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samedi 01 avril 2023 12:50

Boygenius en interview : "Faire cet album était une surprise, ce n'était pas acquis"

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Phoebe Bridgers, Lucy Dacus et Julien Baker forment le trio Boygenius. Quatre ans et demi après un EP surprise, le supergroupe féminin vient de sortir un formidable premier album, sobrement intitulé "The Record". Rencontre avec les trois chanteuses phares de la scène rock indé américaine.
Crédits photo : Shervin Lainez
« L'article de Rolling Stone dit "le groupe le plus attendu". Mais nous sommes juste un groupe... ». Julien Baker a beau être modeste, Boygenius reste bel et bien une des sensations indie-rock les plus attendues de ce printemps. Quatre ans et demi après un premier EP surprise, le supergroupe composé de Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus vient de sortir "The Record", un premier album bluffant, aussi intime qu'universel, énergique et poétique. Preuve de l'énorme engouement que suscitent les trois chanteuses américaines, on les retrouvera à Coachella ou encore à Rock en Seine, où leur nom est intercalé juste entre ceux de Placebo et Christine and the Queens. La grande classe. En visio-conférence depuis les Etats-Unis, "le groupe le plus attendu" de l'année nous a accordé une de ses rares interviews françaises.

Propos recueillis par Théau Berthelot.

Quatre ans et demi ont passé depuis la sortie de votre premier EP. Pourquoi réactiver le groupe maintenant ?
Lucy Dacus : On avait toutes nos albums à sortir. Puis le Covid est arrivé. Donc ça a un peu tout mis sur pause pour nous...

« On est vraiment toutes sur un pied d'égalité »
Vous comptez déjà deux ou trois albums en solo. Sortir ce premier album en tant que groupe, c'est une sorte de remise à zéro ?
Julien Baker : Oui je pense que c'est le cas. Pour répondre aussi à ta précédente question, quand nous avions fini le projet, on pensait toutes... Enfin, je dis ça pour vous aussi, mais je me disais "On devrait refaire ça bientôt". Mais on avait chacune nos projets. C'est quelque chose que je voulais faire naturellement, même si j'étais au milieu de mon propre processus d'album. C'est bien d'être dans un espace créatif, mais c'est complètement différent que d'être en solo.

Comment chacun trouve sa place dans le groupe ?
Phoebe Bridgers : On est vraiment toutes sur un pied d'égalité. On se respecte toutes de la même façon. Mais on n'amène pas les mêmes choses, même au jour le jour. On est douées pour partager les tâches et les responsabilités, surtout selon le nombre d'interviews qu'on a ou notre agenda... Nous avons une super dynamique : si l'une d'entre nous passe une mauvaise journée, les deux autres peuvent prendre le relais pour faire les choses et c'est vraiment cool !

Par exemple, sur les 12 chansons de cet album, qui en a écrit le plus selon vous ?
Phoebe Bridgers : Je pense que c'est à peu près égal, à différents niveaux. Nous y avons toutes contribué de manière égale, mais en amenant des idées différentes.
Julien Baker : C'est dur à dire car quand on amène une idée... L'origine d'une idée peut-être amenée instinctivement par l'une d'entre nous. Mais je pense que c'est nécessaire qu'on ait chacune une sorte de catalyseur pour compléter nos idées. Dire qui écrit le plus de choses ou amène le plus d'idées est une question sans réponse, parce que nos idées sont placées dans un doc commun et chacune peut les réarranger. Donc on peut y mettre une idée plutôt brute qu'une autre va avoir plus de facilité à compléter.
Lucy Dacus : Je pense que c'est quand même Julien qui a amené le plus de chansons. Phoebe, c'est vrai que c'est le disque avec le plus de chansons que tu as écrites seule ?
Phoebe Bridgers : Oui ! Je n'ai travaillé avec personne d'autre que Julien et Lucy pour les paroles et la musique. C'est intéressant car normalement, j'ai un groupe d'amis à qui je montre mes idées de chansons, mais là ce n'était que Julien et Lucy.



