Crédits photo : Facebook officiel de Gérard Lenorman
Pourquoi un album de duos ? Pour faire comme vos camarades, Serge Lama, Michel Delpech, Adamo, Régine ou à venir Nana Mouskouri et Alain Chamfort (Thierry Cadet, Rédacteur en Chef adjoint) ?
Gérard Lenorman : Je ne voulais surtout pas faire ça. Mais en fait, Bertrand Lamblot qui a réalisé ce disque, avec Benjamin Constant et Christian Lachenal du Studio de Montreuil, sont venus à moi quand on a décidé de le faire... parce qu'à la base ils voulaient me faire ré-enregistrer mes chansons. J'ai dit non. Ça a duré un an, et puis un jour il me dit « et faire des duos avec d'autres artistes ? ». Je lui dis « encore moins ».
(rires) C'était pas gagné !
Je ne voulais pas, et je croyais surtout qu'on ne trouverait personne.
Vous sous-estimiez-vous à ce point ?
Oui. Un peu con.
Toutes vos chansons font partie de l'enfance des gens qui appartiennent à ma génération par exemple...
Votre album regroupe des artistes issus de tous labels, de MyMajorCompany, Warner, Universal... il ne s'agit donc pas, comme dans bien des cas, du duos arrangés ?
Ça a été un cadeau de plus. Mais de toutes façons ce disque est un cadeau de A à Z. Et vous savez, je le dis vraiment avec beaucoup d'honnêteté, je ne suis pas un truqueur. Je ne triche pas, c'est le problème de ma vie, être marginal parfois ça pèse... j'ai toujours l'impression d'être le mal aimé (il chante la chanson de Claude François)... et comme je suis un grand solitaire, j'ai fini par y croire (sourire). Et puis d'un autre côté c'est peut être aussi quelque chose de chanceux de ma part.C'est probablement pour ça que les gens vous aiment, non ?
Je crois. On sait que je ne buffle pas, je ne fais pas les choses pour ceci ou pour cela, je les fais d'abord avec passion et conviction. Et en plus, concernant cet album, je trouve que la revisite de ces chansons est particulièrement réussie.
Connaissiez-vous tous les protagonistes du disque ?
Oui, Pagny, Fiori... Zaz comment voulez-vous passer à côté d'un tel personnage (sourire) ! Anggun on s'était déjà croisé il y a dix ans, avec Stanislas on avait déjà eu un projet d'album comme celui-ci, dans la création, mais ça ne s'était pas fait...
Ecoutez un extrait du duo de Gérard Lenorman et Shy'm, "Les jours heureux" :
Il n'y avait qu'elle pour chanter cette chanson, non (sourire) ? Surtout que je trouve qu'on lui a redonné une vraie vie. Chose qui n'avait jamais vraiment existé. J'en avais fait plusieurs enregistrements, et je ne trouvais pas son style. J'ai demandé à Bernard Estardy de me trouver une console, on était en pleine tournée à Saint-Raphaël à l'époque je me rappelle, et je lui dit cette chanson ne me plait pas, ça ne marche pas. Cette chanson doit être un échange avec le public, on doit se lier et vibrer avec elle, je dois leur parler. Je commence, je chante un couplet, et on a fait une prise. Le public était là, j'ai enregistré "La ballade des gens heureux" avec eux, en direct. Elle s'est enregistrée en 6 min (rires) ! Et là avec Zaz, on a réussi à faire évoluer le titre, on a une espèce de fanfare des Beaux Arts de rues derrière, le ukulélé qui donne une couleur très particulière, et le mixe est très réussi.
Et là aussi, une seule prise ou plusieurs (sourire) ?
Non là ça été un peu plus difficile. On avait le gimmick, mais c'est dur de tenir juste sur un gimmick, c'est une base mais il faut le faire évoluer. Et cette nouvelle version est magique et surtout, vivante.
Pourquoi la chanson "Voici les clefs" s'est retrouvée en qualité de premier single ?
Ah ça mon cher, je ne choisis pas (sourire) ! Je ne m'en occupe pas, je fais confiance à la maison de disques. Personnellement je n'aurais pas pris ça pour me présenter avec cet album mais comme je les aime toutes... après j'ai des préférences, et on a tous des choix différents (sourire). Mais aimez-vous le titre de l'album et son jeu de mots ? "Duos de mes chansons", "Du haut de mes chansons"... (sourire) ?
