mercredi 12 juin 2013 14:00

Christophe Maé : "La musique est une thérapie pour tout le monde"

Après plusieurs mois de silence, Christophe Maé délivre cette semaine son troisième album, "Je veux du bonheur", qui puise son inspiration dans un voyage à la Nouvelle Orléans. Séduit par les marching bands, les cuivres et l'ambiance festive qui règne dans cette ville américaine, Christophe Maé a écrit un disque dans lequel il ne parle par uniquement de lui mais aussi des histoires qui l'ont touché. Evoquant sa passion pour la scène et son désir de protéger sa vie privée, l'interprète de "Belle demoiselle" explique également pourquoi il ne figurera pas sur "Génération Goldman 2".
Crédits photo : DR.
Propos recueillis par Jonathan Hamard

"Je veux du bonheur" est un album né du voyage. Il puise son inspiration dans la culture de la Nouvelle Orléans, en Louisiane. Est-ce que ce voyage n'était pas aussi un moyen de pallier la page blanche en partant à la découverte de nouveaux sons ?
Christophe Maé : C'est carrément ça ! C'était vraiment pour moi le moyen de trouver de nouvelles inspirations. Face à la page blanche il y a un an et demi, j'ai décidé de partir avec ma petite famille. On s'est fait la route du blues et on est arrivé en Louisiane, à la Nouvelle Orléans. J'ai eu un vrai coup de cœur. On est resté quinze jours et c'est là que j'ai écrit "Tombé sous le charme". C'est la première chanson que j'ai écrite. J'avais aussi à l’époque une ébauche de "Ma douleur, ma peine". J'avais commencé à l'écrire juste avant de partir. Dans ce titre, je parle justement de ce mal-être que je trainais, de ne pas arriver à trouver de mots, de ne pas arriver à trouver non plus de mélodies. Dans "Ma douleur, ma peine", je raconte que je souffre en silence mais j’apostrophe en quelque sorte mon mal-être en lui disant aussi j'aurai sa peau ! Et que j'arriverai à faire cet album ! Parce que j'avais déjà l'envie de retrouver le public. C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il fallait que je parte.

« J'ai eu la pression de vouloir trop bien faire »
Mais tout l'album n'a quand même pas été écrit pendant ces quinze jours de vacances en famille ?
Une fois rentré, j'ai décidé de repartir à la Nouvelle Orléans avec un pote musicien. Ça a été la révélation ! On s'est mis à « boeuffer » dans les clubs de jazz. Je me suis fait des amis musiciens là-bas. Il faut savoir que c'est vraiment une oasis d'artistes, la Nouvelle Orléans. Il y a des artistes partout dans les rues. Ça danse du matin au soir (sourire) ! La musique sonne autant la journée que la nuit là-bas. Et puis il y a eu aussi la découverte de ces marching bands, de ces groupes mobiles qui se déplacent dans les rues. Il n'y a pas de problèmes de nuisances sonores dans cette ville.

Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un artiste quand il n'arrive plus à écrire ?
C'est une difficulté que je connaissais déjà puisque chacun de mes précédents albums s'est accompagné d'une remise en question. Je me suis demandé à chaque fois ce que j'avais envie de raconter, par où je devais commencer... Et puis le lâcher prise ! C'est vrai que j'ai eu un peu la pression de vouloir trop bien faire il y a un an et demi. Et puis je crois que c'est aussi la faute à ce côté perfectionniste qui s'aggrave avec le temps (sourire).

« Avec "Je veux du bonheur", je parle des histoires qui m'ont touché »
"Ma douleur, ma peine" n'est-il pas aussi le reflet d'un artiste qui se veut conquérant, qui ne lâche rien ?
C'est ma façon de penser ! Quand j'appelle cet album "Je veux du bonheur", ça veut dire qu'il faut aller de l'avant. C'est sourire et recevoir tout autant. Il faut partir du bon pied et rester positif. C'est vrai que, quand en pleine nuit me vient cette phrase "Je souffre en silence mais je sais que j'aurai ta peau", je savais que j'allais m'éloigner de cet état négatif qui m'empêchait d'écrire.

