jeudi 17 novembre 2011 19:50

Chimène en interview

Un peu plus d'un an après la parution de son quatrième album "Laisse-les dire", premier pas en direction d'un virage artistique majeur vers la musique soul, Chimène est de retour avec "Gospel & Soul". Dans les bacs le 21 novembre, ce disque composé de reprises de titres est un nouveau départ pour l'interprète de "Je vais te chercher" et "Le miroir". L'occasion pour la chanteuse de faire aussi un bilan de ses bientôt dix ans de carrière en notre compagnie. Rencontre.


« C'est un album de reprises sincère et sur lequel je me suis fait plaisir. »
Tu reviens avec un très bon projet, qui, je dois te l'avouer, est moins alléchant sur le papier qu'il est agréable pour les oreilles. Tu reviens avec un disque de reprises alors que ton dernier opus s'est moins bien vendu que les précédents. N'as-tu pas peur des comparaisons ou d'être pointée du doigt comme étant une artiste en manque d'inspiration ? (Jonathan Hamard)
Chimène : Je n'ai aucun problème avec ça ! D'abord, ce n'est que mon premier album de reprises. J'ai déjà travaillé sur quatre albums studios qui ont quand même très bien fonctionné. Même le dernier "Laisse-les dire". C'est vrai que ce ne sont pas vraiment les chiffres que j'ai pu connaître par le passé, mais on est quand même disque de platine pour 150 000 exemplaires vendus. La crise du disque est là ! Je suis dans l'ensemble satisfaite : je vois des artistes qui, même avec des disques originaux n'arrivent pas à ce résultat. En ce qui concerne mon nouveau disque, je te dirais que je n'ai pas fait un disque de reprises pour faire des reprises. Je l'ai fait parce que j'avais tout simplement envie. Le projet est né pendant ma dernière tournée pour l'album "Laisse-les dire". Quand je suis montée sur scène, je pensais déjà au prochain album. Je notais dans un coin de ma tête toutes les choses que je voulais retrouver dans d'autres chansons. Et puis, il y a eu la reprise du titre "Son Of A Preacher Man" que je chantais pendant ma tournée. Ça "groovais" et ça me plaisait vraiment beaucoup. Je me suis dit que c'est dans cette direction-là que je devais aller. C'était vraiment dans la continuité de "Laisse-les dire". J'ai dit à mon équipe que je voulais un album de reprises gospel. Au début, on prévoyait de faire un disque en anglais. Puis un jour, j'ai appelé Valéry [ndlr : Valéry Zeitoun]. Lui voulait m'appeler aussi. En fait, nous avons eu la même idée au même moment : je lui ai dit que je voulais faire des reprises de chansons françaises. Mais je voulais que ces titres soient traités de la même manière que les morceaux anglais. Valéry me dit : "Tu te moques de moi, j'avais la même idée". Plus besoin de se voir ! On doit communiquer par télépathie. Donc un album de reprises : oui ! Mais un album avec des titres qui ont pour moi une signification. Je n'ai pas repris ces titres-là pour rien : ce sont des chansons que je connais depuis toute petite. Janis Joplin, je l'écoute depuis que j'ai cinq ans. C'est mon père qui me l'a fait découvrir. J'ai véritablement grandi avec ces chansons-là. C'est donc un album de reprises sincère et sur lequel je me suis fait plaisir.

Tu admettras qu'il paraît dans un contexte où nombreux sont les albums de reprises. Et tu sais comme moi que le public associe malheureusement reprise à manque de créativité.
Je sais qu'il y a plein d'albums de reprises en ce moment. Je n'ai aucun avis là-dessus. Pour ma part, je l'ai fait parce qu'il y a une vraie continuité avec mon précédent projet "Laisse-les dire". Il y a une vraie logique avec ce que je voulais faire. On a essayé d'aborder ce son que j'aime de manière progressive avec "Laisse-les dire" pour en arriver à "Gospel & Soul". On ne pouvait pas le faire de manière radicale. On peut prendre des risques mais il faut rester modéré. Il faut faire attention et bien réfléchir. C'est sûr que ce projet est différent de tout ce que j'ai fait auparavant mais c'est là où je voulais en venir. Pourquoi moi je devrais, par peur de choquer le public, me frustrer ? Et puis c'est aussi une forme de respect pour mon public : je ne vais pas leur servir la même soupe toute ma vie. J'aime cette musique, je l'écoute, elle est en moi depuis toujours. Si elle fait partie de moi, je peux me permettre d'en faire un disque. C'est aussi une question de respect pour moi.

