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Clara Luciani • Album en 2024 + Tournée en 2025 !


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Révélation

Clara Luciani : « Chanteuse populaire, c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire »

LE PARISIEN WEEK-END. Depuis qu’elle a lancé sa « Grenade », en 2018, l’artiste partie de rien, est partout. Alors qu’un documentaire lui est consacré, cette femme sensible et accomplie nous raconte son enfance difficile, ses engagements, ses fiertés et la passion qui l’anime, teintée de mélancolie.

Par Gwénaëlle Loaëc 

Le 3 février 2023 à 07h55


 

Clara Luciani ne mesure toujours pas qu’elle est devenue une artiste majeure de la chanson française. Pourtant, depuis que, en 2018, elle a dégoupillé « la Grenade », un titre célébrant la force sous-estimée des femmes, dans lequel elle chante, l’air bravache « hé toi, qu’est-ce que tu regardes ? T’as jamais vu une femme qui se bat », l’autrice-compositrice-interprète a imposé son style et sa singulière élégance.

La suite ? Les récompenses s’enchaînent. Après quatre Victoires de la musique, elle est de nouveau nommée dans deux catégories cette année. Elle se lance dans des tournées, de Zénith en Bercy, sans parler de nombreux festivals où la discrète chanteuse se transforme en bête de scène, avec ses tenues seventies à paillettes et ses coups de pied dans le micro.

Ses chansons deviennent des tubes – comme « le Reste », « Respire encore » –, et même des hymnes. Son second disque, aux accents disco, « Cœur », sorti en juin 2021, contraste avec la pop plus sombre de son premier album. Tout cela confirme son statut d’artiste incontournable. À raison. À 30 ans, Clara Luciani est une femme de son époque. Forte, pétillante, mais aussi profonde, et que l’on devine écorchée vive. Ses textes ciselés, portés par une voix grave et magnétique, touchent au cœur avec une facilité déconcertante ceux qui l’écoutent, quels que soient leur âge et leur origine sociale.

 

Quand on la rencontre, mi-janvier, dans un hôtel parisien, à l’occasion de la sortie de « Ça commence comme ça », un documentaire Prime Video (à partir du 8 février) qui retrace son parcours, elle est d’une grande gentillesse et d’une naturelle simplicité. Clara rit beaucoup. Elle pleure aussi. Et nous raconte son histoire, celle d’une petite fille moquée qui a quitté son Sud natal pour tenter sa chance à Paris. Sans jamais oublier d’où elle vient.

 

Le documentaire qui vous est consacré s’ouvre avec cette déclaration : « Rien ne laissait penser que j’avais ma place dans cet univers. » Pourquoi ?

CLARA LUCIANI. À cause de ma personnalité. Depuis que j’ai « infiltré » (rires)ce monde, je crois que je n’ai rencontré personne d’aussi timide et mal à l’aise que moi. C’est aussi à cause de mon milieu social. J’ai grandi à Martigues, puis à Septèmes-les-Vallons, dans les Bouches-du-Rhône, dans un milieu très simple. Mon père était employé de banque et ma mère, aide-soignante. Elle n’a pas travaillé pendant plusieurs années pour s’occuper de ma sœur et moi, si bien que nous ne vivions qu’avec un seul salaire. Ce n’était pas confortable financièrement. Mais je n’ai vraiment pas à me plaindre. Mon père rêvait d’être musicien. Il y a renoncé pour un métier plus stable, car il allait avoir des enfants. Et c’était un but trop difficile à atteindre pour des gens comme nous. Ce « truc » de classe sociale m’empêchait d’y croire. Même si c’était ce que je souhaitais, je ne m’autorisais pas à rêver de devenir chanteuse.

La musique occupait-elle déjà une place importante dans votre vie ?

