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dimanche 19 septembre 2021 12:40

Barbara Pravi en interview : "Je m'étais faite à l'idée que cet album ne sortirait jamais"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Depuis sa deuxième place à l'Eurovision, Barbara Pravi a travaillé d'arrache pied sur son premier album "On n'enferme pas les oiseaux". En interview pour Pure Charts, la chanteuse se confie sur sa liberté, ses débuts difficiles dans l'industrie musicale, sa grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer ou encore sa tournée. Entretien avec une artiste inspirante.
Crédits photo : Nicolas and Siermond
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Ton premier album est sorti et il s'appelle "On n'enferme pas les oiseaux". C'était important pour toi d'imposer ta liberté jusque dans le titre du disque ?
Oui, en fait c'est une phrase de la chanson "L'homme et l'oiseau", et elle n'a pas du tout le même sens quand tu l'écoutes dans la chanson et quand elle est en titre d'album. Ça m'a paru hyper évident d'appeler l'album comme ça. Si je devais faire un résumé en une phrase de ces six ans, de changements, de mouvements intérieurs, de recherches, d'où j'en suis, de la femme que je suis devenue, de la musicienne que je suis devenue, ces six ans s'appelleraient comme ça.

« On cherche souvent à imposer des choses aux artistes »
On comprend donc que c'est toi l'oiseau. On a voulu t'enfermer au début de ta carrière ?
Oui, carrément. On a voulu m'imposer. On cherche souvent à imposer des choses aux artistes, aux gens en général. Et je crois aussi qu'on s'impose des choses à soi, par peur du regard des autres par exemple. Pour plein de raisons... Et c'est quand on se libère de ces choses-là qu'on devient vraiment soi-même.

Tu t'imposais quoi ? Tu voulais rentrer dans un moule pour que ça marche ?
Oui ! Je pense que je n'essayais pas de faire de la musique pour moi, j'essayais de faire de la musique par rapport à ce que des gens, qui semblaient professionnels, me disaient qu'il fallait que je fasse. J'avais peur. Je me souviens carrément de mes premiers concerts au Réservoir, où je ne pouvais pas monter sur scène sans faire relire le texte que j'avais écrit entre chaque chanson, que j'avais appris par coeur. On m'avait dit que c'était comme ça qu'il fallait faire. Si je sortais de scène et que j'avais dit un mot qui dépassait, j'avais peur de me faire engueuler. C'était vraiment un trip !

Alors que, quand on te rencontre, s'il y a bien quelque chose qui te caractérise c'est la spontanéité...
Absolument ! Mais j'acceptais ça aussi. Je pensais que c'était comme ça qu'il fallait faire. J'avais peur. Je ne me posais pas la question de ce dont moi j'avais envie. C'est tout un chemin intérieur, et d'acceptation de soi pour soi.

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C'est plus difficile pour les femmes dans l'industrie, surtout quand elles débutent ?
Ce qui est plus difficile c'est que la femme est sexualisée, sexualisable. Quand tu ne connais personne, que tu n'as pas les codes, tu as tendance à penser que c'est ça qu'il faut faire, parce qu'on te le dit. Alors qu'en fait pas du tout.

« On ne me laissait pas écrire ni composer »
On a essayé de te sexualiser ?
Non mais c'est plutôt qu'on ne me laissait pas écrire ni composer. On me disait que je ne savais pas faire. On a plus tendance à te réduire... En fait, tu es un objet, une poupée, un truc qu'on dirige. Et on se dit : "Un jour, je ferai de l'argent sur sa gueule".

J'imagine que sortir ton premier album que tu écris, composes, interprètes, ça doit avoir une saveur toute particulière pour toi ?
Ah oui... Et puis ce qui est très joli c'est que c'est une construction qui est tellement longue, en passant par tellement d'étapes et de premières fois. Cet album, c'est comme si je passais une nouvelle étape de ma vie. C'est incroyable parce qu'il a quelque chose de mûr pour un premier album, enfin je crois, mais c'est parce qu'il s'est passé plein de trucs en six ans. Et l'Eurovision, j'en parle pas... C'est un délire !

Tu le vois comme une victoire, une revanche ?
Oh non... Alors moi, je suis la personne la moins revancharde du monde. La revanche pour moi, ça n'existe pas. J'ai tellement appris. Toutes ces expériences m'ont construite. Après, quand tu vis des trucs un peu douloureux, il faut aussi avoir la capacité de se remettre en question, d'essayer de comprendre. J'ai une immense gratitude et beaucoup d'amour pour la Barbara que j'étais il y a six ans. Je lui dis : "Ma pauvre, tu étais trop mignonne. Il va t'arriver plein de trucs complètement ouf. Et en même temps, tu vas t'en sortir et ça va être formidable. Tu vas te transformer et devenir ce que tu as envie d'être, selon les codes que tu te mettras à toi-même". C'est magnifique !

