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samedi 20 février 2016 16:00

Kanye West : pourquoi "The Life of Pablo" n'est pas "le meilleur album de tous les temps"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Alors qu'il défraie la chronique à coups de clashs et de déclarations choc, Kanye West se retrouve prisonnier de son personnage mégalo dans son nouvel album "The Life of Pablo", une oeuvre fascinante mais vaine. Critique.
Crédits photo : Montage Pure Charts / DR
Formulons cela avec un jeu de mot bancal sur Escobar, de son prénom Pablo : le nouvel album de Kanye West est de la poudre aux yeux. Avant sa sortie chaotique et ses multiples changements de nom, "The Life of Pablo" était décrit par ses soins comme le "meilleur album de tous les temps". In fine, après tout ce tapage médiatique, ce n'est même pas le meilleur de sa carrière, qualificatif réservé au chef d'oeuvre qu'est "My Beautiful Dark Twisted Fantasy" (2010). "The Life of Pablo" est à l'image de son créateur : un monstre à deux têtes, coincé entre du génie créatif et un penchant pour l'auto-destruction. Flow acéré, perfectionnisme ultime, art phénoménal du sampling, Kanye West est capable de prouesses qui attestent de son extraordinaire talent. On citera en exemple "Ultralight Beam" qui écrase de sa puissance spirituelle l'ouverture de l'album ou "No More Parties in LA", étincelant duo partagé avec Kendrick Lamar. Mais sur la durée de ce disque hybride, le rappeur américain se révèle incapable de canaliser son énergie. Et c'est fort dommage.

Écoutez le nouvel album de Kanye West sur Tidal.

Un album cubiste au goût d'inachevé


On pourrait vulgairement résumer ce disque au traitement infligé à "Father Stretch My Hands". Cette chanson introspective est ô demeurant intéressante. Sur un discours du pasteur T.L. Barrett, le rappeur embrasse ses racines, la lutte afro-américaine, sa ville natale de Chicago et la figure de son père Ray. Les samples d'inspiration soul se télescopent, les idées aussi mais la scission en deux parties qui intervient au bout de deux minutes provoque la frustration : le changement de rythme, abrupt, empêche les deux pistes - radicalement différentes - de déployer leur potentiel. Au final, on se retrouve donc avec deux extraits inachevés et c'est bien ce goût-là qui reste en bouche après la dégustation de "Pablo".

Yeezy délivre un album cubiste, un puzzle aux pièces mal emboîtées qui transpire le potentiel mais suscite une intense frustration. « Name one genius that ain't crazy » lâche-t-il sur "Feedback", presque en s'excusant. Mais on aurait aimé qu'il s'excuse pour les bonnes raisons, pour accoucher d'un trésor d'inventivité à la "Graduation" (2007). Tout, de sa pique assassine contre Taylor Swift sur "Famous" à l'évocation de Steve Jobs ou Picasso, tourne autour d'un seul thème : Kanye, l'extraordinaire Kanye, la vie de famille de Kanye, la ligne de vêtements de Kanye, les chaussures de Kanye. On le sait, l'égo est un leitmotiv récurrent dans l'univers hip-hop mais ici le procédé est poussé jusqu'à l'écoeurement. Une phrase illustre à elle seule la suffisance du rappeur : « I love you like Kanye loves Kanye », prononcée sur un interlude absurde intitulé... "I Love Kanye". A ce niveau-là, ce n'est plus du simple trolling. On est face à une coquille vide, sans message ni ouverture, un objet qui paraît terriblement vain après l'immense "To Pimp A Butterfly" (2015) de Kendrick Lamar. Pire : Kanye West regarde désormais vers le passé, lui qui avait toujours su tourner son regard vers l'avenir.



Et même le casting cinq étoiles (Rihanna, Kid Cudi, Chance the Rapper...) ne sauve pas le projet, transformé en une ratatouille de démos où les invités sont réduits à des pièces interchangeables : coucou Sia et Vic Mensa, évincés de "Wolves" et remplacés par Caroline Shaw et Frank Ocean. Ne reste plus à travers ce "Life of Pablo" qu'un regard fascinant sur Kanye West, un pur produit de pop culture qui vit désormais dans la cage dorée qu'il s'est lui-même forgé.

Ça ressemble à une ébauche de mixtape décousue sans ambition
A écouter : "Ultralight Beam", "No More Parties in LA", "Famous", "Real Friends", "30 Hours"
A zapper : l'abominable supplication sexuelle "Freestyle 4", "Facts" (production lourde, paroles douteuses sur Bill Cosby), "Highlights" et tous les interludes
Pour en savoir plus, visitez le site internet de Kanye West et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Yeezus" de Kanye West sur Pure Charts.

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