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samedi 02 décembre 2017 14:00

Sam Smith en interview : ''Avec le succès, j'ai découvert mes côtés sombres"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
C'est dans une suite de Londres, un jour de grisaille, que Sam Smith nous a reçu. En toute décontraction, d'une voix douce et calme, le chanteur britannique a répondu aux questions de Pure Charts pour parler de son nouvel album "The Thrill of It All", de l'impact du succès sur sa vie, de ses angoisses et de son addiction à la nourriture. Rencontre avec une star qui a su rester simple.
Crédits photo : Capitol
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

La dernière fois que toi et moi s'étions rencontrés, tu étais un jeune artiste sur le point de sortir son premier album... Tout ça semble désormais bien loin !
C'est fou, hein ? J'ai vécu et appris tellement de choses ces trois dernières années. Ça m'a fait grandir très vite. Mais aussi sombré. Aujourd'hui, je me sens mieux paré à ce que ce métier me réserve.

" La célébrité n'est pas simple à vivre "
A-t-il été simple de te faire à la célébrité ?
Au début, ça a semblé facile... Mais en fin de compte, c'est devenu épuisant. Une fois que l'effet de nouveauté s'est estompé. Quand on a commencé à me reconnaître et que j'ai touché un peu d'argent, c'était super excitant. Tout était nouveau pour moi. Mais à un moment, j'ai réalisé que je ne pourrais plus jamais revenir en arrière... Être interpellé dans la rue, tous les jours, toute ma vie ? Comment gérer ça ? Il faut prendre le temps d'y réfléchir. Ce n'est pas si simple. C'est un travail où tout le monde te regarde sans arrêt. Ça peut être stimulant mais aussi dur à vivre. Tout est relatif. Chacun d'entre nous connait des hauts et des bas dans sa profession. Si la gloire et la fortune rendaient heureux, ça se saurait ! La famille, la musique et l'amour, c'est ça la clé du bonheur.

Tu arrives encore à avoir une vie normale ?
C'est ma normalité, maintenant. (Sourire) C'est normal pour moi de vivre cette vie à 100 à l'heure. Tout dépend de ce qu'on appelle normalité, en fait ! Mais... oui. Je reste quelqu'un de simple dans ma vie de tous les jours. Mes perspectives ont forcément changé avec le succès, mais je continue de faire tout ce que je faisais avant d'être célèbre.

Même d'aller chercher sa baguette de pain ?
Oh mais bien sûr ! Je continue d'aller dans les boîtes de nuit gay aussi. (Rires)

Comment fait-on pour garder les pieds sur Terre ?
Je ne sais pas. Je cherche encore à résoudre l'équation. Pour être tout à fait honnête, je ne pense pas avoir pris la grosse tête. Ma famille et mes amis n'autoriseraient jamais ça. Mon équipe n'a pas peur de me dire de fermer ma gueule quand je dis des conneries ! (Rires) J'écoute avec attention les conseils de mes parents et de ma soeur. De toute façon, j'évite de m'entourer de personnes qui disent "oui" à tout, car c'est la raison qui, à mon avis, fait perdre de vue la réalité à certains. Ils se disent que personne ne leur dira "non". Quand tout le monde est aux petits soins avec toi, parce que tu les payes, c'est là que ça devient dangereux. Il ne faut pas que ton équipe te répondre "oui oui, bien sûr" à chaque fois et te traite comme un boss. Je ne suis pas le boss ! J'ai 25 ans, je ne sais même pas ce que je fais. (Rires)

Regardez le clip "One Last Song" de Sam Smith :



