mercredi 25 juillet 2012 17:00

Nelly Furtado : "Un artiste doit savoir prendre des risques"

A quelques semaines de la sortie en bacs de son nouvel album "The Spirit Indestructible", la chanteuse Nelly Furtado s'est confiée à Pure Charts sur ses inspirations mais également sur sa vision du métier d'artiste. Se démarquant du paysage musical avec de nouvelles chansons associant sons électroniques, urbains et folk, la chanteuse canada-portugaise évoque sans détour la relation qu'elle entretient avec ses fans mais aussi le manque de créativité de certains artistes, la crise du disque en étant la principale cause. Rencontre avec l'interprète de "Say It Right".
Crédits photo : Richard Bernadin
Propos recueillis par Jonathan Hamard

Pure Charts : On a été sans nouvelles de vous ces deux dernières années. Vous avez livré votre best-of en 2010, puis ce fut le silence radio. Que s'est-il passé ? Qu'avez-vous envie de partager avec le public qui vous suit ?
Nelly Furtado : Depuis mon album "Mi plan", je suis partie en tournée pour défendre mes chansons en espagnol. Notamment en Amérique. On a fait pas mal de dates avec toute mon équipe et j'ai aussi récupéré un Grammy au passage. C'était une période vraiment très excitante. J'ai aussi pris du temps pour moi par la suite. J'ai fait beaucoup de rencontres très intéressantes. J'ai beaucoup appris avec ces personnes-là en échangeant sur tout et rien. Et puis, j'ai également pris du temps pour ma vie personnelle, pour fonder une famille notamment. Ensuite, j'ai commencé à réfléchir à ma carrière et je me suis mise à travailler sur un nouvel album. Toute cette période a été salvatrice car essentielle pour me remettre à l'écriture et faire preuve de créativité. Je me suis interrogée sur la vie. Ce sont des questions simples mais existentielles et que l'on se pose lorsque l'on devient mère. Quelles sont nos forces, nos faiblesses…? C'est une introspection qui a débouché sur la personne que je suis aujourd'hui, sans doute plus forte.

« Sommes-nous le moteur de notre propre réussite ? »
D'où l'intitulé de votre nouvel album "The Spirit Indestructible". Pour annoncer ce sixième disque, vous avez posté sur les réseaux sociaux plusieurs vidéos de teasing, pour entretenir votre lien avec le public...
Je pense effectivement qu'il est important de rester en contact avec le public. Mais cette connexion se fait pour ma part, et je pense que c'est comme ça que ça doit être fait, uniquement en rapport avec la musique. Les réseaux sociaux permettent de partager des photos ou même des sons avec des fans qui viennent sur une page personnelle. Ce sont avec ces vidéos de teasing que j'ai pu préparer mon comeback. C'est intéressant dans la mesure où j'ai pu expliquer quelles étaient les inspirations de mes nouvelles chansons avant que le public ne les découvre. C'est une occasion de pouvoir s'exprimer plus directement sur les sujets qui m'importent et expliquer ce que je voulais dire dans telle ou telle chanson. Et puis, les vidéos teasing sont le moyen d'annoncer un nouveau clip, le nom d'un producteur... Les usages sont multiples. Quand le public pourra entendre mon album, c'est à ce moment-là que toutes les pièces du puzzle se mettront en place : les différents teasers prendront tout leur sens. Pour le dernier album "Mi plan", je n'avais pas pu tourner de vidéos en studio. Et c'est là l'un de mes plus grands regrets. C'est sans doute pour cela que nous en avons tant filmés pour ce nouveau disque.