Avec un titre comme "Je veux du bonheur", on s'attend à un disque relativement gai. Au final, il est sombre et triste sur bien des aspects.
Je ne dirais pas triste. J'aborde des thèmes qui me sont tombés comme ça sur le coin du nez. Comme la perte d'une petite fille de quatorze ans que je connaissais. La maladie l'a emportée en trois mois. Elle s'appelait Charly. J'ai écrit une chanson portant son nom pour lui rendre hommage. J'avais envie de raconter son histoire. Il y a aussi "La poupée", qui parle d'une femme qui squatte un trottoir en bas de chez moi et qui fait la manche. J'avais pris l'habitude de parler avec elle. J'adorais cette femme.

"Je veux du bonheur", c'est donc un album qui parle de vous, de vos malheurs, mais aussi de celui des autres ?
Avec "Je veux du bonheur", je parle des histoires qui m'ont touché. Mais je me suis moins regardé le nombril, j'ai envie de dire. Je me suis posé en tant que spectateur. J'ai un regard extérieur sur ces histoires-là. "Je veux du bonheur", c'est aussi une façon de penser. Il y a un titre qui porte le même nom que l'album. Il a été écrit par Serge Lama. Je l'ai appelé en lui expliquant que je voulais qu'il m'écrive une chanson. Je lui ai dit que je voulais un mantra, quelque chose qui puisse me donner la pêche et la donner aux autres.

« Parler de la Nouvelle Orléans sans évoquer ce drame, je trouvais ça dommage »
Il n'y a que Serge Lama qui aurait pu le faire ?
Si je l'ai appelé lui, c'est que ce n'est pas innocent. On se connait depuis quatre ans. C'est quelqu'un que j'ai connu pendant les concerts des Enfoirés. J'adore son écriture, sa plume. Il a ce petit quelque chose de touchant dans ses mots, qui est assez immédiat. Je voulais une écriture simple, qu'on prenne de suite en pleine figure. Et c'est ce qu'il a réussi à retranscrire.

Serge Lama n'est pas le seul parolier sur cet album. On retrouve également aux crédits Mike Ibrahim. Qu'a-t-il apporté à cet album ?
Mike Ibrahim, c'est vraiment la belle rencontre de cet album. C'est une belle rencontre humaine ! C'est vraiment un pote qui est venu chez moi. Il n'a pas eu peur de faire les aller-retours. Parce que j'ai fait cet album-là dans le sud, à la maison. Pendant des semaines, des mois, il est venu à la maison. Moi, j'ai pour habitude de commencer par trouver le thème que j'ai envie de développer. J'ai avancé au maximum et puis après j'ai fait appel à Mike. Je l'ai impliqué dans les histoires pour qu'ils comprennent comment je les vois, comment je les pense, comment je les imagine et comment j'ai envie de les voir évoluer. Il a apporté cette profondeur, cette gravité dans les textes. Parce qu'il a une vraie plume. C'est un vrai auteur ! Ça faisait longtemps que je le cherchais, lui (sourire)...

Comment l'avez-vous rencontré ?
Ça s'est passé il y a quelques années. Je chantais après lui au festival Les Voix du Gaou. On avait déjà échangé. Je lui avais même proposé de travailler avec moi. Mais ce n'était pas l'heure.

Crédits photo : DR.
Ce voyage en Louisiane, que vous a-t-il apporté artistiquement parlant ?
En tant qu'artiste, c'est avant tout cette joie, une force de relever la tête quoi qu'il arrive. Ce sont des gens qui vivent toujours dans la bonne humeur, dans la gaieté, vraiment dans l'esprit de fête. Ça transpire là-bas. Je crois que c'est l'un des endroits dans le monde où il y a le plus de festivals de musique. C'est vraiment un endroit où la musique est omniprésente. Les gamins, il ne jouent pas au ballon. Ils travaillent les claquettes et des cuivres. Je suis allé les voir dans des écoles de musique. Ils ont entre six et huit ans et ils savent tous lire des partitions. J'ai assisté à des processions à la Nouvelle Orléans, où ils sortent en pleurs. Plus ils avancent, plus ils s'abandonnent, chantent, et retrouvent le sourire. Je crois que la musique est une thérapie pour tout le monde. Et encore plus là-bas !

