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Florence Foresti - Épilogue


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Révélation

Florence Foresti : «On doit presque s’excuser d’aimer les hommes en ce moment, on croit rêver»

Rentrée chargée pour l’humoriste de 48 ans qui présente à la fois son septième spectacle, « Boys Boys Boys », et sa toute première série, « Désordres », attendue début octobre sur Canal+. Deux façons complémentaires de faire rire... et de se mettre à nu. Rencontre.

Par Grégory Plouviez 

Le 26 septembre 2022 à 16h00

Elle aurait aimé nous proposer un café. Problème : il n’y a plus de capsules à son bureau. « Foresti, ce n’est plus ce que c’était », rigole-t-elle en apportant des tisanes. C’est évidemment faux : à 48 ans, Florence Foresti reste au top avec un septième spectacle drôle et piquant, « Boys Boys Boys », qui s’installe pendant trois mois à partir du 28 septembre au Marigny (Paris VIIIe). C’est déjà complet. Pour avoir une chance de la voir, il reste la tournée ou son retour à l’Olympia en décembre… 2023.

En attendant, sa première série drôle et touchante, « Désordres », débarque à partir du 3 octobre sur Canal +. Une autofiction qui, comme son one-woman-show, révèle une partie intime de l’humoriste la plus marquante de ces vingt dernières années et redessine, à sa façon, les rapports entre les filles et les garçons.

Le spectacle s’appelle « Boys Boys Boys »… Que vous inspire le mot « garçon » ?

FLORENCE FORESTI. Le titre est venu à moi en premier, avant l’écriture. J’avais la certitude que ce spectacle allait parler des hommes. « Boys Boys Boys », comme un mantra répété trois fois, comme si je me disais : « Florence, tu ne sors pas de ce cadre-là. » Un leitmotiv pour concentrer le show autour du seul thème masculin.

 

« J’aime les hommes », dites-vous sur scène. C’est devenu une phrase subversive, non ?

C’est ça. On a fait exprès de la mettre en fin de spectacle. Ce passage, il m’est venu au moment de l’écriture, quand je laissais mes pensées divaguer, quand j’étais nourrie aussi par la colère de voir des hommes autour de moi être critiqués sans raison. J’ai essayé de convoquer tous mes souvenirs, pourquoi j’aime les hommes et ce qu’ils m’ont apporté dans la vie. Oui, ça sonne un peu comme un truc subversif, on s’est amusé avec ça : on croit rêver de devoir presque s’excuser d’aimer les hommes en ce moment.

Féministe est un mot dans lequel vous vous retrouvez encore ?

Oui, je le suis toujours, même si, apparemment, il y a beaucoup de féminismes. Je le suis viscéralement, comme beaucoup d’hommes que je connais. Moi, ce terme on me l’a collé sur le front parce que dès qu’on est une femme qui l’ouvre on est féministe. Qui voudrait rester dominée ? Qui voudrait des inégalités, notamment au niveau des salaires ? Moi je suis de l’école d’Élisabeth Badinter. L’argent, et le pouvoir qui en découle, c’est le nerf de la guerre.

Dans « Boys… », vous dites que le sexe fort, ce sont les femmes…

J’ai grandi avec la pensée qu’elles étaient plus fortes que tout. Je n’ai jamais considéré les femmes comme des victimes bien que, malheureusement, il y en ait, je ne le nie pas pour être marraine d’une association qui leur vient en aide (Women Safe). Mais quand on infantilise la femme, quand on la démet de son pouvoir, ça me blesse.

 

Certains sketchs sont corrosifs sur la période post-#MeToo. Vous craignez la polémique ?

Non. Je m’en fiche complètement, enfin… personne ne se fout de se retrouver sous le feu des projecteurs, mais ce sont des sketchs et si les gens les prennent hors contexte, je n’y peux rien. C’est une chose à laquelle je ne veux pas penser. Je ne peux pas me permettre d’avoir peur, sinon, je ne ferais plus rien.

 
« Je déteste vieillir, parce que ça me rapproche de la mort, et ça, c’est quelque chose dont je ne comprends toujours pas le principe »
Florence Foresti

Dans la série, vous racontez votre angoisse de ne plus rien avoir à dire sur scène. Ça vous est arrivé ?

Il y a toujours cette crainte dès que je remonte sur scène. En ai-je besoin ? Est-ce que je vais être drôle ? Est-ce que je vais avoir un nouveau propos ? Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je faisais toujours le même spectacle. Je l’ai accepté. Il y a des choses que je redis sans arrêt mais d’une autre manière, parce que je vieillis et que la société évolue. Beaucoup d’auteurs ou de cinéastes font toujours le même livre, le même film, et je les adore. Il faut être indulgent avec soi-même. Mon spectre est toujours un peu le même : les complexes, les questionnements sur l’amour, la féminité, le masculin… Mais il vieillit avec moi, alors tant que c’est digne d’intérêt et que les gens me trouvent drôle, je n’arrête pas.

