
Salut Aurélien, le grand jour est arrivé ! Ton nouvel album "Le chant des sirènes" relayé sur la Toile par différents teasers depuis quelques mois, est en bacs ce lundi, quelle est sa différence fondamentale avec son prédécesseur (Thierry Cadet) ?
OrelSan : La différence essentielle est la maturité je pense, et aussi le fait que les thèmes sont moins centrés sur ma vie, ma personne. Cet album est plus tourné vers les autres, que ne l'était le précédent "Perdu d'avance" (ndlr : Top 20 en 2009).
Youssoupha a posté le même jour que toi le clip "Menace de mort", avec le même procédé, la même réalisation que celui de "Suicide social". Quels sont tes impressions ? Penses-tu qu'il y ait eu des fuites en interne ?
Visionnez le clip d'OrelSan, "Suicide social" :
On se reconnait tous au moins dans une phrase de "Suicide social", dont le but est plus de dépeindre notre société dont on est tous acteurs, plutôt que de la dénoncer, non ?
Bien sûr ! Tu sais, je me reconnais au moins dans une vingtaine de phrases du morceau (sourire) ! Je vais te dire, au début j'avais rajouté un p'tit huit mesures qui disait « et tous ces gens dans lesquels je retrouve une partie de moi-même, et qui font que je me déteste bla bla bla », et puis après je me suis dit que l'explication c'est la balle dans la tête du personnage à la fin du titre, c'est tout. Tout est dit, y'a pas besoin d'en rajouter ou de se justifier.
Mais c'est risqué, c'est à double tranchant...
Grave. Mais c'est ce que j'aime dans la musique ou l'art en général. Quand je vois un film, j'aime bien me poser des questions sur moi-même, je pense être capable d'analyser les choses. Le rôle des artistes est de véhiculer des émotions. Le reste, l'éducation par exemple, c'est le rôle de l'Etat, des parents, de l'Education Nationale, mais surtout pas des artistes, sinon après il reste rien...
As-tu de vrais amis dans le milieu du rap ? As-tu conscience aussi qu'avec ce nouvel album, tu deviens le rappeur préféré des bobos ?
(rires) Oui j'ai des amis dans le rap, mais je vais te dire un truc, j'ai l'impression que rappeur pour bobos c'était plutôt le cas sur le premier album, là je crois que je deviens plus populaire, au sens large.
Au détriment de ton public de base ?

Alors, OrelSan aux Enfoirés l'année prochaine ?
(rires) Franchement, je ne sais pas si j'irai si on me proposait. Je réfléchirais pour le côté caritatif crée par Coluche, qui est d'aider les gens. Après, je sais qu'il y a des gens qui ne veulent pas que je rentre dans le système, mais d'un autre côté si on veut faire changer des trucs, faut bien être un peu dans le système, avec toujours un discours différent et sincère... Je m'en fous des étiquettes, au final la vie c'est pas ou tout blanc, ou tout noir.
Quelle est la part d'autobiographie dans tes textes ? Dans "Le chant des sirènes" par exemple ?
On ne sait pas vraiment où ça commence et où ça s'arrête c'est ça (sourire) ? Y'a des choses vraies mais y'a des choses fausses aussi, qui se passent d'ailleurs dans un futur parallèle.
Pourquoi avoir divulgué des extraits du disque au fur et à mesure sur la Toile, six au total avant sa sortie, c'est quand même très risqué... c'est quitte ou double parce que si les gens n'aiment pas les cinq morceaux, ils n'achèteront pas ton album...
Oui, mais il en reste quand même dix sur le disque !
Entre "Raelsan", "Plus rien ne m'étonne", "Le chant des sirènes", "Double vie" , "1990" et maintenant "Suicide social", quel est le single officiel ?
(rires) Je t'avoue qu'on n'y comprend rien, mais c'est ça que je voulais. Je ne voulais pas être juste résumé à une chanson. Une seule chanson ne représente pas mon album. Le disque s'écoute dans son intégralité, il est construit comme un film, avec de l'humour, du suspens, un début et une fin.
Mais on peut aussi dévoiler les singles avec six mois d'intervalle...
Tu préfères donc prendre le risque de moins vendre...
Je pense que ceux qui achètent un album, c'est parce qu'ils veulent l'objet, qu'ils veulent soutenir l'artiste. Donc, ces gens là de toutes façons l'achèteront s'ils aiment les extraits sur le Net. Les autres ne l'auraient pas acheté de toutes façons (sourire)...
C'est pas pareil... ce n'est pas pour ça que je le fais. C'est vrai qu'on a tendance à dire que le disque se casse la gueule, mais que ce n'est pas grave parce qu'il y a la scène. En fait ce n'est pas du tout les mêmes acteurs... Par exemple mon tourneur et ma maison de disques sont deux choses différentes, mes morceaux sur scène ne sont pas arrangés de la même manière que sur le disque, pas dans le même ordre, et honnêtement s'il n'y avait que la scène, je ne vivrais pas. Parce que c'est un groupe, que je dois payer mes musiciens etc. Je ne suis pas tout seul, mes musiciens ne viennent pas à l’œil, et c'est complètement normal (sourire).
Visionnez le clip d'OrelSan, "1990" :
Quelle formation as-tu sur scène ?
Joueras-tu "Sale pute" sur scène ?
Non. Je ne l'ai jamais joué sur scène, ou une seule fois peut-être, en 2005 ou 2006, parce que je n'avais pas d'autres morceaux.
Ce titre par lequel est venu la polémique, l'assumes-tu toujours ?
