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samedi 25 mars 2023 11:57

Hervé en interview : "Je veux que ma musique me ressemble le plus possible"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Après un premier album acclamé et une Victoire de la Musique, Hervé se livre sur son histoire dans son deuxième disque "Intérieur vie", qui dépeint sa vie d'avant, ses parents, sa famille et ses origines. Rencontre !
Crédits photo : Ojoz
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

" Une Victoire de la musique, ça donne un gros coup de boost "
Ton premier album "Hyper" a connu un bel accueil critique et public. Tu as tourné dans toute la France avec tes morceaux. Quel bilan tires-tu de ce premier chapitre ?
Un bilan hyperpositif ! Hyperpositif. Mes disques, je les écris, je les compose, je les produis. C'est une odyssée assez solitaire. Là, de la sortie du premier EP à la réédition, il s'est écoulé deux ans, il y a eu un an de tournée et il y a le nouvel album... Tout a été un peu décalé à cause des confinements, c'était complètement haché. Mais je l'ai bien vécu parce que je n'avais jamais sorti de disque avant. Ça m'a donné beaucoup d'énergie, en fait. C'était mon vrai premier album, quoi ! Ma première expérience en tant que chanteur. Et c'était génial. J'ai eu vachement envie de refaire un disque assez vite.

Une Victoire de la Musique, ça change quoi ?
Ça donne beaucoup de confiance, ça donne un gros coup de boost. Pour tout le monde : la famille, les gens qui ont cru en toi... Moi je fais des disques tout seul jusqu'au mixage, mais tu as besoin d'avoir une équipe autour de toi. C'est une chance tellement incroyable d'avoir le métier qui valide ton travail ! Ce sont les professionnels du spectacle qui votent, les gens des salles, des concerts. C'est comme si on m'avait sorti une banderole avec écrit "Bienvenue" dessus.

Après ces débuts acclamés, tu as ressenti la pression d'écrire ce fameux ''deuxième album'' ?
Pas vraiment, j'avais surtout hâte ! C'est ça qui m'a sauvé, j'avais trop envie de refaire de la musique, d'explorer vocalement, de travailler ma voix, de travailler les textes. J'ai commencé beaucoup par les textes sur cet album-là. J'avais envie de me raconter plus, d'ajouter un nouveau chapitre. Je ne voulais surtout pas me répéter. Je ne voulais pas refaire le même disque. Déjà ça, ça m'a donné la direction du deuxième. Le son a évolué.

Pour ton premier single, tu nous racontes ''D'où je viens''. Pourquoi cette envie, ce besoin peut-être, de revenir à l'essence de qui est Hervé ?
C'est un peu comme dévoiler les coulisses de l'histoire, donner les off. Il y a eu une vie avant tout ça, en même temps que tout ça, que les clips, les concerts. Je me suis rendu compte que parfois, sur le premier album, on ne comprenait pas tant ce que je voulais dire. Que les textes étaient assez cryptiques. Là, j'ai eu le besoin de me raconter, à travers mes origines, mes proches, l'histoire de ma famille. Quelles sont les valeurs que j'en tire. Il y avait quelque chose d'universel que je trouvais beau. C'était vraiment avec cette chanson que je voulais ouvrir l'album. Je ne l'avais pas du tout pensé en single, d'ailleurs. Je pose cartes sur table et on y va.



" J'ai un lien hyper fort avec la musique bretonne "
Tu y parles de ta grand-mère, de ton grand-père qui a fait la guerre et connu les camps. On hésite à se livrer de la sorte ?
Non. Non parce que c'est trop important ! Il n'y pas que toi. Leurs vies est tout aussi essentielles que la tienne. Il y a de la transmission là-dedans. Je n'ai pas du tout eu peur de ça, parce que c'est qui je suis. Ça a fait l'homme que je suis devenu. Je trouve ça intéressant que ça nourrisse mes chansons, je n'ai pas hésité. J'avais besoin de le dire je crois.