Dans le spectacle, vous vous rangez parmi les quinquagénaires… alors que vous n’avez que 48 ans. Pourquoi ?

Dans « Mother Fucker », je parlais de la quarantaine alors que j’en avais 36. Dans « Madame Foresti », je parlais de la fin de vie alors que j’en avais 40. Ça, c’est une manière de conjurer le sort, un truc de gamins. Dire que je suis quinqua, ça me permet de m’habituer… et de le vivre mieux quand ça arrivera.

50 ans, c’est une étape importante ?

Chaque année de prise est une claque, je déteste vieillir, parce que ça me rapproche de la mort, et ça, c’est quelque chose dont je ne comprends toujours pas le principe. La mort, je suis contre. (Rires.)

Sur l’affiche, vous apparaissez dénudée dans une pose à la Madonna. Pop star, c’est votre fantasme ultime ?

Peut-être que ça m’a habité dans le passé, mais ça m’a quitté. Là, je voulais parler d’une femme de 50 ans qui est encore désirante, qui croit encore en l’amour. L’affiche collait avec ça. Mais ça a été plus dur à assumer que ce que je pensais. J’ai fait des crises d’angoisse, j’ai refusé qu’elle soit diffusée dans les transports : je ne peux pas être nue dans le métro ! J’avais peur qu’on dessine des obscénités ou des insultes sur ma photo.

 
« Faire rire, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour supporter la vie »
Florence Foresti

Révéler à votre public que vous êtes sous antidépresseurs depuis vingt-cinq ans comme vous le faites dans la série « Désordres », c’est une autre forme de mise à nu ?

Je n’ai pas l’impression de révéler un truc incroyable. D’abord, on est nombreux, malheureusement, à vivre ça. J’avais surtout envie de soulager d’autres gens qui peuvent souffrir de crises d’angoisse et ne savent pas comment en sortir.

Faire rire avec la dépression…

… Ce n’est pas facile. D’ailleurs, je n’ai pas pu. Le fameux épisode 7 de la série le montre : il nous a donné du fil à retordre. La dépression, c’est le néant. Si je m’étais écoutée, cet épisode, ça n’aurait été que moi allongée sur le canapé.

Beaucoup d’humoristes montrent de grandes failles. C’est un moteur pour ressentir le besoin de faire rire ?

On n’est pas les seuls, c’est juste que le contraste avec notre métier est plus grand. Ce sont des fêlures qu’on n’arrive pas à soigner autrement. Moi, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour supporter la vie. Mais elle ne m’est pas plus insupportable que pour les autres. Chacun trouve son pansement, dans le travail, l’amour, les excès, la joie, le sport…

Créer sa propre série, ça a été un projet à part ?

Je fais un métier très solitaire. Là, c’était un bonheur de fabriquer quelque chose en équipe. J’ai ressenti beaucoup de joie. Et d’adversité, aussi. Ce qui a été le plus dur, c’est l’écriture. Et la prise de décision d’y aller. J‘écrivais depuis 2016 en me disant que ça pouvait toujours être mieux. Le planning a été chamboulé. J’ai dû remonter sur scène pour les raisons que j’explique dans la série, fuir mes angoisses. Au final, je suis hyperheureuse d’avoir trouvé des producteurs qui m’ont incitée à y aller même si tout n’était pas parfait. Car, sinon, cette série, elle serait restée dans mon ventre, et ça me rendait malade. Quand j’en parlais, ça me brûlait, parce que ça devait sortir.

C’est une autofiction où presque tout est vrai…

Je ne peux pas mentir. La série, je l’ai située en 2017 pour qu’elle colle avec ma situation de l’époque. Il a fallu que je tourne dans l’appartement que j’avais à ce moment, avec ma vraie femme de ménage, mes vrais meubles, mes vraies fringues. Et le chien, c’est le neveu du mien !

Pourquoi ne pas avoir pris le vôtre ?

Il aurait fallu que je m’en sépare pendant un mois pour le faire dresser. Hors de question !

 
« Le jour où les gens considéreront que ce que je fais est moyen, j’espère que j’aurai la décence de passer à autre chose »
Florence Foresti

On y voit l’envers du décor de la célébrité, les sollicitations permanentes… Facile à gérer au quotidien ?

