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dimanche 27 août 2023 13:15

Et si, comme Daft Punk, PNL ne revenait jamais ?

Par Guillaume NARDUZZI | Journaliste
Alors que le dernier album de PNL, "Deux frères", remonte déjà à 2019, le retour du célèbre duo de rappeurs se fait attendre. Pourtant, les deux frères pourraient ne jamais sortir de leur interminable pause, au grand dam des fans. Et pour cause, ils pourraient notamment s'inspirer de la carrière de Daft Punk, avec qui ils partagent de nombreux points communs étonnants.
Crédits photo : Cover
Quatre ans, soit une éternité à l'échelle de l'industrie musicale d'aujourd'hui. C'est effectivement le temps qui nous sépare de la parution du dernier album en date de PNL, "Deux frères", dévoilé le 5 avril 2019, et qui a été un véritable raz-de-marée commercial et critique. Depuis, silence radio. Les théories d'un éventuel retour, de la part des fans, souvent plus farfelues les unes que les autres, se multiplient et prolifèrent sur les réseaux sociaux. Mais quelles raisons pourraient à ce jour pousser la fratrie à s'offrir un come-back au premier plan ? Vont-ils sortir de leur retraite artistique ? Chacun peut se faire un avis sur le sujet. De notre côté, on penche plutôt pour un non. Et cette hypothèse s'appuie sur l'exemple récent d'un autre duo français qui a connu les sommets au cours de sa carrière : Daft Punk. Bien qu'évoluant dans des registres diamétralement différents, les deux entités musicales partagent de nombreux points en commun, outre les visuels des pochettes de "Random Access Memories" et "Le Monde Chico" qui illustrent cet article.

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Tout d'abord, abordons l'aspect musical. Il s'agit de deux duos qui ont eu un impact palpable, si ce n'est remarquable, sur leur scène respective. Dans la musique électronique, il y a eu un avant et un après Daft Punk particulièrement notable au fil des ans, qui ne se limite pas uniquement à la "french touch". Dans le rap français, c'est exactement pareil avec PNL. Les formules de chacun sont uniques et ont marqué leur temps. Si bien que nombre d'artistes ont tenté de les reproduire, en vain, l'authenticité étant souvent diluée dans une proposition trop caricaturale. De plus, les deux groupes sont des avant-gardistes sans pour autant être de véritables pionniers au sens propre. Les synthétiseurs de Daft Punk sont en quelque sorte l'équivalent de l'auto-tune de PNL ; ils ne sont pas les premiers à avoir utiliser ces technologies en tant que tel, mais les premiers à les avoir poussées à cette échelle.

Souvent imités, jamais égalés


Des innovations qui, bien qu'elles fassent l'unanimité chacun dans leur domaine actuellement avec le recul dont on dispose, n'ont pas immédiatement plu à tout le monde et ont même rencontré quelques réfractaires. On peut notamment penser à la critique incendiaire du magazine musical Les Inrocks au moment de la sortie de "Homework" des artistes casqués, en 1997. Pour PNL, c'est tout un pan des auditeurs habituels de rap français qui fût sceptique aux premières écoutes, tant ce spleen auto-tuné (qui a fini par se retrouver sous l'appellation "cloud rap") était déconcertant et en totale rupture avec la montée en puissance de la trap qui s'opérait depuis quelques années. À l'instar d'un SCH, intrigué par la musique des deux frères originaires des Tarterêts (Corbeil-Essonnes). Durant cette année charnière dans l'histoire du rap français (2015) de par son renouvellement des têtes d'affiches de la scène et des nouvelles sonorités abordées, PNL s'est immiscé au coeur de ce bouleversement. Avant que leur succès ne soit incontestable et ne se transforme en plébiscite populaire - un peu comme Jul, dans un autre registre - ils ont longtemps été victimes de leur image auprès des médias généralistes dans des chroniques souvent biaisées. Et malheureusement pour eux, discrimination sociale oblige, ce fût encore le cas pour leur dernier effort, comme en atteste ce papier du journal Le Point qui soulignait en titre « le triomphe des dealers de shit dépressifs ».



