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dimanche 23 juin 2019 12:18
Deluxe en interview : "Après 10 ans, on a toujours la même flamme "
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Deluxe, la joyeuse bande originaire d'Aix-en-Provence, est de retour pour rythmer notre été avec son nouvel album "Boys & Girl". Rencontre avec six feux follets pour qui la passion de la musique et de la moustache est une religion.
Crédits photo : Polydor
Propos recueillis par Yohann Ruelle. Trois ans après "Stachelight", vous voici de retour avec l'album "Boys & Girl". A partir de quand a-t-il commencé à prendre forme ? Kilo : Il y a eu beaucoup, beaucoup de sessions de travail. C'est l'album qu'on a le plus peaufiné ! En fait on s'est remis quasiment direct au boulot après la sortie de "Stachelight". Il y a eu une première session y'a quasiment trois ans. Et après il y en a eu plein d'autres, jusqu'au moment où on a décidé de réinvestir un studio. Comme ce qu'on a fait pour chaque album depuis une dizaine d'années : on s'approprie un lieu et on enregistre tout là-bas. Liliboy : Jusqu'à ce qu'il sente trop mauvais. Et qu'il soit inutilisable ! (Rires) Kilo : Avec le recul, même pendant la précédente tournée on avait déjà commencé à travailler dessus. Au début il y avait une centaine de morceaux, cent maquettes, puis après c'est passé à 70, 50, 20... On fonctionne en démocratie Comment on fait la sélection finale quand on a autant de matière ?Kilo : Tu les joues, tu les mets dans les mains, tu vois si tout le monde aime bien, si tout le monde s'y retrouve puis on élimine, on rajoute les voix de Lili... Là on a fait un gros boulot qu'on avait pas forcément fait sur les autres albums : on a tous cherché des gimmicks de voix. On se donnait des devoirs avant de partir en week-end quoi ! Le lundi on devait s'amener avec des idées sur le chant, la guitare. C'était chouette comme façon de procéder. Et une fois qu'on a eu qu'une vingtaine de morceaux, on les a joués dans la rue. Ça c'était vachement cool. On est arrivé avec notre petit bordel dans les ruelles d'Aix-en-Provence, sans prévenir personne et on a testé nos nouvelles compos. Ça permet de les faire tourner, de voir si les refrains fonctionnent... Après ça, on est allés au bout du processus qui était très long et douloureux : nous mettre tous les six d'accord ! Au final c'est super parce chaque couplet, chaque refrain nous plaît. L'album était fini pour nous, il aurait pu sortir comme ça. A ce moment-là, on a eu la chance d'entrer en contact avec 20Syl, le beatmaker de C2C et Hocus Pocus, qui était enchanté qu'on l'approche et qui avait plein d'idées. On a donc repoussé la sortie de l'album et il a apporté sa contribution sur huit morceaux. Comment on fait coexister six personnalités dans un groupe ? Kaya : On discute beaucoup, on s'écoute, on se fait confiance. Pépé : Les décisions qu'on doit prendre se font au vote démocratique. Kilo : Après si l'un d'entre nous croit vraiment au potentiel d'un morceau, on va dans son sens. C'est pas figé. Pietre : C'est ce qui fait que tu es toujours à l'écoute de tes potes et que t'es jamais sur des acquis : tu es toujours là à te renouveler, à évoluer. C'est difficile de créer sans mettre son ego de côté L'énergie est la même qu'à vos débuts il y a 10 ans ?Liliboy : Plus même ! Justement sur cet album, c'est un vrai retour aux sources. On a fait toutes les prises de son nous-mêmes. C'est retour au garage. Soubri : Toujours la même flamme mais on apporte pas le même bois. Kilo : Oh la la. (Rires) Liliboy : L'album est quand même plus produit que les autres. Pietre : Pas forcément, y'a des morceaux qui sont très acoustiques. Lili, c'est facile de s'imposer au milieu de cette bande de garçons ? Pépé : En vrai on est tous logé à la même enseigne. Liliboy : C'est ça ! On traverse les mêmes difficultés. Que je sois une fille ne change rien. C'est bizarre parce que l'album parle vachement de nous, des conversations qu'on a pu avoir toutes ces dernières années, de nos vies sentimentales, des ruptures... Nos discussions sur l'ego aussi, parce qu'on a six ego à faire cohabiter. C'est difficile de créer sans mettre son ego de côté. Kaya : Faut juste pas se laisser envahir par le truc. Faut savoir faire la part entre l'ego et l'instinct artistique. Liliboy : C'est donc un album complexe, qui parle de plein de choses qui concernent nos vies... mais on a finalement le titre le plus simple, "Boys & Girl". Kilo : Choisir un nom c'est l'exercice le plus compliqué parce que d'un seul coup, t'es obligé de réfléchir. (Rires) On s'est