« C'est quelque chose qui me tenait à cœur de changer, de revenir fringué un peu différemment »
Et pourtant, comme vous le chantez dans le titre "A l'abri", c'est une région du monde qui a subi un terrible ouragan en 2005...
Oui ! C'est extraordinaire. C'est pour ça que j'ai eu envie d'écrire ce morceau où je parle de l'après Katrina. Il faut savoir qu'après le passage de cet ouragan, entre 80% et 90% de la population est repartie de zéro. Il y en a pour certains qui ont quitté le pays et qui n'y sont jamais retournés. Parler de la Nouvelle Orléans et mettre cette couleur sur mon album sans évoquer ce drame, je trouvais ça dommage.

Vous parlez de couleur. On retrouve sur cet album l'ADN de Christophe Maé, mais il y a un son nouveau. Il y a notamment tous ces cuivres qu'on n'entend pas sur vos précédents disques. Est-ce le témoignage d'une volonté de marquer une vraie césure avec ce qu'on a entendu auparavant ?
Surtout l'envie d'ajouter une couleur supplémentaire sur mes morceaux. Ma manière d'appréhender et de concevoir ma musique reste la même. Je compose toujours de la même façon. C'est du côté de la réalisation qu'il faut se tourner. J'ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes qui sont arrivées à retranscrire vraiment ce que j'avais dans la tête. Je les ai bassinées avec les marching bands et tous ces cuivres, qui ne sont pas écrits sur partition. C'est vraiment une liberté. Il y a quatre ou cinq musiciens qui jouent du tuba, du saxophone, de la trompette et du trombone. Ils improvisent ensemble. C'est ce qui donne vraiment ce côté marching band qui est la base du jazz. Mais attention, je ne dis pas que c'est du jazz (sourire).

« Je ne serai pas sur "Génération Goldman 2", par manque de temps »
Vous êtes un chanteur très populaire, tout comme le jazz l'est en Louisiane. En France, ce registre ne l'est pas vraiment. Vous pensez que vous pourriez d'une certaine manière contribuer à le populariser chez nous ?
Je ne sais pas. Mais en tout cas, les gens qui m'apprécient et qui me suivent depuis le début vont sans doute pencher une oreille attentive sur cet univers. Ce qui me fascine dans ces marching bands, c'est cette énergie communicative. Ils marchent tous dans le même sens. Ça amène une ambiance festive. C'est un aspect que je voudrais développer sur la tournée. Parce que sur l'album, je ne pouvais pas mettre des cuivres sur tous les morceaux. Au bout d'un moment, ça pourrait s’essouffler un peu. Le son des cuivres peut être pesant sur tout un album.

Cette ambiance musicale est soigneusement emballée. Il n'y a pas que les mélodies, les arrangements et les textes. Il y a une image aussi. On l'a vu il y a quelques semaines lors de la demi-finale du télé-crochet "The Voice". Vous avez proposé sur le plateau une prestation très originale et inspirée de votre périple américain. L'image compte tout autant que le son ?
C'est tout un contexte. C'est vrai que ce sont des idées qui sont nées là-bas. Je me suis inspiré de cet univers qui n'est pas non plus nouveau pour moi. Bien avant, j'écoutais déjà beaucoup les bluesmen de la Nouvelle Orléans. Et, en traînant un peu dans les clubs de jazz, j'ai vu que tous les anciens sont des papys qui jouent . Et ils sont tous très classes. Ils portent tous le nœud pap', le smoking et la chemise blanche. Je trouve ça beau. Ils proposent une vraie représentation. Ils sont sur la scène et ils ne négligent personne. C'est que du bonheur de voir ces mecs-là jouer avec leurs tripes. C'est vrai que c'est quelque chose qui me tenait à cœur de changer, de revenir fringué un peu différemment et d'impliquer tout mon groupe.

