vendredi 23 janvier 2009 0:00

Hélène Segara en interview

Hélène Segara est de retour avec un surprenant voyage musical. Son nouvel album "Mon pays c'est la Terre" permet à l'artiste de revisiter des chansons du monde entier et de faire découvrir sous un jour nouveau des titres plus ou moins connus du grand public. Hélène Segara prouve avec talent que la musique et les chansons n'ont pas de frontières. Interview.
Bonjour Hélène, comment est née l'idée de cet album "Mon pays c'est la Terre" (Nikolas Lenoir, journaliste) ?
Hélène Segara : C'est une idée que j'avais depuis longtemps. Avant d'être connue, je chantais en piano-bar, dans des hôtels pour gagner ma vie et je le faisais déjà en sept langues. Il y a certaines chansons intemporelles que j'aimais reprendre et je me disais qu'il serait bien que je les chante de nouveau sur scène. Après l'album "Quand l'éternité", j'avais envie de me tourner un peu plus vers les autres, vers le Monde et j'ai ainsi mis en route ce projet.

L'album "Quand l'éternité" était assez conceptuel autour des thèmes du temps, de l'absence, de la solitude. Ce nouvel album est un voyage musical avec des adaptations de chansons issues de nombreux pays du Monde. Comment choisis-tu les concepts de tes albums ?
Je n'ai pas vraiment réfléchi à cela de cette façon. L'album "Quand l'éternité" correspondait à ce que je vivais. Je n'aurais pas pu faire autre chose, c'était en quelque sorte mon album "thérapie" tout en me disant que tout le monde passe par des épreuves, des blessures. Partager les miennes en musique peut aussi aider d'autres personnes dans ce qu'elles vivent. Le titre "Father" a suscité beaucoup de courriers et beaucoup de gens m'ont dit avoir pleuré sur cette chanson. Mon but n'est pas de faire pleurer les gens mais en tout cas de les aider à canaliser ou à faire sortir des émotions qu'ils retiennent. C'était un projet tellement sincère et vécu que j'ai pu faire un vrai travail de reconstruction grâce à ce disque. J'ai ainsi pu me tourner de nouveau vers les autres et entreprendre ce nouvel album "Mon pays c'est la Terre."

Est-ce qu'il a été difficile de choisir les seize chansons de ce nouvel opus ?
Cela dépend des pays. Pour certains, cela était évident. Je pense par exemple à "Greensleeves" ("D'ici") pour l'Angleterre, "En aranjuez con tu amor" ("Mon pays c'est la Terre") pour l'Espagne et "E lucevan le stelle" ("Illumination") pour l'Italie. Pour d'autres pays tels que la Chine, la Russie ainsi que les chansons du continent africain, j'ai écouté pas mal de choses pour savoir ce qui me conviendrait le mieux.

Pour les chansons du continent africain, tu as ainsi adapté "Sodade" de Césaria Evora en "Qu'est-ce qu'on va faire avec ce Monde" et "Asimbonanga" de Johnny Clegg en "La paix nous vient de toi". Comment as-tu choisi et adapté cette chanson ?
C'est une chanson emblématique de l'Afrique de Sud et c'est ainsi que j'ai contacté Johnny Clegg. C'est une chanson anti-Apartheid et qui parle également des victimes. Il a pris position, il a fait de la prison et c'est aussi pour cela qu'il est appelé le zoulou blanc. J'ai voulu rendre hommage à ces hommes avec un message universel et positif. Aujourd'hui, les choses ont beaucoup évolué et l'élection d'Obama nous le rappelle.

Cet album montre que la musique est vraiment universelle. On se rend compte également que les textes que tu as écrits sont beaucoup plus universels que sur l'album précédent par exemple. Était-ce un choix, une évidence ?
C'était voulu car le but était de montrer l'universalité, l'unité du genre humain et la musique est un outil merveilleux pour cela. La musique passe les frontières et je voulais que les gens comprennent bien le sens de cet album. Si j'y mets une chanson en hébreu et une chanson en arabe, c'est vraiment car j'espère que l'on trouvera à un moment donné un terrain d'entente entre tous les pays qui s'opposent les uns aux autres. La musique permet de faire passer beaucoup de messages et notamment des messages de paix donc quand je me suis mise à l'adaptation française des textes, je voulais vraiment que le sens soit lié à cela.

