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dimanche 16 février 2020 13:21

Tryo en interview : "On ne s'imaginait pas vivre 25 années aussi folles"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
25 ans, ça se fête ! Avant une grande tournée qui fera escale à l'AccorHotels Arena, Tryo sort le best-of "XXV" et retrace sa carrière avec de nombreux invités. Rencontre avec Guizmo et Christophe pour parler anniversaire, souvenirs, reggae et écologie.
Crédits photo : FIFOU
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Tryo célèbre ses 25 ans de carrière. Ça va, pas trop difficile à encaisser le coup de vieux ?
Christophe Mali : (Rires) Y'a absolument aucun coup de vieux.
Guizmo : Surtout qu'il y a un engouement autour de "L'hymne de nos campagnes" qui ramène beaucoup de jeunesse. On a toujours eu un public qui se renouvelle. On se sent encore très jeune.
Christophe : Nous SOMMES très jeunes !

« Il y a une magie, un truc qui ne s'explique pas »
Cette longévité est une jolie reconnaissance. Si on se penche sur les statistiques, Tryo c'est 4 millions de disques vendus, une Victoire de la musique, des milliers de concerts… Avec le recul, votre carrière ressemble-t-elle à ce que vous imaginiez à vos débuts ?
Christophe : Je ne sais pas si on s'imaginait vraiment quelque chose, pour être honnête.
Guizmo : On ne s'est jamais projeté au delà de chaque album qu'on a fait et des tournées qui ont suivi. Ça s'est fait au rythme des disques. Notre seule certitude, c'était l'envie de faire de la musique et de vivre de l'art au sens large. On ne s'imaginait pas vivre 25 années aussi folles.
Christophe : D'ailleurs, est-ce imaginable ? Quand tu commences un groupe, peux-tu t'imaginer rester 25 ans avec ? Des exemples de groupes qui ont duré 25 ans et qu'on connaissait à l'époque, il y en avait très peu. Et il y en a encore très peu.

Quel est le secret ?
Guizmo : Garder une place pour des projets perso. C'est ce qui fait qu'on a pu durer. On a des phases d'albums intenses avec Tryo, des tournées assez copieuses, mais on s'accorde des moments pour se retrouver avec nos proches, nos amis et nous-mêmes. Chacun d'entre nous a des influences assez diverses. Si tu fais le tour de Tryo ça va du jazz à la chanson française, du reggae au punk. On revient de nos petites aventures nourris d'expérience et c'est toujours un plaisir immense de se retrouver. Il y a une magie, une étincelle, un truc qui ne s'explique pas. C'est retour en famille. On rigole bien ensemble.

L'histoire est d'autant plus belle que vous revendiquez depuis vos débuts un statut d'indépendant.
Guizmo : C'est aussi ce qui explique les 25 ans du groupe. On a monté nos propres structures dès que ça a commencé à marcher pour nous, d'abord dans l'associatif puis en montant nos propres boîtes pour tourner, éditer et se produire. Là tout récemment, on est parti complètement en indépendant : on a dit au revoir au label Columbia chez Sony avec qui on travaillait depuis 20 ans. Sans regret d'ailleurs, on a connu de belles années chez eux. On a eu envie d'aller jusqu'au bout du processus. On a commencé comme ça, en distribuant nos albums avec notre sac à dos, et nous voilà de retour aux sources - sans le sac à dos mais avec des camions pour livrer nos disques ! On fait tout nous-mêmes. Ça prend beaucoup d'énergie et en même temps, ça nous permet de rester proche du public, de ce qu'on offre et de nos valeurs. On a un regard sur tout, on essaie de faire attention au prix, on fait attention à la manière dont on produit les albums et dont on communique sur Tryo.



Vous vous souvenez de votre toute première scène en tant que Tryo ?
Guizmo : Oui ! Premier concert en 95. On se connaissait car on fréquentait tous les MJC [Maisons des jeunes et de la culture, ndlr]. On arrive et on voit marquer "Trio" sur une affiche. Les potes nous disent : "On vous a invités en première partie de notre groupe et on appelle ça trio car vous êtes trois". A l'époque, Daniel n'était pas encore là. C'est le directeur de la MJC qui passait par-là qui a rajouté un y ! « Ça serait un peu plus original que trio » qu'il nous a dit. On a même pas choisi le nom du groupe, tu vois. (Sourire) On a été répété dans le parc derrière et on a beaucoup rigolé sur une chanson où on imitait Chirac. On a commencé comme ça, en faisant des sketchs et en déconnant. En sortant de scène, nos potes nous ont dit : "Les gars faites quelque chose, il se passe un truc". Plein de morceaux du premier album ont été mûris de la sorte, au fur et à mesure des concerts, comme "Yakamonéyé".
Christophe : Le groupe est né en live, presque à l'insu de notre plein gré !

