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Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Ton album sort presque un an après celui de Maître Gims, "Subliminal", qui a rencontré le succès que l'on sait. C'est une pression supplémentaire pour toi ? Y a-t-il une quelconque forme de rivalité ?
C 'est vrai que sortir après "L'apogée" de Sexion D'Assaut, qui a rencontré un grand succès, et après Maître Gims, c'est une grosse pression. Si l'on additionne les ventes de deux albums, ça fait presque 1,5 million de disques...

N'est-ce pas pesant pour toi que l'on t'associe régulièrement à Maître Gims ?
Pas vraiment, non. Au contraire, ça me fait de la pub en plus. Un membre de la Sexion D'Assaut qui se lance derrière Maître Gims... Pour moi, c'était inévitable qu'on allait parler du passé. Ça ne me dérange pas du tout.

D'autant plus qu'on retrouve sur ton album un peu la même recette musicale que sur "Subliminal" et "L'apogée". Tu n'a pas cherché à te distinguer ?
Ce n'est pas calculé. Quand je me suis lancé dans l'aventure solo, j'avais déjà quelques maquettes à gauche à droite. Je n'avais pas encore de direction. C'est lorsque j'ai commencé à regrouper pour la première fois un certain nombre de morceaux que je me suis rendu compte qu'ils étaient imprégnés par la marque Sexion D'Assaut. "Subliminal", ça fait aussi partie de moi. C'est Wati-B !

Qu'est-ce qui d'après toi te distingue ? Qu'est-ce qui fait que tu sors du lot, que tu ne ressembles pas à Maître Gims ?
Je ne sais pas ce qui fait que je sors du lot et que je ne ressemble pas à Maître Gims... Mais quand j'écoute nos deux albums, je trouve qu'ils sont quand même très différents. Je me confie énormément dans "Les yeux plus gros que le monde". Ce n'est pas ce qu'il ressort le plus de "Subliminal" vis-à-vis de Maître Gims. Dans mon disque, on en apprend beaucoup sur moi, sur ma vie privée et sur ce que je pense. Je crois qu'elle est là la différence.

En revanche, et ça ne te distingue pas vraiment de Maître Gims pour le coup, c'est qu'on est face à un artiste un peu mégalo sur cet album. Tu t'inspires de Michael Jackson pour ta pochette et tu te présentes comme étant « le membre charismatique de la Sexion D'Assaut ». C'est une question d'ego ?
Pour la pochette de l'album, c'est moi qui ai eu l'idée. A partir du moment où j'ai arrêté un titre pour mon disque, j'ai eu en tête la pochette de l'album "Dangerous" de Michael Jackson. C'est mon artiste préféré. Je l'écoute tout le temps. Je me suis dit qu'il fallait lui faire un clin d’œil. En même temps, j'ai voulu me faire un kiffe. J'ai retiré ses yeux de la pochette de son disque pour mettre les miens à la place. A partir de là, je me suis dit qu'on pouvait imaginer que j'apporte tout mon univers à la place. Je suis fier du résultat. Et j'assume à mort cet hommage. Après, pour reprendre l'expression « membre charismatique », que tu as pu voir dans le métro parisien, ça ne vient pas de moi. Ce n'est pas moi qui l'ai géré. Ce que je peux te dire, c'est que la dans Sexion D'Assaut, il y a des gens assez charismatiques. Mais je l'accepte aussi parce que je sais que j'apporte beaucoup au groupe.

Ne faut-il pas y voir une forme de surenchère pour pouvoir justement sortir du lot ?
Je ne pense pas. Avant cette affiche-là, je sortais déjà du lot. Je le dis clairement. C'est quelque chose qu'on me disait déjà assez souvent. Entre nous, on le savait. Visuellement, on disait que Black M sortait du lot. Tout comme textuellement, Maska sort du lot. Tout comme on peut dire que, vocalement, Maître Gims sort du lot. Il y a peut-être un peu d’ego de rappeurs dans tout ça. De l’ego, moi j'en ai aussi, c'est certain. Mais j'ai simplement voulu montrer que je suis là, que j'arrive avec un album solo, pour faire un maximum de bruit. Je ne cherche pas à me mettre au dessus de tout le monde. Je ne suis pas là pour dire : « Je vous chie tous dessus. Je suis le meilleur ».

Les questions d'égo entre rappeurs, on en a beaucoup parlé l'an dernier, notamment avec les clashs entre Booba, Rohff et La Fouine. Avec la Sexion D'Assaut, vous ne vous êtes jamais trop mêlés à ce genre de buzz. Vois soignez votre image ?
On ne prendra jamais parti. On ne nous verra jamais dans des clashs. Et moi tout seul encore moins. Mais ça ne veut pas dire qu'on n'aime pas les clashs. Parce que, nous, quand on a commencé, on faisait des petits battles à gauche à droite. On aimait beaucoup ça. Mais on restait dans le respect des uns et des autres. Là, entre La Fouine, Booba et Rohff, c'est parti super loin. Ça ne nous concerne pas.