Pour ceux qui te suivent, je suis tout à fait d'accord avec toi pour dire que "Gospel & Soul" s'inscrit véritablement dans la continuité de "Laisse-les dire". Mais pour beaucoup, tu casses littéralement ton image.
Oui, et alors ? Quelque part, j'en ai envie à ce moment-là de ma vie. Je ne dis pas que dans deux ans je n'aurais pas envie de refaire de la variété pure. C'est ça le problème : à un moment donné, il faut pouvoir assumer ses envies. Comme tous les êtres humains, j'ai des envies que je dois pouvoir assouvir en tant qu'artiste. Quand une femme enceinte veut quelque chose, elle n’attend pas. Si elle veut tremper des cornichons dans de la glace, elle le fait. Je ne voulais pas des cornichons mais du gospel. Et peut-être que dans deux ans je voudrais du jazz. Je ne veux pas me cantonner à un genre de musique précis. J'espère que les gens le verront d'un bon œil. Je trouve juste dommage de devoir m'enfermer dans un case, dans un registre, pour tout le reste de ma carrière. En France, on a un peu trop tendance à penser comme ça.

Il y a trois ans, Seal sortait l'album "Soul". Cet automne, il publie "Soul 2". Penses-tu qu'il y a un regain d'intérêts pour la soul music en 2011 ?
Je ne sais pas. Peut-être... Mais Seal reste Seal : il a une voix complètement différente de la mienne. On ne reprend certainement pas les mêmes titres et lui ne chantera pas en français. Du moins je ne pense pas. Je n'ai pas envie de me pourrir avec ce genre de question. Sinon, ça ne sert à rien de plancher sur un nouveau projet. Je m'égarerais en réfléchissant trop sur le sujet. Je souhaite faire découvrir une nouvelle part de moi à mon public qu'il ne soupçonnait pas. Car personne ne m'attendait là.



Tu reprends Otis Redding sur "Gospel & Soul". C'est un artiste qui a le vent en poupe cette année car plusieurs artistes se sont replongés dans son répertoire. D'où le connais-tu ?
Otis Redding : c'est mon père ! Toute la musique soul et gospel, c'est ce que mon père écoutait. Tout ce qui sonne "variété", c'est plus du côté de ma mère. J'écoutais Stevie Wonder, Janis Joplin... et Otis Redding. J'ai cette culture musicale depuis que je suis toute petite. Je vais donc évidemment te dire que je suis très contente d'apprendre qu'il est beaucoup repris cette année puisque je l'aime beaucoup.

Otis Redding fait partie de ces artistes américains que tu reprends. C'était essentiel pour un projet comme celui-là de chanter en anglais. C'est la première fois que l'un de tes disques est majoritairement chanter dans une autre langue que le français. As-tu pensé que tu pouvais traduire les morceaux ou l'anglais était d'emblée envisagé ?
Oh que non ! Je ne peux quand même traduire des chansons comme celle-là. Sinon, il n'y a plus aucun intérêt. Ce qui était important pour moi avec ce projet, c'était de pouvoir associer deux langues et deux univers sur un même album, secouer le tout pour obtenir quelque chose de vrai et de concluant. Ce n'est pas forcément évident de faire "groover" des titres de Nicole Croisille comme ceux de Marvin Gaye.

« Si une femme enceinte veut tremper des cornichons dans de la glace, elle le fait. »
C'était effectivement le défi de cet album : conjuguer deux ambiances si différentes.
Oui. Quand j'écoute cet album en entier, à aucun moment je me demande ce que tel ou tel titre fait au milieu des autres.

La production a beaucoup joué pour obtenir un tel résultat.
C'est la touche Régis Ceccarelli.

Penses-tu qu'un autre musicien aurait pu produire les mêmes arrangements ?
En France ? Je ne sais pas. Je crois que Régis à la force d'être hyper ouvert. Il n'est pas fermé et il ne travaille pas tout seul dans son coin. J'ai pu lui proposer des choses. Quand tu lui expliques quelque chose : Régis le comprend. Quand on lui a donné les directives avec toute l'équipe, qu'on s'est mis d'accord sur ce que l'on voulait entendre, ça a donné cette magie-là. On lui a dit qu'il ne devait pas avoir peur et qu'il devait y aller. Après, à savoir si un autre producteur en France aurait pu travailler comme lui, honnêtement je ne sais pas. Régis a relevé le défi haut la main.