décidé le jour où on a fait la pochette ! Un titre comme "Egoraphobia" parle de solitude, de doute, mais avec une mélodie très accrocheuse. C'est ce contraste qui vous intéresse ? Liliboy : A fond ! Cette chanson-là parle de bipolarité solaire, avec un refrain qui dit "Je suis fière montée sur mes grands chevaux". Je parle d'avoir envie de grimper très haut, mais une fois que tu es là-haut, tu te sens super seul, malheureux. C'était ça l'idée. Regardez le clip "Egoraphobia" de Deluxe : Dans cette logique de partage que vous défendez, c'était une évidence de faire venir des invités sur le disque ? Kilo : Sur chaque projet on procède de la même façon : on fait l'album, puis on se demande qui pourrait amener du relief à nos chansons. Pour nous, c'est une manière de poser un autre regard appréciable sur nos morceaux. Pietre : C'est comme si ils nous appartenaient moins. Pépé : Ça rejoint complètement notre philosophie. Plus tu travailles avec d'autres gens, plus tu t'inspires. C'est super bénéfique. On marche au coup de coeur On retrouve d'ailleurs pas mal d'artistes issus du milieu hip-hop comme Nemir ou Stogie T. Ça reflète vos goûts personnels ?Pépé : Ce ne sont que des gens qu'on écoute et qu'on adore. Liliboy : Après, que ce soient des artistes urbains, c'était pas le souhait. Ça se fait au gré des rencontres. Soubri : Ça ne marche vraiment qu'au coup de coeur, il n'est pas question de style ou de mode. Kilo : Mais c'est peut-être plus facile de le faire dans le milieu hip-hop car l'art du featuring est de coutume. Cela dit, on avait fait une jolie chanson avec -M- sur le dernier album. Là j'aurais trop aimé qu'on fasse un truc avec Benjamin Clementine. Liliboy : C'est pour ça qu'on a hâte de repartir en tournée : on va pourrait rencontrer plein plein d'artistes ! Comment s'est fait le titre "No Stress" avec Oxmo Puccino ? Kilo : L'histoire est drôle parce qu'on a joué plusieurs fois avec lui. C'est un mec hyper sympa. On avait demandé à notre directeur artistique d'entrer en contact avec son équipe pour faire les choses dans les règles et on n'avait pas eu de réponse, donc on s'était dit que c'était mort. Alors sur Instagram, parce qu'on se suit mutuellement, on lui a dit "C'est dommage, ça aurait pu être cool" et il nous a répondu tout de suite "Non mais je suis trop chaud !" (Rires) Liliboy : Morale de l'histoire, ne pas se prendre la tête avec des intermédiaires, faut contacter direct ! Kilo : En deux jours c'était dans la boîte. On est monté à Paris, on a passé deux heures en studio et le mec était un ange. Liliboy : Il est venu mettre la cerise sur le gâteau. Pietre : Et comme c'est Oxmo qui nous avait remis le prix jeunes talents Deezer en 2012, c'est un peu un rêve qui se concrétise. Regardez le clip "Boys & Girl" de Deluxe : Vous vous êtes embarqués le mois dernier dans une tournée sauvage. D'où vous est venue l'idée ? Pépé : C'est parce qu'on vient de là ! Il y a 10 ans, on jouait dans la rue, on vendait des CDs qu'on gravait nous-mêmes, on avait des cartons avec 5.000 pochettes, on glissait ça et hop, c'était l'entreprise artisanale. (Sourire) On adore ça, être proche du public c'est tellement grisant. Des fois en festival on est sur de grosses scènes mais on est à 15 mètres du public, c'est pas pareil. Là on arrive avec des enceintes qu'on branche sur des batteries de voiture, on s'installe et c'est parti. Les garçons se sont fait pincer les fesses ! Il y aura une "vraie" tournée ?Kilo : Bien sûr ! A partir d'octobre, on réinvestit des salles, on fera l'Olympia le 14 mars... Ça va être cool. Mais cette année, on s'est rendu compte que faire la tournée des villes à l'improviste commençait à devenir un peu dangereux. Dans quel sens ? Liliboy : Tous les mecs se sont fait pincer les fesses ! Et se sont fait attraper le paquet. Soubri : C'est arrivé une fois et c'est devenu hors de contrôle. On a peu flippé. Kilo : On le refera hein, mais peut-être mieux encadré la prochaine fois. (Sourire) Dernière question, puisqu'on est entre nous : la moustache c'est pour la déconne ou vous la conservez toute l'année ? Kilo : Ah mais on la garde toute l'année mon gars ! Soubri : Pourquoi tu dis ça ? T'as quelque chose contre la moustache ? Liliboy : S'ils se rasent la moustache, ils n'ont plus aucun mojo. Kilo : J'ai essayé hein ! Une fois, l'année dernière. Un truc de malade, tu te rends pas compte, j'y avais pas touché pendant 10 ans. Soubri : Je me souviendrai toujours de ta tête quand tu es arrivé au studio en disant "Je crois que j'ai fait une connerie". Pietre : La moustache c'est sacré ! Podcast |