A tes débuts, tu annonçais un album mais finalement c'est un EP qui est arrivé, ça a mis beaucoup de temps. Tu pensais qu'il ne sortirait jamais cet album ?
Je m'étais faite à l'idée que ça ne sortirait pas. En même temps, c'était presque devenu une blague. Ce n'était pas grave parce que je faisais plein d'autres choses. Je me disais que je sortirais des EP, que je ferais peut-être des concerts un jour... Je m'étais un peu résignée de faire un album. On me disait : "Les albums, ça ne marche plus, personne n'écoute plus d'albums". Mais je n'étais pas résignée de faire de la musique.

« Le moteur de la vie c'est la joie »
Dans "Femme", tu regrettes qu'on pense souvent qu'une femme ne puisse pas écrire et composer. En le faisant aujourd'hui, tu veux montrer aux autres que c'est possible malgré tout ce qu'on peut dire ?
Tout est possible. Souvent, les barrières qu'on a, c'est l'illustration de nos propres peurs. Je pars du principe que tout est possible. Tout ce que j'ai fait, sachant que je ne connaissais rien ni personne, illustre ça. Passer son temps à donner des coups de pieds dans les enclos, et surtout ne jamais baisser ses ambitions, ses espoirs, ses espérances.

Regardez le clip "Saute" de Barbara Pravi :



Tu as l'impression d'incarner quelque chose pour d'autres artistes ?
Je ne me pose pas trop ces questions-là. J'essaie déjà d'incarner quelque chose pour moi-même, ce qui est pas mal, et pas mal fatigant. (Rires) Je crois que je suis quelqu'un de très positif dans la vie, alors si cette joie-là elle se voit, elle peut inspirer, alors tant mieux. Le moteur de la vie, c'est la joie.

Lors d'une interview qu'on avait faite ensemble à l'Eurovision, tu me disais avoir eu du mal à créer des chansons rythmées sur l'album. C'était aussi important pour ne pas t'enfermer dans une image de chanteuse à ballades ?
Non parce que si j'avais eu envie de faire que des piano-voix, je l'aurais fait. Ça aurait été possible d'ailleurs. Je crois que cet album a plein de facettes. Je suis quelqu'un qui a plein de facettes, comme tout le monde. On n'est pas que tristes ou heureux. C'était important qu'il y ait plein de bouts de moi dans ce disque. 90% du temps je suis super heureuse. Mais c'est presque plus facile pour moi de faire des chansons tristes, c'est ma tendance musicale. Les trucs qui pleurent je trouve ça formidable. C'était un défi de réussir à mettre en musique la femme que je suis tous les jours.

« Ma grand-mère, c'était une guerrière »
Dans la chanson "La ritournelle", tu parles de la maladie d'Alzheimer, dont ta grand-mère est atteinte. Comment ton grand-père a réagi en l'écoutant ?
Mon grand-père quand il est trop ému, il m'appelle pas, il m'envoie des textos. Donc il m'a écrit un texto. (Sourire) Je l'ai enregistrée il y a deux ans cette chanson, je ne l'ai pas chantée depuis. Quelque part, c'est plus un hommage à mon grand-père qu'à ma grand-mère, parce que je me mets à sa place d'après ce que mon grand-père m'en dit, de ce qui le rend malheureux. C'est une espère de mise en exergue de mon grand-père. Je ne suis pas proche de ma grand-mère car c'est impossible de l'être avec quelqu'un qui est malade à ce point-là, mais je suis proche d'elle par le simple fait d'être sa petite fille, d'avoir du sang à elle qui coule dans mes veines. Ma grand-mère, c'était une femme médecin. Elle est juive, pied noir d'Algérie, elle est arrivée en France, elle s'est battue. Il fallait être première de la classe pour arriver en France et faire ces études de médecine. C'était vraiment une guerrière. En même temps, elle n'aimait pas les femmes... Elle n'aimait pas grand-monde d'ailleurs. C'était une femme très complexe. Je sais qu'il y a beaucoup de choses d'elle que j'ai en moi.

Depuis l'Eurovision, tu rayonnes à l’étranger. Ton album vient de sortir dans quelques pays et tu chanteras en tournée en Europe. Comment tu vis cette nouvelle notoriété à l'étranger ?
C'est super joyeux, c'est hyper beau. Tu dois faire référence à l'anecdote où je suis allée au Portugal pour la première fois de ma vie cet été. J'étais en train de boire un coup avec mon mec et là trois personnes trop mignonnes s'arrêtent, mais je voyais qu'elles ne voulaient pas trop me déranger. Elles m'ont dit en anglais qu'elles avaient acheté leurs places pour mon concert. J'étais hyper émue. Tu imagines, tu es dans un pays que tu ne connais pas, une ville que tu ne connais pas... C'est magnifique.