Pourtant, le succès commercial a été graduel et ponctué par chacun de leur ultime, jusqu'à présent, album. Avec "Random Access Memories", Daft Punk a signé un classique des années 2010, quasiment indispensable pour les collectionneurs, et réalisé les meilleurs chiffres de ventes de sa carrière. Numéro un quasiment partout dans le monde, le disque totalise plus de quatre millions d'unités vendues à travers la planète, dont plus d'un million en France, soit un double disque de diamant rarissime. Et encore plus dans l'électro ! Un succès commercial progressif, qui n'est pas sans rappeler celui de "Deux frères". Ce dernier cumule actuellement plus de 992.000 ventes, et fonce tout droit vers la même certification prestigieuse.

Un sens de l'exclusivité commun


On peut d'ailleurs noter qu'à une époque où la productivité est plus que jamais essentielle pour nombre d'artistes, notamment en raison des revenus liés à l'avènement des plateformes de streaming, PNL adopte - tout comme Daft Punk - une stratégie complètement à contre-courant. Leur musique est rare, leur musique est précieuse. Ils ne sont soumis à aucune contrainte liée aux ventes puisque, en plus de chiffres extraordinaires au moment des sorties, leurs quatre projets - tout comme Daft Punk - bénéficient d'une excellente longévité. Ainsi, les membres de PNL figurent toujours parmi le Top 10 des artistes les plus écoutés en France (et ils ne sont pas dixièmes) malgré leur longue absence, forts d'une fidélité à toute épreuve des auditeurs sur les plateformes de streaming. Une tactique similaire à celle de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo pour une raison simple : leurs disques vieillissent bien. À force d'être en avance, on finit par être à l'heure.



Leur approche médiatique respective est d'ailleurs tout aussi semblable, parvenant, malgré les années qui passent, à conserver un sens de l'exclusivité toujours aussi aiguë. « Vivons cachés, vivons heureux », a-t-on l'habitude de dire. Une maxime qui sied parfaitement aux duos en question, tant ils se sont fait rares dans les journaux, à la télévision ou sur les ondes. Si les moitiés de Daft Punk ont toujours caché leurs visages, PNL ne s'est dévoilé qu'à une seule reprise dans un média. Il s'agit de la revue américaine The Fader. C'est la seule et unique fois qu'un journaliste a pu approcher le mythe, officiellement du moins, et le papier en dévoile un peu plus sur les coulisses de l'univers d'Ademo et N.O.S.. Mais le journaliste ne pose aucune question directe au groupe et doit se contenter principalement de déclarations provenant de proches. De quoi préserver le mystère, toujours aussi entier.



Côté scène, les concerts de Tarik et Nabil Andrieu ne sont pas légion. Mais à l'image de Daft Punk, ils frappent peu, mais fort. De quoi les faire entrer directement dans la légende... de Coachella notamment, ultime preuve d'un rayonnement de la musique française d'envergure internationale. Le célèbre festival californien a le don d'accueillir les plus gros artistes, et les Français n'ont pas fait figure d'exception. Ainsi, Daft Punk a livré un set mémorable en 2006, devenu au fil des ans un mythe tant tout le monde se vante d'y avoir pris part - même ceux qui étaient aux abonnés absents. C'est ce qui attendait PNL, invité par l'organisation en 2017, jusqu'à ce que... la date soit finalement annulée, après avoir découvert le casier judiciaire de l'un des deux frères. Mais les quelques dates en France, notamment celles à l'Accor Arena, restent gravées dans les mémoires : le storytelling, la scénographie et l'ambiance du show ont été poussés à leur paroxysme, contrastant avec des rappeurs français, rodés au format showcase, qui se contentent trop souvent du minimum, même si cela est en train d'évoluer (Laylow, Orelsan, SCH, Jul...).

