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vendredi 24 janvier 2014 13:20

Chantal Goya : "Je ne suis pas une chanteuse"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Actuellement en résidence au Palais des Congrès, Chantal Goya remet en scène son spectacle "La planète merveilleuse", 30 ans après l'avoir présenté pour la première fois. A cette occasion, l'artiste sort une intégrale regroupant près de 300 chansons. Entre quelques anecdotes au sujet de son enfance et autres confidences sur son implication dans le métier, Chantal Goya se confie à Pure Charts et explique qu'elle ne se considère pas comme étant chanteuse, s'exprime au sujet de streaming, du show-biz et du statut d'icône gay qui lui colle à la peau depuis quelques années.
Crédits photo : ABACA
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Vous venez de publier votre Intégrale. Vous rassemblez un peu plus de 280 titres de vos 35 ans de carrière. C'est l'heure de faire le bilan ?
Moi, je ne fais jamais de bilan. Je ne sais même pas ce que c'est un bilan. Je continue ma vie comme je l'ai commencée. C'est à dire que, tant que ça me plait, je continue de faire ce que je fais. Et quand ça me prend la tête, j'arrête. Mais comme je suis très contente de continuer, automatiquement, je ne songe pas encore à la retraite (sourire).

Vous êtes donc plutôt fière de ce vous avez accompli...
Oui ! Parce que tout cela n'était pas prévu au départ. Je n'ai jamais voulu être chanteuse. J'ai été élevée par des parents très strictes qui ne voyaient pas le métier d'artiste d'un très bon oeil. Je suis issue d'une génération où les parents voulaient les deux bacs. Et si on ne les avait pas, ça bardait ! Donc on était très scolaires. A l'époque, ce n'était pas possible de ne pas travailler. Même le plus petit boulot qu'on pouvait faire, on le faisait. Le show-biz, ils ne savaient même pas ce que ça voulait dire. C'était fait de bric et de broc. Ce n'était pas du tout quelque chose de stable. Je n'ai donc jamais eu l'idée de faire ça de ma vie avant de rencontrer Jean-Jacques.

Encore aujourd'hui, beaucoup de parents sont réfractaires à l'idée de voir leurs enfants rêver d'une carrière dans le show-biz. Même si tout y concourt...
Je ne pense pas. Je vois beaucoup de jeunes dans le show-biz. Je les regarde en les plaignant parce qu'ils ne savent pas encore ce qu'il va leur arriver. Moi, j'avais des parents très prévenants. Je suis issue d'une génération où les parents s'occupaient beaucoup de nous. Ils nous demandaient quand est-ce qu'on comptait sortir, quels étaient les endroits où l'on comptait aller... Qui on connaissait... Ils appelaient même les parents de nos amis pour se renseigner. Quand on leur mentait sur l'endroit où on sortait, ils se pointaient carrément à l'appartement pour nous ramener et nous mettre une bonne paire de claques à la maison. J'y ai eu droit plusieurs fois dans ma vie (sourire) ! On était très respectueux de nos parents. J'ai connu cette éducation-là jusqu'à ce que j'ai rencontré Jean-Jacques. Mes parents n'ont pas été très contents de cette rencontre. J'ai dû prendre la décision de m'en aller pour vivre la vie que je voulais. Si j'étais retournée à la maison un an après parce que j'avais changé d'avis, c'était la chambre de bonne ou dehors ! Cette éducation, c'est ce qui m'a permis d'arriver à bien me débrouiller.

« Ce ne sont pas les ordinateurs qui vont faire oublier qu'on peut rêver dans un théâtre »
Vous qui avez croisé plusieurs générations d'enfants, comment les avez-vous vus évoluer ? Les enfants d'hier étaient-ils les mêmes qu'aujourd'hui ?
Non ! Tout bonnement parce qu'il n'y avait pas Internet à l'époque. Il n'y avait pas de téléphone portable. Aujourd'hui, quelqu'un de 18 ans, on dirait qu'il en a 30. Il est complètement livré à lui-même. En revanche, les enfants devant lesquels je chante aujourd'hui, je pense que ce sont les mêmes qu'hier. Quand je fais un spectacle, je m'aperçois qu'ils aiment autant rêver qu'il y a 20 ans. Ce ne sont pas les ordinateurs qui vont leur faire oublier qu'on peut rêver dans un théâtre...

