mercredi 07 novembre 2012 18:00

Stéphan Rizon : "Avec la crise, l'artiste descend de sa tour d'ivoire !"

Il a remporté la première saison du phénomène "The Voice" en mai dernier mais depuis, Stéphan Rizon n'a pas pris de vacances. Outre la tournée "The Voice", il s'est mis au travail sur son premier album "From Mars, With Love", un opus qu'il décrit comme authentique. Pour Pure Charts, le jeune homme évoque son parcours, ce qui l'a poussé à accepter de participer au télé-crochet de TF1 alors qu'il avait déjà des contacts en maison de disques, sa collaboration avec son label, son avis pas franchement tendre sur la télé-réalité ou encore... les cheveux de Francis Cabrel ! Entretien.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Charles Decant.

Commençons par une question bateau : pourquoi avoir appelé cet album "From Mars, With Love" ?
Je trouvais que c'était élégant. Ca me plaisait, ça m'a fait sourire quand ça m'est venu à l'esprit. Il y a beaucoup de titres qui parlent d'amour dans le CD. Il y a aussi "Mars", au même titre que "Big Boy" et "Ouch", qui est un titre un petit peu spé, et je trouvais intéressant de rallier ces deux camps et d'en faire un titre.

Ca fait très old school, vieille musique américaine, ce titre-là, cette formulation... Non ?
Je le prends comme un compliment.

Mars, c'est pour le côté atypique, donc ?
Absolument, le côté atypique de mes morceaux.

Tu te considères comme un artiste atypique ? Comme une personne atypique ?
Authentique, surtout !

« J'ai une écriture assez cinémato-graphique »
Il y a plusieurs fois le mot "love" dans les titres de tes chansons. C'est un sujet inévitable ? Il y a d'autres thèmes que tu abordes sur cet album ?
Bien sûr, bien sûr ! "Ouch", par exemple, fait référence à mon enfance. J'étais petit - car j'ai été petit dans ma vie ! -, j'étais en train de marcher sur un boulevard et soudain j'aperçois un sans-abri à côté d'une boulangerie dans laquelle j'avais l'habitude d'aller. Et il se met à me parler, en anglais. Il avait un chat sur l'épaule. Et j'ai une écriture assez cinématographique, je photographie les choses et après j'en fais des chansons. Du jour au lendemain, il a disparu. "Big Boy" parle de l'enfance de Nelson Mandela. J'ai des titres qui figureront peut-être en bonus comme "Lost at Sea", qui parle d'un kayakiste australien qui a traversé la mer de Tasmanie... "Like a Star", qui fait référence au livre d'Eric-Emmanuel Schmidt, "Oscar et la dame en rose". Ce sont des histoires de vie qui me bouleversent, et j'en fais des chansons.

Et il y a donc des chansons d'amour.
Voilà. Mais j'estime ne pas avoir à les différencier parce que ça fait partie... de la partie ! Je trouvais ça intéressant de mettre plusieurs fois "Love" dans les titres de chansons, j'étais certain qu'on allait me poser la question ! (Rires)

Et je suis tombé dans le piège !
Oh lala, oui !

Tu as eu combien de temps pour enregistrer tout cet album ?
Il a fallu trouver le réalisateur, c'est un choix qui venait de moi. Mon management connaissait Denis Clavaizolle et lui avait manifesté un intérêt depuis le tout début de l'émission. J'ai eu à coeur de le rencontrer, on a fait connaissance, ce que j'ai aimé c'est qu'il est de Clermont-Ferrand, il est resté à Clermont-Ferrand, il a travaillé avec des artistes tels que Bashung, Jean-Louis Murat, Cocoon, Arthur H... Donc il y avait une veine un peu indépendante, underground, qui moi me plaisait énormément. Parce que je me doutais qu'en sortant d'une émission comme "The Voice", on allait attendre un projet hyper... non pas sirupeux mais peut-être un peu aseptisé. Et moi, avant "The Voice", j'ai eu un parcours artistique. J'avais produit un 6 titres, j'avais déjà des contacts avec Universal, Warner, Marc Lumbroso et l'un des plus gros tourneurs français. Ca allait se faire, en fait. Et l'émission est arrivée. J'ai pesé le pour et le contre et comme j'étais à une croisée des chemins, avec un répertoire qui m'était propre et qui était fourni, je me suis dit "Fais-le, ça n'entachera pas ton projet", dans la mesure où je voulais rester authentique et je le suis resté.

