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dimanche 13 décembre 2020 11:46

Pomme en interview : "En France, il y a beaucoup de codes à respecter pour être médiatisé"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
A l'occasion de sa récompense aux Grands Prix Sacem, la chanteuse Pomme se confie sur son année 2020 décisive. A notre micro, l'artiste fait le bilan après le succès des "Failles", revient sur le coup de projecteur des Victoires de la Musique, analyse la médiatisation en France et aborde la question du prochain album.
Crédits photo : Emma Cortijo
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Tu as reçu le Prix Francis Lemarque de la révélation aux Grands Prix Sacem, qu'est-ce que ça te procure comme émotions ?
C'est assez particulier. Déjà, cette année, finalement c'est l'année des prix musicaux pour moi, donc c'est bizarre parce que c'est l'année du Covid et l'année des accomplissements en même temps. C'est à moitié youpi et à moitié bizarre. Cette année, il n'y a pas de cérémonie pour les Grand Prix Sacem, avec des lives, dans un bel endroit, donc c'est forcément un peu irréel, moins concret. Sans parler du contexte, c'est toujours agréable de recevoir ce genre de prix, c'est une reconnaissance de l'industrie, pas du public, donc c'est particulier, c'est interne. C'est important parce que c'est une industrie dans laquelle j'évolue et qui me permet de faire ma musique, et surtout la Sacem qui protège les droits des auteur.e.s, compositeurs et compositrices. Ça a été important pour moi de m'affirmer en tant qu'auteure et compositrice, et pas juste en tant qu'interprète. Symboliquement, ce prix a une importance pour moi, parce que c'est la Sacem, et donc on parle de chanson, d'écriture, de composition.

" Les prix, c'est génial mais je ne m'attends jamais à les avoir "
C'est important pour toi les récompenses ?
C'est difficile pour moi de parler des prix parce que ce n'est pas si important. Je ne mets pas trop de valeur dans les récompenses, sinon je trouve que faire de la musique perd tout son sens. C'est hyper chouette mais tu vois, quand j'ai été nommée aux Victoires (de la Musique, ndlr), je me disais que c'était largement suffisant, car je ne l'imaginais même pas. J'étais ultra choquée d'être nommée, et d'avoir gagné, je ne l'ai toujours pas réalisé. Ce n'est pas quelque chose que je mets dans ma liste d'objectifs. J'y mets une valeur où je suis toujours surprise et heureuse. J'ai toujours fonctionné un peu différemment de plein d'artistes "pop". Je n'ai jamais vraiment été diffusée sur les radios jeunes, comme NRJ ou Virgin, je n'ai jamais eu de soutien à 360 degrés. J'ai toujours été dans plein de catégories et aucune catégorie à la fois. Les prix, c'est génial mais je ne m'attends jamais à les avoir car j'ai l'impression d'être un peu hors champ. Et puis il y a ce côté compétition, avec des gens qui gagnent, d'autres qui perdent. C'est un peu réducteur. Donc c'est chouette mais j'essaie de ne pas y mettre trop d'énergie.

Regardez le clip "Chanson For My Depressed Love" de Pomme :



En tout cas, il y a eu un avant et un après pour toi grâce aux Victoires de la Musique...
C'était tellement inattendu et une énorme opportunité pour moi. Bien entendu, ça a eu un impact énorme car plein de gens ne me connaissaient pas avant, puisqu'avant les Victoires, je ne passais pas à la télé et j'étais beaucoup moins médiatisée. Pour certains artistes, c'est dans la continuité. Quand ils sont nommés aux Victoires en révélation, ça fait déjà six mois qu'on en entend parler partout. Pour moi, c'était différent. J'avais sorti un album qui arrivait tranquillement aux oreilles des gens. Ça a été une des plus grosses expositions de ma vie. Ce qui était marquant, au-delà de gagner le prix, c'était de chanter ma chanson sur une chaîne nationale avec cette exposition-là. Ce n'était jamais arrivé. Ma vraie première télé c'était "C à vous" en janvier dernier, où j'ai été invitée quand on a su que j'étais nommée aux Victoires. J'ai été médiatisée à partir de ce moment-là.

