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mardi 08 avril 2014 17:56

Renan Luce en interview : "Ma musique, ce ne sera jamais du David Guetta"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Renan Luce est de retour avec l'album "D'une tonne à un tout petit poids", déjà disponible. L'artiste a répondu aux questions de Pure Charts à propos de son break, sa paternité, la politique, l'album de reprises de Renaud et même les télé-crochets.
Crédits photo : DR / Laurent Seroussi
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Tu reviens quatre ans après ton dernier album. Qu'est-ce que tu as fait pendant ce temps ?
C'est passé assez vite. C'est vrai que d'un point de vue extérieur ça peut paraître assez long, mais déjà il a fallu revenir à une vie un peu plus normale. C'est dans la vraie vie que je puise mes idées, dans mes rencontres, ce que je vis, mes sentiments... C'était important pour moi d'avoir cette phase où je peux faire un peu l'éponge. Je suis devenu papa aussi, donc j'ai passé du temps avec ma fille. J'ai construit un studio d'enregistrement dans ma maison en Bretagne donc c'était un premier point de départ important, d'avoir mon lieu, mon petit laboratoire. J'ai pu prendre mon temps. J'ai aussi passé du temps à juste faire de la musique, avec ma guitare, à chercher des mélodies, à jouer des chansons des autres.

Sans pression, visiblement...
Oui, j'avais besoin de ne pas avoir d'échéance devant moi, de me sentir vraiment libre d'écrire quand les choses viennent.

« J'avais besoin de respirer un nouvel air »
L'album "D'une tonne à un tout petit poids" commence par le titre "Voyager". Est-ce ça qui t'a occupé aussi ?
Oui, ça a été quelque chose d'important, à un moment où je me remettais beaucoup en questions. Peut-être trop. J'avais besoin de respirer un nouvel air, faire de nouvelles rencontres, être un peu loin de mon quotidien. Après, c'était aussi un voyage musical, parce que c'était le long du Mississippi. C'est quand même les racines de la musique actuelle. J'ai compris un peu plus que la musique c'est surtout de l'instinct. Le principe, c'est d'avoir un minimum de filtres entre sa tête, son coeur, sa voix et son instrument. Quand je suis revenu, je me posais beaucoup moins de questions, et j'écrivais de manière plus fluide.

On aurait pu s'attendre à ce que ce voyage, ce son propre au Mississippi, influence musicalement cet album. Comme le dernier disque de Christophe Maé, clairement influencé par la Nouvelle-Orléans. Et finalement, rien n'a vraiment changé, on y retrouve le style Renan Luce...
Oui, car il y a des choses que j'aime par-dessus tout, et je n'ai pas l'impression d'avoir fait le tour encore sur une manière de travailler. C'est un style que j'aime bien. Ce n'était pas du tout un voyage pour puiser dans la musique là-bas, mais de revenir un peu changé.

« J'ai toujours vécu le succès assez simplement »
Tu as eu envie de "changer d'air". Est-ce que c'était aussi pour échapper un peu au succès, à la notoriété ?
Oh, je l'ai toujours vécu assez simplement tout ça. Je suis plutôt discret, donc je sais vite me faire oublier, vivre dans mon coin, sans avoir besoin d'aller à l'autre bout du monde pour qu'on me fiche la paix. Je ne suis pas vraiment dans cette dimension-là. C'est juste que j'avais besoin d'un déclic. Parfois, quand on tourne en rond, qu'on ressasse les mêmes questions, le simple fait de partir, ça permet de faire en sorte qu'on ne se pose plus de questions, les choses sont plus simples.

Tu as cette image d'un artiste simple, qui chante des chansons simples, en marge du star system. Ce succès, après "La lettre" ou "Les voisines", ça n'a jamais été difficile à gérer ?
Non, je l'ai toujours bien vécu car je passe beaucoup de temps sur scène. Ça permet de rester concentré sur ce qu'est mon métier : chanter des chansons. J'ai juste vu les scènes devenir de plus en plus grandes. C'est ça qui m'a permis de ne pas me poser ces questions-là.

