troisième marche du podium des albums les plus vendus de la chanteuse en France, devancé par... la bande-originale du film "A Star Is Born" ! L'histoire d'une réinvention sous les feux brillants d'Hollywood qui fera l'objet de notre troisième analyse...