C'est dans un Olympia bondé et en configuration “rock”, sans fauteuil à l'orchestre, que le chanteur tout juste âgé de 35 ans, fait son apparition accompagné de 5 musiciens devant un public allant de 5 à 65 ans environ. Un parterre majoritairement féminin qu'on aurait dit tout droit sorti du film "Les petits mouchoirs" de Guillaume Canet, très “bobos Saint-Jean-Cap-Ferrat”. De jeunes pères de famille attentionnés mettant des boules Quiès dans les oreilles de leurs enfants pour les protéger des décibels avant de les prendre sur leurs épaules le temps d'une "Caravane" vite expédiée en début de concert… bref.

Le chanteur commence par le titre "Terminal 2B" qui ouvre son nouvel et très bel album "Pacific 231" pour enchaîner une vingtaine de titres aux sonorités rock relativement convenues ou plus folk voire dépouillées des plus réussies.
«Cela doit faire 5 ans que je n'ai pas chanté ici mais j'ai l'impression que vous en avez pris 15 !» lance-t-il au public comme première gentille petite pique…
La set-list tournera principalement autour des titres de deux de ses 5 albums : le tout dernier, ainsi que l'album "Caravane" (2005). Les seuls rescapés des anciens disques seront "Le vent de l'hiver" (2008) et "Sur la route" (2003). Deux reprises de ses artistes de prédilection : "Modern Love" de David Bowie et "Osez Josephine" d'Alain Bashung viendront en rappel. Un sombre poème de Bukowski traduit et mis en musique par Raphaël fera figure d'inédit.

Le show est parfaitement huilé et le chanteur irréprochable de professionnalisme et de maîtrise. Le jeu de scène est sobre et précis bien que fragile dès que l'artiste n'a plus sa guitare en mains. Mais là ou il excelle, c'est dans les moments où il est seul en scène avec sa guitare, le piano, ses sampleurs et autres petits instruments aux sonorités bizarroïdes. On sent que plus rien n'existe pour lui que sa musique et il se déplace sur scène comme un laborantin inspiré superposant les sons, réinventant devant nous ses chansons et leurs climats souvent tendus jusqu'à la distorsion. La voix semble plus grave que sur les disques et surtout moins affectée. Raphaël ne s'écoute pas chanter et l'urgence et l'immédiateté du live le font aller à l'essentiel quitte à prendre d'heureux chemins mélodiques de traverse.

Servi par une équipe technique exceptionnelle, sa voix, même dans les moments où les sons saturent, ne se noie jamais. Une magnifique version piano de "C'est bon aujourd'hui" ainsi qu'un "Et dans 150 ans", accompagné par sa violoncelliste, feront partie des points culminants de la soirée. "Le patriote", chanson engagée bâtarde et plutôt maladroite remportera l'adhésion d'un public qui pourtant pourrait trouver là un miroir. Mais c'est toujours les autres qui sont concernés dans ce cas, bien sûr… Pourvu que le chanteur ne persiste pas dans cette veine-là, c'est tout ce qu'on lui souhaite. Car même s'il se sent proche de Bowie ou de Bashung, il a quelque chose d'un Hugues Aufray des temps modernes. Hugues Aufray qui chanta Bob Dylan et quelques belles chansons qui n'ont rien à envier à "Caravane". Un petit regret: l'absence du superbe "Je détruis tout", sorte de "Je suis malade" à la Raphaël, titre poignant figurant sur le dernier album (à découvrir en fin d'article).

L'âme slave, la vive écorchure et la grâce de Raphaël font sans doute partie des choses qui ont récemment donné envie à l'auteur de théâtre Pierre Notte de lui confier le rôle de l'acteur Gérard Philipe au théâtre la Bruyère en février 2011, dans la pièce "Pour l'amour de Gérard Philipe". De quoi donner encore plus "Le diable au corps" aux amoureux du romantique et puissant Raphaël !

Merci à Michel Monteils.