Par rapport à ce travail de réadaptation dont tu parles, on est vraiment surpris par tout le travail fait lorsque l'on va écouter les chansons originales qui ne sont pas toutes connues du grand public. Comment cela s'est passé pour la chanson d'Ofra Haza par exemple dont le titre original "Im nin alu" est devenu "Où que j'aille" ?
J'ai beaucoup travaillé sur la phonétique. Je chantais "Im nin alu" en yéménite il y a plusieurs années. Lorsque l'on met des paroles en français, il y a certaines choses qui ne sonnent pas du tout dans certaines langues. Cela fait que lors de l'écriture, il ne suffisait pas que les phrases me plaisent ou soient jolies, je voulais que cela sonne et de la même manière que dans la langue étrangère. J'étais ainsi beaucoup plus limitée dans le choix des mots. Cette cohérence phonétique a été le travail le plus difficile. De plus, je voulais rester dans le sens du texte que je voulais donner tout en choisissant des mots qui aient une certaine richesse.

Cette réadaptation d'"Im nin alu" est très surprenante et tu as vraiment su lui donner une nouvelle vie.
Je te remercie et il est vrai que j'adore cette chanson également. C'est mon mari qui l'a réalisée. J'ouvre le spectacle avec ce titre et cela met le feu d'entrée. J'aimerais d'ailleurs que l'on en fasse un remix dance. À la base, c'est une belle chanson de toute façon. Ofra Haza est malheureusement morte et elle a connu un destin tragique. Je trouve bien qu'on le redécouvre cette chanson ainsi que cette grande artiste qu'était Ofra Haza. Je n'ai pas voulu trop changer cette chanson car elle avait déjà une grande magie. Les sons, les arrangements avaient vieilli depuis les années 90 et nous les avons retravaillés.

Avec cet album, as-tu envie également que le public découvre ou redécouvre des chansons ainsi que leurs interprètes originaux ?
C'est en effet l'un des objectifs. J'ai fait un gros travail de fourmi pour cet album. J'ai sélectionné les chansons, j'ai été cherché les traductions, j'ai voulu savoir pourquoi elles avaient été écrites. "Greensleeves" avait été composé par le roi Henri VIII d'Angleterre quand il est tombé amoureux d'Anne Boleyn. On rentre ainsi dans des épisodes du passé et mon but est aussi que certaines générations redécouvrent des chansons intemporelles mais toujours aussi magnifiques. Je n'ai pas choisi que du traditionnel. "Greensleeves" est une chanson traditionnelle mais "Im nin alu" ne l'est pas. Cependant, il faut savoir qu'à l'origine cette chanson est une très ancienne prière yéménite, une prière de paix.

La chanson arménienne "Dele Yaman" a une histoire particulière puisqu'elle est dans la langue maternelle de ta mère mais aussi car tu l'as découverte lors d'un voyage. Comment cela s'est passé ?
C'est Charles Aznavour qui m'a fait découvrir cette magnifique chanson lors d'un voyage en Arménie. Charles a demandé d'interpréter ce titre a cappella à un chanteur dans un restaurant. Cette chanson m'a bouleversé et en rentrant en France, je l'ai recherchée car je voulais absolument l'interpréter.

Le partage de la musique est aussi présent dans tes duos. Après les collaborations avec Andrea Bocelli et Laura Pausini, on découvre dans ce nouvel album un titre avec Maurane. Comment s'est passée cette rencontre et ce duo sur "Greensleeves" ?
Maurane est une amie de longue date et de plus, j'adore sa voix. Je trouve que ce duo est une réussite et je souhaite qu'il devienne un single. Je suis très contente que nos deux voix se rencontrent sur cette chanson.

Quel sera le second single extrait de cet album "Mon pays c'est la Terre" ?
Ce n'est pas encore arrêté mais je pense que ce sera "Harramt Ahebbak" ("Danse à nouveau"). J'aime beaucoup cette chanson, elle est très festive.

