jeudi 11 août 2022 16:48

Woodstock 99 : pourquoi il faut regarder le nouveau documentaire choc de Netflix

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Netflix crée l'événement avec son documentaire sur Woodstock 99, le festival qui s'est transformé en gigantesque fiasco. Scènes d'apocalypse, dédouanement des organisateurs, spectateurs excédés et violents... Purecharts vous explique pourquoi il faut absolument voir ce documentaire, aussi passionnant qu'hallucinant.
Crédits photo : Netflix
Oubliez le fiasco du Fyre Festival. Depuis une semaine, Netflix propose un documentaire aussi captivant que sulfureux sur les coulisses du festival "Woodstock 99". Intitulé "Chaos d'anthologie - Woodstock 99", celui-ci revient en trois parties sur un événement musical qui se devait historique et qui a fini en véritable apocalypse, dans les flammes et la violence. Pourtant, tout partait bien. Cinq ans après un "Woodstock 94" marqué par une pluie diluvienne transformant le site en marée boueuse, ce cru 1999 devait célébrer les 30 ans du mythique festival placé sous le signe "peace, love & music" avec à l'affiche les plus grands noms de la scène rock et metal du moment : Korn, Limp Bizkit, Red Hot Chili Peppers, Rage Against The Machine, The Offspring, Metallica... Et même James Brown en ouverture ! De quoi attirer massivement 250.000 jeunes Américains avides de vivre un moment aussi mémorable que le Woodstock original.

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"On est en Bosnie ou quoi ?"


Mais une fois sur place, les festivaliers déchantent rapidement : le lieu est en réalité une gigantesque base militaire (située à Rome dans l'Etat de New York), avec deux scènes séparées d'un kilomètre, sous une chaleur étouffante dépassant souvent les 35 degrés et avec des prix exorbitants. Privés de leur nourriture à l'entrée, les spectateurs doivent débourser 4 dollars pour une bouteille d'eau et 12 dollars pour une part de pizza. De plus, face au manque de poubelles, de douches et de toilettes régulièrement nettoyées, les déchets s'accumulent très rapidement et un gigantesque étang mélangeant eau et excréments se forme... dans laquelle des festivaliers de ce Woodstock 99 se jettent allégrement. « On est en Bosnie ou quoi ? » s'interroge un spectateur qui filmait tout avec son caméscope, tandis qu'une autre décrit l'atmosphère comme « un camp de réfugiés ».



Un manque de moyens évident révélé en coulisses par des coupes budgétaires demandées par les organisateurs Michael Lang et John Scher, ce dernier avouant être uniquement là pour faire « du profit ». Le documentaire de Netflix, découpé en trois épisodes de 45 à 50 minutes, alterne donc entre les propos effarants des promoteurs, se dédouanant ou minimisant, même aujourd'hui, les problèmes qui se sont accumulés au fur et à mesure du week-end, des témoignages de certains artistes comme Jonathan Davis, le chanteur de Korn, de journalistes pour MTV ou ABC, d'équipes techniques ou de sécurité et de festivaliers qui ont vécu l'enfer de l'intérieur. Ces derniers décrivent une ambiance toxique très masculine, de la drogue circulant librement et en grande quantité sur le site tandis que des actes sexuels sont parfois commis en public. Ainsi, plusieurs concerts vont mettre le feu aux poudres : le premier soir, le groupe de nu metal Korn se produit face à une gigantesque marée humaine au bord de l'asphyxie à cause des incessants mouvements de foule. De nombreux spectateurs sont d'ailleurs évacués pour cause de déshydratation.

Le festival finit en flammes


L'ambiance empire le lendemain avec le concert de Limp Bizkit, qui rend la foule complètement hystérique. S'il est demandé au chanteur Fred Durst de calmer le jeu, ce dernier préfère continuer avec le bien-nommé "Break Things" (casser des choses). Le public s'exécute et commence à détruire la tour de la régie. Les agents de sécurité inexpérimentés sont dépassés et les organisateurs parlent d'une dérive digne d'une invasion de zombies. Le dernier soir, Woodstock 99 s'embrase littéralement. Le public est épuisé, excédé. Certains quittent les lieux avant la fin, d'autres restent. Durant le concert des Red Hot Chili Peppers, des dizaines de milliers de bougies sont données au public pour rendre hommage aux victimes de la tuerie de Columbine, qui a eu lieu quelques mois plus tôt. Sauf que celles-ci vont déclencher de nombreux feux sur l'ensemble du site.



Drogues en libre circulation, agressions sexuelles...


Le festival finit alors dans le chaos. Enragés, excédés par le prix des consommations revu à la hausse et à bout de nerfs, les spectateurs saccagent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage : ils mettent à terre une tour de son, détruisent les espaces de restauration, s'en prennent aux distributeurs de billets et font exploser une dizaine de camions citernes. Des images chocs dignes de scènes de guerre civile. Il faudra l'intervention de la police d'Etat pour calmer les esprits. Pendant ce temps, les organisateurs se barricadent dans leurs bureaux et minimisent l'incident le lendemain en parlant d'une cinquantaine de trouble-fêtes seulement. Mais il est trop tard pour faire marche arrière. Les images du site dévasté font le tour des médias du monde entier. Pire, de nombreuses agressions sexuelles sont signalées et quatre plaintes pour viol sont déposées dans les jours suivants. Ce qui devait donc être un festival placé sous le signe de la célébration de la musique s'achève dans le chaos, signe de la fin d'un millénaire trouble et d'une jeunesse américaine marquée par la rage (pas seulement contre la machine) et la protestation.

Passionnant à suivre de bout en bout, "Chaos d'anthologie - Woodstock 99" explique comment un festival qui se voulait pacifiste a sombré dans l'anarchie, autant à cause des organisateurs cherchant à tout prix à faire de l'argent au détriment du bien-être du public, que des festivaliers en colère contre une époque qui ne leur convient plus. A noter que l'an dernier, HBO a déjà proposé son propre documentaire sur Woodstock 99, "Peace, Love and Rage". Si celui de Netflix, plus long, est donc plus détaillé et plus réussi, celui de HBO apporte quelques précisions sur des sujets survolés dans l'autre doc, comme le nombre assez inquiétants d'agressions sexuelles recensées durant le festival mais aussi la mentalité des jeunes Américains à la fin des années 90, nourris par un nu metal agressif et des films glorifiant la violence comme "Fight Club". Une histoire qui fascine autant qu'elle terrifie mais qui, comme l'avoue une intervenante, serait totalement différente aujourd'hui à l'heure des réseaux sociaux. Sauf que la récente tragédie au festival Astroworld de Travis Scott, qui a fait 10 morts, prouve que l'histoire a tendance à se répéter.

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