Mais rêvent-ils de la même façon ?
Ils sont complètement étonnés devant mes spectacles. Je dois avouer que je vois beaucoup de parents dans les salles aujourd'hui. Ils sont très heureux parce qu'ils retrouvent une part de leur enfance, et qu'ils peuvent la partager à leur tour avec leurs enfants. Les enfants d'aujourd'hui ne me connaissent pas. Les petits qui ont 5 ou 6 ans, ils ne me connaissent qu'à travers leurs parents. En tout cas, je ne change pas ma façon d'être pour m'adapter aux nouvelles générations. Là, aujourd'hui, les parents savent tout de moi. A l'époque, c'est la télévision qui m'a faite. Pas les jeux vidéos ! Je passais beaucoup chez les Carpentier. Et ensuite ils me découvraient en réalité. Alors qu'aujourd'hui, quand je demande dans une salle d'où ils connaissent mes chansons, tout le monde me parle de YouTube. C'est presque effrayant ! Tous les albums que l'on retrouve dans cette intégrale se sont vendus par wagons. Aujourd'hui, c'est le streaming et le téléchargement. C'est dommage ! Je ne sais pas télécharger. Il me faut quelque chose entre les mains.

Crédits photo : ABACA
On a dit qu'on ne faisait pas de bilan. Mais peut-on tout de même piocher dans ces 35 ans de carrière vos plus beaux souvenirs ? Lesquels sont-ils ?
Tous mes spectacles ! Rien qu'au Palais des Congrès, j'ai déjà réuni 1,4 million de personnes. Ma vie a été faite par la scène. C'est à dire que je n'ai jamais eu de week-ends avec mes enfants pour être tranquille. Entre les mois de septembre et juin, on était sur scène. En moyenne, on présentait deux cents galas. Donc on n'avait pas le temps d'avoir des amis. En fin de compte, ce qui correspond bien à mon caractère, c'est que j'aime bien bouger. Je n'aime pas être sédentaire. J'aime bien être dans les hôtels. Parce qu'au moins, là, je n'ai pas de soucis. Je ferme la porte et je dors. Même si l'hôtel n'est pas terrible (sourire). Tout ce qui a vraiment compté pour moi, ce sont les spectacles. Les disques, c'est une chose. Mais les spectacles ! Je ne suis pas une chanteuse. Vous savez, dès qu'il fait un peu humide, j'ai la voix enrouée. C'est pour ça qu'on est allé enregistrer tous mes albums dans le sud de la France. Ça va en s'empirant ! (sourire)

Vous êtes d'ailleurs l'artiste qui compte le plus grand nombre de représentations assurées au Palais des Congrès. C'est un clin d’œil cette nouvelle résidence parisienne ?
Tout à fait ! On a fait quatre cents représentations. Si je reviens aujourd'hui au Palais des Congrès, c'est parce que pendant que je chantais dans tous les clubs il y a quelques années maintenant, on m'a demandé de remonter sur scène avec mes anciens spectacles. Pas pour les enfants ! Pour ceux qui ont grandi et qui sont aujourd'hui parents ! On s'est dit avec Jean-Jacques qu'il fallait donc s'y remettre. On a commencé en 2004 avec "Le mystérieux voyage de Marie-Rose". Ensuite, on a fait "Happy Birthday Marie-Rose" et puis "Le château hanté". Là, on fait "La planète merveilleuse".

Vous proposez une version dépoussiérée de ce spectacle ?
« Tout ce qui a vraiment compté pour moi, ce sont les spectacles »
Non ! Absolument pas. Si je fais ça, ça va être une catastrophe. Je ne peux pas me permettre de changer quoi que ce soit. Les parents sont là pour me le dire. Ils sont avec leurs jumelles pour voir si, au millimètre près, tout correspond à ce qu'ils ont vu quand ils étaient petits. On refait donc exactement la même chose. Il faut refaire la même robe qu'à l'époque, les toits de Paris et la Lune sur laquelle j'étais. On a rajouté deux nouvelles chansons dont "Merci Merci".