On remarque dans cet album une évolution vocale, une richesse encore plus grande en nuances notamment. Est-ce lié à un travail particulier, aux chansons de l'album ?
J'ai beaucoup préparé ma voix et c'était un choix pour cette aventure. J'ai commencé à travailler avec Richard Cross depuis plusieurs mois et forcément, cela se ressent vocalement et c'est très agréable. Je redécouvre ma voix, je la contrôle plus.

Cet album est accompagné d'une tournée intitulée "Un tour de la Terre". Que proposes-tu pour ces concerts ?
Je propose un voyage dans un concert ludique. On met le public dans l'ambiance directement en commençant par "Im nin alu" et on le fait voyager d'un pays à un autre, d'une culture à une autre. C'est aussi un voyage dans le temps car j'ai entièrement revisité un medley Notre Dame-de-Paris. C'est le spectacle qui m'a donné le plus de travail mais d'après les fidèles, c'est le plus beau. J'ai fait deux soirs à l'Olympia et les critiques ont dit la même chose donc j'étais assez contente. L'important est cependant que le public soit heureux et qu'il ait eu deux heures d'évasion.

Est-ce que cet album t'a encore plus donné envie de faire découvrir ta musique et ces chansons dans d'autres pays ?
Je tourne depuis déjà quelques temps à l'étranger et je fais d'ailleurs d'autres pays cette année, notamment les pays du Maghreb, la Russie, l'Arménie, la Roumanie. Mon but est de montrer le côté universel des choses. Je veux partager ma culture française et ma culture citoyenne du Monde. Cela ne se fait pas en termes d'ambition mais en termes de plaisir. Je trouve que c'est enrichissant de voyager, de découvrir des pays, des cultures. Quand je découvre un pays, je suis très curieuse de leur culture, de leur philosophie, de leur manière de vivre. Je prends ensuite ce qui me plaît, je fais mon propre patchwork et ma collection de souvenirs.

Quel regard portes-tu sur tes albums ?
Je ne renie rien, ils font partie de ce que je suis devenue. Le premier "Cœur de verre" est romantique, cœur brisé. Le deuxième "Au nom d'une femme" me ressemblait également. "Humaine" est aussi un bel album. "Quand l'éternité" est celui qui m'est le plus intime. Ce nouveau disque "Mon pays c'est la Terre" est fondamentalement tissé de beaucoup de sentiments que j'ai et d'humanisme. Ils font tous partie de mon évolution et je pense qu'il ne faut rien renier dans une vie. On aime certaines choses plus que d'autres mais le plus important pour les chansons ait qu'elles aient touché le public.

Ton image semblait assez mélancolique, voire triste et elle est devenue plus joyeuse. Est-ce quelque chose que tu as souhaité ou est-ce venu naturellement ?
Je pense que je n'ai jamais été triste mais que les médias m'ont collé cette étiquette. Je n'avais pas vraiment d'interviews, de talk-shows pour démontrer l'inverse. Mes amis qui me connaissent depuis des années savaient que je n'étais pas quelqu'un de triste mais j'étais certainement moins épanouie qu'aujourd'hui.

En parlant de ta joie et de ta bonne humeur, le public t'a découvert en stand-up dans l'émission "Stars et Comédie" de Laurent Ruquier. Que retiens-tu de cette expérience ?
J'ai vraiment eu peur et j'en retiens des compliments de Fabrice Éboué et de Guy Bedos qui m'ont vraiment surpris. C'est une expérience très ludique qui m'a appris des choses sur moi-même. Une fois que j'ai dépassé le trac, je me suis beaucoup amusée. Je n'ai pas regretté de l'avoir fait même si j'ai dû me forcer au départ.

Tu as fait part d'un vrai talent de comédienne dans cette prestation. D'ailleurs, est-ce vrai que tu as refusé le rôle de Satine dans "Moulin Rouge" ?
C'est vrai. À l'époque où je faisais Notre Dame-de-Paris, les producteurs du film étaient venus à Paris car ils recherchaient une française. Quand ils m'ont vu en Esméralda, ils m'ont proposé un bout d'essai. Je devais être en guêpière, porte-jarretelles, jouer la femme hyper séductrice. Je ne me sentais pas à la hauteur de cela et il faut dire que Nicole Kidman a excellé dans ce rôle. Elle est magnifique dans ce film.