A-t-il fait mieux que ce que tu attendais ? T'a-t-il appris des choses ?
Il a vraiment fait mieux que ce je croyais entendre au final. Pour "Parlez-moi de lui", je savais qu'on n'aurait pas trop de mal à faire quelque chose de bien. Je trouvais qu'elle sonnait déjà "groovy" avant qu'on la reprenne. Un titre comme "Ma liberté", en revanche, c'était beaucoup plus difficile de l'emmener là où on voulait. Parce qu'en plus il y a dans cette chanson un texte fort qui ne devait pas être mangé par les arrangements. Il fallait garder l'esprit de cette chanson tout en l'amenant où on voulait aller.

Je dirais d'ailleurs que c'est l'un des titres les plus réussis de ce disque.
Je suis tout à fait d'accord avec toi. Au point même que je voulais en faire mon premier single.

« Régis a relevé le défi haut la main. »
Et pourquoi alors ne pas l'avoir mis en avant dès le départ ?
Parce qu'après réflexion, il valait peut-être mieux le garder pour plus tard. Mais si je m'étais écoutée, c'est ce titre que j'aurais sorti en premier parce que je le trouve vraiment très fort. J'aimais déjà cette chanson auparavant et je la porte désormais dans mon cœur depuis que j'ai entendu les nouveaux arrangements. Je m'attendais effectivement à quelque chose de bien, mais pas d'aussi canon. Quand j'écoute mon album, je me dis : "Ça sonne comme ça sur l'un de mes disques ? C'est vraiment bien !". Quand j'écoute "Down By The Riverside", je trouve que ça sonne "Nouvelle-Orléans". Ça me fait super plaisir de pouvoir publier un album comme celui-là parce que j'en suis hyper fière. J'aurais pu faire un disque de reprises comme celui-là avant "Laisse-les dire" mais j'ai refusé. Je voulais vraiment prendre le temps de le faire car ce sont des titres que j'apprécie énormément, qui me parlent, et des artistes que je respecte et pour qui j'ai une profonde affection.

Découvrez le nouveau clip de Chimène, "Ain't No Mountain High Enough" :


« Mon problème, c'est que je suis capable de tout chanter. »
Je pense aussi qu'il fallait une voix pour oser ce projet. Dis-moi si je me trompe mais je ne pense pas que n'importe quelle chanteuse aurait pu reprendre ces titres de cette manière. Penses-tu que, au risque de passer pour quelqu'un d'arrogant, tu disposes d'une voix adéquate et singulière ?
Oui, je pense l'avoir pour ça, Tant pis si je passe pour quelqu'un de prétentieux. Je l'assume. Je peux chanter beaucoup de choses et c'est là mon problème. J'ai des goûts très éclectiques : je peux aimer et chanter un titre rap comme j'aime beaucoup la variété. Je la respecte même. Je ne suis pas fermée aux autres registres : j'aime la musique du monde en général. Mon problème, c'est que je suis capable de tout chanter. Sauf qu'à un moment donné, les gens ont envie de me mettre dans une case plutôt que de me laisser faire ce que je veux. Qu'on me juge par rapport à ma voix ou sur un titre en expliquant qu'il est fort ou pas, je comprends. Qu'on me juge sur mon style, je ne suis pas d'accord. Tu comprends ce que je veux te dire ? Si l'on me dit que l'album "Gospel & Soul" est mauvais parce que les titres ont mal été choisis ou que je chante mal, je le conçois. Mais qu'on me reproche d'être allée dans cette direction, ce n'est pas un argument valable.

Au sujet du choix des chansons justement. Y avait-il simplement cette petite dizaine de titres qui était retenue ? En as-tu enregistré d'autres ?
Non, tu te doutes bien qu'il y en a d'autres. Mais nous n'avons pas tout gardé sinon il aurait fallu faire un disque en plusieurs volumes. A un moment donné, il a fallu faire un choix. Valéry, mon directeur artistique et moi, nous avions préparé chacun dans notre coin une petite liste des titres que l'on voulait pour ce disque. On a fait un brainstorming : beaucoup de titres étaient similaires sur chacune de nos listes. Et heureusement j'ai envie dire. Tu imagines si nous n'avions aucun titre en commun ? Nous étions tous sur la même longueur d'onde.



« "Je viens du sud" ne me fait plus aucun effet. »
Au sujet de tes deux premiers albums, parce que "Le miroir" est un peu entre les temps, qui sont totalement différents de ce que tu fais aujourd'hui, quel regard portes-tu sur ton évolution aujourd'hui ?
Je suis d'accord avec toi pour "Le miroir". C'est comme une transition entre les deux premiers disques et ce que je peux vouloir depuis "Laisse-les dire". J'aime beaucoup mes deux premiers albums. Tout a été très très vite pour le premier. Le second m'a apporté beaucoup de succès. Il y a des titres que je continuerai de chanter. Je ne les renierai jamais car je les aime vraiment.