« L'aspect intrusif d'une télé-réalité me débecte un petit peu »
Tu n'as pas eu peur justement ? Etant donné que toi, tu pensais que les gens attendraient ce type de projet alors que toi tu en étais loin...
C'est excitant quand tu es persuadé que toi tu ne vas pas faire ce qu'on attend. Je l'avais dit au journal de Claire Chazal. J'avais dit que j'avais à coeur de faire un disque qui me ressemble, un projet métissé, éclectique et sera une photographie de mon effervescence artistique des deux années passées. Pour moi, il était hors de question de m'imposer quelque chose qui soit viscéralement opposé artistiquement à ce que je voulais proposer. Et ils ont été à l'écoute ! Ils ont été force de proposition, ils m'ont proposé deux-trois titres que j'ai acceptés parce que j'estimais qu'ils s'inséraient bien dans la cohérence générale de l'album, et je suis auteur-compositeur de neuf titres sur l'album, ce qui est quand même bien, je trouve.

Ca s'est bien terminé, en fait. Mais tu n'avais pas d'a priori ?
Bien sur que si ! L'appréhension je l'ai eue, pour être honnête, avant même de faire les étapes télévisées. Je l'ai eue dès qu'on m'a contacté pour faire l'émission ! C'est Dominique Gau, directeur artistique de Fontana, branche d'Universal, qui m'a contacté et qui m'a dit "Stéphan, je pense que l'émission est faite pour toi". Moi je lui ai dit "Ecoute, de prime abord, ça ne m'intéresse pas du tout parce que l'aspect intrusif d'une télé-réalité me débecte un petit peu". Je lui avais clairement dit non mais je me suis renseigné, j'ai vu que ce n'était pas aussi dégradant que l'image que j'en avais. Je me suis dit "Allez, fais-le", justement parce que j'avais ces chansons, ce propos qui était dans ma tête. Première étape au Palais des congrès, et là... j'ai eu peur !

Peur pourquoi ?
J'avais le sentiment de mettre les pieds dans un engrenage. Ce n'était pas une blague, c'était TF1 en plus, avec tout ce que peut impliquer. Je me suis dit "T'y vas ou t'y vas pas" et j'y suis allé. Donc oui, il y a eu une appréhension et je pense qu'elle est surtout vectrice d'équilibre.

« Universal n'est pas aussi méchant que ça ! »
Tu as eu des rendez-vous avec Universal avant la fin de l'émission ou une fois que tout a été fini ?
J'avais rencontré Dominique avant, il m'avait repéré sur "Ouch". Il y avait eu une proposition de signature mais j'avais refusé parce que je voulais étoffer mon répertoire pour arriver et être un peu inamovible, que je puisse dire "Non, ce sera ce titre et pas celui-là". Donc j'avais été approché par Dominique avant. Mais pas pendant l'émission. Et tant mieux. J'aimais bien le fait d'être dans l'émission et uniquement dans l'émission.

Le premier rendez-vous avec la maison de disques, comment ça s'est passé ? Toi, tu arrives avec ta victoire mais aussi ton projet. On imagine toujours la réunion avec plein de gens autour d'une table, toi qui dis ce que tu veux faire et eux qui te disent "On préférerait que tu fasses ça"...
Le grand patron ne me connaissait pas. Il y a eu des titres qui m'ont été proposés, que je n'aimais pas forcément. Et puis moi je leur ai dit "Attendez, écoutez ça, écoutez ça, écoutez ça". Et avec Denis, on a mis sur pied, on a commencé à faire les maquettes, à faire travailler les musiciens, et on leur a proposé mes titres, et il s'est avéré que mes titres me correspondaient mieux que les propositions qui m'avaient été faites. Parce que je fais des trucs qui sont par essence pour moi.

