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« J'avoue j'en ai bavé, pas vous, mon amour? / Avant d'avoir eu vent de vous mon amour / Ne vous déplaise / En dansant la Javanaise / Nous nous aimions / Le temps d'une chanson ». Tout le monde a déjà chanté "La javanaise", titre phrase du répertoire de Juliette Gréco, qui vient de nous quitter à l'âge de 93 ans. Si la chanson a fait le tour du monde, tout commença durant l'été 1962, au 33, rue de Verneuil, alors l'adresse du domicile parisien de la chanteuse. « Il est venu à la maison. On a bu du champagne, on était quand même assez... plein de bulles. On touchait de moins en moins terre. On était seuls tous les deux, on a écouté de la musique et puis je me suis mise à danser. Et je voyais mon Serge avec des yeux qui s'agrandissaient et moi j'étais là comme un papillon de nuit. Le lendemain, je reçois un coup de téléphone de Serge qui me dit : "Est-ce que je peux venir?" » se souvenait Juliette Gréco dans l'émission "La vie secrète des chansons" sur France 3. Il lui avait écrit "La javanaise" ! Celle que l'on surnommait la muse de Saint-Germain des Près avait inspiré sans le savoir durant cette soirée, celui qui deviendrait alors l'un des plus grands artistes de la chanson française.

"Il s'est mis au piano et puis il me l'a chanté"

« Et il arrive avec son petit papier, et puis il s'est mis au piano et puis il me l'a chanté : "J'avoue j'en ai bavé, pas vous". Quoi ? » expliquait-elle en riant à André Manoukian, réfutant toute rumeur d'idylle entre elle et Serge Gainsbourg : « Il n'y a eu que ça. Il s'est passé... une chanson et pas la moindre ! ». Et c'est justement cette distance entre eux qui a inspiré l'auteur : « L'amour que nous ne ferons jamais ensemble » comme il aimait le dire. Le coup de coeur est immédiat pour Juliette Gréco. « C'est d'abord un jeu, pas un jeu de mots, mais un jeu avec les mots grâce auquel ils prennent une valeur, une couleur beaucoup plus forte. J'avoue j'en ai bavé pas vous, c'est superbe. Il l'a appelée comme ça, mais la chanson n'a rien à voir avec le javanais tel qu'il se parlait autrefois. Ceci est beaucoup plus fort, beaucoup plus musical » dira-t-elle. "La javanaise" sort en mars 1963, en Face B du vinyle "Vilaine fille mauvais garçon", le succès du titre restera alors confidentiel durant de nombreuses années. « Il faut du temps pour comprendre » analysait Gréco sur France 3. C'est seulement dans les années 80, maintenant que Serge Gainsbourg est devenu une immense star en France, que le public redécouvre "La javanaise", lors des concerts du chanteur. Elle devient alors un classique, et on ne compte plus aujourd'hui le nombre de reprises dans le monde entier, de Jane Birkin à Régine, en passant par Iggy Pop et même Julien Doré en japonais.

« Je pense être un auteur privilégié puisqu'elle m'a chanté et je pense qu'il n'y a pas un auteur digne de ce nom, ou au moins ayant un tant soit peu de tenue littéraire, qui n'ait souhaité écrire pour elle » expliquait Serge Gainsbourg en 1966 dans l'émission "La La La", évoquant son admiration inconditionnel pour Juliette Gréco. De son côté, la chanteuse assurait que le texte mystérieux renfermait des références secrètes à leur lien très fort, sans pour autant vouloir les révéler : « On peut penser ce qu'on veut, moi je sais ».

Souvenez-vous de Juliette Gréco chantant "La javanaise" :