Crédits photo : Abaca
Propos recueillis par Julien Gonçalves

Pure Charts : Ton troisième album est sorti le 23 juillet et est devenu disque de platine en cinq semaines. On peut dire que "La vie est belle" ?
Keen'V : (Rires) Bien trouvé. Oui c'est vrai ! Le précédent album "Carpe Diem" avait été platine en quatre mois, donc là on va encore plus loin, ça prouve que mon public s'est agrandi, et que l'album plaît donc ça fait vraiment plaisir.

Est-ce que tu t'attendais à un tel succès ?
Ah non non, quand tu sors un album, tu ne sais pas si ça va marcher. Tu te poses un milliard de questions. "Est-ce que ça va plaire, est-ce que je vais décevoir le public ?". Tu es dans le flou total et tu ne peux pas vraiment prévoir l'accueil. Mais voir que ça marche toujours, c'est vraiment cool !

Oui, surtout quand on a signé un tube, notamment de l’été, comme ce fut le cas avec "J’aimerais trop", la suite peut souvent être difficile… Comment tu expliques que ça marche autant ?
"J'aimerais trop" a été une vraie surprise, on ne pensait pas du tout qu'il deviendrait un tube de l'été car on l'avait envoyé en radio pendant l'hiver. Je pense que ce qui a fait le succès du titre, et de ce nouvel album, c'est qu'on est là depuis plus de trois ans, on a fait la tournée des clubs, donc forcément ça fidélise les gens et ça fait grandir le nombre de fans. Et si les gens achètent "La vie est belle", c'est parce qu'ils ont aimé "Carpe Diem", et ce sera pareil pour le prochain j'imagine.

D’ailleurs "La vie est belle" est sorti un an seulement après "Carpe Diem". On peut dire que tu enchaînes. Pourquoi ?
Simplement parce que les morceaux étaient prêts ! Je pense que ça ne sert à rien d'attendre, pour moi il n'y a pas de date pré-définie, je ne pense pas comme ça. Moi je fais de la musique, le marketing ce n'est pas pour moi. Le prochain album devrait arriver dans un an aussi, ça m'amuse de travailler comme ça, et j'ai la chance d'avoir encore beaucoup d'inspiration donc je ne vois pas pourquoi je me priverais.

Autre surprise, quand on écoute un album de Keen’V, on ne s’attend pas à écouter 19 titres. Pourquoi avoir choisi autant de morceaux ?
Pour les mêmes raisons. J'avais validé tous ces titres donc pourquoi ne pas les mettre sur l'album ? Et puis pour être honnête, je ne pourrais pas sortir un disque avec 10 ou 12 chansons seulement, par respect pour ceux qui achètent. Ça n'engage que moi, mais c'est de l'arnaque. En proposant 19 titres, au moins les gens en ont pour leur argent. Et puis c'est bien, car plus il y a de titres plus je peux proposer différents styles musicaux sur un même album.

En parlant de ça, on évoque souvent l’aspect exotique de tes titres, mais tu tentes une orientation pop-rock sur "Héroïne" et plus dance sur "Contre son corps". C’est important pour toi de faire évoluer ta musique ?
Oui complètement. Il y a trois ans, je faisais du ragga car le style était au summum de son apogée, là je fais des titres ensoleillés car c'est ça qui plaît, mais ce n'est pas dit que dans deux ou trois singles, je ne change pas de style. Ça m'amuse beaucoup.

A regarder le tracklisting de plus près, on peut lire "Ma vie au soleil", "La vie est belle", "Prince charmant", "Le plus beau jour"… Qu’est-ce qui te rend si positif, si heureux ?
Je ne suis pas toujours très positif sur l'album, il y a aussi des titres plus tristes, mais dans la vie je crois qu'il faut toujours voir les choses du bon côté, comme dans la musique, sinon on tombe dans Lana Del Rey et on se suicide ! (Rires) Bien que la vie ne soit pas rose, il faut la prendre avec le sourire. Je ne changerai pas le monde avec mes textes, alors autant le rendre un peu plus sympathique.

Mais on peut lire aussi des titres plus coquins, comme "En dessous (de la ceinture)", "Encoooore" ou "Tu vas prendre cher"...
(Rires) J'écris ces titres quand je suis en manque ! J'écris beaucoup quand je suis en vacances, et en vacances, je suis en manque. C'est pour ça que je pars d'ailleurs, je coupe le téléphone, Twitter, tous les trucs du quotidien. "J'aimerais trop", je l'ai écrite au ski par exemple. Et puis, mon but c'est de divertir les gens, de leur donner un peu de délire à ma façon. Après évidemment, ça peut ne pas plaire à tout le monde...

Et tu n'as pas peur justement de ne pas être pris au sérieux par la profession ou même par le public à toujours chanter de la musique festive, un peu légère ?
Même moi, je ne me prends au sérieux. Je ne tomberai pas dans l'erreur de vouloir plaire à tout le monde, car ça voudrait aussi dire que je plairais à n'importe qui au final. Je me moque vraiment de ce qu'on pense de moi, car je sais qui je suis. Je fais mon truc, j'essaie de plaire à ceux à qui je plais depuis pas mal de temps, et peu importe le reste.