" En France, il y a beaucoup de codes à respecter "
Et cette médiatisation-là, elle te convient ?
Oui, carrément ! Je suis hyper à l'aise avec le fait d'être médiatisée sur certains médias et de ne pas rentrer dans les cases de certains autres. On parlait des radios comme NRJ ou Virgin, je sais très bien que ma musique ne fonctionne pas avec les codes de ces radios-là, mais ça ne me frustre pas. Tu m'aurais posé la question il y a quatre ans, je pense que je n'aurais pas répondu la même chose car je ne savais pas à 100% où je voulais aller et j'avais envie de trouver un public. En ayant trouvé mon public, et en étant sûre de ma proposition artistique, ce ne sont pas des trucs sur lesquels je me focalise. Et si un jour ces radios-là et les médias de plus grande audience s'intéressent à ma musique, c'est tant mieux et je serais ravie d'aller leur expliquer mon travail. Mais ce n'est pas ce que je recherche. Dans ma création, je m'éloigne le plus possible de ces objectifs-là pour créer selon ce que j'ai envie de faire et non selon les attentes de l'industrie de la musique. Mine de rien, la France, c'est un pays qui reste ouvert mais il y a beaucoup de limites, de codes à respecter pour avoir accès à une médiatisation de masse. Il y a plein de codes que je ne respecte pas, et je n'ai pas envie de me mettre à respecter ces codes-là juste pour passer à la radio.

C'est très sain, quelque part.
En fait, j'ai l'impression que ça a été un développement à l'ancienne. Tout le monde a découvert mon album par un biais différent. Les Victoires ont mis un énorme coup de projecteur sur mon projet, mais avant ça, pendant quatre ans, ils me découvraient en première partie d'un artiste sur scène, ou sur une vidéo sur YouTube, ou même sur Instagram car Angèle partageait ma musique et qu'elle est suivie par des millions de gens. Je trouve ça trop cool parce que c'est aussi plus facile de fidéliser les gens plutôt que d'être partout pendant un an et que les gens se lassent. Pour moi, c'est plus organique et plus lent, et c'est une chance. Après, ce n'est pas toujours facile parce que parfois c'est frustrant aussi, mais ça installe la musique de manière plus saine et plus durable.

Regardez le clip de "Anxiété" par Pomme :



Est-ce que le succès, l’amour du public, les prix, ça apaise l'anxiété et ça booste la confiance en soi ? Ou est-ce que ça développe d'autres angoisses ?
C'est une bonne question que je me suis beaucoup posée parce que mon album ne parle que de ça. (Rires) Pendant un an et un mois depuis la sortie des "Failles", j'ai gagné en assurance d'une certaine manière, parce que c'est comme si j'avais été validée par énormément de gens dans mes peurs, mes anxiétés. C'est un énorme cadeau. Mais ce n'est pas forcément une confiance que je peux transposer dans mon quotidien. C'est sûr que c'est un moteur, ça me sert à avancer dans plein de choses, mais je ne peux pas me servir que de ça comme carburant pour avoir confiance en moi, me développer et m'aimer moi-même. Ça reste une espèce de confiance de surface parce que les gens, je ne les connais pas vraiment et ils ne me connaissent pas vraiment, peut-être à 10%. L'autre partie m'appartient à moi et mes proches. J'ai aussi besoin de me développer par autre chose que mon projet musical et mon identité artistique.

" Pour l'instant, il n'y a pas de nouvel album à l'horizon "
Tu travailles déjà sur ton prochain album ?
Pas trop je t'avoue. J'aimerais bien pouvoir te dire oui. Je suis un peu en train d'encaisser tout ce qu'il s'est passé depuis un an. J'ai vécu les six mois les plus intenses de ma vie et ensuite, dès mars, il y a eu ce gros ralentissement qu'on a tous connu et qui a été super bizarre. J'ai vécu de gros changements de dynamique toute l'année. Donc j'ai du mal à faire comme si tout était normal et hop je me remets dans un truc de création pour un autre album. J'ai du mal à écrire, j'ai essayé ces dernières semaines... Et puis, les trois inédits de la réédition Halloween ont été écrits récemment, entre juin et septembre. J'essaie de prendre du recul et de lâcher prise parce que je sais que ça va venir, mais je ne sais pas quand. Pour l'instant, il n'y a pas de nouvel album à l'horizon, mais il va y avoir la tournée, qui n'a pas pu avoir lieu et qui sera de mars à août 2021 si tout se passe bien.

Comment tu as vécu ce coup d'arrêt de ta tournée ?
C'est hyper trash de finalement travailler pour arriver à cet accomplissement qu'est la tournée... Pour moi, c'est vraiment le but de tout ça. Le reste n'a pas de sens sans ça. Et tu te fais couper l'herbe sous le pied après avoir fait 20 concerts sur 120, c'est hyper violent. Au début, ça ne m'atteignait pas tant car je me disais qu'on allait reprendre. Et puis au fil des annulations, en juillet-août, j'étais en bad, et ensuite j'y ai cru pour l'automne mais non. Il y a un truc d'adaptation permanente. Il faut trouver de l'espoir mais ça n'a été que du up and down permanent depuis mars. Je n'ai jamais autant appris à lâcher prise de toute ma vie, mais heureusement sinon tu vrilles. Mais j'ai bon espoir pour le printemps, c'est toujours un moment de renaissance, de possibilités. Je suis en mode : "Ça va le faire".

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