Oui, c’est le ciment de notre famille. Avec ma sœur, on se rassemblait autour de notre père et sa guitare, et on chantait. Il était branché McCartney et les Beatles. Ma mère préférait les Rolling Stones. Elle m’a aussi fait écouter Jacques Higelin, les Rita MitsoukoVéronique Sanson… À 11 ans, j’ai revendu tous mes jouets dans un vide-greniers pour acheter ma première guitare électrique : une Squier rouge, une « sous-Fender ». J’adorais faire des spectacles, me déguiser, me maquiller. C’est pourtant contradictoire avec ce que je suis. J’ai toujours été une petite fille un peu encombrée par sa taille, je ne savais pas trop quoi faire de mon corps. Aujourd’hui encore, quand je suis dans une pièce, j’aimerais bien que personne ne me voie. Et, paradoxalement, j’adorais ces moments où tout le monde me regardait. Je me rappelle avoir été fascinée par mon papa, sur scène, lorsqu’il donnait des petits concerts avec ses copains. Lui aussi est timide, mais là, je découvrais une autre version de lui-même. Je me disais : « La scène est une réalité parallèle. Tout y est possible, même avoir une autre identité. » Très tôt, j’ai eu envie de ça.

Que chantiez-vous, petite ?

Les chansons des « Demoiselles de Rochefort », de Jacques Demy ! J’avais 8 ans quand j’ai découvert cette comédie musicale. Ça a été un choc artistique. J’avais envie de chanter tout le temps, pour dire « bonjour », « passe-moi le sel »… (rires) Ça devait être fatigant pour ma mère. Je lui ai fait acheter des chapeaux, un jaune et un rose. Ce film m’obsédait. J’ai été frappée par cette esthétique des années 1960, les couleurs pastel, les coupes des vêtements…

« Ce que j’aime, chez Jacques Demy, ce sont ses héros ordinaires. Il mettait en scène des garagistes, des ouvriers, des gens comme nous. Ils m’ont autorisé à me dire que je pouvais rêver »

Clara Luciani, 30 ans

Depuis ce jour, je nourris un amour inconditionnel pour le vintage. J’ai bien évidemment été touchée par les mélodies de Michel Legrand, qui reste mon compositeur préféré. J’ai été émue par les visages de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac. Et ce film a aussi forgé ma conception du romantisme, avec des idéaux qui m’ont peut-être parfois fait prendre des décisions un peu ridicules. Une vision selon laquelle on serait destiné à une seule personne sur Terre, et qu’il faut la rencontrer car, sans elle, on serait incomplet. Ce que j’aime aussi, chez Jacques Demy, ce sont ses héros ordinaires. Je n’en avais pas conscience, à 8 ans, mais ils m’ont autorisé à me dire que je pouvais me permettre de rêver. Il mettait en scène des garagistes, des ouvriers, des gens comme nous.

Vous viviez une enfance heureuse auprès de vos parents et de votre sœur mais, à l’école, vous étiez harcelée…

Oui, ça a commencé vers l’âge de 6 ans. Les autres enfants se moquaient de ma taille. J’étais déjà très grande. On le voit sur ma photo de classe de CP, je fais la même taille que la prof. À 11 ans, je mesurais 1,76 m. Et puis, j’étais la première de la classe, et une fille un peu bizarre, qui aimait se réfugier dans les livres. Et, quand on a des différences, ça ne loupe pas, malheureusement. J’ai été raillée : « La grande asperge ! », « Quel temps il fait là-haut ? », « T’es moche »… Des petits malins s’amusaient à mettre des punaises ou des cartouches d’encre ouvertes sur ma chaise…

 

Ça a pris de telles proportions que j’allais à l’école la boule au ventre, avec l’envie de disparaître. J’étais très seule. Je me sentais rejetée, nulle, moche, et incapable de rentrer dans le moule. Ça a duré le temps du collège. Même s’il y a eu une prof qui, en 5e, m’a offert sans le savoir des armes pour me défendre. Elle m’a donné un peu confiance en moi. Un jour où elle a été témoin de moqueries, elle a dit aux autres élèves, en me rendant une copie : « Vous pouvez vous moquer d’elle mais, dans quelques années, vous irez tous à la Fnac acheter son livre. » À l’époque, j’écrivais déjà. Je tenais un blog. Et puis, au lycée, il s’est passé un truc formidable, je me suis dit : « Puisque, quoi que je fasse, ils ne m’accepteront jamais, autant être qui je suis, et cultiver ma différence. » Et ça a fonctionné. Les autres ont commencé à s’intéresser à moi.