« Le reggae est une musique qui revendique »
Vous êtes l'un des rares groupes de reggae à s'être fait une place auprès du grand public en France. Pourquoi ce genre musical a-t-il du mal à s'imposer dans l'espace médiatique ?
Christophe : Je pense que c'est assez cyclique. Il y a des périodes où beaucoup de groupes jouent du reggae, même des chanteurs de variété. Nous en 25 ans, on les a vues les phases ! Les moments où tout le monde ne jurait plus que par le raï, où on ne jurait que par le rock ou la chanson française... En ce moment, c'est vrai que le reggae n'est pas énormément représenté. Et en même temps, quand tu écoutes des artistes comme Fréro Delavega, tu retrouves dans leurs chansons une syncope un peu reggae...
Guizmo : Même Sting s'est remis au reggae avec Shaggy ! A l'époque où nous on a commencé, il y avait la vague Sinsemilia, Pierpoljak. Moi je cite toujours Bob Marley comme exemple. Avant sa mort c'était un carton, mais après ? C'est impressionnant car cela reste une vente de disque constante. Quand on écoute Bob à la radio, ça fait toujours plaisir : ça ne vieillit pas. Maintenant, le reggae est une musique qui revendique, qui dit des choses, qui a une image un peu "underground". Les fumeurs de pétards, ce n'est pas ce qui attire les médias...
Christophe : Et pourtant, ça n'empêche des groupes comme Dub Inc de remplir des Zéniths, de faire des tournées internationales, de représenter la France partout dans le monde et d'avoir de vraies carrières.

Est-ce que vous avez souffert de cette image de "babas cool engagés" qu'on a pu vous coller ?
Christophe : Est-ce qu'on ne l'était pas un peu finalement ? (Rires)
Guizmo : C'est exactement ce que j'allais dire ! On était en pantacourts, on fumait nos pétards et moi j'écoutais Bob Dylan et Led Zeppelin aussi, donc... On en a souffert oui et non, parce qu'au final, à travers ce petit côté joyeux et amateur d'herbe, y'avait du fond qui touchait les gens dans Tryo. Cette image qu'on a peut-être eue dans les médias, on l'a entretenue aussi car on a dit non à tout. Les dix premiers années, on refusait toutes les télés, les radios... On s'est aussi mis à l'écart. Plein de gens pensaient qu'on vivait tous ensemble dans un tipi et qu'on se lavait dans la rivière ! Au final, et c'est le plus important, le public ne nous a pas vraiment considérés comme ça. A leurs yeux on était plus comme des potes ou des frères que des babas qui ne faisaient rien de leur vie.

« Renaud nous a fait un cadeau magnifique »
Vous sortez pour cet anniversaire la compilation all-star "XXV". Comment vous êtes-vous débrouillés pour réunir autant d'invités ?
Guizmo : En piochant dans notre carnet d'adresses ! Tous les artistes présents sur ce disque, on les a rencontrés à un moment donné de notre carrière. Nos pères qui nous ont donné envie d'écrire des chansons, comme Alain Souchon, Thiéfaine ou Lavilliers, avec lesquels on a partagé des instants magiques. Nos potes comme Dub Inc, La Rue Kétanou, Massilia Sound System, -M-, Tiken Jah Fakoly ou Ayo, tous ces gens qui sont un peu de la même génération que nous et qu'on croise dans les festivals depuis des années. Et toute cette jeune génération : Claudio Capéo, Bigflo & Oli, Vianney...
Christophe : C'est au delà de la rencontre. Tous les artistes qui sont sur cet album, on a déjà fait des chansons avec eux. Tous. La seule exception, ce sont McFly et Carlito, qu'on a rencontrés à un concert de Bigflo & Oli et qui sont venus nous voir en disant : "On est fans". Quand on réfléchissait à qui on pouvait proposer "Désolé pour hier soir", on s'est dit que ça pourrait leur plaire. Bingo, ça leur a plu ! Mais ce sont les seuls qu'on ne connaissait pas dans l'intimité. On tenait à s'entourer d'artistes avec lesquels on partage des valeurs. Et même si musicalement on pourrait se dire que ça va un peu dans tous les sens, car certains d'entre eux n'ont rien à voir avec Tryo, ils se retrouvent dans des chansons qu'on jurerait avoir été écrites pour eux.
Guizmo : Au départ, on fait une liste rêvée presque inatteignable, en se disant "Allez c'est notre anniversaire, on se fait plaisir". On pensait avoir 10-11 réponses positives pour un album, au final on se retrouve avec un double album car ils ont tous dit oui ! On a bossé d'arrache pied. Au niveau du timing, du réarrangement des titres, ça a été un gros chantier.