D’ailleurs, après Valérie Bègue, qui avait réagi avec humour à "J’aimerais trop", là tu récidives et tu évoques Clara Morgane sur le titre "Clara".
A aucun moment, je dis que je parle d'elle...

Les paroles sont limpides pourtant. "Clara, je suis morgane de toi, j’en ai souillé mes draps".
(Rires) "Morgane de toi", c'était pour faire une référence à Renaud.

Bien sûr... ! Et tu sais, si elle a écouté le morceau ?
Oui, je sais qu'elle a écouté le morceau, et qu'elle n'a pas du tout aimé. Il faut croire que Valérie Bègue a beaucoup plus d'humour... Il n'y a rien de grave, c'est juste une chanson.

Sur le titre "Où va le monde", tu fais un constat assez triste de notre société et tu évoques la famine et le Sida. Tu aspires un jour à faire plus de titres à texte, plus profonds, voire engagés ?
En fait, j'en ai toujours fait. Sur tous mes albums, tu trouveras des textes plus engagés que d'autres. Maintenant, j'ai été connu médiatiquement avec "J'aimerais trop" donc je ne peux pas envoyer "Où va le monde" en radio par exemple, je ne suis pas crédible. Mais je m’octroie le droit d'inclure des titres plus profonds sur mes disques. Je le fais surtout pour mes fans, même si je n'aime pas ce mot. Et donc pour répondre à ta question, oui je continuerai à en faire.

Tu as évoqué à plusieurs reprises ton prochain album, tu travailles déjà dessus ?
Oui, mais en fait je ne travaille pas un album comme on travaille un disque habituellement. Je ne me dis pas : "Tiens, il me faut 14 titres, je vais les faire". Continuellement, quand j'ai du temps libre, je vais en studio, je fais des morceaux, et je les garde. Je les laisse mûrir comme du vin, je valide ceux qui me conviennent. Là, j'ai déjà six titres d'avance pour le prochain album.

Donc, en fait, tu fais ta musique sans pression. C'est peut-être ça aussi qui plaît au public ?
Oui je pense que tu as raison. Quand je vais au studio, j'y vais par plaisir, et non pas parce que je dois y aller et rendre mes titres à une date limite. Je ne fais pas ça dans une démarche de vendre, même si bien sûr le plus beau cadeau pour un artiste c'est quand on achète ce que tu fais. Je fais mes morceaux dans le délire, je m'amuse.

On sait finalement peu de choses sur tes goûts. Quels sont les artistes et albums que tu écoutes en ce moment ?
J'écoute vraiment de tout et tout le temps. Mais en ce moment, je suis beaucoup sur Alex Clare, C2C, et je me fais même un revival Busta Rhymes. Ah, et Nicki Minaj aussi, j'aime bien.

Il y a deux artistes peu connus en duo sur l’album, Lorelei B et Nawaach. Il y a des artistes français et internationaux avec qui tu aimerais collaborer ?
Franchement, non. J'aime bien travailler en équipe, en famille. Nawaach, il m'accompagne sur scène depuis quatre ans, et Lorelei B, c'est ma sœur ! Après, si jamais j'ai un coup de cœur humain avec un artiste, je ferai un featuring, mais sinon je ne cours pas après dans le but de faire un coup commercial, ça ne m'intéresse pas.

Avec le succès du disque, j'imagine qu'une tournée est prévue bientôt ?
On va essayer de faire une grande salle parisienne, oui. On l'avait promis aux fans, si on arrivait à être disque de platine avec "La vie est belle", donc on est en train d'y réfléchir. Mais ça me fait un peu peur, car j'ai l'habitude de faire des petites scènes, et j'aime le côté intime. Le truc aussi, c'est qu'en club, je chante que les titres festifs pour faire le show, alors la grosse difficulté pour moi, ça va être de passer d'un titre second degré comme "J'aimerais trop" à un titre sombre comme "Où va le monde", où je vais devoir être posé, concerné, sincère. Mais je vais y arriver !

Lors de ta première interview pour Pure Charts, tu vivais encore à Rouen, c'est toujours le cas ?
Oui !

Mais alors, le succès n'a rien changé dans ta vie ?
Pas grand-chose, mis à part que je dois me déguiser pour sortir tout le temps, sinon on me reconnaît. Mais sinon, ça va, je vis ma vie tranquillement, tout va bien.

En janvier dernier, tu as décroché le NRJ Music Awards de "la révélation francophone de l'année". En 2013, tu veux celui de l’artiste masculin ?
Si le public a envie de me le donner oui, maintenant je ne m'attendais pas du tout à recevoir le premier trophée, alors je ne m'attends pas au prochain non plus. Je laisse faire les choses.