Le harcèlement scolaire fait régulièrement la une des journaux. Selon vous, que faudrait-il faire pour que ça n’arrive plus ?

J’y pense souvent. Je n’ai pas de solution miracle. Une chose est sûre, il faut être extrêmement prudent avec TikTok ou Instagram. Heureusement, à mon époque, ça n’existait pas. Et, quand je refermais la porte de ma maison, j’étais tranquille, entourée de gens aimants et à l’écoute. C’est terrible d’imaginer qu’aujourd’hui, les enfants peuvent être persécutés à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je suis sidérée par la facilité avec laquelle certaines personnes se montrent méchantes et agressives sur les réseaux sociaux, en toute impunité.

« L’écriture a sauvé mon adolescence. Je me suis très tôt rendu compte que cet outil était magique. Il reste mon remède à tout »

Clara Luciani, 30 ans

Quand je vois qu’à 30 ans, bien que je sois une femme construite et épanouie, je reste très sensible aux commentaires, je me mets à la place d’un enfant de 13 ans qui se trouve nul. Et je repense à moi au même âge. Je pourrais lui conseiller d’écrire ou de dessiner. La thérapie par l’art est merveilleuse. L’écriture a sauvé mon adolescence. Je me suis très tôt rendu compte que cet outil était magique. Il reste mon remède à tout. Ça me permet de coucher sur le papier mes douleurs, mes prises de conscience, mes chagrins, mes grandes joies… Rien ne me fait plus de bien que d’écrire. Transformer une blessure en chanson est une guérison. J’ai envie de dire à tous ceux qui sont harcelés : « Tenez bon. Et cultivez votre différence, c’est votre force. » C’est aussi pour ça que j’ai accepté de tourner ce documentaire. Pour la Clara d’il y a quinze ans. Pour rendre justice au vilain petit canard que j’étais. Mais aussi pour les ados qui vivent la même chose et qui ont du mal à garder espoir. Ça commence comme ça, c’est le titre du documentaire, mais la fin est jolie.

Ce que vous avez subi à l’école, ça laisse des traces. Que l’on puisse vous trouver séduisante vous semble-t-il bizarre ?

Disons que j’arrive à me tolérer un peu plus. Mais l’exercice de la séance photo que je viens de faire pour vous reste extrêmement difficile. Comme les selfies dans la rue. Si je refuse, j’ai peur que ça passe pour de l’impolitesse. Alors que j’adore rencontrer les gens.

 

Je préférerais qu’on ait un vrai échange, plutôt qu’ils s’en aillent, sans rien me dire, après avoir pris un cliché qui restera au fond du téléphone. Je ne me sens pas à l’aise avec mon image. Et puis, je ne suis pas mannequin. Je trouve extrêmement pesant que, dans ces métiers de la musique et du cinéma, les femmes soient en permanence ramenées à des normes de beauté et de jeunesse.

À 19 ans, vous montez à Paris avec cette image romantique de l’artiste qui va tenter sa chance, guitare en bandoulière et sans un sou en poche…

Quand j’y repense, c’était n’importe quoi (rires). Mais quelle belle inconscience ! Je devais faire ma rentrée en deuxième année de fac d’histoire de l’art à Aix-en-Provence. Mais, au cours de l’été, j’ai rencontré le groupe La Femme lors d’un de leurs concerts à Cannes. Sans me faire aucune promesse, ils m’ont dit : « Appelle-nous si tu viens à Paris. » Deux semaines plus tard, j’ai pris un billet de train et ma guitare.