« C'est bien aussi de se faire oublier »
Quatre ans, c'est long pour un artiste, mais pour le public aussi. Tu n'as pas eu peur qu'il soit passé à autre chose, t'ai remplacé par un petit nouveau ?
J'ai l'impression que d'une certaine manière... Je ne vais pas dire que c'est ce que j'attendais mais c'est bien aussi de se faire oublier, de ne pas être dans une continuité. Peu importe, le moment où l'on revient... Ce que je veux juste, c'est toucher les gens avec mes chansons. Pas surfer sur l'affection qu'ils ont déjà, pour une autre histoire. J'ai envie de convaincre sur les chansons, pas sur ce que je suis.

C'est un discours assez rare à l'heure actuelle, où de plus en plus d'artistes publient un album par an, comme Rihanna, Tal...
L'avenir me dira peut-être que j'ai tort. Déjà, je ne sais pas faire vite. J'ai besoin de prendre mon temps pour avoir des choses à dire. Quand on prend son temps, on est au plus proche de qui on est, car on a le temps de savoir qui on est. Quand on est tout le temps en train de faire son métier, on est moins en connexion avec ses propres envies.

Tu es devenu papa entre le précédent album et celui-ci. On le ressent. Tu évoques souvent la famille ("Au téléphone avec maman", "Réponse à tout"...). Qu'est-ce que ça a changé sur ta façon de composer, d'écrire ?
Il y a deux choses. Déjà, c'est assez agréable comme sentiment, car ça change la vie mais ça ne nous change pas. On reste le même. On a juste plus d'amour à donner et à recevoir. Et, d'un autre côté, on a l'impression de revivre son enfance une deuxième fois, de comprendre nos parents à l'époque... C'est comme une vie en miroir, c'est à la fois déroutant et passionnant. On comprend plein de choses. Donc oui, forcément, ça transparaît par petites touches dans mes chansons.

Est-ce aussi la signification du titre de l'album, "D'une tonne à un tout petit poids" ?
Ah, on peut le voir comme ça aussi ! Mais c'était plus la référence à la confidence. Ça vient du titre "Les secrets chuchotés", qui parle de quand on se confie, on partage un poids, un fardeau. C'est un peu ce que je fais quand j'écris. Et c'est une belle métaphore de l'album. Pendant deux ans, on a plein d'envies, ça nous habite, c'est l'objectif suprême de faire un album. Et au final, ça finit sur un petit objet, tout léger.

Qu'est-ce que cet album a de différent des précédents ?
Je le trouve mélodiquement peut-être un peu plus abouti, plus riche, un peu plus chantant. Même si on retrouve cette base guitare-voix qui m'est chère, il y a des choses un peu plus... développées. Les univers sont peut-être un peu plus larges. J'espère avoir progressé aussi dans les textes, sur les rimes...

Découvrez le titre "La boîte" de Renan Luce :



Et comment on fait pour se réinventer quand on est un chanteur du quotidien, comme Bénabar aussi ?
Je n'ai pas l'impression d'être un chanteur du quotidien, c'est vrai qu'on me dit souvent ça. Je ne chante pas mon quotidien. Le quotidien, pour moi, c'est un truc qui se répète.

C'est sans doute parce que tu saisis des détails, des instants, comme dans "Au téléphone avec maman"...
En fait, j'essaie d'être le plus précis possible, de m'accrocher aux petites choses qui font que ça paraît réel. Quand j'invente une histoire qui peut paraître quotidienne, j'essaie de torde le quotidien, trouver un petit grain de sable qui vient s'y glisser. Tout à coup, ça devient loufoque ou étrange. En tout cas, ce n'est pas mon quotidien.

« Ma musique, ce ne sera jamais du David Guetta »
Quand on a eu des succès comme "La lettre", est-ce que ça change la manière d'écrire, de composer, pour trouver cette petite étincelle et essayer de faire un tube ?
Le truc c'est que c'est impossible de penser comme ça. (Sourire) J'essaie surtout de ne pas perdre ce que j'aime faire profondément, et ce pourquoi je suis fait. Ça ne sert à rien d'être dans le fantasme de faire quelque chose qui n'est pas soi. J'essaie d'être le plus honnête avec moi-même et les gens.

