Crédits photo : Beth Garrabrant
Taylor Swift n'est jamais là où on l'attend. Passée de princesse de la country à reine de la pop, la star opère un nouveau virage avec "Folklore", huitième album entièrement conçu pendant le confinement et sorti à la surprise générale ce vendredi, quelques heures seulement après son annonce officielle. Oubliez l'univers pop et coloré de "Lover", septième album efficace mais assez sage : la chanteuse se réinvente ici en artiste folk photographiée en noir et blanc dans la forêt américaine. Oubliez aussi Max Martin ou Joel Little, derrière ses tubes "Shake It Off" et "You Need To Calm Down". Si elle garde Jack Antonoff à la production, Taylor Swift s'entoure de nouveaux cadors comme Bon Iver, un des grands noms de la folk américaine, ou Aaron Dessner, le guitariste du groupe de rock indé The National. Deux noms à première vue étonnants dans la galaxie Swift mais qui s'intègrent parfaitement sur ce "Folklore".

Ruptures sur fond folk

Cette multiplicité de talents fait de "Folklore" un album fascinant et même en avance sur son temps. S'il sort en plein milieu d'un été caniculaire, le disque se destine plutôt aux nuits automnales, au coin du feu avec un café bien chaud à la main. Taylor Swift n'est d'ailleurs plus accompagnée de grands effets musicaux clinquants, seule une guitare acoustique et un piano aux notes délicates habillent la plupart des morceaux. Une « collection de chansons et d'histoires » qui voit la chanteuse évoquer principalement des ruptures amoureuses, comme sur "The 1" (« You know the greatest films of all time were never made »), "this is me trying" (« I didn't know if you'd care if I came back, I have a lot of regrets about that ») ou le premier single "Cardigan" (« You drew stars around my scars, but now I'm bleedin' »), mais aussi l'histoire de la compositrice Rebekah Harkness ("the last great american dynasty"), une amie d'enfance ("seven"), son conflit avec Scooter Braun ("mad woman") et même l'état actuel du monde ("epiphany").

Ecoutez "exile" de Taylor Swift et Bon Iver :



Si aucun tube évident ne se détache de l'ensemble, c'est qu'il faut plutôt voir "Folklore" comme un album à écouter dans sa globalité, afin de se laisser transporter dans l'univers doux et planant mis en place par la star pendant plus d'une heure. Bien évidemment, de nombreuses pépites tirent leur épingle du jeu : le somptueux "exile", un duo avec Bon Iver qui fait l'unanimité, "my tears ricochet", "this is me trying" ou "seven" sont autant de ballades touchantes et réussies qui nous emmènent dans l'intimité et les failles de la popstar aux 200 millions de disques vendus. L'influence de The National, dont le guitariste a composé ou produit 11 des 16 titres, se ressent d'ailleurs sur les planants "mirrorball" (qu'Aaron Dessner n'a pourtant pas confectionné) ou "epiphany" avec ses sonorités aériennes disséminées ici et là par le musicien américain. Un mélange des genres qui semble être fait pour Taylor Swift depuis des années.

Désormais classée dans les genres "indie" ou "alternative" sur les plateformes de streaming (ce dont elle joue avec les titres des chansons écrits en minuscules), Taylor Swift se paie le luxe d'opérer un virage à 180 degrés tout en séduisant un large cercle de fans, à en croire les premiers retours dithyrambiques de la presse comme de son public. On peut d'ailleurs s'étonner de l'impeccable production qui en ressort, pour un disque composé entièrement durant ces mois de confinement. Certains pourront reprocher son côté linéaire, mais là est la force de disque, qui offre un véritable rafraîchissement dans la carrière de Taylor Swift, après deux projets loin d'être inoubliables. Doux, sobre et véritablement séduisant, "Folklore" se découvre et se réécoute avec un véritable plaisir et devrait nous accompagner durant tout l'automne. Si "1989" représentait le sommet discographique de la Taylor Swift pop, "Folklore" se pose sans problème comme l'autre grand album d'une chanteuse jamais à court de surprises.

Regardez le clip de "Cardigan" par Taylor Swift :