Et tous ces titres sont en anglais... Ca ne les a pas fait tiquer ?
Non, au contraire ! Mais Universal n'est pas aussi méchant que ça ! (Rires)

Ce n'est pas une question de méchanceté, mais on sait qu'il est plus facile de faire passer un titre en radio quand il est chanté, au moins partiellement, en français...
Oui, bien sûr ! Mais comme je te l'ai dit, j'avais avant l'émission un projet, en anglais, de 6 titres, après j'ai fait un clip sur une chanson qui s'appelle "Who Do You Meet at Night?". Et le projet était à la base en anglais. J'ai dit "Je veux être fidèle à ce que je suis" donc j'ai fait un album en anglais et la maison de disques a été derrière moi. Ils m'ont fait confiance et moi j'ai su leur faire confiance. Quand ils m'ont apporté des titres, j'ai eu une réaction de méfiance parce que ce monde de maison de disques m'était assez étranger. Mais j'ai su écouter, et essayer quand on me proposait quelque chose. Je pense qu'il n'y a rien de pire que d'être persuadé de sa propre opinion. Et il s'est avéré que parfois les essais étaient concluants.

« Peut-être que si je m'étais appelé Adele, j'aurais fait le buzz »
Tu arrives avec un projet qui est un peu à part, quelque chose qu'on n'attendait pas forcément de toi. Comment tu le vis ?
Très bien ! (Rires)

Tu arrives, de l'extérieur, à avoir une vision de ton projet ?
Oui. J'ai conscience que ce n'est pas forcément ce qui passe sur les ondes. Et encore. Mais tout ça, je n'y pense pas vraiment. Ce à quoi je pensais, c'était de faire quelque chose dont je sois fier et que je puisse défendre surtout. Et c'est le cas. Je ne rougis d'aucun des titres.

Le single a été dévoilé il y a déjà quelques semaines mais pour l'instant, il signe un démarrage discret, en tout cas dans les charts... Ca augmente la pression ou au contraire, ça l'enlève ?
Ni l'un, ni l'autre. D'abord, il faut se méfier des outsiders. Et puis j'attends de voir la réaction à l'écoute de l'intégralité de l'album. Moi, ta description d'un album qu'on n'attend pas vraiment, ça me plaît énormément. Après, on verra !

Tu arrives sur un marché qui va très mal. Est-ce que c'est déprimant, puisque tu te dis que tu n'en vendras jamais un million - sauf si tu t'appelles Adele ? Ou est-ce que, au contraire, ça te donne la liberté de faire ce que tu veux ?
Peut-être que si je m'étais appelé Adele, j'aurais fait le buzz ! (Rires) Plus sérieusement, je ne pense pas qu'on m'ait laissé plus libre que si le marché était en forme. Dans la mesure où il est sinistré, la prise de risques est diminuée. La maison de disques a su me faire confiance, et je défendrai le projet parce qu'il me tient à coeur. Maintenant, les ventes, c'est une donnée qui, très honnêtement, n'est pas dans mon esprit. Ce qui était dans mon esprit, c'était de faire quelque chose que j'estime de qualité, en espérant que les autres à leur tour en reconnaissent la qualité. Si je vends 50.000 disques, je serais très content !

La maison de disques peut-être un peu moins !
(Rires) Mais au demeurant, 50.000, c'est pas mal.

C'est triste, mais oui...
Oui, puisqu'on parle de marché sinistré. Mais même s'il est sinistré, la scène ne l'est pas. Et moi, s'il y a un truc que j'adore, c'est chanter en live.

Tu as déjà signé avec un tourneur ?
Oui, bien sûr. J'avais déjà signé avant l'émission.

