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samedi 08 septembre 2018 15:17

Zazie en interview : "Je fais des titres pour les gens, pas pour les radios"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Zazie sort son nouvel album "Essenciel". A cette occasion, la chanteuse répond aux questions de Pure Charts sur la création, le risque de "Speed", le jeunisme tout en évoquant sa relation avec Maëlle, la gagnante de "The Voice", avant de donner des nouvelles de Lilian Renaud. Interview avec une artiste libre.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Vous sortez votre dixième album "Essenciel". Est-ce un cap pour vous ? On y pense quand on le crée ?
On n'y pense pas trop, on se dit juste que c'est marrant, il y a un zéro derrière. C'est un peu comme quand on passe au 10 sur 20, au 20 sur 20 à l'école. Mais je ne compte pas trop en chiffres, je compte en bons souvenirs et en joie de le sortir. Mais oui, il n'y a quand même eu neuf avant !

Vous avez regardé un peu arrière dans votre répertoire à cette occasion ?
Quand on est en train de composer ses chansons, la seule chose où on regarde parfois en arrière c'est "Est-ce que j'ai déjà dit ça ?" pour ne pas se répéter. Même s'il y a des thèmes récurrents qu'on affectionne. On est très joyeux. C'est comme si on faisait un enfant à chaque fois, sauf qu'on est un peu plus vieux. (Sourire) C'est vraiment une nouvelle aventure.

" J'ai la chance de passer beaucoup moins à la radio "
Comment on arrive à se renouveler après plus de 25 ans de carrière ?
Souchon disait : "On ne fait guère qu'une chanson". Alors il exagère un peu, mais c'est vrai qu'on l'éclaire d'une manière un peu différente. C'est un mélange de nos névroses, de nos inspirations, des choses qu'on aime, qui nous enthousiasment et qui nous passionnent. Pour ne pas se redire, il faut changer techniquement les choses. Là, on ne s'est pas dit que ce serait plus électro. Mais "Speed" est l'une des premières chansons qu'on a composée avec Edith (Fambuena, ndlr). J'en avais fait une avant, "Nos âmes sont", qui n'était pas du tout électro. Mais on s'est dit : "Il y a peut-être un truc fun comme manière de travailler, qu'on n'a pas fait encore !". Après, je chante vaguement pareil mais on est réjouit comme si on avait découvert une autre piscine. On aime toujours se baigner mais on a changé de paysage. Après, ça reste moi qui me baigne dans une piscine ! (Rires)

Concrètement, qu'est-ce qui a été si différent dans le processus créatif, à part le son ?
Sur cet album, j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais fait avant. Pendant la précédente tournée, qui était très joyeuse, j'avais écrit des bouts de choses. Deux lignes par ci, comme sur "La source". Je n'avais pas le titre, j'avais le jeu de mots de "La source hier" pour "La sorcière". Mais je n'avais pas la suite. "Va chercher", pareil.

Jusqu'ici, vous ne faisiez pas ça ?
Avant, j'écrivais tout après la musique donc je n'avais rien quand j'arrivais. Là, du coup, ça m'a permis de temps en temps de réinjecter des bouts, avec ce petit cahier que j'avais. Ça permet d'être peut-être un petit peu plus libre dans le texte car on part parfois du texte.

" Sortir "Speed", c'était un risque "
Cette envie de nouveauté, ça s'est aussi traduit par le fait de changer de maisons de disques... C'était une volonté ?
C'était une boucle à boucler. Il n'y a pas eu de rupture, j'avais fini mon contrat. Evidemment, ils m'ont re-proposé mais je me suis laissé le temps au début pour me dire : "Comment je veux faire les choses ? Est-ce que je veux les faire avec plus de liberté, ou de contrôle ?". Je me posais des questions. On s'est quitté avec beaucoup de bienveillance et d'élégance de chaque côté. C'est un peu comme une histoire... On fonctionnait un peu comme un vieux couple. Ils ne me surprenaient plus, ce qui est normal. Et puis, de leur côté aussi, c'est difficile de travailler avec quelqu'un qu'on connaît par coeur. C'était une manière de re-oxygéner un peu la démarche créative.

