Crédits photo : Toni François
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Dans notre première partie d'interview, Justice se confie sur le concept de son album live "Wowan Worlwide" et fait le bilan de ses dix ans de carrière.
Xavier : (Il réfléchit) C'est dur à dire. Il y en a deux, qui sont au même endroit, mais qui sont séparés de dix ans. Notre tout premier concert, c'était à Coachella en 2007. On venait juste de finir notre premier album. Il y a eu quatre ans assez intenses entre notre premier single et la sortie de notre album. On ne savait pas si on allait vraiment faire de la musique, on était graphistes. On s'est dit : "Est-ce qu'on va être capable de faire un deuxième morceau ?". Et ensuite on s'est posé la même question sur l'album. On a finalement fait 12 titres. C'est un des moments où je me suis senti le plus soulagé de ma vie. On ne savait pas si l'album allait être bien reçu mais on était content de nous.
Et du coup en 2017, retour à Coachella et un moment très fort ?
Xavier : Oui, on avait un peu peur parce qu'on avait un chevauchement assez gros avec Kendrick Lamar, qui venait de sortir son album. Il l'avait sorti juste avant le week-end de Coachella pour asseoir sa souveraineté mondiale. (Sourire) On jouait aussi en même temps que New Order, une tradition à Coachella, et le DJ Marshmallow, qui est ultra populaire aux Etats-Unis. Et, en fait, on n'arrivait pas à voir la fin du public. C'était vraiment rempli. Et le show de Kendrick Lamar n'a rien changé, les gens ne partaient pas. On était hyper soulagés, on se rendait compte que la proposition était encore pertinente. C'est marrant, pour moi ce festival, c'est un synonyme de soulagement ! (Rires) Et en dix ans, le festival a beaucoup changé. En 2007, il n'y avait pas du tout cette pression-là.
Ecoutez "Chorus" de Justice :
Je sens beaucoup de doutes chez vous dans cette anecdote. Vous avez conscience du statut que vous avez, d'autant plus sur scène ?
Gaspard : On a la chance de tourner à l'étranger. Pour des Français, on reste émerveillés de ça car c'est rare. C'est de moins en moins rare, d'ailleurs... Mais c'est aussi en terme de poids dans le paysage musical mondial. On est quand même en-dessous du radar. On n'a pas de morceau à la radio, les gens ne connaissent pas vraiment nos têtes. C'est un statut à part mais qui nous va très bien. On en vit en faisant exactement la musique qu'on veut faire. On ne voudrait pas être plus connus que ça.
Est-ce que ce double album "Woman Worldwide", c'est aussi un moyen pour vous de prendre du recul sur vos trois albums pour mieux créer le prochain ?
Xavier : C'est dissocié. On n'a pas besoin de regarder en arrière pour savoir ce qu'on a envie de faire. On a encore beaucoup de plaisir à sortir des albums, à créer des objets. Sortir cet album, c'est aussi une excuse pour sortir un très beau disque. C'est un acte purement généreux.
Ecoutez "Randy" de Justice :
Vous travaillez déjà un peu sur votre quatrième album ?
Xavier : Non, pas encore.
Gaspard : On a des idées mais qui certainement changeront d'ici là, quand on aura les mains de le cambouis.
A l'ère du streaming, l'album est-il mort ?
Gaspard : Ouais... On a conscience de faire quelque chose de complètement obsolète en terme de format. Avec le streaming, les albums ne font plus vraiment sens. Mais nous ça ne nous intéresse pas de faire que des singles lâchés dans la nature. Et puis ça permet à des morceaux d'exister sans qu'ils aient de fonction d'efficacité. Sinon on ne ferait pas tous les morceaux qu'on met sur un disque.
Xavier : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le raccourci "streaming = fin de l'album" parce que ça ouvre une possibilité de format qui n'existait pas du temps du CD et du vinyle. Il n'y a plus de limite de temps pour un disque. Celui-là par exemple, ça a été un cauchemar car il est trop long pour tenir sur un CD et deux vinyles alors qu'en streaming, ça ne pose aucun problème. Maintenant, tout est possible. Même si tu veux faire un album de 8 heures, la maison de disques sera avec toi puisqu'il n'y a plus le problème de le fabriquer. Avant, le digital c'était le second rang. Aujourd'hui, il est plus important que le physique. Je suis assez content de ça.
Xavier : Bien sûr ! Ce n'est plus de la superstition, c'est réel. Ça arrive à chaque fois.
Gaspard : Il y a ce paramètre de chat noir. Mais aussi le fait de jouer à domicile. Paris c'est Paris. Tu as tous tes amis, et il y a des gens qui t'attendent au tournant à Paris. Plus trop maintenant, mais à un moment il y avait un peu ça. Il y avait cette espèce de truc très français, très parisien, de ne pas trop aimer quand des groupes marchent. (Sourire)
Xavier : Rock en Seine c'est notre dernière date en Europe. On a toujours des problèmes à Paris. A We Love Green, on a eu une panne vers la fin, on a dû sortir de scène, le temps d'identifier la panne, tout redémarrer... A Bercy, tout allait bien mais sur le dernier morceau, un synthé a commencé à ne plus marcher... On est très stressé à chaque fois. Mais il ne faut pas en parler ! (Rires)