Oui, carrément. En fait, je l'assume surtout de l'avoir fait. Parce que c'est une époque, ça fait partie de mon histoire, et je sais très bien pourquoi je l'ai fait. Après, dans la forme, je l'ai enregistré avec un micro pourri, dans un ordi qui n'avait même pas de carte son, c'était pas mon “master pistes” (sourire).
(rires) Elles ne m'appellent plus ! Non, sérieusement je crois qu'elles ont compris qu'elles s'en prenaient à la mauvaise personne. Il y a eu une période de flottement, dans les médias y'a eu un doute parce que personne ne me connaissaient pas, et forcément c'était difficile de se défendre. Tout ça m'a fait de la mauvaise pub... Mais j'ai appris mon métier, et maintenant je m'exprime et je m'explique mieux.
As-tu conscience que ça puisse être maladroit de débarquer avec un texte comme ça ?
Ce n'était qu'un clip avec des images pour justifier que ce n'était pas si violent dans le propos, et surtout qu'il fallait aussi le prendre au second degré. Même si certains gars pensent ce genre de choses, c'était plutôt pour souligner que ça existe, plus que pour le cautionner.
Penses-tu aux parents et aux proches de Marie Trintignant quand tu déclares « ferme ta gueule ou tu vas te faire “Marietrintigner” » ?
Non, bien sûr que non. C'est une façon de dire 'voilà vous avez fait du voyeurisme dans les médias, vous avez parlez de l'affaire pour vendre du papier'. C'est comme ça que fonctionne notre société et c'est malheureusement rentré dans le domaine public maintenant. C'est devenu le symbole de la violence conjugale, et les faits sont beaucoup plus violents que ma chanson.
Ça c'est l'interprétation des gens. Ce que je fais c'est une œuvre, et chacun ensuite est libre d'y mettre ce qu'il veut. Tout le monde a le droit de dire aux enfants « attention, ne prenez pas ça de travers », et d'expliquer les choses, mais ils n'ont pas le droit de censurer. Et là ce n'était que de l'interdiction, des procès, des répercutions politiques qui n'avaient aucun sens, des mairies qui faisaient des menaces sur les salles de concert pour les priver de subventions, hors les subventions depuis, elles n'existent plus... comme quoi c'était bien un truc pour faire passer une pilule, ils devaient sucrer les subventions, et l'affaire était idéale. J'ai rencontré des associations, ouvert le dialogue, des fois y'en avait, et des fois y'en avait pas. Et puis je ne suis pas un journaliste, je ne donne pas de points de vues, je suis un artiste et je livre des œuvres.
(rires) Ça ne peut pas être Luce parce que c'est une chanson que j'ai écrit il y a un an et demi. Mais ce qui est drôle, c'est que les gens ne savent pas où commence et où s'arrête la fiction (sourire). Moi je suis juste content d'avoir écrit une chanson avec Luce, parce que c'est ma pote !
Ecoutez le duo de Luce et OrelSan, "La machine" :
Et c'est d'ailleurs la meilleure chanson de son album, avec aussi "La symphonie d'Alzheimer"...
Merci c'est gentil. Tu sais, je lui ai aussi écrit "Apocalypse", et cette chanson, Luce et moi on l'avait dirigé sur le thème des dégâts de la drogue MDMA... évidemment tu images bien que c'est difficile de passer en radios avec un tel sujet, la maison de disques n'a pas voulu (sourire).
Si je te dis “OrelSan l'incompris”, tu me suis ou pas du tout ?
Non... je ne vois pas comme un incompris, dans le sens où il y a beaucoup de gens qui comprennent ce que je fais. Après je crois qu'il y a que moi qui ai mes propres vérités. Tu peux aimer une chanson sur l'album, et en détester une autre, c'est normal. Il y a une marge entre "Raelsan" et "Suicide social" par exemple. Je ne me sens pas comme le Van Gogh de la musique en tout cas (sourire).
Ce n'est pas que je n'aime pas Grégoire. Quelqu'un qui arrive à faire une chanson qui plait à autant de gens, je suis obligé de respecter un peu, quelque part. Parce que je cherche à le faire, et parce que quand ma grand-mère dans la voiture chante Grégoire, je ne peux pas détester ma grand-mère... Mais d'un autre côté, le texte je le trouve nul, « toi + moi + lui », et j'ai envie de signaler aux gens qu'il y a aussi d'autres trucs. Ecoutez ça si ça vous divertie, mais y a aussi des trucs biens (sourire). Et ce n'est une question de style, parce que j'adore Goldman, Balavoine, Cabrel, c'est de la bonne variété. Ce sont des bonnes chansons. Même France Gall tu vois, "Hong Kong Star" ou "Bébé requin". Grégoire ou Zaz aussi, je trouve ça racoleur. C'est pas ça qui va nous tirer vers le haut.
Tu as toi aussi, de nombreux textes racoleurs...
(sourire) Oui, carrément, mais que Grégoire me dénonce alors (rires) !
Qui écoutes-tu parmi la nouvelle génération ?
J'aime Selah Sue, Camélia Jordana, Cœur de Pirate, Biolay, après j'écoute quand même beaucoup de rap. J'ai acheté l'album de Stromaé aussi. J'aime bien son mixe entre la chanson, le rap et l'électro. Après Guillaume Grand ou un truc comme « dam dam déo », je trouve ça trop varièt'.
Merci de ta franchise Aurélien, à très bientôt. Bonne chance pour l'album.
Merci à toi Thierry.
Visionnez le clip d'OrelSan, "Raelsan" :