Au sujet de Michael Jackson... Il y a un nouvel album qui sort très bientôt, sur le même label que "Les yeux plus gros que le monde" d'ailleurs. C'est un disque que tu attends particulièrement ? Ou penses-tu que ce nouveau projet trahit sa mémoire ?
Pour moi, ça ne sert à rien. A part à se faire de l'argent... Pour je ne sais qui d'ailleurs. Parce que je ne sais même pas où ira tout cet argent (sourire). Aujourd'hui, l'artiste est mort, malheureusement. S'il était en vie mais qu'il avait arrêté sa carrière, pourquoi pas... Mais là, non !

A quel moment t'es-tu décidé à publier ton premier album solo ? Quel a été l'élément déclencheur ?
C'est à partir du moment où Maître Gims allait sortir sa réédition "La face cachée". C'est tout frais sans être vraiment tout frais. Parce que j'écrivais déjà pendant la dernière tournée de Sexion D'Assaut et en parallèle du succès de Maître Gims.

Est-ce que ça ne risque pas de retarder les projets de troisième album de la Sexion d'Assaut, prévu pour 2015 ?
Non. Parce que j'ai un an pour exploiter mon album. Quand il marche bien, un album a une espérance de vie d'un an. C'est déjà pas mal ! Normalement, le retour de la Sexion D'Assaut est toujours programmé pour l'année prochaine.

Regardez le clip "Spectateur" de Black M :



Dans "Spectateur", tu expliques que le monde qui t'entoure ressemble à un film d'horreur et que tu appréhendes le futur. Tu as longtemps cru que tu n'aurais pas d'avenir ?
Quand même ! Pendant un long moment, je l'ai pensé. Quand on n'avait pas encore percé, on se voyait sans avenir. Clairement. Ce titre, c'est moi assis devant ma télévision... Moi dans mon quartier qui regarde ce que font nos petits frères et nos petites sœurs.

A quel moment ta vision de ton propre destin a-t-elle évolué ?
A vrai dire, j'ai toujours cru en la musique. Je me suis toujours dit qu'avec la Sexion D'Assaut j'arriverais à défoncer les portes (rire) !

Qu'est ce qui te fait dire que l'avenir peut être plus lumineux pour tout ceux qui t'entourent ? Autrement dit, crois-tu en un monde meilleur depuis ta fenêtre ?
La vie, ce n'est pas que du noir. Il y a de très bons côtés aussi. Moi, quand je regarde ma famille, je vois qu'elle se porte bien. Je sais qu'il se passe des trucs de fou dans le monde. Mais bon, globalement je trouve que ça va. En France, je ne trouve pas qu'il y ait une situation d'alerte rouge. Tu sais, moi qui suis d'origine guinéenne, j'ai été sensible à l'épidémie de fièvre Ebola qui a démarré là-bas il y a quelque temps. Et bien, je trouve qu'en France il fait bon vivre.

Il y a pourtant beaucoup de choses qui peuvent évoluer en France. Crois-tu que ça doive passer par le fait politique, et notamment par le vote ?
Je pense que oui. Voter c'est important. On n'a jamais été investi dans la politique. Mais, si j'ai un message à faire passer, c'est qu'il faut aller voter...

Tu t'es donc déplacé pour le second tour des élections municipales...? Es-tu satisfait du résultat ? Comment perçois-tu la "percée" du Front National ?
Malheureusement, je n'ai pas pu aller voter (rire) ! Mais, si j'avais pu, j'y serais allé. En ce qui concerne le Font National, même s'il a percé comme on dit, on ne le ressent pas. En tout cas, moi je ne le ressens pas. Je ne fais pas de politique. Ce n'est pas vraiment mon truc. Moi, je fais de la musique. C'est mon domaine. Que le FN perce ou pas, ça ne m’empêchera pas de faire ma vie.

Pourtant, de manière indirecte, tu évoques une question de politique qui fait l'actualité à travers ton nouveau single "Mme Pavoshko". Tu expliques que l'école n'a pas contribué à ta réussite et que le système scolaire ne te convenait pas. Est-ce vraiment judicieux de faire passer un message comme celui-là pour les jeunes qui t'écoutent ?
Justement ! Je pense que les interviews comme celles-là, elle sont bien pour remettre les pendules à l'heure. Je pense qu'il est important d'aller à l'école. "Mme Pavoshko", c'est un délire. C'est du second degré. Cet album, je l'ai fait avec beaucoup de plaisir. Surtout ce morceau-là ! Et puis son clip ! Le premier message que j'ai à faire passer, c'est qu'il faut aller à l'école pour étudier (rire) ! Il y a des gens, comme moi, qui dès le début comprennent que l'école n'est pas faite pour eux. Il y en a qui aiment ça. Mais, pour les autres, je pense qu'il vaut mieux qu'ils croient directement en leurs rêves, qu'ils poussent le truc jusqu'au bout...