Des ambitions qui dépassent le cadre de la musique


Cet énorme travail de l'esthétique à tous les étages, que l'on ressent sur chacune des pochettes, est lui aussi commun à ces artistes tricolores. Pour PNL comme pour Daft Punk, la direction artistique prend toujours énormément de place, mais elle est toujours au service de la musique. On peut d'ailleurs relever que cela a amené presque naturellement chacun des groupes sur des terrains nouveaux. Ils ont ainsi, chacun à leur façon, nourri des ambitions cinématographiques. On peut notamment se souvenir de l'ovni qu'était "Daft Punk's Electroma" pour les Parisiens, inspiré du film "Gerry" de l'illustre Gus Van Sant. Les franciliens, eux, ont offert à leur public une quadrilogie exceptionnelle avec les supports visuels de "Naha", "Onizuka", "Béné" et "Jusqu'au dernier gramme" - pour un total dépassant l'heure de visionnage - au moment de leur troisième disque "Dans la légende". Suffisant pour cumuler des centaines de millions de vues sur YouTube, s'adaptant aux codes d'une plateforme en phase avec leur époque.

Malgré toutes ces similarités, il existe aussi quelques divergences. Dans l'évolution de chacune de leur discographie tout d'abord. Si le moins bon disque de PNL est à coup sûr le premier (et d'assez loin), "Que la famille" en 2015, qui tient d'ailleurs plus de la mixtape que de l'album tant il a servi de laboratoire expérimental pour mettre au point leurs sonorités et leur formule si uniques, c'est souvent le troisième des robots virtuoses qui est pointé du doigt. Il faut dire que "Human After All" était un vrai pari, et s'il a fini par révéler son véritable potentiel sur scène, il demeure probablement la moins accessible de leurs oeuvres, faisant presque figure de vilain petit canard.

Un héritage à préserver


De plus, la chronologie des parcours diffère. Si la carrière de Daft Punk s'étend sur plusieurs décennies, traversant des époques en perpétuelle évolution technologique et culturelle, l'activité de PNL est davantage instantanée puisqu'elle est seulement concentrée sur la deuxième partie des années 2010, pour l'instant. La distinction est encore plus importante en ce qui concerne les dynamiques au niveau des featurings. Dans un style, la musique électronique, souvent relativement individualiste, Daft Punk s'est toujours plus ouvert aux collaborations au fil des projets, au point de créer une équipe d'Avengers de la musique pour son ultime disque "Random Access Memories", qui vient de fêter ses dix ans, comme le montre parfaitement l'énorme hit "Get Lucky" avec Nile Rodgers et Pharrell Williams. Tandis que PNL, qui découle d'un hip-hop originel où travailler avec d'autres rappeurs est quasiment un culte, le chemin est inverse. Sur le premier disque des deux frères, deux des 12 pistes sont des featurings. On en retrouve deux également sur "Le Monde Chico". Il n'y en aura plus aucun sur les deux albums qui suivront.

Mais ce qui unit le plus Daft Punk et PNL, c'est peut-être cette influence immense qui perdure dans leur sillage. Après quatre projets, ils se retrouvent au même stade : le sommet, illustré par le glorieux clip "Au DD". Mais que peut-on viser de mieux après ? Si le groupe électronique n'a manifestement pas trouvé de réponse, préférant se séparer après des années d'un mutisme assourdissant, les deux frères semblent prendre le même chemin. Car sortir un nouvel album, alors que la musique, et en particulier le rap, n'a jamais évolué aussi vite, c'est aussi prendre le risque d'entacher sa discographie et donc une partie de son héritage culturel. L'exemple de Booba avec le faiblard et quelconque "Ultra" en 2021 est encore dans toutes les têtes. Soigner sa sortie n'est pas chose aisée, autant en profiter tant que cela est encore possible. Aujourd'hui, la fameuse "legacy" - comme aiment tant dire les Américains - de PNL est bien trop belle et symbolique pour la compromettre.

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