Crédits photo : Montage Pure Charts
« Alors on vit chaque jour comme le dernier, palapapa ! ». Qui n'a pas un jour fredonné le refrain de "Parce qu'on vient de loin", tube incontournable des années 2000 qui a propulsé Corneille sous le feu des projecteurs et pleinement lancé sa carrière ? Alors qu'il vient de publier l'album "Encre rose", le chanteur de 45 ans remonte deux décennies en arrière pour un nouveau format "Raconte" de Pure Charts. « Je me rappelle précisément de l'inspiration du texte parce que ça faisait quelques années que je vivais à Montréal. J'observais beaucoup de jeunes de mon âge qui venaient du Rwanda et qui étaient devenus adultes beaucoup trop vite. Moi inclus » explique, en vidéo, l'artiste né en Allemagne mais de nationalité canadienne, frappé à l'époque par sa propre réalité, celle d'avoir survécu au pire : « A 12 ans, je ne m'imaginais pas à 20 ans être complètement indépendant, autonome, ne pouvant compter sur que sur moi pour subvenir à mes besoins. Et donc la chanson a commencé comme ça : "Nous sommes nos propres pères, si jeunes et pourtant si vieux". (...) J'ai eu cet air "Palapapa" qui me rentrait dans la tête et les accords me sont arrivés assez rapidement. La chanson a dû me prendre un jour pour l'écrire ».

"C'est une manière protégée de parler de moi"

En toile de fond de "Parce qu'on vient de loin" ? Le génocide des Tutsi au Rwanda, que Corneille a lui-même vécu en assistant à la mort de ses parents, ses deux frères et sa petite soeur par un groupe armé. Un drame dont il est miraculeusement sorti indemne et qui a bouleversé son existence. Il n'avait que 17 ans à l'époque. « Avec le recul, je n'étais pas triste du tout quand j'ai écrit cette chanson. Elle est partie d'une observation : on a été forcé de se prendre en main assez tôt. Aujourd'hui, je me rends compte que j'ai chanté un idéal. C'est probablement la chose la plus difficile à faire, de vivre chaque jour comme le dernier, en espérant et en priant que tout se passe bien. C'était un espoir » analyse Corneille, aujourd'hui père de deux enfants et qui a trouvé dans la musique est sorte de refuge : « La chanson, c'est une manière protégée de parler de moi, je me cache derrière un peu de poésie, un peu de musique, un peu de groove et de rythme, mais je ne le fais pas consciemment ».

"Tout a été un ouragan"

Lorsque la chanson sort en décembre 2003, Corneille est loin d'imaginer qu'elle va entrer si profondément dans le coeur du public. « Tout le monde y a trouvé un peu de sa vie. C'est extraordinaire quand même de parler de soi et de se rendre compte qu'on parle des autres aussi. C'est là que je trouve l'utile dans mon métier : plus on est vrai avec soi-même et plus on a l'impression d'être dans sa propre intimité singulière, plus on parle des autres » estime l'interprète de "Bon voyage". Pourtant, le chanteur l'admet : cette soudaine exposition a été « brutale » : « Jusqu'à l'été 2003, ça se passait super bien, j'avais un disque d'or, des tubes, "Avec classe", "Rêves de star"... Ça allait super bien, c'était un joli succès pour un premier album. Mais lorsque je suis revenu en France pour participer aux Pièces jaunes, il s'était passé tout un tas de trucs mais tellement rapidement que je n'étais pas préparé. Depuis, tout a été un ouragan de succès, d'accolades, d'applaudissements. Je pense que j'étais dans la survie. C'est étrange à dire mais le succès dans la lumière, ce n'est pas évident à vivre. (...) Ça me laissant quand même un grand vide. Il a fallu que je fasse une pause parce que ça peut être lourd à gérer ».




Après un burn out, Corneille a donc préféré « tout arrêté » pour trouver un équilibre. Le chanteur, reconnaissant, a tout de même conscience d'avoir eu « énormément de chance » et estime que l'élan d'amour qu'il a reçu du public grâce à "Parce qu'on vient de loin" l'a « décomplexé » dans son approche de l'écriture. « J'ai trouvé le courage de me révéler dans le succès de cet album. Quand on écrit, on touche l'âme ou le coeur des gens à ce niveau-là. "Parce qu'on vient de loin", ce n'est quasiment plus ma chanson. Même si je l'ai écrite et composée, elle est devenue celle de tous ceux à qui elle a fait du bien à un moment de leur vie » confesse l'artiste, qui a appris à se détacher de la notion de succès : « Je comprends toujours pas mon succès, je ne comprends pas pourquoi je suis encore là 20 ans plus tard. J'arrête de me poser des questions et je dis merci ».