Visionnez le clip de Gérard Lenorman et Tina Arena, "Voici les clefs" :
Je suis un peu déçu par contre qu'il manque au tracklisting "Gentil petit dauphin" et "La petite valse", pour quelle raisons ?
Alors je vais vous expliquer. Quand j'ai accepté cet album de duos, j'ai demandé une chose, d'abord que des gens que j'aime et qui m'aiment...
Tant qu'à faire !
Oui, mais vous savez j'ai ai vu beaucoup des projets, où je ne suis pas sûr qu'ils s'embrassaient tous sur la bouche. En tout bien tout honneur bien sûr (sourire). Et donc j'ai dit, des gens que j'aime, et aussi pas "Le dauphin", pas "Si j'étais Président". Je leur ai dit « avec qui voulez-vous que je chante "Le dauphin" ? »... Je ne voyais pas.
Le thème du "Gentil dauphin triste" est pourtant toujours aussi moderne, et pleinement d'actualité, il a un petit côté écolo, défenseur de la planète...
Finalement "Si j'étais Président" est bien sur le disque, mais dans une version franco-espagnole avec Chico & les Gypsies.
Oui, et elle n'a quasi rien à voir avec la chanson originale ! La chanter un peu en français et un peu en espagnol enlève le côté solennel, et surtout le côté « je vais raconter une histoire pour les enfants », parce que d'un seul coup ça devient un exercice musical réussi, enthousiasmant, une espèce de bouquet de feux d'artifices dans cet album, et je dois dire que je me suis laissé séduire par l'enthousiasme musical qu'on m'a apporté dans cette nouvelle version.
Et "La petite valse" ?
Elle n'y est pas parce qu'on ne peut pas tout faire... on avait pensé à "Un ami" aussi...
Pourtant "La petite valse" est votre dernier grand succès, en 1982...
Oui je sais (sourire).

Oh non, mais ça... je vais vous dire. Je n'ai pas aimé faire ça, aller à l'Eurovision avec cette chanson en 1988 parce que je me suis fait avoir par les gens de la télévision. Je pensais que ce n'était pas une chanson pour moi, j'avais écrit la chanson avec Claude Lemesle pour Julio Iglesias, et j'ai pensé ensuite à El Chato. Je me suis fait rouler dans la farine parce qu'ils m'ont dit qu'ils voulaient redresser l'image de l'Eurovision etc. etc... Mais "Chanteur de charme" n'était pas une chanson pour moi ! Il fallait un latin lover, je leur ai donc dit « si vous la voulez pour l'Eurovision, ce sera El Chato ». Ils m'ont tarabusté, et je me souviens même qu'un des types en réunion a dit comme ça « alors vous avez honte de représenter la France ? ». Et moi qui suis très francophile, piqué, j'ai dit « ok je le fais ». Mais je le regrette.
Pourquoi ?
Ce n'est pas un mauvais souvenir, mais juste un piège. Et je pense qu'El Chato aurait bien mieux défendu "Chanteur de charme" que moi. Moi en plus j'allais déjà chanter en Grèce, en Italie, en Espagne, qu'est-ce que j'allais faire à l'Eurovision ?
Oui, Amaury le sait mais c'est tout, ça s'arrête là. Et Patrick aussi a représenté la France ? Je ne le savais pas.
Dans le teaser réalisé pour la sortie du disque "Duos de mes chansons", on vous sent très impliqué, attentif...
Vous rigolez ou quoi ? J'avais prévenu (rires) ! J'ai toujours été très pointilleux sur les arrangements des chansons, cherchant à les faire évoluer...
Visionnez le making-of de l'album de Gérard Lenorman :
Pourquoi le réalisateur Régis Ceccarelli n'apparait que sur un seul titre, "Michèle", le duo avec Grégoire ?
C'était prévu qu'il en fasse plus, c'est un très bon musicien, mais ça n'a pas fonctionné.
C'est un album qui intervient onze ans après un disque de compositions originales, huit ans après un live, et quatre ans après un best-of...