Ma plus grande audace, c’est surtout d’être venue à Paris sans l’accord de mes parents. Ils ont cherché à m’en dissuader. Mon père culpabilisait. C’était son propre rêve, et il se sentait responsable de mon départ. Je crois qu’il se disait : « C’est de ma faute si elle a ce virus, je lui ai mis dans la tête des rêves inaccessibles, et maintenant elle va foirer sa vie. »

 

J’étais bonne élève. Que j’arrête mes études, ça leur a fait peur. Ils espéraient que j’obtiendrais un diplôme qui me permette de décrocher un bon métier. Ils voulaient pour moi une vie différente de la leur, plus confortable. Pour que je n’aie pas, comme eux, à compter mes dépenses au centime près. Mais je n’avais pas envie de ça ! J’ai très vite compris que j’aurais été malheureuse dans un boulot bien rangé. Ce n’était pas simple de sentir que je les décevais. Mais j’ai toujours pensé, inconsciemment, que je portais le rêve de mon père, et que je devais l’accomplir.

« Pour vivre et payer mon loyer, j’ai enchaîné un tas de petits boulots pendant sept ans, comme vendeuse chez Zara, hôtesse dans des salons, baby-sitter, prof d’anglais... »

Clara Luciani, 30 ans

Je sentais qu’il fallait que je monte à la capitale, que c’était là que tout allait commencer. J’avais une image complètement biaisée de Paris (rires). J’avais en tête les photographies de Doisneau, Sartre et Beauvoir au Café de Flore… Je me voyais écrire de la poésie là-bas. Alors que je n’avais même pas les moyens de m’y payer un café (rires).

Finalement, Paris, ce fut une désillusion…

J’ai très vite été rattrapée par la réalité. J’habitais un studio de 10 m2 dans lequel je n’arrivais pas à avoir chaud. Et quand ma voisine tirait sa chasse d’eau, ça remontait dans ma douche ! Je chantais un peu dans des bars, j’essayais de créer des groupes, je faisais des concerts avec La Femme… Mais, pour vivre et payer mon loyer, j’ai enchaîné un tas de petits boulots pendant sept ans, comme vendeuse chez Zara, hôtesse dans des salons, baby-sitter, prof d’anglais… C’étaient des années de précarité. En même temps, je découvrais la liberté, et un nouveau monde où tout était possible, où tout était réalisable. J’étais en ébullition. J’étais curieuse de tout. J’allais voir des expos. Je me faisais des amis, enfin. Je rencontrais des artistes qui avaient les mêmes rêves que moi.

 

Oh oui ! J’ai croisé beaucoup de jeunes musiciens qui n’avaient pas besoin de travailler et pouvaient se consacrer uniquement à la musique, car leurs parents payaient leur loyer. Alors je me demandais : « Comment vais-je trouver l’inspiration et le courage de répéter après des journées de petits boulots ? Vouloir être musicienne, c’était donc bien un rêve de riche ? » Et puis, j’ai vu pas mal de portes se fermer. J’ai pu entendre : « Il va falloir trouver quelqu’un pour écrire tes chansons », « T’as pas d’identité vocale », « Tu ne dégages rien sur scène »… Étonnamment, alors que mes parents étaient contre l’idée que je vienne à Paris, ce sont eux qui m’encourageaient à m’accrocher. Je suis très fière de ma persévérance. C’est satisfaisant d’avoir démarré en bas de l’échelle et d’avoir gravi petit à petit les échelons, avec rien d’autre que mon courage et ma ténacité.

