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dimanche 18 avril 2021 12:45

The Offspring en interview : "C'est le pire moment pour sortir un disque de rock"

Par Olivier PORTNOI | Rédacteur
Il aura fallu 9 ans à The Offspring avant d'offrir un nouvel album à ses fans. On aurait pu croire le groupe californien en bout de course après plus de 36 ans de carrière, mais l'énergie est toujours là. "Let The Bad Times Roll" colle à son époque et se voit porter par un ardent besoin de se défouler. Interview avec les très sympathiques et chaleureux Dexter Holland (chanteur, guitariste) et Noodles (guitariste).
Crédits photo : Daveed Benit
Propos recueillis par Olivier Portnoi.

Pourquoi 9 ans depuis le précédent disque ? Presque une décennie sans album, c'est long pour un groupe. Est-ce plus difficile de trouver l'inspiration aujourd’hui ?
Noodles : Je ne crois pas que cela soit plus difficile aujourd'hui qu'hier. Mais pourquoi se presser ? On a travaillé toutes ces années, on a écrit des chansons, on a tourné et on a fait d'autres choses aussi. Dexter est retourné étudier pendant 5 ans et a eu son doctorat (en biologie moléculaire, ndlr). On n’est pas restés sans rien faire. On ne voulait pas juste sortir un disque pour sortir un disque.

« Plus rien ne vend comparé à hier, tout est gratuit sur le net »
Dexter, tu as souvent dit trouver l’inspiration en conduisant, est-ce toujours le cas ?
Dexter : Oui. Il y a un truc dans la conduite en Californie... Tu conduis et en même temps, ton esprit vagabonde librement et les idées viennent. Comme quand tu fais la vaisselle. Tu es physiquement actif et occupé mais mentalement, tu es ailleurs… Je ne devrais pas dire cela sur la conduite. (Rires)
Noodles : Ce n’est pas très sérieux ! On va se retrouver avec un article titré : "le chanteur d'Offspring conduit en buvant, fumant, textant et en écrivant des chansons". J’espère que tu ne fais pas ça quand tu voles ! (Dexter Holland est pilote d’avion, ndlr)
Dexter : Non, pas en volant. Voler, c’est comme le saut en parachute. Ton esprit ne vagabonde pas. Tu vis le moment.
Noodles : Pour moi, c’est le surf. Entre les vagues, tu fixes l’horizon sans vraiment réfléchir et là parfois des idées de chansons ou des mélodies te viennent à l’esprit.

Le rock ne vend plus comme avant. Est-ce quelque chose à laquelle vous pensiez en enregistrant ?
Noodles : Plus rien ne vend comparé à hier. Tout est gratuit sur le net. Mais l’histoire du rock vs la pop ou la variété a toujours été cyclique. Si on devait s’en soucier, on aurait raccrochés il y a bien longtemps. Ce n’est pas quelque chose qui nous tracasse tant que les fans sont là. Nos tournées sont toujours aussi géniales. Nos disques se vendent certes beaucoup moins mais ils sont toujours autant écoutés.

« Les concerts sont essentiels pour un groupe comme le nôtre »
Cette année de pandémie a-t-elle eu un impact sur le contenu du disque ?
Dexter : Elle en a repoussé la sortie. On était sur le point de le sortir quand la pandémie a éclaté. On a alors décidé d’attendre et j’en suis content. Cela nous a permis de prendre du recul par rapport aux chansons et de changer certaines choses. Une fois que l’on a été certain que le disque était fini, on a choisi de le sortir qu’importe la situation sanitaire. Mais bon, c’est peut-être le pire moment pour sortir un disque de rock. (Rires)

Pourquoi ?
Noodles : Parce que l’on ne peut pas tourner. Or les concerts sont essentiels pour un groupe comme le nôtre. Vivement que cette pandémie soit derrière nous. Comme ça, on pourra se concentrer sur les autres problèmes…




Qu’est ce qui vous manque le plus dans les tournées ?
Noodles : Tout ! J’ai regardé la série "Le jeu de la dame" sur Netflix récemment. Dans une scène, l’actrice est dans un avion de ligne avec un verre à la main. Je me suis dit "Merde, ça me manque". Prendre des avions et boire un coup pendant le vol me manque, c’est fou ! Je n’aurais jamais penser dire ça. Mais ce qui manque le plus, c’est cet échange avec le public. C’est ce qui nous a attiré dans la musique et c’est ce qui nous motive toujours autant.