Ton deuxième album "The Thrill of It All" vient de paraître. Après l'énorme succès du premier, quel était le plus gros défi à relever ?
J'avais une pression de dingue. Vraiment. La pression était si forte que je n'arrivais même pas à en parler jusqu'à il y a encore quelques jours. Mais maintenant que l'album a réalisé de beaux scores, ça va mieux. J'ai l'impression d'avoir passé une épreuve. C'était effrayant de revenir après "In The Lonely Hour". Cet album que j'ai fait pour moi est devenu un monstre en quelque sorte. Ce n'était plus le mien après. Il était à tout le monde. Désormais, quand je fais un autre album, je le fais pour des personnes qui sont impatientes de l'écouter... C'est une expérience très différente. J'ai dû prendre du recul parce que j'ai besoin d'écrire des chansons pour moi. Je ne crois pas que je sortirais un jour de la musique que je ne peux pas assumer. C'est important ! Si je faisais un disque qui ressemble à tous les autres, je ne pourrais pas m'asseoir et en parler comme je le fais avec toi. Chacune de mes chansons raconte l'histoire de ma vie. Même si les gens n'aiment pas, on ne peut pas me reprocher de ne pas être sincère. Si j'affirme "C'est un titre sur un homme que j'ai aimé et dont l'histoire s'est mal terminée", personne ne peut me contredire sur ce point ! C'est un fait, c'est une histoire, c'est une partie de moi. Pour écrire un album, j'ai besoin de ressentir les choses comme un être humain.

" Toute ma jeunesse, j'ai fantasmé sur des mecs hétéros ! "
Comment procèdes-tu pour écrire tes chansons ?
C'est différent pour chaque titre. J'écris des paroles et je couche des idées sur papier tout le temps. J'ai besoin d'être dans un état d'esprit. J'ai trouvé le nom "In The Lonely Hour" très vite et je savais que cet album retracerait ma vie amoureuse jusqu'à aujourd'hui. Toute mon enfance, j'ai fantasmé sur des mecs hétéros. C'était comme ça. C'est de ça que parle ce disque. Je voulais arrêter de fantasmer dessus ! (Rires) Et depuis que j'ai écrit ces chansons, je ne suis plus jamais tombé amoureux d'un hétéro. Avec "The Thrill of It All", je savais qu'il était temps pour moi d'explorer qui je suis. J'ai découvert tous mes côtés sombres. Au lieu d'être blessé par des hommes, parfois c'est moi qui ai fait du mal... Je sortais et buvais beaucoup. Je me suis beaucoup trop laissé aller. Je ne me respectais pas. Mais j'avais besoin de traverser cette phase pour commencer à m'aimer. C'est un peu pareil pour tout le monde quand on grandit, je crois. Parce que j'ai écrit "The Thrill of It All", je pense maintenant être capable d'écrire des chansons heureuses.

Ce n'est pas trop délicat d'exposer des choses aussi intimes ?
Non, pour moi ça ne l'est pas car j'ai été élevé comme ça. Mon père est quelqu'un de très sensible. Ma mère, ma soeur, ma famille : nous nous laissons tous guider par notre coeur. On est comme ça. (Sourire) Parfois, on parle même un peu trop de nos sentiments, jusqu'à un point où on se montre trop ouvert. Il y a des choses qu'on doit garder pour soi-même afin d'y réfléchir seul. Il y a quelques jours, j'étais avec ma soeur, je parlais, je parlais, et je ne pouvais plus m'arrêter ! (Rires) J'ai besoin de me calmer et de résoudre mes problèmes par moi-même. Mais bon, c'est dans ma nature. Et puis j'ai le sentiment que si je me livre vraiment, si je présente mes doutes, mes craintes et mes peurs les plus profondes, on ne me demandera pas davantage. On m'acceptera comme je suis. Cet album représente non pas le journal de ma vie mais de ma vulnérabilité.

"Too Good At Goobyes" parle d'une rupture amoureuse. Te souviens-tu du moment où tu l'as écrite ?
Oh oui. Ça faisait deux mois que j'étais dans une relation décousue qui s'était déjà arrêtée plusieurs fois. Pour la troisième fois, je savais que ça allait encore se terminer... et pourtant, je savais que tout irait bien parce que j'étais préparé. J'ai la peau dure et ça me joue parfois des tours. J'ai du mal à baisser la garde. Je suis tellement habitué à penser que tout va mal se terminer... Mais il faut garder espoir.