Regardez le clip "Je veux du bonheur" de Christophe Maé :



On retrouve une reprise, "It's Only Mystery". Pourquoi en proposer une nouvelle version ?
"Subway", ça sonnait comme une évidence pour moi. Je voulais déjà le mettre sur mon premier album. Sur le second, j'avais fait une adaptation en français mais ça dénaturait l'original. Ça le faisait pas vraiment. Et donc, pour le troisième, je me suis jeté à l'eau. C'est un coup de cœur. Une chanson fétiche. J'ai joué cette chanson pendant dix ans dans les soirées piano-bar. Neuf fois sur dix, quand je commençais à jouer, je démarrais par cette chanson. C'est avec ce titre que j'ai marqué des points. Les gens ont été réceptifs à cette reprise-là.

En parlant de reprises, participerez-vous comme le dit la rumeur à la compilation "Génération Goldman 2", attendue cet été ?
Non. Finalement je n'y serai pas parce que c'est hyper mal tombé. C'est une question de timing plus qu'autre chose. Pour le premier volume, j'étais en studio. Maintenant, je suis en plein marathon promo. Donc je n'ai pas trouvé le temps. Et faire ce truc-là à la va-vite, je n'en ai pas envie. Il aurait fallu que je travaille vraiment le titre, et à ce compte-là que j'essaye vraiment de me le réapproprier. Et là, ce n'est pas possible par manque de temps.

Crédits photo : DR.
Vous parliez à l'instant de votre famille mais vous restez néanmoins très discret au sujet de votre vie privée. Garder pour soi son jardin secret, ça fait partie du secret de la réussite ?
Je ne crois pas. Mais c'est vrai que ce qui me parle le plus c'est de présenter mes chansons et de retrouver les gens en concert pour jouer de la musique. Je me raccroche vraiment à ça. Si je fais ce métier, c'est pour être sur scène. Ce qui m'anime, c'est de faire de la musique et pas de parler de ce que j'ai fait le week-end dernier avec ma petite famille.

« Cet album me colle bien à la peau »
Vous serez d'ailleurs très bientôt en tournée, pour un an. Vous retrouverez au mois d'octobre la scène du Palais des Sports où vous avez fait vos premiers pas il y a quelques années. Pourquoi cette salle plutôt que Bercy, que vous avez déjà rempli par le passé ?
C'est une salle assez grande qui peut quand même accueillir entre 4.000 et 4.500 personnes. Mais il y a aussi une proximité dans cette salle-là que je ne retrouve pas dans les Zénith. C'est aussi un clin d’œil au "Roi Soleil" qui m'a révélé. C'est encore un peu prématuré pour parler de la manière dont la scène sera agencée. Je la réfléchis en ce moment. Je veux peut-être une avancée pour déambuler avec le marching band au milieu du public. Il y aura du monde sur scène. Ce sera une grosse formation.

Les billets se vendent très bien. L'album rencontrera peut-être le même succès que les deux premiers. Vous êtes aujourd'hui l'un des artistes français qui vend le plus de disques en France. Vous n'appréhendez pas trop l'avis du public et l'accueil de la critique ?
Franchement, non ! C'est un "non" sincère. La pression, je la tutoie pendant que je travaille sur mon album. Aujourd'hui, je suis dans le lâcher-prise. Je suis totalement en phase avec cet album, avec toutes les chansons. C'est le plus important pour moi. J'ai l'impression qu'il me colle bien à la peau celui-là. Je croise les doigts. C'est sûr que j'espère qu'il sera bien perçu et qu'il aura droit à un bel accueil. Je m'adresse aux gens qui m'apprécient et qui me suivent. Je ne m'adresse pas à ceux que je ne touche pas. Cet album les fera peut-être changer d'avis. Qui sait (sourire) ?
Pour en savoir plus, visitez son site internet officiel et sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Je veux du bonheur".

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