Et puis vous avez retrouvé Pascal Nègre...
C'est un ami. Je pense qu'on avait, et lui et moi, des envies de liberté, de faire les choses comme on voulait. D'où une création de petit label. Ce qui peut paraître surprenant pour Pascal, qui a quand même dirigé le monde à un moment. Et moi c'est un peu pareil. Je me suis dit : "Et si on était débutants à nouveau ?" Avec toute notre expertise quand même. Par exemple, sur l'album, mais ça il ne faut pas trop le dire, on a fait une petite campagne d'affichage sauvage. C'était réjouissant. C'est rien, ce sont trois affiches collées dans Paris mais ça me faisait plaisir de faire quelque chose de moins protocolaire.

Regardez le clip "Speed" de Zazie :



Ça se ressent aussi à l'écoute du premier single "Speed", déroutant à la première écoute. Vous avez hésité à le sortir, car le titre est totalement hors-format ?
(Elle sourit) On a eu aucun doute parce que j'ai la chance depuis quelques années de passer beaucoup moins à la radio. Je dis bien "j'ai la chance". En termes de ventes de disques, je pense que mon banquier dirait autre chose. (Rires) Ou ma maison de disques d'avant. La chance c'est de se dire que puisqu'il y a une obsolescence programmée sur les artistes d'un certain âge, fille comme garçon... Même s'il y a deux ou trois radios qui nous sont fidèles mais pas tant... C'est génial ! Alors, pourquoi viser les radios ? Je ne fais pas des titres pour les radios, je fais des titres pour les gens. Après, c'est bien qu'ils les écoutent... Mais il y a d'autres moyens. Je me suis dit : "Oui c'est un risque, c'est gonflé". Mais c'est mon ADN, cette chanson, elle me hante. On en a fait 15 versions avec Edith. Des trucs électro, d'autres pas du tout. On l'a trifouillée.

" Parfois quand on est libre, on paraît plus jeune "
Tout le monde vous a suivie ?
Le label pouvait avoir quelques réserves, en disant : "C'est génial mais on est sûr quand même ?". Mais je leur ai dit que je ne pouvais pas sortir autre chose. Quand on arrive à cet âge-là, ce qui est super réjouissant, c'est qu'on ne peut plus être quelqu'un d'autre que soi-même. Chose à laquelle on peut jouer un peu avant : "Tiens, j'essaierais bien cette robe à la mode même si elle ne me va pas". Il y a un âge pour tout. Là, je sais que je ne serais jamais plus convaincante que si je suis moi-même très très convaincue. Je suis tellement heureuse que les radios l'aiment et n'arrêtent pas de le jouer. Ça "teste" bien comme ils disent.

C'est un peu un pied de nez au jeunisme ?
Oui...

On le voit avec des artistes comme Madonna. A partir d'un certain âge, surtout quand on est une femme d'ailleurs, on est un peu mis de côté...
(Elle sourit) Oui. Je pense qu'il ne faut pas confondre le jeunisme dont vous parlez très bien, et la liberté qu'on a. Parfois quand on est libre, on paraît plus jeune. Il vaut mieux aller dans ce sens-là, quitte parfois à ne pas avoir peur du ridicule. Quitte à se dire : "J'ai envie de me mettre un short hyper court, yeah !". Je ne trouve pas que ce soit du jeunisme. Mais je pense que c'est la liberté qui nous rend frais, oxygéné. On peut être oxygéné à tout âge. Et on peut avoir un single un peu zarbi à la base mais qui finalement fonctionne bien.

" "Je suis sensible aux critiques" "
On vous parle beaucoup de la chanson "Waterloo" car elle évoque en filigrane des attentats. C'est difficile d'écrire un texte comme celui-ci, teinté de cette histoire ?
Il n'est pas teinté... Ça c'est les journalistes... "Le Parisien" en l'occurrence qui a décidé de teinter "Waterloo" uniquement de cette chose-là.