Et puis, il y a eu ce chagrin d’amour, qui fut un déclic dans votre carrière…

Ça a été une rupture très violente. J’étais un zombie. Ce garçon avait aspiré toute ma substance vitale. Tout le monde s’est déjà fait larguer, ça n’a rien d’exceptionnel. Mais il s’agissait de mon premier chagrin d’amour, c’était tellement fort que j’avais l’impression que personne sur Terre n’avait autant souffert. Avant ça, je ne savais pas quoi raconter pour intéresser les gens. Cette expérience m’a inspirée pour écrire mes paroles et ma musique. Et, avec ces chansons, j’ai pu sortir un disque de quatre titres, en 2017. C’est magnifique d’avoir réussi à transformer cet événement douloureux en un élément déclencheur de succès et de bonheur.

Puis, en avril 2018, à bientôt 26 ans, vous sortez l’album « Sainte-Victoire », avec « la Grenade », qui deviendra un tube dans une société bouleversée par le mouvement #MeToo. Qu’avez-vous ressenti quand vous l’avez entendue pour la première fois dans les manifestations féministes ?

J’ai d’abord eu le tournis, avant de me sentir très fière que mes mots accompagnent les femmes. J’ai découvert le sexisme tardivement. Mon père est irréprochable à ce niveau. Si j’avais été un garçon, il ne m’aurait pas éduquée différemment. Cette chanson est le résultat d’une prise de conscience. Du fait que les femmes sont souvent dévalorisées ou sous-estimées. Au début de ma vingtaine, j’étais confrontée tous les jours au sexisme. Avec « la Grenade », j’avais envie d’un chant de guerre pour me mettre en condition et être prête pour la bagarre. Ce qui m’a le plus émue, c’est que des femmes atteintes du cancer du sein se la soient aussi appropriée.

 

Sur votre second album, il y a la chanson « Cœur », qui dénonce les féminicides. Êtes-vous une chanteuse engagée ?

J’aimerais utiliser mon énergie et ma notoriété pour parler de certains sujets. Mais ce ne sont que des chansons. Ma mère a passé sa vie à soigner, à guérir, à écouter. C’est d’elle que me vient l’envie d’aider en faisant des choses concrètes. Je suis la marraine de La Maison des femmes de Marseille. Je m’engage aux côtés des équipes pour trouver de l’argent. J’ai trop souvent entendu : « Pourquoi les femmes battues restent-elles ? » Mais parce qu’elles n’ont nulle part où aller ! À La Maison des femmes, elles sont sûres à 1 000 % d’être prises au sérieux, soignées, écoutées, aidées juridiquement…

 

Y a-t-il d’autres thèmes que vous souhaiteriez porter ?

L’écologie ! Je n’ai pas encore trouvé comment chanter sur ce sujet. Je voudrais que ce soit une chanson importante, qui éveille les gens à l’urgence climatique. J’ai arrêté de manger de la viande il y a huit mois. Et, depuis longtemps, j’achète presque tout en seconde main : les habits, les meubles, l’électroménager… J’essaie de donner une seconde vie aux objets, et de ne pas être dans la surconsommation. Mais je pourrais faire davantage dans mon quotidien.

Vous avez un côté solaire, d’ailleurs Luciani veut dire « petite lumière » en corse, mais il y a aussi une grande mélancolie qui se dégage de vos chansons…

Je suis un clown triste. Je suis extrêmement joyeuse, je fais tout le temps des blagues… Mais j’ai aussi un côté beaucoup plus introspectif, plus sombre, très à fleur de peau. Je l’accepte, car il fait partie de moi et j’y puise mon inspiration, mais je refuse que cela prenne trop de place. Je crois que, ce qui me sauve de cette mélancolie dans laquelle je pourrais sombrer très facilement, c’est l’envie de voir les gens que j’aime heureux. J’ai appris très tôt à faire le spectacle pour voir ma mère oublier ses tracas, pour voir ma sœur reprendre confiance en elle, pour voir mon père gagner un peu en légèreté… Cette dualité ne cesse de me surprendre. Je pleure beaucoup et je ris beaucoup.