C'est une belle opération pour eux alors, maintenant que tu as gagné ! Tu as renégocié les termes du contrat ?
Non... Mais c'est une bien belle idée ! (Rires) Non, je ne suis pas très âpre au gain. Et pour en revenir à la crise, ça pousse à faire plus d'interviews avec plein de petits médias. L'artiste descend de sa tour d'ivoire et c'est bien. C'est difficile de vendre des disques, c'est vrai, mais ça ne me fait pas peur !

« La "Star Academy", jamais de la vie ! »
Pour en revenir à "The Voice", succès incroyable en début d'année, ça a relancé la mode des télé-crochets. Quel regard tu portes là-dessus, toi qui n'as pas l'air d'être très fan de ces formats ?
(Long silence) Il en faut pour tout le monde !

On a dit à l'époque que ce genre de programmes faisait perdre de sa valeur à la musique...
Ca dépend... Ca dépend ce qu'on en fait du programme. Tout à l'heure, tu me disais qu'on attendait un album plus aseptisé mais moi j'arrive avec un truc authentique, avec ma patte. Donc, je ne pense pas desservir la musique. Si c'est bien fait... Tu sais, j'ai refusé d'autres émissions ! Il y a plusieurs raisons qui m'ont poussé à accepter. Il y avait le fait que j'avais mes titres, déjà, mais aussi parce que c'était qualitatif. C'était vraiment axé sur ça. La "Star Academy", jamais de la vie. On m'avait proposé d'ailleurs. "X-Factor" aussi on m'avait proposé et "Nouvelle Star" je ne voulais pas. Parce que je ne me sentais pas prêt déjà, d'une part, et finalement quand j'ai vu "The Voice" en Hollande et aux Etats-Unis, je me suis dit que c'était assez respectueux de la personne, et je pensais que ça pouvait éventuellement me correspondre.

Maurane, qui a intégré le jury de "Nouvelle Star" pour la saison 9 sur D8, a parlé de "The Voice" et a lancé une petite pique sur le programme. Une pique assez fondée, qui est qu'elle est de moins en moins d'accord avec le principe de l'émission puisque pour elle, un artiste, c'est aussi quelqu'un qu'on regarde.
Elle a raison. Mais pas entièrement. Je comprends ce qu'elle veut dire, le chanteur ce n'est pas juste une voix. C'est un tout. Sur ça, je suis tout à fait d'accord avec elle et j'adore certains artistes, pas seulement pour leur voix mais pour ce qu'ils dégagent, le charme, l'attitude, etc. Mais je ne trouve pas déconnant du tout que le premier contact soit auditif et ensuite qu'on voie à qui on a affaire, et ce pendant trois mois. On voit quand même un petit peu la personne. Et à propos de Maurane, justement, elle avait tweeté une fois que j'étais son préféré ! Et j'étais content parce que c'était sur une presta où je m'étais donné à fond.

« Il y a une carrière que j'aime bien, c'est celle de Francis Cabrel »
On parle beaucoup d'Adele et de sa B.O. de James Bond. Rêvons un peu : si on te propose dans deux ou trois ans d'enregistrer la chanson du prochain, tu sautes de joie ?
Ah j'adorerais ! J'adore les défis.

Le projet de rêve, c'est quoi ? Outre ce premier album ?
(Silence)

Un duo peut-être ?
Un duo de l'impossible... Ce serait Nina Simone ! Sara Vaughan. Un trio, pourquoi pas ! Et dans le domaine du possible... (Longue pause)

Il paraît que Les Prêtres sont dispo !
(Rires) C'est marrant de penser à ça ! Non... Pourquoi pas les Black Keys !

Et la carrière que tu admires ?
Il y a une carrière que j'aime bien dans sa sobriété, son identité et son efficacité, c'est celle de Francis Cabrel. Il est discret. Il fait ce qu'il aime, rien ne l'en empêche. Et pour moi il est toujours resté droit et fidèle à lui-même. On peut le regarder maintenant et il y a trente ans et ça ne change pas. Même si, niveau capillaire, il a un peu changé !
Pour plus d'infos, rendez-vous sur le site officiel de Stéphan Rizon et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Stéphan Rizon sur Pure Charts.

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