Pourquoi alors ajouter deux nouveaux tableaux ?
Quand j'ai soumis l'idée à Jean-Jacques, il m'a dit que j'étais complètement folle. Vous savez, quand j'ai fini le spectacle, je referme le placard de Marie-Rose. Je deviens l'autre femme. La vraie ! Ça peut sembler tellement compliqué pour les autres. Mais moi, je ne sais pas être Marie-Rose dans la vie de tous les jours. Il y a des artistes qui ne parlent que d'eux, de leurs disques... Ces deux titres, je les ai enregistrés mais je ne les réécouterai qu'au moment de monter sur scène. Quand ce sera mon double qui prendra le relais. Sinon je m'en dégoûterais.

« La fille que je trouve formidable, c'est Mylène Farmer »
Juste avant vous au Palais des Congrès, il y a eu un autre grand spectacle, "Robin des Bois". L'avez-vous vu ?
Non. Il paraît que c'est pas mal. Je pense que M Pokora a beaucoup de talent. Tout son public vient le voir lui. Il est formidable. Pour le reste, je n'ai aucune idée des décors, des costumes... Je sais que ça marche bien.

Ils ont vendu près de 500.000 billets entre les dates à Paris et la tournée, d'après les chiffres de la production.
Les producteurs, c'est une chose. Ils vont dire qu'ils sont complets alors que non. Nous, par exemple, à quelques semaines de la première, il nous restait encore 8.000 billets à vendre. On a réussi à vendre beaucoup de billets sans publicité. Je ne veux pas être trop présente. La fille que je trouve formidable, c'est Mylène Farmer. On ne la voit jamais. Puis un jour, elle revient comme un coup de tonnerre. Et puis tout le monde va la voir ! Je trouve ça génial.

Vous n'êtes pas partout mais vous avez surpris en apparaissant dans un teaser pour une campagne publicitaire de la marque Snickers. Pourquoi avoir accepté de participer à ce projet-là ?
L'agence a pris contact avec moi. On a fait plusieurs essais avec des rugbymen. Ça n'a pas marché, donc on n'a laissé tomber. Et puis, ils m'ont rappelé en m'expliquant qu'ils voulaient quand même faire quelque chose avec moi pour Internet. Je ne me suis pas posée de questions. On est allé en Belgique. On est resté une journée entière pendant laquelle le réalisateur, qui est le mari de Virginie Efira, m'a laissé totalement libre.

Comment ça s'est passé ? Tout était prévu à l'avance ?
Au tout début, il m'a expliqué ce qu'il attendait de moi mais je ne comprenais rien. Absolument rien (rire) ! Déjà au cinéma, quand je lis un scénario je ne comprends rien. Il faut qu'on me lise une histoire. Il y en a qui arrive à se transposer dans une histoire. Moi, je ne sais pas. C'est un fonctionnement dans ma tête qui n'est pas encore ouvert. Ou qui ne s'ouvrira peut-être jamais. Quand je tournais mes films, il fallait qu'on me prenne par la main pour me diriger. Alors, pour Snickers, on a décidé de me donner la place du metteur en scène. Je ne savais même pas ce qu'était le metteur en scène (sourire) ! Comme je ne savais pas quoi faire, j'ai fait mon histoire à moi. En fin de compte, ça leur plaisait. Mais s'ils m'avaient donné un livret avec tout ce que je devais dire, je pense que ça ne se serait pas aussi bien passé.

Regardez le teaser de la publicité Snickers avec Chantal Goya :



« Je n'ai pas eu une enfance rose »
N'y a-t-il pas aussi de l'auto-dérision dans ce teaser ?
S'il y en a, tant mieux. Moi, je ne la vois pas parce j'ai fait tout ça avec beaucoup de sincérité. Ils voulaient du Chantal Goya, je leur en ai donné ! J'avais ce sentiment que toute l'équipe ne voulait pas me donner ce que je demandais, alors je me suis imposée comme je m'impose dans la vie. Ça collait pile poil !

Snickers n'avait pas fait de campagne de publicité en France depuis plus de dix ans. Ils vous choisissent vous. Vous le voyez comme une forme de consécration ?
Ils ont dû comprendre ce que je représentais. En tout cas, dans ma loge j'ai toujours des Snickers maintenant. Partout ! Je fais des paquets et je les donne aux danseurs (sourire). Ils ont été très intelligents parce qu'en fin de compte ça a été vu par beaucoup de monde. Les propriétaires de Snickers ont été très contents et se sont demandés pourquoi je ne participais pas à la pub télé. Ils m’appelleront peut-être un jour... Je serais ravie.