« Si on n’arrive pas à changer les choses, autant danser »
Qu’est ce qui se cache derrière le titre "Let The Bad Times Roll" ?
Noodles : Nous ne sommes pas un groupe politique ce qui ne nous empêche pas d’être concernés par ce qui nous entoure et d’y réagir. Nos chansons sont liées à l’époque que l’on traverse. Le changement climatique, les théories conspirationnistes, les anti-vaccins, les injustices sociales, la violence policière… Les Etats-Unis traversent une phase difficile depuis quelques années. Si on n’arrive pas à changer les choses, autant danser. C’est le propos de "Bad Times". Qu’importe la merde ambiante, il faut continuer à vivre et combattre la déprime. Puis ce titre fait aussi référence à nos politiciens. "Tu penses que je suis mauvais ? Attends de voir et tu verras que le suivant sera pire". C’est le malheureux constat de notre époque. Chaque année est pire que la précédente.

J’imagine que lorsque vous avez démarré le groupe il y a 36 ans, vous ne pensiez pas être toujours en train de jouer à plus de 55 ans ?
Noodles : Quand on a commencé, le punk rock était notre passion. Il l’est toujours. Certains vont faire du golf le week-end. Nous on a préféré jouer du punk rock. Certains continuent de golfer à 60 ou même 70 ans. Pourquoi est-ce que l’on ne pourrait pas continuer à jouer du punk rock ?
Dexter : On a démarré le groupe en utilisant le punk rock comme moyen d’expulser nos frustrations et notre rage. C’est toujours le cas.

« Ma fille a découvert The Offspring sur TikTok »
Vos enfants vous interrogent-ils sur le contenu de vos chansons ?
Noodles : Comme tous les gamins, ils pensent tout savoir. Ils ne nous posent jamais de questions. Pourtant j’aimerais bien.
Dexter : Je discutais avec ma fille de 16 ans hier soir. Jusqu’ici elle ne s’était pas trop souciée de nos chansons. Elle a découvert The Offspring sur TikTok parce que beaucoup de gamins postent des reprises de nos morceaux ou les utilisent pour leurs vidéos. Ça la fait marrer. Elle n’arrête pas de me les montrer. "Papa, ce n’est pas une de tes chansons ça ?".

Le disque a été enregistré chez vous à Huntington Beach. Diriez-vous que la Californie est dans l’ADN d’Offspring ?
Noodles : C’est dur à quantifier mais oui. On a grandi en Californie, on y a passé toute notre vie. On retrouve sa culture, notamment mexicaine, sur nos pochettes et dans nos graphismes… C’est notre quotidien. On a mangé mexicain ce midi et j’ai hâte de boire ma margarita ce week-end. La Californie est dans notre ADN c’est certain.
Dexter : Ce côté californien résonne dans notre musique via les groupes qui nous ont servis d’influences à nos débuts.

Lesquels par exemple ?
Dexter : Bien sûr il y avait les Sex Pistols et les Ramones mais localement, les Adolescents, TSOL, les Vandals, Social Distortion. Ces groupes sont tous issus d’Orange County comme nous. Les groupes d’ici avaient un aspect plus mélodique qui nous parlait.




« Ce disque est certainement notre album le plus varié »
"Let The Bad Times Roll" est un album très varié musicalement...
Noodles : On tenait, comme à chaque fois, à proposer un véritable album. Pas juste trois singles avec du remplissage comme c’est trop souvent le cas. Ce n’est pas nous ça. Il fallait que l’on soit fiers du résultat. Sinon, on ne l’aurait pas sorti. Ce disque est certainement notre album le plus varié et en même temps le plus solide. Il n’y a aucun titre de superflu. On retrouve nos racines punk mais aussi les titres rock dansants que l’on aime, des cuivres et aussi la reprise au piano de "Gone Away".