Regardez le clip "Too Good At Goobyes" :



Sur cet album, tu ne parles pas que d'amour. "Pray" est un titre sur les souffrances de la guerre...
Je l'ai écrite après un voyage en Irak avec une association humanitaire appelée War Child. J'y ai vu les choses les plus atroces de toute ma vie. On m'a raconté des histoires terribles. Quand je suis rentré, j'ai réalisé que je vivais dans une bulle. Que je n'avais pas vraiment ouvert les yeux sur le monde jusqu'ici, ni sur ce qu'il se passe politiquement. Tu comprends, quand j'étais plus jeune, je préférais jouer aux jeux vidéos ou sortir en discothèque plutôt que de suivre l'actualité et faire face à la réalité ! C'est de ça que parle cette chanson. De moi, Sam Smith, qui grandit.

" Les gens s'imaginent que je suis dépressif "
As-tu hésité avant d'aborder un sujet qui touche à la politique ?
Bien sûr. Mais au début je ne pensais pas vraiment qu'on allait m'entraîner sur ce terrain-là en interview. Ça m'a un peu effrayé. Mais maintenant, je n'ai plus peur. (Il réfléchit quelques secondes) Je ne suis pas un garçon très intelligent. C'est vrai ! (Rires) Je suis émotionnellement intelligent mais je ne suis pas un rat de bibliothèque. Donc je ne suis pas pour parler d'un domaine que je ne maîtrise pas. Je suis là pour parler d'humanité. D'émotion. Et je crois que c'est justement ce qu'il manque au monde politique. C'est très factuel et on oublie souvent ce que peuvent ressentir les gens. Moi j'ai envie de parler de ça. J'ai essayé d'écrire des chansons qui étaient politiques mais elles étaient très donneuses de leçons. Trop directes. « Faisons-ci, faisons cela... ». Ça ne marchait pas vraiment car je ne suis pas là pour dire aux gens quoi penser. Personne n'aime ça. Surtout venant d'un type qui a vendu des millions de disques. (Rires) En fait, j'avais envie d'exprimer ce que moi je ressentais. "Pray" parle de ma relation avec la politique et de comment je vois le monde.

La musique a-t-elle le pouvoir de le changer, ce monde ?
Oui. A 100%. Parce qu'elle réunit et unit les peuples. Mais il faut que les gens soient prêts à écouter. Le sommes-nous vraiment ? Les gens n'ont pas envie d'entendre parler de politique quand ils écoutent de la musique. Ils veulent un échappatoire. Ils veulent entendre parler d'amour, ils veulent du fun, ils veulent du sexy... Et je ne leur en veux pas. Je suis pareil qu'eux. Quand j'allume la télé et que je découvre toutes les horreurs que dit Trump, je veux juste me défouler sur du Fifth Harmony ! Je les adore tellement. Les gens s'imaginent que je suis dépressif tout le temps. Et c'est vrai, des fois je m'installe, j'écoute du Joni Mitchell et je pleure sans raison. Mais je suis vraiment FAN de la pop bitchy. (Rires)

" Je ne suis pas vraiment ami avec d'autres stars "
Tu partages avec la jeune chanteuse britannique Yebba le titre "No Peace". Comment en êtes-vous venus à travailler ensemble ?
Je l'ai entendue chanter une chanson intitulée "My Mind" sur YouTube. Sa voix m'a obsédé ! Techniquement, c'est l'une des interprètes les plus incroyables au monde. Mais ce n'était pas que sa voix, c'était aussi la chaleur qui se dégageait d'elle. Je trouvais que ses paroles et son coeur se mariaient parfaitement à l'univers de cet album. Et ce duo, "No Peace", parle de sa mère. C'est un titre très sombre mais aussi très profond. « I'll light up a cigarette »... Encore une fois, je trouvais sa plume magnifique. Tout est connecté à la notion d'auto-destruction et c'est un peu l'état d'esprit dans lequel j'étais en écrivant "The Thrill of It All".