Vous n'avez pas de projet pour la télévision en perspective ?
Ils ne m'appellent pas ! Mais, en même temps, je ne vois pas ce que je ferais à la télé... Pour chanter ? Pourquoi pas ! Je l'ai déjà fait. Organiser une émission de télé, je ne pourrais pas. Je suis trop indépendante. J'aime bien tout gérer comme pour mes spectacles. Par contre, le cinéma, j'aimerais. Pour vous dire, il n'y a pas longtemps, j'ai rencontré Omar Sy. Mais je ne savais pas qui il était quand je l'ai croisé. Ce sont mes danseurs qui m'ont expliqué. Je n'ai réalisé qu'après. Comme Jean-Jacques le dit si bien, je suis entièrement déconnectée.

Est-ce qu'il ne faut pas l'être dans ce métier ?
Peut-être ! Au moins, je ne me prends pas la tête avec ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je ne suis pas la mouvance de ce qui se fait. Je ne sais pas ce qu'il y a de bien ou pas. Je n'ai aucun avis là dessus. Ce qui compte, c'est que le public soit content.

Dans la carrière d'un artiste, il y a des hauts et des bas. Vous avez connu une période plus difficile dans les années 90. Comment avez-vous vécu ce retrait ?
Mais, depuis qu'on est tout petit il y a des hauts et des bas. Je n'ai pas eu une enfance rose. Il fallait bien que ça continue. J'ai rencontré beaucoup de problèmes au Vietnam, pendant la guerre. C'était très compliqué mais je positivais tout. Et comme j'avais bon caractère, je me disais que tout s'arrangerait un jour ou l'autre.

« Le ciel m'envoie des étoiles, je me penche pour les attraper »
Et puis il y eu ce retour au début des années 2000...
Avec le film "Absolument fabuleux". Là, j'étais dans la dérision ! Avec ce costume de Jean-Paul Gaultier... C'était du troisième degré (sourire) ! J'avais déjà tenté des choses loufoques comme celles-là dans les années 80. Et c'est sans doute ce qui m'a coûté parce que les gens n'ont pas compris. J'étais sans doute trop en avance sur mon temps. Mais ça ne me forcera pas à changer !

Vous devenez d'ailleurs à ce moment-là une icône gay. Comment l'expliquez-vous ?
C'est quelque chose que tout le monde me sort... Mais ça ne m'inspire rien ! Je suis contente d'avoir été choisie par des gens qui sont en avance sur la mode, qui sont visionnaires et qui ont toujours eu quelque chose de plus dans l'art et la mode. Ce sont des personnes très sensibles et qui voient loin. Quand ils choisissent quelqu'un, ils savent pourquoi. Ils prennent ce qu'il veulent. Ce n'était pas simplement pour faire un essai. J'étais contente parce qu'eux au moins ils ne m'emmerdent pas. On s'amuse comme des petits fous et c'est très bien. Moi qui n'aime pas être draguée, c'est parfait (sourire) ! Parce qu'on voit des pervers partout qui draguent n'importe qui. Mais moi, je ne me laisse pas faire. Je dis ce que j'ai à dire !

Justement, quand on est artiste aujourd'hui, ne vaut-il pas mieux parfois se taire plutôt que de s'exprimer sur des sujets autres que artistiques ? Surtout quand on voit le tollé médiatique que certains propos peuvent susciter...
Je ne parle jamais de toutes ces choses-là. Je parle simplement de ce que je vis et ce que je ressens. Vous savez, dès que j'étais adolescente, je ne me laissais pas faire. A 12 ans, il y avait des gens dans le métro qui me dévisageaient. Ils se prenaient vite fait une mandale s'ils étaient trop insistants ! J'ai su me défendre très jeune. De fait, j'ai toujours dit ce que je pensais. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on va me dire qu'il faut que je me taise.

Que vous reste-t-il à accomplir aujourd'hui ?
J'ai encore tout à faire. Je ne suis qu'au début. Comme j'ai décidé de mourir à 100 ans, comme ma grand-mère, je dois m'occuper de mes prochains spectacles. J'ai un boulot d'enfer. Pour arriver à quelque chose, il faut s'investir pleinement. Comme le ciel m'envoie des étoiles, je me penche pour les attraper.
Toute l'actualité de Chantal Goya sur son site internet officiel et sa page Facebook.
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