Dans ce titre, on entend résonner un bagad breton. Quel est le lien que tu partages avec la Bretagne ?
Mon père vient du nord de la Bretagne et y habite. Ma mère habite dans le sud de la région. J'ai toute ma famille là-bas. Je danse les danses bretonnes depuis que je suis tout petit ! J'ai un lien hyper fort avec la musique bretonne. Pour habiller ce texte-là, je trouvais ça génial. J'ai trouvé un extrait du bagad de Vannes, je l'ai samplé, je l'ai trituré, j'ai fait un beat dessus. Je me suis dit : "Wow. Y'a un vrai truc". Ça enlève des voiles. J'avais l'impression de parfois plus me livrer en interview que dans mes chansons, et moi je voulais vraiment me raconter à travers ma musique, à travers mes fantasmes de son. Je veux que ma musique me ressemble le plus possible. J'ai l'impression qu'avec ce deuxième album, et au fur et à mesure des morceaux, on commence à s'approcher de ce que je suis... aussi. Je dirais pas "vraiment" car le premier album, c'était vraiment moi aussi. J'avais mis longtemps à l'écrire mais je ne pouvais pas tout y mettre. Là, je complète le tableau, je l'enrichis. C'est une évolution qui vient d'une démarche très personnelle, un besoin venu très tôt dans l'écriture du disque.

" Je n'étais pas du tout adapté à la vie normale "
Dans une chanson, tu dis que cet album est ''comme un roman photo''. Il y a effectivement une foule de souvenirs que l'on décèle et dans ''25ème heure'', tu parles de ton enfance, de quand tu rêvais de « voir en vrai, voir en grand ». Tu te destinais au football, c'est ça ?
Ouais ! Y'avait ce truc de banlieue. Je pense que j'ai eu la même envie que ma mère quand elle a quitté la Bretagne, c'est-à-dire d'aller très vite dans le concret. Je n'étais pas du tout adapté à la vie normale. C'est pas que c'est pas bien ou que c'est mieux d'être différent, mais c'est comme ça ! Très vite, j'ai eu envie de me barrer, de voir autre chose, puis de faire du son, rencontrer des gens. Faire du studio surtout, parce que je voulais vraiment devenir producteur. Le travail du son, la passion du son. Cet objectif a un peu guidé toute mon adolescence. Je disais autour de moi : "Je vais plus au lycée, je me casse, je veux aller bosser". (Rires)

Et la passion de la musique, elle vient d'où ?
C'est un ressenti au fond de tes tripes. Un ressenti au son très fort puis la découverte de la production. Être sur son ordinateur, commencer à faire des boucles, façonner des morceaux... puis finir par réaliser mes propres albums. J'ai gardé le même fonctionnement qu'à l'époque. J'utilise encore les mêmes logiciels ! C'est un artisanat que je travaille depuis longtemps.

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" Je suis dans ma boîte à souvenirs "
Dans la chanson "Rester", tu chantes « Quand je suis né, papa n'était pas là / J'en porte les séquelles ». C'est une partie de ton passé avec laquelle tu as fait la paix ?
Il n'y a que de la paix. (Sourire) Je voulais qu'on le ressente dans le disque. Pour expliquer brièvement, je n'ai pas vraiment grandi sans mon père mais il était moins présent. J'ai surtout grandi avec ma maman. Mais je ne tire sur personne, je ne règle pas mes comptes. Au contraire, c'est que de l'amour. Mon père, je l'ai tous les jours au téléphone ! Je me suis construit avec et si j'en parle, c'est pour dire "peut-être que ça, ça vient de là". Quand tu montes sur la scène de l'Olympia, peut-être que tu te dis "c'est pas anodin". Est-ce que c'est la peur de l'abandon qui m'a poussé à aller dans un milieu que je ne connaissais pas, pour aller vers les autres ? Je ne sais pas. Je ne suis pas dans la revanche, je suis allé chercher des émotions que j'ai pu ressentir pour écrire ce texte. Je ne suis pas doute pas le seul à avoir vécu cette expérience donc je trouvais ça intéressant de le partager. Cet album vient en quelque sorte poser des instantanés - « les deux pieds dans l'impudeur », comme je le dis dans une chanson - qui jauniront sans doute un peu avec le temps mais me raconte, raconte mon histoire. Il n'y a pas de mensonges, pas de tricheries. Je suis dans ma boîte à souvenirs.

Une autre chanson en lien avec cette thématique est ''La lettre'', dans laquelle tu t'adresses à ton futur enfant. Pourquoi tu as décidé d'en faire une chanson ?
Je me rends compte qu'il y a beaucoup de prismes dans l'album. Il y a le prisme de la famille, pour mieux parler de soi. Ici, j'évoque ma future paternité, cette éventualité, pour me questionner sur le monde que je vais proposer à mon gosse, ce que j'ai fait pour le rendre meilleur. Si c'est un garçon ou une fille, est-ce que ce sera pareil ? Ça raconte, là aussi, le fruit de mon entourage et touche à cette idée de transmission. Parler de la paternité pour parler de soi et de son rapport aux autres.