Mais, quand même, elle fait écho...
Ça m'a toujours intéressé d'aller fouiller dans les failles de l'humanité. C'est un bon terreau. Et dans les failles, il y a la violence. Le titre s'appelle "Waterloo", et non pas "Bataclan". La violence elle a commencé bien avant ça. Il y a toujours eu de la barbarie chez les Hommes. Qu'est-ce qu'on en fait ? C'est plutôt ça. Bien sûr que les attentats ont réveillé chez nous des interrogations sur une violence aussi dingue, aussi barbare. On a tous vécu les choses de près ou de loin. Il y a eu un vrai effet de traumatisme. Mais il y a aussi un contre-effet qui est assez positif. Le lendemain, je me souviens, avec mes potes, pour m'aider à traverser ça, on est allé boire un pot en terrasse. Et on s'est fait toutes les terrasses, toute la nuit. Comme un acte gaulois, de résistance. En disant : "Ils auraient bien tout gagner si on commençait à avoir peur". "Waterloo" c'est sur le coeur guerrier. Je n'ai pas la solution mais j'aime questionner en disant : "T'auras ma peau contre la tienne". Faisons un truc beau de notre violence.

Ecoutez "Waterloo" de Zazie :



Vous évoquez aussi Internet et les réseaux sociaux sur "Ma story". Le virtuel c'est un sujet récurrent chez vous avec des titres comme "Pomme C", "Cyber"...
Oui, parce que je suis un peu nulle avec ça. (Sourire) J'ai été l'une des premières artistes à faire un site internet. Il y avait Jean-Louis Aubert, Etienne Daho, un peu Souchon et moi. A l'époque, les maisons de disques nous regardaient genre : "Mais n'importe quoi !". Pour vous dire que je suis quand même sensible à ça. Je trouvais qu'il y avait une liberté de parole intéressante. Après, je me méfie évidemment de l'immédiateté, voire un peu pornographique, des réseaux.

" Toute la Terre veut composer pour Maëlle "
Et les critiques ?
Quand je sors un album, je regarde très peu. Parce que forcément, je suis sensible. Je suis encore pleine d'hormones et, là, si quelqu'un me dit : "C'est nul", c'est comme si on me disait : "Ton enfant est moche". C'est impossible à entendre. Les gens ont bien le droit de dire ce qu'ils veulent, mais j'ai aussi le droit ne pas y aller. En revanche, je considère ça comme une force de diffuser comme on veut. Plutôt que de passer par tel protocole de télé qui veut nous faire faire une reprise alors que ce n'est pas ce qu'on veut faire, ou il faut commenter l'actualité, alors que je suis nulle en actualité. Au moins, je peux présenter mon album comme je veux. Je suis toujours aussi nulle, j'y vais peu mais j'y vais.

On parle évidemment beaucoup de "The Voice", avec les nouveaux coachs qui ont été dévoilés. Vous êtes heureuse pour eux, déçue pour vous ?
Désolée mais je ne peux rien vous dire ! (Rires) Il faut attendre l'annonce officielle. Mais on hésite toujours chaque année, en fonction de la tournée...

" Pour Lilian Renaud, c'était compliqué le show business "
Dérivons un peu alors... Est-ce que vous allez travailler avec Maëlle, la gagnante de "The Voice" dont vous étiez la coach ?
Je la suis d'assez près, tout en lui laissant quand même cette marge de choix. Et c'est très compliqué quand on est une élève de terminale, je crois qu'elle a eu son bac. Toute la Terre veut composer pour Maëlle. J'ai reçu des lettres de gens, je ne savais même pas que c'était des amis à moi ! Ils avaient évidemment des chansons hyper intéressantes pour Maëlle. (Sourire) On sert de rempart. On est quelques chevaliers. Mais ça reste très compliqué car il y a la maison de disques... Je pense qu'il faut la laisser souffler. Moi, je n'y vais pas du tout en force. On s'envoie des textos, quand elle a besoin de m'appeler, en bon soldat, je suis là. Parce que je veux vraiment l'aider à être sur les bons rails, avec sa liberté à elle, du haut de ses 17 ans. Mais, pas plus que ça.

Et puisqu'on nous en demande beaucoup, avez-vous des nouvelles de Lilian Renaud ?
Oui, aussi par textos. Très régulièrement. Il était dans ses montagnes, là. Je crois qu'il a fait un beau voyage. Il était très très heureux. Je lui souhaite tellement le meilleur. C'est une âme très belle et très sensible. C'était compliqué pour lui le show business. Je crois qu'il va bien et qu'il mène sa vie comme il a envie de la mener. Et c'est ça le principal.
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Écoutez et/ou téléchargez l'album "Essenciel" de Zazie sur Pure Charts.
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