 

Et puis, alors que vous terminez votre tournée avec l’album Sainte-Victoire, le Covid-19 débarque…

Ce n’était pas de bol quand même : j’avais travaillé dur pendant sept ans et, quand ça fonctionnait enfin, tout s’effondrait. J’ai eu peur que les gens m’oublient. Le public m’a terriblement manqué. Je ne sais pas comment il aurait fallu gérer cette crise-là, d’autant que je ne suis ni scientifique ni politique, mais j’ai trouvé certaines mesures du gouvernement inexplicables. Je crois que tous les professionnels qui ont subi des restrictions les ont vécues comme injustes. Mais j’ai pris le Covid très au sérieux. J’avais très peur. J’ai perdu quelqu’un que j’aime à cause de cette maladie.

 

Il s’agit de votre grand-père maternel…

(Elle est très émue, les larmes lui montent aux yeux.) C’était l’une des personnes les plus importantes de ma vie. Il était mon modèle. Il a eu une vie extrêmement difficile, mais je ne l’ai jamais entendu se plaindre. Pas une seule fois. Il était mineur à Alès, dans le Gard, à la même époque que le grand-père de Julien Doré. J’adore me dire que, si on est tellement amis, avec Julien, c’est peut-être parce que nos grands-pères cassaient la croûte ensemble à la pause déj (sourires). J’étais fière de mon grand-père. Il était très charismatique, dans sa façon de marcher, de parler, d’être toujours impeccable, avec sa petite moustache. On aurait dit un acteur italien. Il était venu me voir chanter à Martigues. C’était la première fois qu’il s’autorisait une telle sortie. Il s’y était refusé jusqu’ici parce qu’il s’occupait de ma tante handicapée.

Le temps d’une soirée, il s’est échappé de cette vie. J’ai dit au public qu’il était dans la salle. Mon grand-père s’est levé sous une longue pluie d’applaudissements. C’était trop beau ! Selon ma mère, jusqu’à la fin, il répétait tout le temps : « Je suis allé voir ma petite-fille jouer. »

Vous avez accompagné le déconfinement avec votre second album, qui confirme votre statut de chanteuse populaire. Voilà une bonne raison de prendre la grosse tête…

Ah ! Mon Dieu, non ! Si cela arrivait, mes parents seraient là pour me mettre une baffe. Ça ne passerait pas du tout. Déjà que ma mère regrette que j’aie perdu mon accent du Sud (rires). Mais c’est merveilleux d’être perçue comme une chanteuse populaire ! C’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire. J’ai toujours trouvé insupportable ce snobisme d’un certain public pour qui ce qui est populaire serait forcément mauvais. J’ai toujours voulu faire une musique qui pourrait toucher tout le monde. Et j’ose espérer qu’elle plaît parce qu’elle est honnête. Je crois que beaucoup de gens sont plus sensibles à la sincérité qu’aux prouesses vocales et musicales, et qu’ils sont nombreux – j’en fais partie, d’ailleurs – à aimer les artistes qui mettent à nu leurs failles. Et, pour le coup, je crois qu’on peut entendre tout ça dans mes chansons.

 

 

 

 

 

 

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Il y a 6 heures, Diskonoïr a dit :

Merci.

 

J'espère que le doc sera vraiment tourné vers la musique, la partie créative, et pas trop sur l'enfance. C'est important de parler de ses traumas et de libérer la parole mais là j'ai l'impression de lire la même interview à chaque fois.

Je te déconseille de lire les interview de Jenifer alors...

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Il y a 2 heures, Yorih. a dit :

 

Toujours est il que la réponse est à côté de la plaque 

 

C'est surtout que son mec est le chanteur des Franz Ferdinand, lequel est un groupe écossais...

 

Ca ne serait pas une allusion au fait de chanter "Le Chanteur" aux victoires?

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