Quelles sont les prochaines étapes, tes envies pour la suite de ta carrière ?
Je ne sais pas encore. Je commence à être approchée pour de la comédie. C'est un nouveau défi et aussi une peur pour moi. De toute façon, j'ai envie de continuer la musique. Même si cela devient difficile, c'est mon mode d'expression, le moyen de transmettre mes émotions et de partager avec le public.

Tu t'impliques dans plusieurs associations et tu es notamment ambassadrice de l'association Rêves. Considères-tu cela comme un devoir d'artiste ?
Ce n'est pas un devoir d'artiste, c'est un choix humain. Je suis beaucoup sollicitée par les associations et je soutiens celles qui font partie de mes opinions et auxquelles je pense pouvoir apporter un peu d'aide. Je trouve que ce serait une très mauvaise idée qu'un artiste se dise, je suis connu, je dois soutenir une association. On fait les choses avec sincérité ou pour redorer son blason, ce n'est pas du tout la même démarche. En ce qui me concerne, je pense qu'il est bien de s'impliquer autour de soi quand on est gâtés par la vie mais ce n'est pas seulement cela. Je suis heureuse en tant qu'artiste mais aussi en tant que femme donc même si je n'aurais pas été connue, j'aurais fait de l'associatif. D'ailleurs, quand j'étais plus jeune, je m'impliquais pour une association qui s'appelait Jericho et qui collectait puis redistribuait des vêtements.

Tu es assez assidue à Internet. Quel est ton rapport avec ce moyen de communication et de diffusion ?
Je vais en effet beaucoup sur Internet et je me rends d'ailleurs souvent sur Charts in France afin de m'informer sur l'actualité musicale notamment. Je reconnais que vous n'êtes pas toujours tendres avec moi mais je n'ai vraiment aucune rancune avec cela. J'accepte la critique car elle peut être sensée et constructive. J'ai aussi un forum officiel où je vais souvent. Je considère que le net a de très bons côtés mais aussi certains côtés moins agréables. Sur ce point, c'est le même constat que ce qui se passe lors d'une manifestation, il y a des casseurs qui s'y glissent. Quand on créé un espace d'expression, il y a ainsi des gens qui vont l'utiliser dans un sens détourné, c'est le côté insaisissable du net. Je relativise donc ce que je peux lire, dont certains commentaires qui sont assez durs. L'important est quand même l'expression et pour cela, Internet reste un outil formidable. J'utilise Internet car je suis très curieuse de nature, je m'en sers également pour acheter des disques, faire du shopping.

Quel message aimerais-tu transmettre aux internautes ?
J'aimerais leur dire qu'il est important d'essayer d'être des internautes responsables. Quand on se rend sur des sites, que l'on utilise Internet avec passion, il faut aussi voir ce que l'on peut faire pour lutter contre ce qui est négatif sur le net. Il a des atouts formidables mais aussi des inconvénients. Le net est en train de tuer plusieurs industries dont le disque et le cinéma. Je le constate concrètement avec des licenciements dans les maisons de disques. Quand on achète une baguette, on la paie. Les temps économiques actuels sont difficiles et je comprends que les gens n'aient pas beaucoup de moyens pour acheter un disque ou un film. Cependant, il me semble important de patienter, d'économiser plutôt que de voler car cela créé un vrai déséquilibre. Je m'occupe aussi de diverses associations et j'aimerais inviter les internautes à signaler tout message à caractère pédophile afin de pouvoir localiser et retrouver les personnes qui créent un véritable trafic. On peut tous aider et avoir un rôle dans notre société pour faire de bonnes choses.

Merci Hélène pour cette belle interview.
Merci à toi.

Pour en savoir plus, visitez lnsegara.artistes.universalmusic.fr.
Pour écouter et/ou télécharger le nouvel album d'Hélène Segara, cliquez sur ce lien.
Retrouvez le clip "Qu'est-ce qu'on va faire avec ce monde ?" :
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