Justement à propos de "Gone Away Requiem", d’où est venue l’idée de réenregistrer au piano cette chanson issue de "Ixnay On The Hombre" (1999) ?
Dexter : Depuis quelque temps, on la joue ainsi en concert. La réception des fans a été folle et on nous demande régulièrement de l’enregistrer de cette manière. On s’est dit que c’était le moment de le faire. Je trouve que cette version au piano offre une lecture plus émotionnelle de ce titre. Les grosses guitares ne sont plus là pour cacher mon chant. Il y a plus de vulnérabilité.

« Parfois je tombe sur un tweet qui cite Offspring comme le pire groupe du monde »
Lorsque The Offspring a explosé en 1994, vous êtes devenus les moutons noirs de la scène rock. Cela a été dur d’y faire face ?
Noodles : Non cela n’a pas été dur. C’était évidemment frustrant et blessant mais cela n’a pas été difficile. On comprenait ces kids qui nous descendaient. On a été à leur place plus jeunes. Quand on voyait les groupes que l’on aimait soudain cartonner, cela nous enrageait et on les traitait de vendus. C’était nos groupes et on ne voulait pas les partager avec tous les autres connards. Notre succès n’était pas planifié. On pensait que l’on jouerait dans les mêmes clubs toute notre carrière. Mais quand Smash a explosé, on s’est dit qu’il fallait surfer sur la vague. On était fiers. On a toujours fait en sorte d’être redevables envers la scène underground qui nous a permis d’exister et envers ces groupes qui nous ont inspirés. Parfois je tombe sur un tweet qui cite Offspring comme le pire groupe du monde derrière les Jonas Brothers, mais on s’y habitue. (Rires)

A une époque, on retrouvait fréquemment Offspring sur des B.O de films ("American Pie 2", "Souviens-toi l’été dernier", "La main qui tue") et sur celles de jeux vidéos. Laquelle a eu le plus d’importance à vos yeux ?
Noodles : Ces B.O ont aidé des quantités de groupes. Je me souviens forcément de "La main qui tue". D’autant plus que l’on apparait dans le film et que Dexter y meurt scalpé. Jessica Alba était toute jeune dans ce film. Mais autrement, c’est le jeu "Crazy Taxi" sur lequel on a eu le plus de retours. On m’en parle encore. Il y a aussi pas mal de vidéos de surf. En tant que surfeur, j’étais toujours fier d’y entendre notre musique.

« On est toujours potes contrairement à beaucoup de groupes »
Noodles, est-ce vrai que tu étais le fournisseur de bières du groupe à ses débuts ?
Noodles : Oui ! Je suis plus âgé et j’étais le seul légalement autorisé à acheter de l’alcool en magasin. Du coup, ils se servaient de moi. J’étais concierge dans le lycée où allait Dexter. Outre mon âge qui était un atout à leurs yeux, je savais aussi joué de la guitare. Pas très bien mais déjà mieux qu’eux.

NOFX a publié son autobiographie, Bad Religion aussi, Dave Grohl des Foo Fighters a annoncé ses mémoires. Raconter votre histoire est quelque chose qui vous tenterait ?
Noodles : On est très loin d’être aussi intéressant que ces types. (Rires) J’ai lu le livre de NOFX qui est incroyable. On en a jamais parlé entre nous mais j’ai le sentiment que nos vies sont moins… excitantes que les leurs.
Dexter : Bob Rock qui a produit "Let The Bad Times Roll" et qui a entre autre travaillé avec Metallica était surpris de voir que l’on prenait toujours autant de plaisir à être ensemble dans la même pièce.
Noodles : On est toujours potes contrairement à beaucoup de groupes qui ne peuvent plus se supporter et sont incapables de passer une heure ensemble. Tu crois que Bono et The Edge partageraient la même conversation Zoom ? Tu saurais surpris de savoir le nombre de groupes qui ne voyagent plus ensemble et qui font en sorte de ne jamais se croiser, si ce n’est sur scène parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Ce n’est pas notre cas. En revanche, nos vies sont peut-être plus chiantes à raconter comparer aux leurs. (Rires)

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