Et tu penses, qu'à terme, tu pourrais faire évoluer ton style, y glisser quelques notes d'électro par exemple ?
Je ne m'interdis rien. Le fait d'avoir mon studio, ça me permet de tester des choses. Ce qui est marrant avec l'électro, c'est que la frontière est infime entre ce qui l'est et ce qui ne l'est pas. On est tous sur nos ordinateurs, on peut tout séquencer, faire se répéter des parties, même si on part d'éléments acoustiques. Donc je ne m'interdis rien, mais ce ne sera jamais...

Du David Guetta...
Non, je ne pense pas. (Sourire)

Le premier single "Appelle quand tu te réveilles" a fait parler de lui, notamment avec ce SMS que tu as envoyé aux journalistes, puis au public, pour l'annoncer. Comment est venue l'idée ?
Elle est venue tout bêtement en discutant avec mes collègues de chez Barclay. Les gens au réveil trouveront un message avec un extrait de la chanson, ou tomberont sur moi. A la base, c'était destiné aux gens sur Facebook qui me suivent régulièrement. J'avais le téléphone avec moi et je pouvais répondre à l'envie pendant deux jours.

Découvrez le clip "Appelle quand tu te réveilles" de Renan Luce :



J'ai reçu ce SMS, c'était bien trouvé, mais certains ont pu prendre ça pour de l'intrusion, vu qu'il a été envoyé tard dans la soirée. Tu as eu vent de ces critiques ?
Ah non, pas du tout. Après, c'est le principe même des réseaux sociaux, ça dépasse tout le monde. Je suis désolé les gars si je vous ai empêché de dormir. (Rires) La plupart des gens ont trouvé ça marrant. Je ne pense pas que ça fasse de mal à qui que ce soit.

Tu as joué le jeu avec ce SMS. Ces nouvelles idées marketing, ça t'intéresse toi en tant qu'artiste ?
Pas vraiment... Quand je fais la chanson, je ne pense pas à comment je vais la présenter. Et en même temps, la manière la plus directe, ce sont les réseaux sociaux. Je suis content d'avoir des nouvelles, des ressentis. Les réseaux sociaux, c'est agréable, simple, et, oui, parfois énervant.

« Je n'ai pas l'impression d'avoir bâclé mon 2ème album »
J'ai lu que tu avais écrit les chansons des deux premiers albums assez rapidement, en dix minutes parfois. Alors que pour celui-ci tu as eu envie de prendre votre temps. Pourquoi prendre ce risque alors que le succès a été au rendez-vous avec cette méthode ?
En fait, le premier album, tu mets dix ans à l'écrire. C'est vrai que pour le deuxième, c'est allé assez vite, j'ai enchaîné. Cette fois-ci, j'avais envie de sentir que je n'avais aucune échéance devant moi, d'être libre d'essayer des trucs. D'aller par là, et puis non, car ça ne me va pas trop... C'était des essais.

Ce que tu n'as pas pu faire pour le deuxième album...
Oui mais en même temps, je ne me posais pas ces questions-là. Là, j'avais besoin d'une étape de réflexion, et de vivre pour engranger des émotions, des souvenirs...

Tu ne regrettes pas de t'être précipité ?
Non, mais je n'ai pas l'impression d'avoir bâcler le truc. Ça s'est fait comme ça. Je sortais de tournée, j'avais envie de retourner vite en studio avec les mêmes musiciens, pour rester dans cette énergie. Là, j'avais envie d'autre chose, de revenir avec plein d'envies, de pas avoir l'impression de faire toujours pareil, d'être un peu plus neuf.

« La politique, ça ne m'inspire pas »
On a beaucoup parlé des municipales ces dernières semaines. La politique, ça ne t'inspire pas ?
Dans mes chansons, pas du tout. Prendre position en chanson, c'est rarement bien fait. On a trois minutes trente pour parler d'un truc qui concerne la vie des gens. Ça me paraît un peu léger. Je n'ai pas envie d'embêter les gens avec ça.

Il y a donc peu de chances qu'on te retrouve sur une liste électorale, comme Grégoire...
Ah, ça c'est autre chose. Là, tu es citoyen. A l'heure actuelle, je ne l'envisage pas. A tort, certainement car on devrait tous prendre part à la vie en communauté.