C’est bizarre, mais depuis que je l’ai mise en abîme dans la série, je gère bien mieux la situation. Avant, surtout quand j’étais enceinte ou que ma fille était petite, je le vivais très mal. Je suis très apaisée par rapport à ça. Évidemment, je trouverai toujours un moment où la célébrité m’encombre, mais je la prends comme faisant partie de ma vie. Je l’ai intégrée à mon physique, à ma vie, à mon hygiène : faire un selfie, c’est comme me brosser les dents. J’en suis même reconnaissante maintenant.

Vous révélez sur scène être désormais en couple avec un homme de 32 ans. Mais, dans la série et au début du spectacle, votre célibat est le principal ressort comique…

Ça m’a beaucoup inspiré d’être célibataire, c’est un vrai terreau pour la comédie. Ça ne m’était pas arrivé depuis très longtemps, je ne savais plus ce que c’était que séduire. Tout ce que je dis sur scène ou dans la série, je l’ai vécu. Les applis que je ne peux pas utiliser, les flops, les rencontres de merde… C’est souvent plus amusant que la vie à deux !

En février 2020, vous avez été malgré vous au cœur de la polémique des Césars, en pleine affaire Polanski, en tant que maîtresse de cérémonie. Avec le recul, comment l’avez-vous vécu ?

J’étais obnubilée par ma mission : faire rire. J’essayais de me préserver de la folie extérieure. Une fois la cérémonie finie, c’est là que j’ai ressenti tout le stress. C’est pour ça que je ne suis pas remontée sur scène (après le César du meilleur réalisateur attribué à Roman Polanski, malgré des accusations de viol). J’ai fondu en larmes en coulisses, je ne me sentais pas capable de remonter, tout simplement. Ce n’était pas militant au départ, mon émotion a pris le dessus sur ma raison. J’aurais peut-être dû m’exprimer ensuite, mais je n’étais pas en l’état de le faire.

 

L’an prochain, vous fêterez vos vingt-cinq ans sur scène…

… Quoi ? Non, non, c’est faux ! (elle vapote frénétiquement et rit à la fois).

Si, si, vos débuts dans le trio des Taupes Models datent de 1998. Que vous inspire cette longévité ?

Je suis pleine de gratitude pour le public qui est toujours là. C’est extraordinaire, c’est ma joie. Depuis le deuxième spectacle, j’essaye de ne pas me caricaturer, de ne pas me reposer sur mes lauriers. Le jour où les gens considéreront que ce que je fais est moyen, j’espère que j’aurai la décence de passer à autre chose. C’est un combat de rester. Et, pour ça, il faut travailler.

La note de la rédaction :
4.5/5
« Boys Boys Boys », spectacle de Florence Foresti à partir du 28 septembre au Marigny (Paris VIIIe, complet). Ensuite en tournée puis à l’Olympia en décembre 2023.
 
 

 

 

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Je sors de son spectacle, j’ai beaucoup aimé, bien mieux que le précédent, je ne dirais rien d’autre pour pas spoilier mais la voir en vrai c’est 10 fois mieux que de la regarder à la télé, elle a une présence scénique incroyable, j’étais au premier rang et de la voir d’aussi prêt est assez intimidant bref si vous trouvez des places courrez-y

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J'aime beaucoup également. C'est bien écrit, vachement bien rythmé ce qui fait que même si on ne se marre pas toutes les 5 secondes on ne s'ennuie pas pour autant (et le but, contrairement à la scène et comme elle l'a expliqué, n'est pas d'avoir une vanne un rire, une vanne un rire...), et les acteurs sont excellents, ses copines, son co-auteur, et sa femme de ménage ❤️

 

Elle : "Lucy, i look fat ?"

Lucy : "hanhanhan"

 

?

 

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J'aime aussi beaucoup le format de la série ! Je suis même un peu surpris d'adhérer autant. Florence remonte à nouveau dans mon estime, je la retrouve égale à elle même. C'est un virage à 360 comparé à Epilogue.

 

C'est très sympa de la voir dans son quotidien. Je me retrouve pas mal dans certaines scènes (les beuveries notamment :mdr:). Du coup, je me sens facilement proche d'elle et je comprends tout à fait ce qu'elle traverse. Hâte de voir la suite !

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Je trouve que ça explique également assez bien pourquoi Épilogue était en-deçà du reste : elle n'avait pas forcément envie de faire ce spectacle et a eu du mal à l'écrire. Elle s'était confiée récemment à ce sujet dans je ne sais plus quelle interview, en disant que ce spectacle avait été plus contractuel qu'autre chose et que si elle n'avait pas été obligée de le faire, elle aurait attendu.

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