Oui, mais les best-of en général je ne maitrise pas... c'est Sony qui utilise tout mon back-catalogue.
Le disque original "La raison de l'autre" en 2000 est signé sur GL Productions, ce sont vos éditions non ?
Oui c'est ça. Et le disque est sorti sur le label Next Music de Sonodisc, distribué par Musisoft. C'est un très bel album. Mes plus grandes chansons de scène viennent de là, comme "La force d'aimer" par exemple.
Le dernier album en major est donc "Il y a..." en 1993, chez Tréma ?
Retrouvez-vous un certain confort en signant sur PlayOn qui est un label important qui a une grande force de frappe ?
La différence est énorme. Après pour le reste, les résultats etc, on va le savoir dans quelques mois, mais il y a des investissements sur le disque, sur les spectacles à venir ou autres. Les moyens sont là, et nous permettent de passer la rampe.
Pourquoi avoir signé chez PlayOn d'ailleurs ?
Ce n'est pas moi qui ait choisi. Ce sont eux qui sont venus me trouver et ont adopté le projet, enfin c'est surtout grâce à Bertrand Lamblot. C'est un coup de cœur je crois (sourire).
Sur scène, allez-vous jouer avec des musiciens ?
Imaginez-vous les protagonistes de l'album avec vous en concert ?
On aimerait mais c'est très difficile, à cause des emplois du temps de chacun...
Y-a-t-il de nouvelles chansons dans vos tiroirs ?
Absolument. Récemment j'ai ai fait une nouvelle sur scène avec Nicolas Peyrac, que j'aime beaucoup, et que je dois rappeler d'ailleurs (sourire).
Ah merci. Je connais sa chanson, mais lui je ne connais pas bien ce qu'il fait. Par contre, on m'a déjà assimilé à Ycare. Ils m'ont ressorti des visuels de l'époque plein de couleurs qui dataient de CBS, et c'est vrai qu'il y avait quelque chose. Et puis musicalement, l'intention des chansons, et je l'ai découvert par la suite, j'ai trouvé des relations assez sympathiques, physiquement aussi, ses cheveux... enfin bon (sourire). Mais je trouve que c'est très bien, ce type est créatif, perfectionniste, il écrit, ce n'est pas n'importe quoi, et je me reconnaissais aussi un peu là-dedans.
Parlons un peu de vos débuts, vous êtes né dans le Calvados, qu'est devenu Jerry Wells ?
(rires) Il va bien ! C'était mon premier nom d'artiste. A l'époque j'avais 14 ans, je chantais comme Johnny, "Salut les copains", je chantais tous ces titres-là quoi...
Pas du tout, on ne se connaissait pas. Il quittait le théâtre et ils avaient plusieurs artistes qui jouaient déjà ce rôle, mais Annie Fargue voulait quelqu'un d'autre. Elle m'a contacté et je lui ai dit non. Ça ne m'intéressait pas, je n'en avais pas eu de bons échos, de plus il fallait se mettre nu et je n'en avais aucune envie. Mais comme c'était une teigneuse, elle m'a demandé si au moins j'avais vu la pièce... je lui ai dit « non, mais qu'à cela ne tienne, je viens la voir ». J'y suis allé le soir même. C'était le mercredi soir, et le dimanche après avoir tout assimilé, je commençais le spectacle (sourire).
Quels souvenirs gardez-vous de Brigitte Bardot pour qui vous avez écrit "La fille de paille" et "Je voudrais perdre la mémoire" ?
Vous a-t-on proposé de participer à la tournée "Âge tendre et têtes de bois" ?
Peut-être que si vous avez cet album aujourd'hui, c'est parce que vous n'avez jamais fait de concession...
Peut-être (sourire).
Artistiquement, peut être une extrême sensibilité. Je n'ai pas eu une vie tout à fait normal. Un enfant à cinq ans c'est un homme, alors imaginez ce que ce loupé de la petite enfance a pu engendrer... J'ai une détestation du mensonge. Vous savez, je n'ai su la vérité qu'à l'âge de 35 ans...
Merci de votre gentillesse et de votre sincérité Gérard.
Merci à vous Thierry, à bientôt.