Le teasing, c'est presque une habitude pour beaucoup d'artistes. Pensez-vous que ce soit quelque chose d'essentiel, voire d'incontournable pour réussir son retour ?
Nous vivons dans des mondes totalement différents les uns des autres. L'information est partout et le public en demande toujours plus. Il veut savoir avant même que les choses soient décidées ou réalisées. Certains artistes sont soumis à une grosse pression de leur public et tweetent tout le temps. En ce qui me concerne, je pense qu'on peut se servir de tous ces réseaux sociaux pour donner son opinion. C'est une manière de s'exprimer sur tous les sujets de manière libre, que ce soit en matière de politique aussi. Beaucoup le font. C'est quelque chose qui peut être positif. C'est aussi une manière de faire parler de soi et de promouvoir directement ou indirectement la musique. Peut-être qu'un jour nous n'aurons même plus besoin de passer par les interviews ! (Rires)… C'est quelque chose de tellement complexe et aussi en perpétuelle évolution. Difficile de dire où cela va nous mener.

Pour ce nouvel album, vous prenez des risques avec de nouvelles sonorités et de nouveaux mélanges. Votre dernier album "Mi plan" n'avait pas aussi bien marché que le précédent et le lead single "Big Hoops (Bigger the Better)" n'a pas fait d'étincelles. Appréhendez-vous la sortie de votre nouvel album ? Êtes-vous consciente que ce disque est véritablement déroutant, et ce à plus d'un titre ?
Oui. Parfaitement. J'en suis consciente. Je pense aussi avoir le recul suffisant sur ma carrière pour savoir quelle suite lui donner. Avec un album comme "Mi Plan", je ne pouvais clairement pas égaler le succès de mon précédent album "Loose", avec lequel j'ai remporté beaucoup de succès. Mais cet album en espagnol est bien loin d'être un échec puisqu'il a été récompensé d'un Grammy Award. Pour moi, c'était un vrai succès. Commercialement, il s'est moins vendu, c'est vrai. En ce qui concerne "Big Hoops", c'est un titre très singulier. Je ne l'ai pas écrit pour vendre des disques. Je l'ai écrit pour les gens qui aiment écouter de la musique. Et puis, j'aime beaucoup ce son et tout ce que j'ai pu faire dessus. Donc, peu m'importe qu'il se soit beaucoup vendu. L'essentiel reste de faire de la musique.

On ne sait pas comment décrire "Big Hoops". Est-ce de la pop, de la folk, du R&B ? Comment le définiriez-vous ?
Ah ! Je commencerais par dire que c'est de la très bonne musique ! (Sourire) Mais je dirais plus volontiers qu'on se situe sur le terrain du hip hop et du R&B, très inspiré des sons du début des années 90. Je dirais même que c'est un hommage à cette musique que j'écoutais lorsque j'ai grandi. En réalité, je prends vraiment la parole dans "Big Hoops". Elle représente totalement mon état d'esprit actuel. L'idée de toujours aller plus loin en repoussant sans cesse les limites. Je reconnais celle que j'étais quand j'étais adolescente, quand j'avais 14-15 ans. J'avais envie de dévorer le monde ! (Rires)

Doit-on comprendre que c'est une chanson plus sincère et plus personnelle que d'autres ?
Il n'est pas facile d'être totalement innocent quand on écrit un nouveau titre où que l'on réalise un nouvel album. Il y a des paramètres dont on doit tenir compte, qu'on le veuille ou non. Ce n'est jamais évident d'être la même personne en entrant dans un studio d'enregistrement. On fait ressortir certaines facettes de notre personnalité pour en divulguer d'autres. Le stress et l'envie de créer quelque chose de nouveau font également partie du jeu et nous plongent dans une atmosphère peu commune. Pour mes nouvelles chansons, et c'est encore plus vrai pour "Big Hoops", j'ai voulu me détacher de tous ces carcans et jouer librement. J'ai joué de la musique comme si j'étais une enfant, sans me poser de questions et en faisant strictement tout ce que j'avais envie de faire. "Big Hoops" représente totalement cet état d'esprit, et c'est pour cela qu'il était important qu'il soit le premier extrait de l'album "The Spirit Indestructible".