Tu n'as donc aucun conseil à donner à notre nouveau ministre de l'éducation nationale, Benoît Hamon, pour que l'école réponde mieux aux attentes des jeunes Français ?
Non. Même si j'avais quelque chose à lui dire, je pense que je ne me prononcerais pas. Je le garde pour moi. Surement qu'il fait bien son travail... Moi, je suis assez loin de tout ça tu sais.

Regardez le nouveau clip "Mme Pavoshko" de Black M :



Avec le titre "Le regard des gens", peut-on dire que tu te poses en défenseur de la différence ?
D'une certaine manière, oui. Ce que je ne supporte pas, c'est tout ce que je décris dans le morceau. Je suis très sincère.

Ça m'amène à parler de la critique des uns envers les autres, et notamment à ton sujet. Comment l'appréhendes-tu ?
En réalité, la critique me donne de la force. Plus tu vas me critiquer, plus j'aurais envie de te prouver que tu es à côté de la plaque.

On dit qu'il faut avoir les reins solides pour faire du rap. Tu confirmes ?
Quand même. Oui. Il faut être prêt. Psychologiquement, il faut être fort. Surtout à notre niveau ! Tu peux t'attendre à un grand succès comme à un vide total.

Aux crédits de ton album, on retrouve notamment le nom de Skalpovich, beaucoup plus populaire depuis qu'il a lancé la chanteuse Indila il y a quelques mois. Tu apparais d'ailleurs sur un remix de son tube "Dernière danse". Pourquoi avoir accepté cette collaboration ?
Elle est trop forte ! Sa voix, elle t'hypnotise direct... (sourire) J'aime beaucoup son personnage mystérieux, qui ne parle pas beaucoup, qui sourit tout le temps et qui renvoie quelque chose de très positif. Je trouve que c'est normal tout ce qui lui arrive. Pour le remix de "Dernière danse", je pense qu'ils ont fait appel à moi parce qu'ils aiment bien ce que je fais. Ils me l'ont dit clairement. Parce que Skalp ne produit pas uniquement Indila. Il produit d'autres artistes comme Faly Ipupa, pour qui j'ai enregistré un remix. Il avait beaucoup accroché. Et après le remix de "Dernière danse", on s'est dit qu'il fallait qu'il bosse sur mon album.

On t'a aussi entendu sur un remix de Major Lazer. Surprenant !
Eux aussi sont venus me chercher ! Je pense qu'on aime bien faire appel à moi depuis qu'on m'a entendu sur le remix du titre "R.I.P" de Rita Ora. Ça a beaucoup tourné. Et je crois qu'on s'est dit à ce moment-là que j'étais bon pour apporter une petite touche aux morceaux. Quand ça me plait, j'y vais. J'ai eu d'autres propositions que j'ai refusées.

C'est Amanda Lear qui nous a confié récemment qu'elle aimerait beaucoup travailler avec la Sexion d'Assaut. Ça t’intéresse ?
Personnellement, non (sourire) ! Parce que je ne vois pas spécialement ce qu'elle fait. Je l'ai vue à la télévision. Si elle vient avec un gros projet, quelque chose qui me parle, je dis "à voir".

Elle vous compare d'ailleurs aux Beatles, dans le sens où c'était un groupe dit de "mauvais garçons" il y a cinquante ans, comme vous pouvez l'être aujourd'hui pour une frange du public. C'est une comparaison qui vous honore...
J'accepte. C'est un gros groupe. Succès de ouf ! Je vois ce qu'elle veut dire. Je ne sais si un jour on véhiculera la même image que les Beatles. Même si la Sexion d'Asssaut n'a pas vraiment une réputation de bad boy. C'est souvent très positif ce qui ressort à notre égard.

C'est une artiste qui multiplie les activités, au théâtre également et même au cinéma. Tu te vois aussi enfiler un jour une casquette d'acteur ?
On m'a fait plusieurs propositions. J'aimerais me lancer dans une carrière au cinéma. En fait, l'idée a germé dans ma tête du moment où, sur un plateau, on m'a dit que je ressemblais à Will Smith sans ma casquette. Je veux bien faire de la comédie, des drames... Hormis du porno, je suis prêt à tout faire (rire) !