Pourquoi n'y a-t-il qu'un seul duo sur l'album ?
Il faut que ça soit naturel. Je n'aime pas trop ces complotages de label. Je ne suis pas vraiment ami avec beaucoup de gens célèbres, pour être honnête. J'ai rencontré tous mes amis à l'école. Je suis très isolé à Londres. Et je ne vois pas trop l'intérêt de collaborer avec des personnes que je ne connais pas dans la vraie vie. Pour Yebba, je voulais juste la rencontrer. Je ne voulais pas collaborer avec elle dans un premier temps. On a été très chanceux de bien s'entendre ! Quand les choses sont arrangées, je crois que ça se sent. Par exemple, quand Elton John et George Michael chantaient "Don't Let the Sun Go Down on Me", ça se voyait qu'ils étaient hyper impatients de monter sur scène ensemble ! C'était authentique.



Nouvel album, nouvelles chansons mais aussi... nouveau look ! Est-ce la notoriété, le fait de te retrouver sous le feu des projecteurs, qui t'a motivé à changer ton apparence ?
C'est un mélange de plusieurs raisons. J'ai toujours eu un problème avec mon poids. Mon père était coach sportif quand j'étais plus jeune et il me forçait à faire de l'exercice tous les jours avec lui. Il n'y avait pas de sucre à la maison, pas de bonbon. Parce je suis addict à la nourriture ! Vraiment. Je vis une relation malsaine avec la nourriture. (Rires) Dès que je me sens stressé ou malheureux, ou même quand je suis amoureux, je commence à manger.

" Je suis addict à la nourriture "
Quel est ton péché mignon ?
Oh, le fromage... Tout sorte de fromage. J'aime tellement les fromages français ! Dès que je viens à Paris, j'en commande. (Rires) Mais ce n'est pas très sain. J'ai toujours lutté contre ça quand j'étais enfant. Mon poids, c'était le yoyo. Quand j'ai signé mon premier contrat, j'ai reçu de l'argent pour la première fois de ma vie. Et j'ai tout dépensé dans la nourriture. Chaque fois que j'ai eu du mal à gérer ma notoriété, je me suis réfugié dans la nourriture. J'ai grossi et grossi... jusqu'au jour où j'ai été pris en photo par des paparazzi torse nu sur une plage d'Australie. C'est le déclic qui m'a poussé à perdre du poids. C'est triste au final. C'est pour cette raison que je ne veux pas inciter les gens à faire des régimes ou quoi. Je ne sais pas si j'y serais arrivé si je n'avais pas eu une nutritionniste et un coach sportif. J'ai vraiment eu besoin qu'on me tienne par la main et qu'on m'aide, parce que c'était une vraie addiction. Ça demande énormément de volonté.

Maintenant que tu as remporté quatre Grammy Awards et un Oscar, quelle est la prochaine étape ? Quels rêves te restent-ils à atteindre ?
Je veux juste durer. C'est tout ce que je désire. Je ne veux pas battre les ventes de mon précédent album, je ne veux pas perdre en qualité juste pour passer sur les radios, je ne veux pas remporter d'autres Grammys... Même si ça serait fantastique ! Tout ce qui m'arrive aujourd'hui est un magnifique bonus. Je me sens très chanceux. Je veux avoir 60 ans, me produire sur scène et chanter "Stay With Me". Avec un verre de vin. La foule qui crie. C'est tout ce que je désire. Cela dit, je rêverais de jouer à Wembley Stadium. C'est peut-être la seule chose que je désire ardemment. Mais je ne veux pas devenir ce magnat du business. Je veux juste être là où je suis en étant une bonne personne.

Tu devrais chanter dans un film Disney !
Oh, j'adorerais ! Et j'aimerais beaucoup écrire une comédie musicale, un jour. J'aimerais laisser mon empreinte.

Retrouvez Sam Smith sur samsmithworld.com ou sa page Facebook.
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