En parlant de l'intime, on parle à l'universel...
Exactement !

" Je ne veux pas être un donneur de leçons "
Le monde qui t'entoure t'a inspiré un autre titre, "Chelou", qui adopte un ton un peu plus social. Tu parles des grandes inquiétudes de notre époque, d'écologie, du ''trou de la sécu'', des hôpitaux, ''des profs mal payés''... Ça te révolte ?
Je ne dirais pas que ça me révolte mais ça m'interroge. "Chelou", c'est vraiment un mec sur un banc avec des potes et qui se dit "Putain, c'est chelou". Mais y'a ce truc de distance. Je suis à la fois premier degré et surtout ne pas me positionner en donneur de leçons, dire "ça s'est pas bien, vous n'êtes pas bien". Quand je parle de burgers sur une aire d'autoroute, il y a ce clin d'oeil aux vaches qui explosent la couche d'ozone. Est-ce qu'on est pas chelou nous-mêmes ? Certainement.

Parler de sujets de société et de politique quand on fait de la musique, c'est un terrain qui peut être casse-gueule. Comment on fait pour éviter cet écueil-là ?
Bah moi je dis que c'est juste chelou. (Rires) C'est ça mon axe, c'est vraiment ce que je pense. Comme je ne sais pas par où commencer le discours, c'est quasiment le toast. C'est chelou, c'est tout ce que je vais dire. Je ne vais pas dénoncer le gouvernement ou je ne sais pas...

Il ne s'agit pas forcément de pointer du doigt quelqu'un, mais plutôt de faire état d'une réalité. Comme quand tu parles des hôpitaux.
Les hôpitaux et la santé, c'est un truc de fou oui. Mais c'est pour ça que j'en ai fait un titre punk, un peu à l'anglaise. A la fin du morceau, je dis : « Le Cac 40 qui paye pas d'impôts chez nous / Alors qu'on les engraisse un peu plus chaque jour / Si tu m'écoutes en ce moment c'est qu'ils touchent / Mais j'te demande pas d'arrêter si ça te touche ». Je me mets dedans ! On est tous pareils.

Mais ça te plairait d'aller plus frontalement sur des titres engagés ?
C'est pas à ma place et à la fois ça l'est. Là mon message, ce sont des interrogations plus que des avis. En plus l'album sort en pleine crise sociale, mais voilà, je suis content d'avoir soulevé quelques points et qu'en même temps tu puisses sourire pendant le titre, qui ne se prend pas trop au sérieux. Je ne veux surtout pas être un donneur de leçons.

" Quand je crée des morceaux, je les pense déjà sur scène "
Tu remonteras dès le mois prochain sur scène. A quoi va ressembler ta tournée ?
C'est la première fois que je vais enchaîner les dates aussi vite. On y va direct. La dernière fois, j'avais attendu un an ! L'avantage, c'est que les deux albums m'offrent un panel d'émotions beaucoup plus large maintenant. Le deuxième groove un peu différemment. Bon ça danse toujours, mais il y a des moments plus posés, vocalement aussi, pour mieux mettre en valeur l'énergie à d'autres moments. J'ai juste trop hâte. Là, on est en train de monter le live. C'est fou parce que le disque est né dans ma piaule, il y a le mixage et le mastering, la promo et les clips, et après la scène. Tout va ensemble pour moi. Quand je crée les morceaux chez moi, je les pense déjà sur scène. "Celui-là il va rentrer à tel moment, celui-là c'est le premier titre qu'on va jouer c'est sûr", "qui va jouer quoi", "quel est l'intention du morceau"... Je m'imagine le spectacle dans ma tête. Comme sur le disque, il n'y a pas de filtre. Sur scène, il y a une dimension physique, c'est le contact réel. C'est le terrain, la vérité. J'ai toujours à coeur de donner le meilleur de moi-même.

Tu écris, tu composes, tu chantes, tu touches à la production, la réalisation... Tu as plein de cordes à ton arc. Est-ce qu'il y a un objectif qu'il te reste à accomplir ?
C'est vrai que ça fait déjà pas mal de casquettes. (Rires) L'avenir nous le dira ! Mais le cinéma m'intéresse, peut-être acteur et pourquoi pas un jour réalisateur. C'est une question qui se pose. C'est dans l'air... Mais ça demande beaucoup d'implication. Les deux albums se sont enchaînés très vite, mine de rien. Je fais toujours les choses à fond. Quand je le ferais, je serais à 200%.

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