Parmi tout ce beau monde, qui vous a le plus surpris ?
Guizmo : Cet album a été très plaisant à faire parce que tout le monde est venu avec beaucoup de bienveillance.
Christophe : Moi j'ai été vraiment soufflé par McFly et Carlito. Ils ont cette image de youtubeurs déconneurs extrêmement drôles mais ils sont aussi extrêmement gentils. On savait qu'ils venaient de la musique mais wow, ça chante ! Ça fait claquer les mots, les syllabes, ils chantent à mort. Ils sont super rigoureux. J'ai été très très étonné par notre session en studio.
Guizmo : Dans le genre aussi, les Dub Inc sont bluffants. Ils sont très rarement invités en feat donc ils étaient très touchés. Ils avaient préparé leur texte, ils sont arrivés, ils sont retournés le studio !
Christophe : Pour -M-, qu'on connait depuis très très longtemps, ça a failli ne pas se faire car il était en pleine tournée. C'est une locomotive, il a enchaîné tous les festivals cet été. On se disait qu'il n'aurait jamais le temps mais on lui a proposé par principe. Un jour, à 18 heures, il nous passe un coup de fil, c'était son jour de repos. Il nous dit, de sa voix très douce : « Ecoutez je viens d'écouter le morceau, je ne connaissais pas ! J'adore "El Dulce de Leche", ça me touche énormément. Comment j'ai pu passer à côté de ce titre ? Je vais inaugurer mon nouveau studio avec votre chanson, je vous rappelle ». Il nous a téléphoné à 2 heures du matin, il était complètement fou. « J'adore, j'adore, j'adore. J'ai pas vraiment gardé les idées que vous m'aviez suggérées, j'ai tout remis à zéro mais j'adore, je t'envoie ». On a écouté le titre et il se l'était complètement accaparé. Et pourtant on sait que Matthieu est habitué à faire sienne une chanson, on sait qu'il est habitué à chanter les mots des autres. Mais là, c'était extra.




J'imagine que partager le micro avec Renaud était émouvant, aussi.
Guizmo : Renaud qui nous dit oui, on ne s'y attendait pas. Il était tout en haut de notre liste idéale, pour tout te dire. C'est notre papa, on ne pouvait pas ne pas penser à lui. Il bossait sur son album donc on ne l'a pas croisé au moment de l'enregistrement mais il nous a fait parvenir ses voix sur "La misère d'en face". Un cadeau magnifique.

Quel a été le plus dur : réarranger des chansons que tout le monde connaît par coeur ou les réactualiser ?
Christophe : La vraie question était comment réactualiser musicalement un titre en gardant l'ADN de Tryo sans le trahir, tout en collant à l'univers de l'artiste qui vient avec nous ? Des mecs comme Thiéfaine sont des artistes qui ont une très forte empreinte, un univers marqué et solide, il a donc fallu réfléchir à faire intelligemment des parallèles sans dérouter le public. Ça j'avoue que ça a été un exercice un peu ardu, d'autant qu'il était hors de question pour nous de proposer les mêmes versions. C'est pour cette raison qu'il y a des jets d'électro, des arrangements un peu plus modernes. Manu et Daniel, avec le réalisateur Régis Ceccarelli, ont fait un travail de titan, titre par titre.