« "The Spirit Indestruc-tible" est en quelque sorte le langage de l'esprit. »
Quel a été le meilleur moment dans la phase de création de cet album ?
Oh ! Il y en a tellement ! Peut-être quand on a enregistré la chanson "High Life". C'est une chanson à propos de ma vie, encore une fois. (Sourire) C'est une chanson qui parle du succès. Je parle du rêve de réussite et de la réalité du succès. Je mets les deux en opposition et je me pose la question suivante : est-on prédestiné à connaître le succès ou sommes-nous le moteur de notre propre réussite ? Il y a différents types d'exploits et de succès. Il peut être éphémère ou durer jusqu'à la nuit des temps. En réalité, tout dépend de la voie que l'on emprunte.

L'album "The Spirit Indestructible" mélange les registres. Ces associations de sons aussi variées sont-elles, d'une certaine manière, représentatives de toutes les facettes de votre personnalité ?
Je dirais plutôt que chacun de mes albums est représentatif de ma personnalité et de mes goûts à un moment donné de ma vie. Pour "Folklore", j'ai mis en avant mon côté romantique, j'ai pris de l'altitude pour "Whoa Nelly", "Loose" a un côté plus dramatique et "Mi plan", c'est la passion... Ce nouvel album, c'est celui de l'esprit, pour sûr. J'y ai mis beaucoup de sentiments. C'est un disque conçu à travers le voyage. Il résulte d'une réflexion sur la vie et l'environnement dans lequel certains évoluent. C'est pour cela qu'on retrouve autant de styles différents. Tout se mélange comme quand tout s’embrouille dans votre tête ! (Rires)

Faut-il comprendre le terme spirituel au sens de religieux ?
"The Spirit Indestructible" est en quelque sorte le langage de l'esprit. Rien à voir avec la dévotion ! Je parle de sentiments humains. En réalisant cet album, j'avais envie qu'on termine son écoute en ayant l'impression d'avoir pris un grand bol d'air frais, qu'on se sente plus zen. Je ne voulais rien de dark sur ce disque mais plutôt offrir au public quelque chose de lumineux.

S'il fallait retenir un titre pour exprimer cette idée, lequel souhaiteriez-vous faire écouter ?
Hormis répondre tous (sourire), je pense à la chanson-titre "Spirit Indestructible". C'est peut-être la plus belle chanson que j'ai pu chanter.



Pensez-vous que les artistes, de manière plus générale, ne prennent pas assez de risques et se cantonnent à servir la musique du moment ?
C'est évident ! (Rires) Pourtant, un artiste doit savoir prendre des risques. Il doit être capable de se renouveler en faisant s'il le faut appel à d'autres producteurs pour apporter à sa musique une touche originale. En allumant la radio, on a aussi envie d'entendre des titres percutants qui ne se ressemblent pas tous. De la créativité ! Je pense qu'à un moment ou un autre, il faut savoir prendre des risques et se mettre en danger. C'est ça être un artiste ! Faire un bon album commercial, on en est tous capable. Mais partir à la recherche de nouveaux sons, être en quête de nouvelles choses et parler véritablement de soi, c'est beaucoup moins évident. Je ne connais pas un seul artiste qui ait su durer dans le temps sans jamais se mettre en danger. Aucun.

« Madonna se challenge elle-même. »
Avez-vous un exemple d'artiste qui a su prendre des risques pour se renouveler ?
Pas vraiment. A vrai dire, si je devais en nommer un, ce serait sans doute Madonna. Sa nouvelle tournée est vraiment intéressante. Elle a intellectualisé un concept et des idées. Sur scène, elle danse beaucoup et propose des décors pharaoniques. C'est toujours du grand spectacle, mais c'est aussi toujours intellectualisé. Cette femme n'a cessé de suivre son instinct en dépit de tout ce qui pouvait être dit de négatif à son encontre. Elle ne s'est pas laissée influencer par la critique. Si demain elle se lançait dans une autre tournée, elle ne proposerait pas la même chose. Ce serait forcément différent. Elle sait se renouveler et créer la surprise, même si elle a suivi la tendance pour son dernier album en faisant appel à des DJ. Madonna se challenge elle-même. Les gens continueront d'aller la voir en concert dans trois ans, cinq ans...
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Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Nelly Furtado sur Pure Charts.

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