« On se respecte toutes les trois de la même façon »
Était-ce facile de mêler vos trois univers sur l'album ?
Phoebe Bridgers : Je pense que c'est le cas car nous sommes toutes dans le même délire. Nous avons des goûts similaires. Si l'une d'entre nous veut vraiment forcer pour soumettre une idée, les autres pourraient être là "Heu..." [elle fait une grimace]. Mais ça n'arrive pas souvent ou alors ce n'est pas très grave.

Vous arrivez avec un statut de "sensation rock indé", c'est une pression pour vous ?
Phoebe Bridgers : Je n'ai pas l'impression...
Julien Baker : J'ai comme l'impression qu'il y a une certaine pression mais je ne la ressens pas personnellement. Tu vois ce que je veux dire ? Je sens qu'il y a une hype... Mais, par exemple, quand les gens commencent à utiliser des superlatifs, j'ai tendance à rejeter ça. Surtout dans les médias quand ils disent "Le truc le plus fou !!!!". Mais ce n'est pas le truc le plus fou ! [Elles rigolent] Des trucs plus fous vont arriver. C'est comme l'article de Rolling Stone qui disait "le groupe le plus attendu", et je me disais "Comment est-ce qu'ils peuvent savoir ça ?". Nous sommes juste un groupe ! Et c'est pour ça que faire de la musique pour nous trois nous enlève un peu de pression par rapport à l'attente du monde et des médias. Et aussi l'attente que les médias mettent sur les fans. Mais de base, je suis confiante. Je suis sûre que ça va bien marcher car je ne travaille qu'avec des gens que j'adore. Et ça permet d'ouvrir son esprit créatif.

« La plupart des chansons parlent de nous trois »
J'ai trouvé que musicalement, l'EP était très "acoustique" et sur la retenue, alors que l'album "The Record" plus rock, plus puissant...
Julien Baker : Il y avait quand même "Salt in the Wound".
Lucy Dacus : Et "Bite the Hand" !
Julien Baker : J'ai l'impression qu'il y a au moins une chanson où chacun dit "S'il vous plait, laissez-moi faire un solo de guitare". Et on est là "bon, ok"... (rires)
Lucy Dacus : C'est comme quand Julien fait un solo de guitare de malade et on est là "Nooooon". (Rires)
Julien Baker : Je suis allée à l'école de blues, j'ai appris quelques trucs de blues une fois et du coup je m'en sers tout le temps... Mais pour en revenir à ta question, en sachant que le disque allait être très attendu... L'EP était un petit disque surprise. Et le fait qu'on refasse quelque chose ensemble était une surprise, ce n'était pas quelque chose d'acquis. Donc c'est facile pour nous, ou tout du moins pour moi, de réaliser mes souhaits musicaux qui étaient très simples : faire plus de rock ! Car je passe la plupart du temps à être décrite comme une artiste folk triste, donc bon...



« Si on écrit ensemble, c'est plus facile de dire les choses »
Les chansons ont des paroles qui semblent assez personnelles. Est-il plus facile de s'ouvrir au sein de ce trio que sur vos albums respectifs ?
Lucy Dacus : Je pense que c'est un autre type de chansons personnelles. J'essaie uniquement d'apporter des choses dans lesquelles Phoebe et Julien peuvent se reconnaître. La plupart des chansons que j'écris parlent de nous trois. C'est vraiment personnel d'écrire des chansons pour des personnes à qui tu vas demander de les chanter. Mais pour mes propres chansons en solo, je me dois d'être plus brave, car je sais que personne ne va les chanter en choeur avec moi. Mais quand je sais que Phoebe et Julien vont chanter ce que j'écris, je peux dire des choses et je sais que je vais être soutenue.
Phoebe Bridgers : C'est vrai ! Personnellement, j'écris plus de la perspective de partager quelque chose plutôt que de faire quelque chose d'intériorisé et tourné vers moi-même, comme si j'écrivais un journal intime.
Julien Baker : Oui, c'est plus facile de dire quelque chose si on écrit les chansons ensemble. Quand j'ai une idée et que je la propose au groupe, j'ai l'impression que je peux avoir plus d'idées que je ne pourrais en avoir si j'étais en solo avec des choses extrêmes, brutes ou graphiques... Je peux apporter ces idées-là tout en pensant au fait que je ne suis pas la seule à être responsable des paroles. Je peux vraiment leur demander de m'aider à contextualiser telle ou telle chose.