« Le combat de l'écologie n'est pas fini »
"L'hymne de nos campagnes" est une chanson qui reste cruellement d'actualité. Vous vous souvenez de sa création ?
Guizmo : C'est fou car ce titre résonne encore plus aujourd'hui qu'il y a 25 ans. Avec l'urgence climatique, on a tous eu une prise de conscience. "L'hymne de nos campagnes" il y a 25 ans c'étaient les babos au pied d'un arbre en train de fumer des spiffs ! Ce discours était marginal. Aujourd'hui, c'est la majorité qui le porte. L'écologie est la préoccupation première des Français. Les choses changent, la jeunesse se mobilise. On est ravi d'avoir demandé à ces jeunes voix de venir chanter sur "L'hymne" : Claudio Capéo, Bigflo et Oli, Zaz, LEJ, Vianney, Gauvain Sers... Ce sont eux qui reprennent le flambeau de l'écologie, à l'image de la nouvelle génération. Ça remet de l'optimisme. Le combat n'est pas fini, il ne fait que commencer. Et nous, ça nous remet dans la réflexion. Ok, on a fait les gobelets lavables, on a initié le co-voiturage, on fait le bilan carbone de nos tournées. On s'est engagé sur plein d'initiatives avec Tryo. Mais y a encore plus à faire. Là, on a pris la décision de compenser entièrement l'empreinte carbone, autrement dit les émissions de gaz à effet de serre, de notre prochaine tournée. Attention, il est hors de question qu'on s'arrête d'aller jouer comme Coldplay ! Les gens continuent de sortir de chez eux, on ne peut pas s'arrêter de vivre. Mais on réfléchit à comment changer le monde. Ce sont peut-être des thèmes qui apparaîtront dans les prochaines chansons de Tryo. Que "L'hymne" passe dans des radios comme NRJ ou Virgin et touche beaucoup de jeunes nous permet aussi de rêver encore.




« On est des porte-voix »
Justement, c'est une vaste interrogation : comment fait-on pour concilier engagement écologique et vie d'artiste ?
Guizmo : Au delà des actions qu'on mène, on est aussi des porte-voix. Ça passe par le relais qu'on peut faire pour Greenpeace ou Sea Shepherd, toutes ces ONG qui défendent l'environnement. On fait venir des stands durant les concerts, on essaie de faire un lien entre les paroles et les actes. Et puis à titre personnel, dans notre vie quotidienne, on fait comme tout le monde : on fait attention. On essaie de faire au mieux et d'exercer une pression constante avec cette écologie politique qui nous intéresse beaucoup concernant le système, les multinationales et les gros pollueurs. A côté d'Amazon ou McDonalds, on est pas grand chose finalement. Mais on reste dans l'optimisme. On essaie de s'imaginer un futur radieux pour nos enfants.
Christophe : Il y a 25 ans il n'y avait personne sur ce combat mais aujourd'hui, je peux t'assurer qu'il y a beaucoup de personnes qui se bougent. Les Shaka Ponk ont lancé le mouvement The Freaks, il y a eu l'Affaire du siècle qui a éclaté... Il se passe des choses. Ce qui manque, ce sont des initiatives à plus grande échelle. Il faut arrêter de culpabiliser les gens. L'écologie punitive on n'en veut pas. C'est toute la société qu'on doit repenser. L'écologie amène à repenser la gauche, une nouvelle gauche qui sera forcément anticapitaliste, car le capitalisme n'est plus comptable avec l'écologie et on le sait. On sait très bien qu'il y a une nouvelle politique à mener, et c'est bien au delà de l'expérience personnelle. C'est au delà du 1+1+1, même si ça c'est important. On est dans une période de transition. Le monde est en train de changer.

Dans le cadre de votre anniversaire, vous donnerez un grand show à l'AccorHotels Arena de Paris le 13 mars. A quoi peut-on s'attendre ?
Guizmo : Ça va être une explosion de chantilly sur le gâteau !
Christophe : On se lance dans une disposition très particulière avec une scène centrale à 360 degrés, les gens tout autour de nous, beaucoup d'invités, des surprises... On va replonger dans 25 années avec le public, sortir et déguster tous ensemble des madeleines de Proust. On va bien se marrer. Et puis comme Bercy c'est complet, on remet le couvert les 26, 27 et 28 novembre au Dôme de Paris, une salle dans laquelle nous n'avons jamais joué et qui offre plein de possibilités scéniques.
Guizmo : Et bien sûr il y aura des festivals cet été, une tournée des Zénith à l'automne partout en France... Ça va être une grande et belle année.

« Le nouvel album ? On est en plein dedans »
Est-ce qu'il y aura du temps pour un nouvel album ?
Guizmo : On en a parlé, on est en plein dedans ! Pour le moment on est focalisé sur Bercy et la préparation du spectacle, mais dès que cette échéance-là sera passée, on commence à enregistrer. On a déjà des chansons.

Ce sera donc pour...
Christophe : Fin 2020, début 2021, on ne sait pas encore. Il faut que ça soit bien, il faut que ça soit prêt. Là on a un peu la tête dans le guidon mais on y est déjà. Ça ne sera pas qu'une année folle, elle sera aussi studieuse !
Pour en savoir plus, visitez tryo.com ou le Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez Les albums de Tryo de Tryo sur Pure Charts !

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