Tu ne t'y attendais pas ? L'Eurovision, c'est tout de même une audience énorme...
Oui mais ça tu le sais... C'est comme quand tu montes sur scène et qu'on te dit : "Il y a 200 millions qui vont regarder". Ok mais en réalité, c'est une salle noire où tu ne vois pas les gens. C'est un concept mais tu ne le vis pas. Et puis quand je vais quelque part, je ne pense pas du tout à ça.




« Un album de chanson française intéresse des journalistes à l'international »
Et maintenant que tu as ce statut d'artiste internationale, ça change quoi au quotidien ?
Je ne sais pas trop parce qu'en réalité depuis que j'ai commencé, ou en tout cas depuis qu'on s'intéresse à moi, c'est à la fois en français et en anglais avec l'Eurovision. C'est tout nouveau mais c'est un peu le même genre de planning. Ce qui est compliqué et fatigant, dans le sens où il faut que le cerveau soit bien ouvert, c'est que je ne suis pas anglophone et donc je dois six fois par jour faire des Zoom avec des pays différents en anglais, et chaque journaliste a un accent de son pays. Parfois, c'est dur ! (Rires) Mais c'est dingue ! Tu imagines qu'un album de chanson française ça intéresse des journalistes à l'international.

Tu penses d'ailleurs ré-enregistrer tes chansons dans certaines langues ?
Ce qui est certain, c'est qu'à chaque fois que j'irai jouer dans un pays, j'apprendrai une chanson du pays pour la faire en live. Ça c'est sûr. Le reste, je ne pense pas du tout. Je pense déjà à chanter mes chansons dans ma langue et à me souvenir de mes textes. (Rires)

Tu vas donner deux concerts au Trianon de Paris, où tu as été serveuse. Quel sentiment c'est ?
C'est incroyable, en plus ils sont complets ! A l'époque, je me souviens bien, le concert c'était Brigitte Fontaine, c'est un drôle de concert en plus. Je la regardais sur scène, et je me disais : "Un jour je serai sur cette scène". Mais pas en mode "objectif de vie" mais je le savais, je ne peux pas t'expliquer. Ce qui est magnifique c'est la temporalité. J'avais 18 ans et quand je vais monter sur la scène du Trianon, j'aurai 28 ans, 10 ans après...

« Faire l'Olympia, ça dépasse l'entendement »
Il y a aussi un concert prévu à Olympia, une salle mythique. Tu dois être honorée j'imagine ?
Evidemment. C'est le 5 décembre 2022 donc dans un peu plus d'un an... Ça dépasse l'entendement. Tu te dis "Je ferai l'Olympia en fin de carrière", car c'est la salle de la consécration avec les lettres rouges, et en fait ça arrive maintenant.

Comment tu penses le live pour cet album ? Déjà quand on te voit chanter "Voilà", tu donnes beaucoup... Dans quel état, tu sors de scène ?
C'est très très vocal, c'est très intense. Oui ça me demande une énergie assez ouf, c'est pour ça que je ne ferai pas plus de trois dates d'affilées par semaine. Physiquement, ce n'est pas possible... Enfin si mais l'idée, il faut que ça reste du plaisir. Sur scène, j'ai des musiciens vraiment géniaux, on est que trois pour le moment, mais on sera quatre à terme : pianiste, contrebassiste, violoncelliste et moi. Je laisse vachement de place à mes musiciens parce que c'est hyper important. "Saute" ou "La vague", on en fait des versions longues. J'essaie de faire des moments de musique, pour le public.

Certains ne le savent peut-être pas mais tu as écrit "Bim bam toi" et "J'imagine" pour les deux derniers concours Eurovision Junior. Tu vas écrire la chanson pour la France cette année aussi ?
En fait, je pense qu'ils ne m'ont pas demandé parce qu'ils savent que cette année je ne pourrai pas, c'est une évidence. Mais peut-être l'année prochaine ou l'année d'après. J'adore ça, écrire pour les enfants, donc avec plaisir, mais cette année je n'aurai pas le temps.

C'est un tout autre exercice de style...
Pour moi, c'est trop facile parce que je fais juste appel au petit garçon de 12 ans qui est à l'intérieur de moi. Enfin, la petite fille d'ailleurs... (Rires) Peu importe. Mais je, crois que c'est un petit garçon. Il est là, il sautille, il est tout content. J'adore, c'est trop marrant !
Ecoutez et/ou téléchargez le premier album "On n'enferme pas les oiseaux" de Barbara Pravi sur Pure Charts !
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