Mais il n'y a pas un conflit entre l'artiste et le citoyen, dans ces cas-là ?
Oui, c'est le problème. Je n'ai aucune envie, parce que je fais des chansons, de dire : "vous aimez ce que je fais alors vous aimerez ce que je pense, ce que je vais dire". Donc je m'abstiens. Après si d'autres artistes le font, ce n'est pas forcément une erreur, ça dépend des idées, c'est instinctif. Parfois, c'est maladroit. Mais il n'y a pas que les artistes qui sont maladroits en politique.

Dès ton premier album, tu as fait partie de ce qu'on a appelé la nouvelle scène française. Aujourd'hui, des artistes comme Stromae ou Indila captivent parce qu'ils ont un univers très fort, une certaine originalité... Est-ce que tu t'intéresses un peu à tout ça ?
Ça m'intéresse, après ça ne me ressemble pas trop. Je ne suis pas trop dans le contrôle de l'image, je ne sais pas faire ça. Je n'ai pas recul là-dessus. J'ai envie que ce soit simple. Je ne dis pas qu'ils ne le font pas, mais moi j'aime convaincre juste par les chansons. Ça peut me toucher quand c'est bien fait, mais moi faire le lien entre un art visuel et la chanson, ce n'est pas une démarche qui est naturelle.

« Je ne suis pas du tout responsable de l'album de reprises de Renaud »
On a beaucoup évoqué ton nom avec l'arrivée du projet d'album de reprises de Renaud...
Un peu à tort, je dois dire. J'en fais partie effectivement, je chante une chanson en trio, mais mon implication s'est arrêtée là. Je ne suis pas du tout responsable du projet. Je ne sais pas comment c'est parti, mais c'est faux. C'est Alain Lanty, un pianiste historique de Renaud, qui est à la réalisation du disque et qui a porté le projet. J'ai juste posé ma voix et mon bonheur de chanter une chanson de Renaud.

Renaud a habité ses chansons, il a une voix, une identité forte. Comment on fait pour s'approprier un de ses titres ?
Oui, surtout qu'on a choisi une chanson humoristique, "Je suis une bande de jeunes". On parle souvent de Renaud, et à raison, pour la qualité de sa poésie, sa capacité à mettre des mots sur des sentiments assez profonds, ou alors sur son côté plus engagé et plus nerveux. Nous, on a voulu parler d'un côté qui nous plait beaucoup : son humour. C'est un mec avec de multiples facettes, c'est difficile de choisir une seule chanson car il a un répertoire tellement riche.

Et tu n'as pas eu peur de critiques, que les gens se disent : "Après "Génération Goldman", on fait "Génération Renaud" ?
"Génération Bandana", ouais. Mais bon, on ne va pas s'arrêter de faire des albums hommage ! Tous les ans, il y en a un qui sort. Je pense que 90% des artistes en France ont été un peu influencés par ce bonhomme-là. Quand il y a un projet de ce type qui se monte, ce n'est pas à l'initiative des chanteurs mais de quelqu'un qui lui est proche, tout le monde a envie d'en faire partie. C'est hyper agréable de chanter ses chansons.

Crédits photo : DR / Laurent Seroussi
Vu que tu es son gendre, est-ce que tu pourrais lui donner envie de revenir ? Peut-être de collaborer avec lui sur des textes ?
Je pense qu'il n'a pas du tout besoin de moi pour ça. Il est vraiment maître de ses décisions.

Tu sais s'il a pour projet de revenir ?
Je ne sais pas du tout, franchement. Je ne sais pas intimement ce dont il a envie.

On t'a proposé de devenir juré dans "The Voice" ou "Nouvelle Star" ?
Non. Je n'ai vraiment pas le temps, en fait. (Rires) Mais ça ne m'intéresserait pas spécialement. Je ne peux pas te dire pourquoi, je ne peux pas dire que c'est mauvais ou qu'il n'y pas de bons coachs. Ce n'est pas mon truc.
Plus d'infos sur renanluce.artistes.universalmusic.fr et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Renan Luce sur Pure Charts.

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