Dans les paroles, il est aussi beaucoup question de poésie...
Phoebe Bridgers : Pour quelqu'un qui a écrit cette chanson ["Letter to an Old Poet"], je suis probablement celle des trois qui lit le moins de poésie. Mais je suis fascinée par la poésie. Par exemple, dès que j'ai fini d'écrire cette chanson, j'ai lu "Lettres à un jeune poète" [oeuvre de Rainer Maria Rilke, ndlr] et j'ai adoré. C'est un livre que nous aimons depuis vraiment longtemps. Oh ! Ça me fait penser à une chose. C'est un peu lié à ce dont on parle, mais je parlais à une amie hier au téléphone et elle me disait que les deux seules façon de gérer les choses, c'est soit par la poésie, soit par la thérapie. Et le fait que ce sont des opposés... Elle est vraiment intelligente, je ne sais pas pourquoi je m'embarque là-dedans en y repensant, mais elle utilise la poésie comme une sorte de fourre-tout créatif et la façon dont tu vis ta vie au quotidien. La thérapie c'est quelque chose de très intériorisé. C'est presque comme examiner ton coeur : tu examines tous les facteurs, tu essaies d'ajouter des choses et donc tu t'exprimes beaucoup. Alors que la poésie, c'est quelque chose de plus subliminal. Des choses ne sont pas dites dans le but d'exprimer une plus grande vérité. Donc oui, je pense énormément à la poésie, peut-être comme une idée plus générale quand tu lis un livre.

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« Avec le groupe, il n'y a pas de plan de carrière »
Vous allez partir en tournée : comment ça va se dérouler ?
Phoebe Bridgers : Ce sera rock'n'roll. Ce sera déchirant !
Lucy Dacus : Ce sera très rock, oui ! J'ai déjà joué à Rock en Seine l'été dernier et c'était super ! [Elle se tourne vers Julien] Rock en Seine, c'est un jeu de mot avec la Seine, le fleuve à Paris.
Julien Baker : Oh d'accord !

Un deuxième album de Boygenius est-il possible à l'avenir ou c'est juste qu'un one-shot ?
Lucy Dacus : Hey ! Tout est possible ! Mais on ne va pas faire croire aux gens que nous avons déjà des plans.
Phoebe Bridgers : On a littéralement jamais parlé de ça.
Julien Baker : Oui, mais c'est ça qu'il y a de bien et d'amusant. C'est ce qu'on essaie de dire toutes les trois : le truc amusant avec le groupe, c'est que nous n'avons pas de plan de carrière. Ce n'est pas construit comme ça. C'est quelque chose que nous faisons en parallèle de nos carrières solo. C'est sacré pour moi parce que je ne sais pas s'il y aura un autre album de Boygenius. Et je n'ai pas à avoir de pression là-dessus.

« Un deuxième album de Boygenius ? Tout est possible ! »
Et un album en solo chacune ?
Julien Baker : Je n'y pense pas encore !
Lucy Dacus : J'écris toujours mais je ne sais jamais trop quand un album va vraiment remonter à la surface.
Phoebe Bridgers : Je n'y pense pas non plus. J'y penserai une fois que j'aurai assez de matériel, mais ce n'est pas encore prévu pour le moment. Pour l'instant, c'est que la tournée et rien d'autre !

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