Parce qu'il y a des fans de la première heure qui pourraient se demander si tu continueras de chanter tes premières chansons au regard du virage artistique que tu as souhaité pour "Gospel & Soul".
J'assume totalement mes premières chansons. Je dirais même que c'est devant le public qu'elles prennent toute leur ampleur. Si je chante "Je viens du sud" pour moi toute seule, je te dirais bien qu'elle ne me fait plus aucun effet. Je l'ai tellement chantée. C'est normal. Après, quand je l'interprète sur scène, elle reprend toute sa magie. Donc je ne peux pas l'oublier. Jamais je ne reviendrai en arrière. Il faut juste que le public accepte que Chimène grandisse, qu'elle évolue et qu'elle a de nouvelles envies.

En parlant de "Je viens du sud", j'ai une petite anecdote pour toi. Pour sa prochaine tournée, Michel Sardou chantera comme il est dit "ses plus grands tubes". Au tracklisting figure la chanson "Je viens du sud" que beaucoup autour de moi ne connaissaient pas avant ta reprise.
Je vais te dire : ils ne sont pas les seuls (rires). Au-delà de ça, je trouve ça génial de redonner une nouvelle vie à ce morceau.

Voilà où je voulais en venir : penses-tu que tu pourrais offrir une nouvelle vie à la chanson "Parlez-moi de lui" de Nicole Croisille comme tu l'as fait avec le titre de Michel Sardou ?
Je ne sais pas. Je ne me suis même pas posée la question. Ce serait vraiment super ! J'ai quand même envie de te dire que je tiens avant tout à faire découvrir l'album. Je ne veux pas fonctionner de manière traditionnelle où il faut à tout prix lancer un single, puis un deuxième, faire la promo de chaque titre dans l'ordre, etc... Je chante des chansons différentes sur les plateaux de télévision. C'est vrai que j'ai déjà enregistré trois émissions où je chante "Parlez-moi de lui". Au concert de la tolérance j'ai chanté Stevie Wonder et pour le "Chabada" spécial gospel je vais bien sûr interpréter les titres les plus gospel de l'album. C'est sûr que ce n'est pas la même manière de promouvoir qu'habituellement, mais je trouve aussi que c'est moins ennuyeux pour un artiste de procéder de la sorte. J'évite la lassitude en chantant deux ou trois titres différents de manière simultanée.

Dernier point que je voulais aborder au sujet de cet album : les duos. C'est indispensable j'ai envie de dire pour un projet comme celui-là. Est-ce toi qui es allée voir Billy Paul pour "Ain’t No Mountain High Enough" ?
Ce n'était pas mon idée. C'est Valéry Zeitoun qui l'a proposé. Je n'aurais jamais osé rêver d'un duo. Valéry s'en est chargé. Peu après, il me rappelle pour me dire que c'est bon et que l'on allait enregistrer le titre. Mais j'étais encore loin d'imaginer que je serais véritablement dans le même studio que Billy Paul. J'étais vraiment très contente d'apprendre cette nouvelle. J'en ai pleuré de joie.

Enfin, je voulais savoir pourquoi tu n'as pas souhaité écrire ton nom de famille sur la pochette de l'album "Gospel & Soul". Il est seulement écrit : Chimène.
Je suis très contente de cette pochette. On a de belles photos et une belle police d'écriture. Pourquoi Chimène et pas Chimène Badi ? C'était déjà le cas pour "Laisse-le dire". J'ai simplement envie de te répondre que je trouve que c'est plus cool. On n'a pas besoin de mon nom pour savoir qui je suis. Les gens me connaissent maintenant. Et puis mon public m'appelle simplement Chimène. Au départ, je me faisais appeler Chimène Badi parce que Valéry Zeitoun trouvait que ça faisait plus crédible. Je n'étais pas forcément d'accord car je voulais protéger ma famille. Puis finalement, tu vois qu'on a enlevé le nom de famille. "Chimène Badi Gospel & Soul" : ça sonne moins bien tout de suite (rires).

Pour en savoir plus, visitez chimene.fr, ou le Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Chimène Badi sur Pure Charts.
Visionnez le teaser du nouvel album de Chimène Badi, "Gospel & Soul" :

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