Luo Yang
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Dans quel esprit es-tu pour ce retour ?
Je suis très impatiente et en même temps stressée, je ne vais pas te mentir. C'est toujours quelque chose de sortir un nouveau morceau parce que tout à coup, il y a un regard extérieur qui vient sur quelque chose de très naturel, très spontané. Et forcément je me dis qu'il y a une forme de jugement qui est donné, aussi bien par les personnes qui me suivent que les personnes qui vont découvrir ce que je fais ou me redécouvrir. Oui, je suis un peu stressée mais très contente aussi parce que c'est un morceau que j'adore, que j'assume pleinement.
Nouveau single, nouvelle ère, nouveau management et nouveau label, le tien !
Oui, je suis ma propre productrice chez JJ Records ! En effet, tout est nouveau, mais je suis super contente de me lancer dans cette aventure d'entrepreneuriat qui est inédite pour moi. C'est mon 6ème album et je me sentais vraiment armée pour constituer mon équipe de rêve. Je me suis vraiment entourée de ma dream team.
En fait, comme je sors un album tous les trois ans, ça correspond à une tranche de vie. Donc forcément il se passe une forme d'évolution pendant ces années-là et pendant cette pause à chaque fois. On a le sentiment qu'il y a une pause mais en réalité soit je suis en tournée, là j'étais beaucoup en Chine ces derniers mois. J'ai fait plein de nouveaux morceaux. J'écris des chansons un peu tout le temps parce que c'est comme ça que je m'exprime et c'est comme ça qu'est rythmé mon quotidien.
Comment est né ce nouveau single "Comme d'hab" ?
Cette chanson, ça a été une évidence dans le thème, dans la composition aussi. On l'a co-composée avec Marso que l'on connaît pour avoir travaillé avec Suzane, Gaëtan Roussel, Louane et Pierre Garnier. Quand on s'est vu, c'était très spontané. Il y a d'abord eu un petit moment psychanalytique, comme souvent en studio, on parle pendant 2 ou 3 heures de la vie, de ce qu'on ressent, de nos états d'âmes amoureux. J'étais en plein dans la thématique "Comme d'hab" ! (Rires) Le texte m'est venu très spontanément, et la musique aussi. Cette chanson, elle parle du fait qu'on est à la fois la personne qui grandit, le petit enfant qui est toujours enfoui en nous et qui grandit sous le regard de sa famille, de ses proches, qui est très protecteur. Et c'est très dur dans la vie de s'émanciper de ce regard-là et de taper du point sur la table pour dire : "Merde, je suis qui je suis, je m'émancipe et je m'assume telle que je suis".
Dans les paroles, tu emploies des mots plus directs, plus cash...
Oui il y a des mots que je n'ai pas forcément employés dans les chansons d'avant. J'appréhende un peu le regard de ma mère, le regard de ma famille. (Rires) Et en même temps, je me dis que je suis chanteuse, je fais des chansons. C'est aussi une forme artistique de raconter les choses ! Il y a plein d'écrivains, de chanteurs ou d'auteurs qui disent des choses très crûment, et moi j'adore écouter ces choses-là. Je trouve que c'est agréable d'entendre quelqu'un qui s'assume. C'est-à-dire que si je vivais dans un monde où il n'y avait pas ma famille, je pense que je pourrais être encore plus crue. (Rires) J'avoue que ça me fait des petites tensions de me dire tout à coup mon oncle va m'entendre parler de ma sexualité.
Je crois que j'étais vraiment en communication directe avec mon coeur et mes sentiments. Et plus on grandit, plus toutes les nuances de ce qu'on ressent sont de plus en plus affirmées. Je compose des chansons depuis que je suis petite. Sur mon premier album par exemple, il y a une chanson qui s'appelle "Pas besoin de toi" que j'ai faite quand j'avais 15 ans. Je ne me sens pas du tout loin de cette chanson, je la ressens encore très fort aujourd'hui, j'adore la chanter. Mais j'ai forcément un langage qui est plus adapté à une jeune fille de 15 ans. Dans mon quotidien, je ne suis pas quelqu'un qui a un langage particulièrement polissé ou réservé. Je dis les choses comme je les ressens mais je n'aime pas les choses vulgaires pour autant. Mais là je me suis dit qu'il serait temps d'assumer en disant les choses comme elles sont.
Tu penses que le public a une image de toi qui n'est peut-être pas la bonne ou plus la bonne ? On a peut-être l'image d'une jeune femme douce, un peu lisse alors que tu as l'air plus rock'n'roll...
Je pense que ça fait quand même quelques années qu'à travers des interviews, des émissions télé, le fait que je sois dans "Les Grosses Têtes" sur RTL... J'y suis comme je suis dans la vie. Je n'ai pas le sentiment d'être différente dans les médias. Mais c'est sûr qu'en chanson, ce nouvel album qui sortira en 2026, il est peut-être un peu plus cru, plus direct. Il ne faut pas avoir peur de dire les choses comme elles sont. Parfois on utilise d'autres mots pour atténuer une situation, atténuer un sentiment, et finalement ça le rend moins fort. Et là, ce que j'aime bien dans cette chanson c'est que je n'ai pas essayé d'atténuer ce que je raconte.
Non, elle n'est pas facile du tout. Alors déjà en amour, elle est terrible parce que c'est un peu comme donner son mot de passe. Il y a un truc où tout à coup, si tu n'es pas face à quelqu'un d'ultra bienveillant, il s'engouffre dans tes failles et finalement ça fait que tu deviens accro à l'autre, ou que potentiellement il peut te faire du mal, s'il sait que tu es quelqu'un qui n'a pas confiance, s'il connaît tes complexes. C'est facile de s'engouffrer dedans. En tout cas, ça peut être une forme de perversité. On peut tous l'avoir d'ailleurs, c'est terrible. Parfois, pour avoir un pouvoir sur l'autre, on fait jouer ce truc-là. Mais, il n'y a rien qui me touche plus dans la vie que quelqu'un qui raconte son histoire de façon authentique, même si ce n'est pas forcément une histoire qui de base va me toucher. Le fait que quelqu'un me livre une vérité, je trouve que c'est une forme de confiance qu'on accorde à l'autre. Il y a un lien qui se crée.
Dans les paroles, tu parles de tes exs, de tes histoires amoureuses. Est-ce que la médiatisation de tes relations passées, ça t'a pesé ?
Oui. Je pense que la phrase "Vivons heureux, vivons cachés" est très très vraie. D'un coup, il y a un regard extérieur et finalement ta relation, tu ne la vois plus de façon subjective comme toi tu as envie de la voir, mais tu la vois aussi à travers le regard des autres, des personnes qui vont juger ta vie, qui vont parfois te renvoyer une image qui est négative de quelque chose que tu vis. Et malgré tout, l'image qu'on a de soi-même, elle est hyper importante pour se sentir bien et pour avoir confiance en soi. Si quelqu'un t'envoie une image qui n'est pas celle dont tu rêves, celle à laquelle tu crois, ta réalité, c'est terrible. C'est pour ça que moi, ça fait déjà quelques années que j'en ai tiré les leçons.
Je n'ai pas toujours tiré des leçons de mes histoires d'amour parce que j'adore être spontanée en amour, j'adore me lancer corps et âme dans une histoire en me disant "On verra après". Par contre, au sujet de la médiatisation, je ne montre pas. Je n'ai jamais montré le père de ma fille, je n'ai jamais montré ma fille. Ce sont vraiment des choses que je veux préserver. C'est trop intime et je pense que ça n'a pas lieu d'être par rapport à mon métier de chanteuse. C'est quelque chose qui est personnel, et qu'on ne maîtrise plus du tout après avec les réseaux sociaux. En revanche, c'est vrai que j'ai plus de facilité à parler de mes histoires, à débriefer, par rapport aux expériences vécues. Je trouve que c'est intéressant de connaître les histoires des uns et des autres pour s'entraider aussi, et de toute façon fatalement, j'en parle en chanson. Je pense que c'est important de préserver son intimité, image publique ou pas, parce que c'est ce qui fait que c'est encore plus fort. C'est notre jardin secret. Et à côté de ça, ce que j'ai voulu aussi raconter dans cette chanson, c'est ce côté un peu enfantin que je n'ai jamais quitté en amour. C'est d'avoir l'impression de tomber amoureuse pour la première fois à chaque fois. (Rires)
A quoi ressemblera ton nouvel album ?
J'ai voulu qu'il y ait un lien avec la Chine très globalement sur tout l'album. Par exemple, la pochette du single "Comme d'hab" est shootée par une photographe chinoise, Luo Yang, qui est venue de Shanghai spécialement. Je voulais vraiment raconter aussi à travers l'image ce pont entre la France et la Chine avec une esthétique un peu différente. Quelque chose un peu à la fois un côté pur mais en même temps un côté très brut. Et puis il y aura une collaboration avec une chanteuse chinoise que j'aime beaucoup. Il y a par exemple une chanson dont le refrain est à moitié en français, à moitié en chinois.
Tout l'album est réalisé par Marso et son équipe. Je dirais que l'album est fini à 90% et que les thématiques sont très claires. Les chansons ont un message assez instantané, qui parle aussi de cette tranche de vie de ces deux-trois dernières années : la reconstruction amoureuse, la maman solitaire, la culpabilité d'une maman séparée ou le fait de vraiment s'affirmer soi-même profondément.
Après ta victoire dans l'émission "Cheng Feng", est-ce que cet album a aussi été pensé pour sortir en Chine ?
Oui, c'est vraiment un album que je veux sortir dans la même version en France et en Chine. C'est marrant parce qu'hier soir, je chantais pour la French Touch au Palais Brongniart à Paris, et j'ai chanté un poème chinois. Il y a plein de personnes qui m'ont dit : "C'est hyper beau le chinois chanté. On n'imaginait pas du tout que ça avait ces sonorités-là, que c'était aussi doux". J'ai hyper envie de pouvoir intégrer des petits mots, un peu de sonorités chinoises parce que je pense qu'on méconnaît peut-être un peu ces sonorités-là. Même si ça va être plutôt des clins d'oeil, il n'y aura pas de chansons tout en chinois, j'ai vraiment très envie de partager ça en France. Inversement, en Chine, les Français, on a une image qui est extraordinaire. Je pense qu'on ne se rend pas compte de la force de la France à l'étranger. On est vraiment vu comme un pays avec beaucoup d'élégance et en même temps très décomplexé. Et notre art de vivre, notre gastronomie, notre style, c'est fou comme ça plaît. Quand j'étais en Chine, c'était mon identité d'être française, plus que jamais. J'étais appelée "la soeur française". Je trouve que c'est important aussi de garder cette identité française pour la Chine.